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09/11/2011

Slavoj Žižek à « Occupy Wall Street »

 

Allocution, traduite par mes soins car (grrr) je viens seulement de m'apercevoir que des traductions existaient déjà ailleurs, de l'intéressant philosophe « marxien » slovène (celui qui avait balancé à BHL atterré : « Vous semblez considérer que seul le libéralisme peut sauver la gauche ») à Zuccotti Park, rebaptisé Liberty Place, New York, le 9 octobre 2011.


« Ils disent que nous sommes tous des perdants, mais les véritables perdants sont là-bas, à Wall Street. Ils ont été renflouées par des milliards de notre argent.

Nous sommes appelés socialistes, mais ici, le socialisme c'est toujours pour les riches. Ils disent que nous ne respectons pas la propriété privée, mais dans le krach financier de 2008 il a été détruit davantage de propriété privée durement gagnée que si nous tous, ici, nous étions employés à la détruire nuit et jour pendant des semaines.

Ils vous disent que nous sommes des rêveurs. Les vrais rêveurs sont ceux qui pensent que les choses peuvent continuer indéfiniment telles qu'elles sont. Nous ne sommes pas des rêveurs. Nous sommes l'éveil d'un rêve qui est en train de virer au cauchemar.

Nous ne sommes pas en train de détruire quoi que ce soit. Nous sommes seulement les témoins de la façon dont le système s'autodétruit.

Nous connaissons tous la scène classique des dessins animés. Le chat atteint un précipice, mais il continue à marcher, en ignorant le fait qu'il n'y a rien sous ses pieds. C'est seulement quand il regarde vers le bas et le remarque, qu'il tombe. C'est ce que nous faisons ici. Nous disons aux gars là-bas à Wall Street : "Hé, regardez en bas !"

À la mi-avril 2011, le gouvernement chinois a interdit à la télévision, dans les films et les romans, toute histoire contenant une réalité alternative ou un voyage dans le temps. C'est un bon signe pour la Chine. Ces gens continuent de rêver à des alternatives, donc [le régime est obligé de] leur interdire ces rêves.

Ici, nous n'avons pas besoin d'une interdiction, parce que le système régnant a opprimé jusqu'à notre aptitude à rêver. Regardez les films que nous voyons tout le temps. Il est facile d'imaginer la fin du monde. Un astéroïde détruisant toute vie et ainsi de suite. Mais vous ne pouvez pas imaginer la fin du capitalisme.

Alors, que faisons-nous ici ?

Laissez-moi vous raconter une merveilleuse vieille blague de l'époque communiste. Un gars fut envoyé d'Allemagne de l'Est pour travailler en Sibérie. Il savait que son courrier serait lu par les censeurs, alors il dit à ses amis : "Nous allons établir un code. Si une lettre que vous recevez de moi est écrite à l'encre bleue, ce que je dis est vrai. Si elle est écrite à l'encre rouge, c'est faux". Un mois après, ses amis reçoivent la première lettre. Tout est en bleu. Elle dit, cette lettre : "Tout est merveilleux ici. Les magasins sont remplis de bonne nourriture. Les cinémas montrent des bons films de l'Ouest. Les appartements sont grands et luxueux. La seule chose que vous ne pouvez pas acheter, c'est de l'encre rouge".

Voilà comment nous vivons. Nous avons toutes les libertés que nous voulons. Mais ce qui nous manque, c'est l'encre rouge : le langage pour exprimer notre non-liberté. La façon dont on nous apprend à parler de la liberté - guerre à la terreur et ainsi de suite - falsifie la liberté. Et c'est ce que vous faites ici. Vous nous donnez à tous de l'encre rouge.

Il y a un danger. Ne tombez pas amoureux de vous-mêmes. Nous passons un bon moment ici. Mais souvenez-vous, les carnavals ne coûtent pas cher. Ce qui importe, c'est le lendemain, quand nous aurons à revenir à une vie normale. Y aura-t-il des changements, alors ? Je ne veux pas que vous vous rappeliez ces jours-ci, vous savez, comme : "Oh, nous étions jeunes et c'était magnifique".

Rappelez-vous que notre message de base est : "Nous sommes autorisés à réfléchir à des alternatives". Si le tabou est brisé, nous [savons que nous] ne vivons pas dans le meilleur des mondes possibles. Mais il y a un long chemin à parcourir. Il y a des questions vraiment difficiles qui nous font face. Nous savons ce que nous ne voulons pas. Mais que voulons-nous ? Quelle organisation sociale peut remplacer le capitalisme ? Quel type de nouveaux dirigeants voulons-nous ?

Rappelez-vous. Le problème n'est pas la corruption ou la cupidité. Le problème est le système. Il vous oblige à être corrompus. Ne vous méfiez pas seulement des ennemis, mais aussi des faux amis qui travaillent déjà à diluer ce processus. De la même manière que vous obtenez du café sans caféine, de la bière sans alcool et de la crème glacée sans matière grasse, ils vont essayer de faire de cela une inoffensive protestation morale. Une protestation décaféinée.

Mais la raison pour laquelle nous sommes ici, c'est que nous en avons eu assez d'un monde où recycler les canettes de Coca, donner deux dollars par charité ou acheter un cappuccino chez Starbucks dont 1% va aux enfants affamés du tiers-monde suffit à nous faire nous sentir bien.

Après l'externalisation du travail et de la torture, après l'externalisation, maintenant, de notre vie amoureuse par les agences matrimoniales, nous pouvons voir que depuis longtemps, nous permettons que notre engagement politique soit également externalisé. Nous voulons qu'il revienne.

Nous ne sommes pas communistes, si le communisme désigne un système qui s'est effondré en 1990. Rappelez-vous qu'aujourd'hui ces communistes sont les plus efficaces, les plus impitoyables des capitalistes. En Chine aujourd'hui, nous avons un capitalisme qui est même encore plus dynamique que votre capitalisme américain, mais qui n'a pas besoin de la démocratie. Ce qui signifie que lorsque vous critiquez le capitalisme, ne cédez pas au chantage qui veut que vous seriez contre la démocratie. Le mariage entre démocratie et capitalisme est terminé.

Le changement est possible. Qu'est-ce que nous percevons aujourd'hui comme possible ? Il suffit de suivre les médias.

D'un côté, en matière de technologie et de sexualité, tout semble être possible. Vous pouvez aller sur la lune, vous pouvez devenir immortel par la biogénétique, vous pouvez avoir des rapports sexuels avec des animaux ou n'importe quoi.

Mais regardez le domaine de la société et de l'économie. Là, presque tout est considéré comme impossible. Vous voulez augmenter un petit peu les impôts pour les riches ? Ils vous disent que c'est impossible, nous perdrions la compétitivité. Vous voulez plus d'argent pour les soins de santé ? Ils vous disent : "Impossible, cela signifie un Etat totalitaire".

Il y a quelque chose qui ne va pas dans un monde où on vous promet l'immortalité, mais où vous ne pouvez pas dépenser un peu plus pour la santé.

Peut-être devons-nous fixer nos priorités ici. Nous ne voulons pas d'un plus haut niveau de vie. Nous voulons un meilleur niveau de vie. Le seul sens dans lequel nous sommes communistes, c'est que nous nous soucions de ce qui nous est commun. Commun dans la nature. Commun dans ce qui est privatisé par la propriété intellectuelle. Commun dans la biogénétique. Pour cela, et uniquement pour cela, nous devrions nous battre.

Le communisme a totalement échoué, mais les problèmes posés par ce qui nous est commun persistent.

Ils vous disent que nous ne sommes pas des Américains, ici. Mais les fondamentalistes conservateurs qui prétendent qu'ils sont vraiment américains doivent se rappeler quelque chose : qu'est-ce que le christianisme ? C'est le Saint-Esprit. Qu'est-ce que le Saint-Esprit? C'est une communauté égalitaire des croyants qui sont liés par l'amour mutuel, lequel ne dépend que de leur propre liberté et de leur responsabilité. En ce sens, le Saint-Esprit est ici, maintenant. Et là-bas à Wall Street, il y a des païens qui adorent des idoles blasphématoires.

Ainsi, tout ce dont nous avons besoin est la patience.

La seule chose que je crains, c'est que nous rentrions simplement un jour à la maison et qu'alors nous nous réunissions une fois par an, buvant de la bière, et nous souvenions nostalgiquement : "Quel bon moment nous avons passé ici". Promettez-vous que ce ne sera pas le cas . Nous savons que souvent les gens désirent quelque chose, mais ne le veulent pas vraiment. N'ayez pas peur de vouloir vraiment ce que vous désirez.

Merci beaucoup. »

Source


Et à titre purement documentaire, les vidéos correspondantes en VO (difficilement supportables, l'auditoire proche relayant après chaque phrase les paroles de Žižek démuni de micro, pour que tout le monde puisse l'entendre) :

 

29/10/2011

Vive le populisme révolutionnaire !

 

La droâte nationale française pense avec ses pieds, on peut le constater tous les jours, quel que soit le sujet.

C'est particulièrement évident en ce qui concerne la question de l'identité, mais ça l'est surtout quant à la stratégie.

Normal.

D'abord, la droâte nationale française, c'est... l'auberge espagnole. Or, on ne peut attendre d'une alliance hétéroclite et contre nature, faite, entre autres, de jacobins laïcards, de libéraux voire de libéraux libertaires, de monarchistes et de catholiques plus ou moins nostalgiques de l'Ancien Régime, de néo-païens, d'athées bouffeurs de curés et de transfuges de l'UMP ou du MODEM, qu'elle soit révolutionnaire.

Ces diverses tendances convergent vers l'immobilisme oppositionnel (le fameux « vote protestataire ») et le syndrome de la tour d'ivoire. On s'imagine incarner le peuple français, alors qu'on méprise, bien souvent, sa volonté démocratique, presque autant que le font ceux que l'on prétend combattre.

Ensuite, principalement du fait de l'infection du bourgeoisisme et du libéralisme, la droâte nationale, c'est avant tout l'obsession de la sécurité et le réformisme.

C'est la crise ? Marine Le Pen, en bonne communicante, surfe sur la vogue. Depuis peu, quand on visite le site du FN ou celui de NPI, on se croirait sur des caricatures de Fortune ou de La Chute... L'économie et le social sont devenus vendeurs, et pour cause.

Las ! Quand les électeurs de la droâte nationale s'apercevront qu'ils prennent la copie pour l'original et qu'ils ne font, en réalité, que voter épisodiquement pour une affiche, quelles que soient, d'ailleurs, la sincérité et l'engagement de la tête qui y est représentée, mais sans espoir réel de sortir un jour du cercle concentrationnaire de la prison partitocratique, ni du consentement fabriqué où Goldstein n'est qu'une fausse alternative, et tout cela malgré la dégradation inexorable de leur situation, une nécessaire radicalité s'insinuera en eux.

Ce venin révolutionnaire est indispensable - « Love me », dit le serpent, animal de la connaissance et de la sagesse dont l'avance sinueuse déroute les rigides et effraie les romantiques.

Il est la seule solution à notre époque barbapapa, qui englue tout et tout le monde dans un étouffoir rose bonbon.

Ce venin n'est pas nécessairement un mauvais poison, contrairement à ce que croient certains lecteurs superficiels de la Bible et surtout, de l'historiographie moderne de droâte dans son formol, aussi rétro et même davantage, dans leur anticommunisme anachronique, que le sont les fidèles de St Nicolas du Chardonnet quand ils évoquent le diable.

De toutes choses, il faut savoir tirer les leçons et ne pas répugner à aller les chercher chez ses pires ennemis, surtout si leur stratégie a fonctionné, alors que celle de la droâte nationale se résume à un bulletin dans l'urne tous les cinq ans.

Qu'est-ce qui doit donc devenir révolutionnaire ? Quelque chose qui est résumé par un mot péjoratif : le populisme.

Pourquoi sommes-nous populistes ? Non pas seulement parce que l'ennemi nous désigne comme tels, ce qui prouve qu'il sait bien que les peuples, leurs identités et leurs intérêts lui sont contraires, mais aussi et surtout parce que ce mot, si nous passons sur l'intention systémique négative qui prétend le charger de démagogie et de simplisme, nous résume, résume nos identités, nos âmes, nos intentions et nos actions.

Populistes et révolutionnaires, voilà ce que nous sommes et ce que nous devons devenir.

Populistes révolutionnaires, car sans peuples et donc sans identités, nous ne sommes plus rien, et parce que, pour survivre en tant que tels et pouvoir « entreprendre des choses neuves dans le même esprit que celui des anciens », c'est une véritable révolution qui est nécessaire et non de simples réformes d'un « Système » en réalité irréformable.

Et ? Stratégie ?

Comme le disait Lénine de la révolution russe, « la chaîne [selon Trotsky, celle "du système capitaliste mondial", et/ou celle "de la guerre"] s’est rompue à son maillon le plus faible » (pour la Russie et son économie « arriérée », le coût de la première guerre mondiale fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase).

Et dès 1917, il avait déclaré : « La crise est mûre, l’heure du soulèvement approche ».

En le citant en 1932, Trotsky ajoutait :

« Pour la révolution d’Octobre, une série de prémisses historiques était nécessaire :

1 - La pourriture des anciennes classes dominantes, de la noblesse, de la monarchie, de la bureaucratie.
2 - La faiblesse politique de la bourgeoisie, qui n’avait aucune racine dans les masses populaires.
3 - Le caractère révolutionnaire de la question agraire.
4 - Le caractère révolutionnaire du problème des nationalités opprimées.
5 - Le poids social imposant du prolétariat. »

On peut aisément faire un parallèle avec aujourd'hui :

1 - La pourriture des classes dominantes, des oligarchies économiques et financières, des dirigeants politiques, des médias, de la bureaucratie, devient peu à peu visible aux yeux de tous.
2 - La faiblesse politique des fausses alternatives à l'UMPS : centristes, souverainistes, gauchistes, réformistes de droite et de gauche, qui n’ont aucune racine dans les masses populaires.
3 - Le caractère révolutionnaire de la paupérisation, de la montée du chômage et de l'affaiblissement prévisible de l'Etat providence.
4 - Le caractère révolutionnaire du problème de l'immigration et de la substitution ethnique.
5 - Le poids social croissant des déclassés et des nouveaux pauvres, principalement parmi la jeunesse.

Le populisme révolutionnaire est mûr dans les têtes des peuples européens et particulièrement en France, pays de vieille tradition frondeuse.

Mais il n'a encore aucune incarnation politique, contrairement à ce que croient les zélotes de la SARL Le Pen.

Il nous faut, pour donner corps à cette aspiration populaire, premièrement l'équivalent non marxiste des soviets (des communautés locales organisées en réseaux et solidaires) et deuxièmement l'équivalent non marxiste du parti bolchévik (coordinateur des soviets et vitrine politique).

A ces deux niveaux, nous serions hautement susceptibles de nous attirer la sympathie et le soutien d'une grande majorité du peuple.

Après, la maturation du phénomène crisique ne nous appartient pas plus qu'elle n'était au pouvoir des bolchéviks, comme Trotsky le reconnaissait lui-même :

« La révolution signifie un changement de régime social. Elle transmet le pouvoir des mains d’une classe qui s’est épuisée entre les mains d’une autre classe en ascension. L’insurrection constitue le moment le plus critique et le plus aigu dans la lutte des deux classes pour le pouvoir. Le soulèvement ne peut mener à la victoire réelle de la révolution et à l’érection d’un nouveau régime que dans le cas où il s’appuie sur une classe progressive qui est capable de rassembler autour d’elle la majorité écrasante du peuple.

A la différence des processus de la nature, la révolution est réalisée par des hommes et à travers des hommes. Mais dans la révolution aussi, les hommes agissent sous l’influence des conditions sociales qui ne sont pas librement choisies par eux, mais qui sont héritées du passé et qui leur montrent impérieusement la voie. C’est précisément à cause de cela, et rien qu’à cause de cela que la révolution a ses propres lois.

Mais la conscience humaine ne reflète pas passivement les conditions objectives. Elle a l’habitude de réagir activement sur celles-ci. A certains moments, cette réaction acquiert un caractère de masse, tendu, passionné. Les barrières du droit et du pouvoir sont renversées. Précisément, l’intervention active des masses dans les événements constitue l’élément le plus essentiel de la révolution.

Mais même l’activité la plus fougueuse peut rester au niveau d’une rébellion, sans s’élever à la hauteur de la révolution. Le soulèvement des masses doit mener au renversement de la domination d’une classe et à l’établissement de la domination d’une autre. C’est alors seulement que nous avons une révolution achevée. Le soulèvement des masses n’est pas une entreprise isolée que l’on peut déclencher à son gré. Il représente un élément objectivement conditionné dans le développement de la société. Mais l’existence des conditions du soulèvement ne signifie pas qu’on doit attendre passivement, la bouche ouverte. Dans les affaires humaines aussi, il y a, comme le disait Shakespeare, des flux et des reflux : "There is a tide in the affairs of men which, taken at the flood, leads on to fortune".

Pour balayer le régime qui se survit, la classe progressive doit comprendre que son heure a sonné, et se poser pour tâche la conquête du pouvoir. Ici s’ouvre le champ de l’action révolutionnaire consciente où la prévoyance et le calcul s’unissent à la volonté et la hardiesse. »

Au boulot, camarades populistes révolutionnaires.

21/08/2011

Egypte : les USA, arroseur arrosé

 

« (...) les USA n’ont cessé, depuis des années, de couvrir l’Egypte d’un flot de dollars : le régime Moubarak, l’armée, les partis politiques, les groupes réformistes et radicaux d’opposition. C’est une tactique bien américaniste, marquée par l’habileté du bœuf qui ratisse large avec sa queue plus qu’avec sa tête, et par la marche parallèle et surtout pas coordonnée du département d’Etat, du Pentagone et de la CIA. Le tout est couronné par les envolées lyriques du président Obama concernant la nécessaire libération du monde arabe, accompagnées d’une politique où la capitulation devant la clique Netanyahou & compagnie est élevée au rang d’un des beaux-arts.

Le résultat est étonnant, après six mois de “révolution” égyptienne réussie, subtilisée, réanimée, bloquée, relancée, – transformée peu à peu en un désordre contenu où aucune des forces ne tient une position décisive, où personne ne peut rien, ni imposer rien de décisif à personne. Dans une telle situation, il est bon de disposer d’un bouc émissaire extérieur, contre lequel, de temps en temps, on peut lancer des cris de ralliement à l’unité nationale, parce que chacune des forces en présence a besoin de se parer de cette vertu-là. L’affaire est expédiée : le bouc émissaire, ce sera les USA, d’autant plus aisément que, parmi les multiples critiques qu’on lance contre eux, un nombre respectables d’entre elles s’avèrent fondées même si celui qui a lancé l’une ou l’autre n’en espérait pas tant. Face à l’Egypte, les USA semblent dotés de multiples bras, chacun ignorant l’autre, chacun avec une politique différente, chacun bien sûr avec une manne d’argent destinée à influencer, corrompre, acheter, le tout enrobé des discours sans fin sur le soutien de la démocratie en Egypte ou sur un danger imminent quelconque, islamiste, iranien ou autre… Mais qui sait où se trouve la démocratie en Egypte ? Alors, les USA arrosent tout le monde.

… Et finalement, personne n’est content, parce que, effectivement, dans cette situation de désordre, l’appel à l’unité nationale retentit périodiquement pour tenter de calmer le jeu, et il ne peut avoir de crédit qu’en s’appuyant d’une façon antagoniste sur la présence d’une force extérieure corruptrice, et cette force extérieure corruptrice ne pouvant être que celle des USA. Le résultat est donc une action multilatérale d’ingérence “friquée”, pas dépourvue de bonnes intentions à côté des habituelles intentions sordides, qui parvient à faire contre elle une unanimité inespérée. Ainsi les USA, qui ont contribué à liquider Moubarak, sont-ils en train de rassembler contre eux les militaires, les Frères Musulmans, les partis dits “démocratiques”, les groupes d’opposition et ainsi de suite (s’il y a suite). C’est toute l’universalité d’ingérence et de corruption de leur politique qui se retourne contre eux, dans un mouvement d’inversion somme toute logique et presque moral. Les USA n’ont, à l’image du Système qu’ils représentent si bien, besoin de personne pour démontrer tout ce que leur politique a de subversif, de corrupteur, et avec quelle maestria, suivant en cela l’inspiration du Système, leur formidable surpuissance s’incurve irrésistiblement en une courbe d’autodestruction. »

Philippe Grasset

06/08/2011

Humain, trop humain, ou la désignation de l'ennemi

Babel, voilà l'ennemi

 

 

A @Jack Merridew

 

« Tout pouvoir est une conspiration permanente. »

(Honoré de Balzac, Sur Catherine de Médicis, 1830-1842)

 

« Le monde est gouverné par de tout autres personnages que ne se l’imaginent ceux dont l’œil ne plonge pas dans les coulisses. »

(Benjamin Disraeli, Coningsby ou la nouvelle génération, 1844)

 

« Une autre menace (...) se présente à la démocratie libérale. Plus directement liée à l'impact de la technologie, elle implique l'apparition graduelle d'une société plus contrôlée et dirigée. Une telle société serait dominée par une élite dont la prétention au pouvoir politique reposerait sur un savoir-faire scientifique prétendument supérieur. Libre des contraintes de valeurs libérales traditionnelles, cette élite n'hésiterait pas à atteindre ses buts politiques en utilisant les dernières techniques modernes pour influencer le comportement public et garder la société sous étroite surveillance et sous contrôle. »

(Zbigniew Brzezinski, La révolution technétronique, 1970)

 

« Certains des problèmes de gouvernance interne aux Etats-Unis aujourd'hui trouvent leur racine dans un excès de démocratie (...) Un plus haut degré de modération dans la démocratie est (...) nécessaire. »

(Samuel P. Huntington, in La crise de la démocratie, rapport à la Commission Trilatérale, 1975)

 

Longtemps, je me suis demandé par où aborder un sujet dont j'ai prévu de parler depuis des mois et dont un internaute à l'égo surdéveloppé m'a récemment remis en tête l'intérêt : celui qu'on appelle ordinairement, par indifférence ou pour dénigrer indistinctement ses amateurs, le « complotisme ».

Il est en effet difficile de choisir un angle d'attaque pour en parler, non seulement parce qu'il est inutile d'espérer faire le tour d'une question aussi vaste, surtout dans le format d'un blog, mais surtout à cause du caractère délicat de son traitement : à trop grossir le trait critique, on risque de tomber dans la caricature du tout-transparent et, au contraire, à trop ménager ses coups, on s'expose à choir dans la complaisance vis-à-vis d'aberrations sans fin.

De toute manière, les sceptiques absolus trouveront toujours à redire à la moindre modération vis-à-vis des « complotistes » (à leurs yeux, tous des abrutis superstitieux à problèmes psychologiques lourds), comme de leurs thèses, qu'ils jugent uniformément grotesques et paranoïaques, comme si le monde était une eau limpide sous laquelle rien ne se dissimule jamais, pour peu qu'on se donne la peine de chausser les bonnes lunettes.

A l'évidence, il y a dans les tenants de cette vision optimiste une bonne tripotée d'idiots utiles et de larbins et, comme l'a dit Aymeric Chauprade : « Ceux qui font l'histoire officielle, désignent les bons et les méchants, déforment les faits historiques et inventent des fables, ont trouvé un antidote contre les chercheurs de vérités : la théorie du complot. Dès que quelqu'un cherche à comprendre et s'interroge sur les incohérences de l'histoire officielle, on lui accroche autour du cou la pancarte "complotiste". Comme si l'Histoire n'était pas le fait de minorités actives ! »

A l'opposé, les fanatiques de la conspiration à gogo, que le truculent et intelligent internaute auquel je dédie ce billet, grand distributeur de baffes virtuelles sur F.Desouche, a baptisés du doux nom de « débilo-complotistes », justifient pour leur part pleinement toutes les critiques des précédents, tant est grand leur zèle à voir partout la marque du complot : juif, maçonnique, « Nouvel Ordre Mondial », « Illuminati », américain, ecclésiastique, voire extra-terrestre. Eux aussi, de beaux idiots utiles, qui ne s'aperçoivent pas, dans la bulle gratifiante de leur lucidité soi-disant supérieure, qu'ils servent à décrédibiliser les chercheurs de vérités évoqués par Chauprade, à tel point qu'on peut parfois se demander s'il n'y aurait pas, d'abord, un complot... des imbéciles.

Sur un autre sujet, mais on pourrait ici transposer, Lanza del Vasto a écrit : « La conjuration des imbéciles, des charlatans et des Sages a parfaitement réussi. Cette conjuration avait pour objet de cacher la vérité. Les uns et les autres ont servi cette grande cause, chacun selon ses moyens : les imbéciles par le moyen de l'ignorance, les charlatans par le moyen du mensonge, les Sages par le moyen du secret… » (préface au Message retrouvé de Louis Cattiaux).

 

On voit bien, en tout cas, et sans même encore avoir abordé le fond, que le sujet est miné de toutes parts.

Comme souvent, la voie du milieu est probablement la meilleure et quant à moi, faute de nourrir l'ambition surhumaine de découvrir et exposer la vérité universelle (tout le monde ne peut pas être Bernard-Henri Lévy), je me tiens donc à une grille de lecture qui me paraît équilibrée.

Pour le dire tout net, je ne crois pas à l'absence de tous complots, loin de là ; mais je ne pense pas non plus qu'il existe un complot mondial, ni un pouvoir mondial, ni même une ou plusieurs conspirations visant un tel pouvoir.

Pour avoir longtemps fréquenté des groupes humains et en fréquenter encore, je ne leur connais que deux lois constantes : celle de l'apparence et celle de l'entropie.

D'après ce que j'ai pu constater, la nature humaine est ainsi faite que dans un collectif, chacun joue un rôle, qui ne correspond pas à sa véritable nature, ni à ses réelles capacités, ni encore moins à ses vrais pouvoirs. Les interactions très imparfaites qui existent entre les membres d'un groupe sont également, en général assez vite, sujettes à des déperditions d'unité et d'énergie, à la dispersion, au conflit et à l'impuissance.

Pour lier un collectif, il faut bien d'autres éléments que des intérêts communs. C'est pourquoi une unité militaire ou une équipe de rugby, fondées sur l'effort et la camaraderie, c'est-à-dire sur le dévoilement, l'altruisme et la néguentropie, peuvent résister durablement aux inconvénients habituels, alors qu'une hiérarchie politico-économique, un lobby ou même des confréries soi-disant initiatiques à l'américaine, ou encore des franc-maçonneries, sont des coquilles vides destinées à recueillir une somme de désirs individuels ponctuellement réunis par une ambition commune à court terme, et/ou l'illusion d'une telle ambition à travers des rites parodiques et l'auto-conditionnement. Rien de qualitatif là-dedans, que du quantitatif. De l'avoir, pas de l'être.

Tout « pouvoir » humain relève, de toute façon, de la relativité la plus forte et du conditionnement le plus total, si bien qu'un tel pouvoir est éminemment fragile et mortel. A tel point, qu'il faut plaindre ceux qui y croient, bien plus que les haïr : ils sont possédés par leur croyance en lui et s'y accrochent jusqu'au seuil de la tombe, alors qu'il y a belle lurette qu'ils ne profitent plus que du souvenir de son parfum...

Pour ma part, j'ai tendance à voir dans les actions humaines, bien plus souvent de la bêtise, de la folie même, de la maladresse, de l'incompétence, de l'enfer pavé de bonnes intentions ; que de la maîtrise, du machiavélisme, de la puissance et du contrôle.

 

Pour ce qui est, par ailleurs, des théories globales du complot, mon problème, c'est qu'à chaque fois que j'ai été tenté d'y croire, j'ai fini, au fil de mes lectures, soit par les démonter moi-même en recoupant leurs éléments qui ne tenaient pas la route, soit par trouver des infos déjà rassemblées qui les démontaient complètement.

Un premier exemple : à en croire une foule de sites peu soucieux de vérifier leurs sources, David Rockefeller est censé avoir dit des choses très nettes au sujet de sa volonté de voir instaurer un « Nouvel Ordre Mondial »... sauf que, quand on y regarde de plus près et jusqu'à preuve du contraire, ce vieux salopard n'a rien dit de tel. Je pense qu'il est tellement honni de tout un tas de braves gens bien intentionnés, qu'ils ont fini par lui inventer des citations qui collaient mieux à leurs convictions.

Evidemment, aux yeux des « débilo-complotistes », aucun argument de ce genre ne trouvera jamais grâce. Au contraire, l'absence de preuve leur paraîtra démontrer, de plus fort, l'existence d'un complot global (qui comprend nécessairement le fait de cacher les preuves, évidemment ; joli échafaudage de vide sur du vide, entremêlé à une réalité toujours trop prosaïque pour leur soif d'absolu, si bien qu'ils la décrédibilisent, voire permettent de la nier par amalgame...).

Pourtant, ce que je dis ne revient absolument pas à nier l'existence d'oligarchies, ni de plans ou complots divers à travers l'Histoire. Mais comment faire comprendre la nuance ? Il y a à la fois la connerie humaine, le défaut de maîtrise, tout le baratin pseudo-volontariste des manipulateurs et des agitateurs, et de temps en temps, entre deux foirages, un truc qui marche, et même brillamment, souvent à travers des administrations opaques comme le KGB ou la CIA, mais aussi des conglomérats financiers et militaro-industriels, des sociétés discrètes à défaut d'être secrètes, des mafias... Souvent, ces structures s'interpénètrent les unes les autres, utilisent des techniques de manipulation des foules (sans parler de recherches, médicales mais aussi technologiques, plus ou moins confidentielles, relevant au départ des militaires et/ou des services de renseignement et de contre-espionnage, il suffit de pister les stratégies médiatiques du capital, à travers le contrôle financier des grands moyens de communication et le marketing, pour se représenter la panoplie de moyens dont disposent les oligarchies) et poursuivent des plans à moyen, voire long terme.

 

Je vais prendre un autre exemple. Marchant sur les brisées des grands propagateurs de mythologies plus ou moins bouffonnes depuis deux siècles (l'abbé Barruel, Mgr Delassus, John Robison, le Marquis de la Franquerie, Nesta Webster, William Carr, Serge Monast, David Icke, Anton Parks, Jacques Delacroix, etc., etc.), le fameux Fritz Springmeier, soi-disant ex- « prisonnier politique » aux Etats-Unis, affirme que, depuis des millénaires, de puissantes dynasties, qu'il appelle des « lignées de sang », constituées, pour l'essentiel, de treize branches et qu'il appelle les « Illuminati », poursuivent un plan de domination mondiale ; ou, plus exactement, qu'elles dominent le monde à travers les âges.

Ces
« Illuminati » seraient dépositaires d'une panoplie complète d'anciens pouvoirs magiques (pardon, de centaines de traditions perdues, d'anciennes religions - vous savez, ces trucs obscurantistes d'avant l'unique et salvatrice Lumière monothéiste) et contrôleraient une gigantesque pyramide de sociétés plus ou moins secrètes, fonctionnant en réseaux, depuis des petites caves de sorciers satanistes perdues dans les campagnes américaines, voisinant avec à peu près toutes les loges maçonniques connues, jusqu'à un pyramidion où seraient concentrés tous les pouvoirs, en passant par les redoutables Skull and Bones, le CFR et la Commission Trilatérale.

Ils agiraient, de nos jours, à travers les familles Astor, Bundy, Collins, Dupont, Freeman, Kennedy, Li, Onassis, Reynolds, Rockefeller, Rothschild, Russell et Van Duyn. Vous ne trouvez pas que ça tombe bien ? Pas de prolos chez les puissants, et on colle à certaines oligarchies industrielles et financières, ce qui permet de justifier la mythologie en la mêlant à des faits réels, par-ci, par-là, pour crédibiliser tout et n'importe quoi... Comme l'écrivait Paul Valéry, « le mélange de vrai et de faux est énormément plus toxique que le faux pur ». En plus, Springmeier est tellement fortiche qu'il vous dégote, comme un rien, toute la généalogie d'un George Bush depuis les Babyloniens, en passant par la famille royale d'Angleterre (je caricature, mais si peu...). Et il se trouve des gens pour gober ça...

Trève de plaisanteries. Derrière ces fables pour demeurés en mal de gratification égotique (bah oui, quand on comprend subitement tout, on cesse d'être ordinaire pour devenir un initié, un être supérieur mais incompris, tentant désespérément d'avertir ses semblables de l'incroyable et terrible menace que font peser sur l'humanité des sociopathes sans foi ni loi, qu'on est seul ou presque à avoir démasqués), se trahissent, au premier examen un peu sérieux, des aberrations théoriques lamentables.

Springmeier soutient qu'après la deuxième guerre mondiale, on a retrouvé sous 80 % des édifices religieux européens endommagés par les bombardements, des traces d'anciens temples païens. Cela prouverait, selon lui, que les « Illuminati » ont toujours été à l'oeuvre dans l'Histoire et que des « cultes sataniques » se sont dissimulés dans les églises catholiques, dont les prêtres trempaient en général dans la combine.

N'importe quel connaisseur, même très superficiel, du paganisme européen, sera pris d'un fou rire inextinguible à la lecture de ces déductions de charlatan, sornettes pour adeptes des sectes protestantes américaines les plus fondamentalistes. Sans parler de quiconque a un minimum étudié l'histoire de l'Eglise catholique.

 

Mais Springmeier, tout en incarnant un degré supplémentaire de la fumisterie des « débilo-complotistes », ne fait, je le répète, que marcher sur les brisées d'autres mythologues de l'illuminisme, qui ont quasiment tous en commun de voir le Diable partout. Et pour cause, puisqu'il s'agit quasiment toujours de catholiques « intégristes » ou de protestants fondamentalistes.

Par rapport au « paganisme » (terme péjoratif forgé par la Chrétienté), le monothéisme d'origine hébraïque a en effet inventé Satan. Et, l'ayant inventé, il fallait bien en faire quelque chose. A commencer par lui amalgamer toutes les autres religions antérieures. Païen = satanique. Comme si les « Païens » avaient été des pédomanes et des adorateurs du Mal... De là à ce que des Chrétiens moins intelligents que d'autres le systématisent dans leur représentation d'un monde dominé par les notions de faute, de péché et de culpabilité, jusqu'à en faire une entité concrète, il n'y avait qu'un pas, aussitôt franchi.

Si bien que certains, aujourd'hui, traquent ses manifestations à travers les perversions évidentes de certaines élites et, par ailleurs encouragés par des inversions théologiques plus ou moins folkloriques, échafaudent ce genre de théories explicatives globales.

On peut y voir une des manifestations de la déspiritualisation moderne, en pleine production de parodies de la spiritualité perdue, recréant, comme le dit Massimo Introvigne (un Chrétien intelligent, lui), des religions de substitution.

Néanmoins, je le redis, ces foutaises font un tort considérable aux chercheurs sincères.

Sur une foule de sujets dont il est déjà difficile de discuter sereinement compte tenu de la chape de plomb médiatique et du terrorisme intellectuel, comme les oligarchies, la mondialisation, le populisme, l'immigration, l'islam, le libéralisme, le marxisme, le communisme, le terrorisme, la manipulation des foules, le 11 septembre 2001, les causes de la deuxième guerre mondiale, etc., la confusion mentale et les superstitions mystico-paranoïaques qui règnent chez certains, ne font que discréditer des vérités mêlées à leurs délires ; vérités, seules défendues par d'autres qui, eux, vérifient leurs sources et tentent d'y voir clair sans recourir à la pataphysique.

Là, comme dans d'autres domaines de la réflexion et de l'action, il est urgent que les théoriciens de la dissidence rappellent à leurs disciples potentiels quelques règles élémentaires de rigueur et d'honnêteté intellectuelles.

On ne lutte pas efficacement contre les plans et les outils bien réels, et parfois dissimulés, des acteurs majeurs du « Système » (sphères de pouvoirs financières, industrielles, politiques, médiatiques, avec tous leurs bras armés, parfois officiels, d'autres fois secrets ou déguisés), en prenant des vessies pour des lanternes ou, pour être plus précis, en prenant des gens ordinaires, certes dotés de positions économiques et/ou sociales importantes, comme de pouvoirs matériels parfois considérables, et évoluant dans des cercles relationnels amplifiant leurs possibilités de nuisance, pour de puissants sorciers appartenant à de fabuleuses sociétés secrètes, détentrices de secrets magiques opératifs, tout cela étant aussi grotesque qu'imaginaire.

Plus sûrement encore que de le sous-estimer, surestimer l'ennemi rend incapable de le combattre.

Peut-être serait-ce là, d'ailleurs, le but de l'existence des mythes « débilo-complotistes », s'il y avait, derrière leur propagation, autre chose que la malhonnêteté de leurs créateurs et la crédulité de leurs adeptes... Allez savoir.

08/06/2011

Au-dessus de la mêlée

Tout en haut, hier. Tout en bas, maintenant...

 

A Charles


Nous vivons dans un monde misérable. Misérable, car l'humain en lui-même est généralement misérable.

Regardez bien, le spectacle est éloquent.

Avez-vous vu l'état de décomposition avancée de DSK après son arrestation ? Avez-vous vu, ce lundi au tribunal, après dix jours dans sa résidence de luxe, le petit vieillard (il n'a que 62 ans) qu'est devenu cet homme puissant et respecté qui, nous dit-on faisait, au plan mondial, la pluie et le beau temps financiers, dont on nous annonçait la candidature et l'élection triomphale au poste de Président de la France ?

Personne ne vous parle jamais de ça, alors je vous en parle.

Les sodomiseurs de diptères vous parleront, eux, de la présomption d'innocence, s'indigneront qu'on puisse s'étonner de l'effondrement physique et psychologique d'une personne peut-être, selon eux, injustement accusée, et crieront à la honte et à l'inhumanité qu'il y aurait, selon eux, à souligner son abaissement en pareilles circonstances.

Comme par hasard, ces aveugles au royaume des aveugles, ainsi que leurs idiots utiles, larbins de la classe éco-politico-médiatique dominante, passeront sous silence le caractère pour le moins répandu de la présomption d'innocence (votée, on se demande pourquoi) bénéficiant aux auteurs "présumés" de comportements déviants et criminels, manifestement tout aussi répandus dans les sphères de pouvoir.

A tel point que la France entière se demande aujourd'hui si c'est Jack Lang ou Philippe Douste-Blazy (à moins que les deux n'aient à se sentir concernés) qui est visé par les déclarations de Luc Ferry.

Il est, en tout cas (sauf pour les sodomiseurs de diptères), évident que la richesse et le pouvoir font, en général, perdre le contact avec la réalité.

Qu'est une femme de chambre de grand hôtel, aux yeux des puissants de ce monde ? Strictement rien. Au mieux, un objet, éventuellement sexuel.

Qu'est une femme tout court, même mieux lotie socialement et économiquement ? Guère plus, puisque tout s'achète et que tout se commande : "servez-moi bien chaud".

Mais, pendant ce temps, malgré l'exercice de la richesse et du pouvoir, quelle adéquation entre ces privilèges et le monde intérieur des "puissants" ? Manifestement aucune, puisque, à la moindre anicroche, la baudruche se dégonfle, révélant le tout petit humain qui campe dans la cave.

DSK décomposé, puis vieilli de dix ans, après l'épisode du Sofitel, c'est l'incarnation de cette petitesse, de ce manque total de colonne vertébrale, de "développement humain". Plus rien qu'un tas de gélatine, de barbapapa explosée après avoir franchi le mur du çon.

Le guerrier, samouraï ou dans les tranchées de 14-18, a un autre vécu, un autre exercice de la richesse et du pouvoir. Il est peut-être démuni, peut-être affamé, peut-être sale, peut-être blessé, mort de toute façon aujourd'hui ; il n'en est pas moins supérieur, infiniment, aux membres de cette caste de zombies déconnectés du réel, demandeurs de tout et capables de rien.

Même sans parler de guerrier, le petit prolo qui marne tous les jours de sa vie à l'usine, la mère de famille qui rame entre son boulot et ses gosses, l'amoureux prêt à se sacrifier pour sa belle, le gamin qui se défend contre le racket à l'école, l'artisan au combat entre les taxes et les clients versatiles et radins, l'homme lambda qui cherche à savoir ce qu'il est et à sortir de l'esclavage de ses conditionnements, font preuve d'une valeur humaine, d'une vertu, d'un courage, dont seraient bien incapables nos élites invertébrées.

Qu'aucun journaliste du Système n'évoque cette question centrale est révélateur du degré de gangrène atteint par une société misérable. C'est, en soi, un scandale public presque aussi grand que l'incapacité des "puissants" à s'élever un tant soit peu au niveau de leurs responsabilités.

A contrario, l'incroyable omerta qui règne sur ce sujet est aussi le signe d'une immense fragilité. On ne parle pas de ce qui est une menace pour la pérennité de la classe dominante.

Vous vous rendez compte ? Nous sommes gouvernés par des ectoplasmes ! Il suffirait d'une petite brise pour les disperser, tant le néant fait leur substance !

Ceux, parmi les théoriciens du complot, qui prêtent aux oligarchies et à leurs plans un caractère "irrésistible", devraient méditer sur l'inanité du matérialisme.

Même si tout est relatif, pour les véritables êtres humains, l'esprit gouverne la matière, et non l'inverse. Et l'esprit n'est pas avec nos élites.

Mais, pour en prendre conscience, encore faut-il être un peu capable de dépasser les ratiocinations confortables, de nettoyer les écuries d'Augias, en un mot : de s'élever au-dessus de la mêlée.

07/06/2011

"To see or not to see", telle est la question

"L’effondrement du Système est en cours, là, maintenant, sous nos yeux. Simplement, il s’effectue d’une façon subreptice, sans solliciter précisément notre attention d’une façon descriptive. Cet effondrement ne semble pas appelé à provoquer un vacarme extraordinaire, sinon d’une façon très indirecte, par enchaînements complexes. Au contraire, le vacarme est une donnée qui trouble la perception et l’exacte mesure des événements. Par exemple, nous sommes conduit à estimer que l’importance de la déstructuration “silencieuse” de la Fed est plus grande que celle de l’effondrement de Wall Street du 15 septembre 2008 ; ou bien, la chose vue différemment, que l’effondrement 9/15 est plus important parce qu’il entraîne en effets indirects la déstructuration de la Fed (toutes les mesures de “transparence” de la Fed viennent effectivement des remous soulevés par 9/15) que par les circonstances mêmes de l’effondrement, y compris les circonstances de la crise financière et de la crise économique malgré toutes les injustices, les souffrances, etc."

Philippe Grasset

30/05/2011

La révolution des Bisounours

Depuis quelques jours, nous sommes censés être sagement entrés dans l'ère néo-post-soixante-huitarde.

"Néo-post" ? Bah oui, faut dire qu'un héritage pareil, ça ne s'oublie pas, surtout quand il reste tant d'affectueux papys et mamies pour nous en vanter les mérites.

Dans le prolongement des révoltes arabes et du mouvement des "Indignados" espagnols, c'est la "French Revolution" qu'on nous vante désormais, aussi française que son nom l'indique, aussi méditée et stratégique qu'une "black op' " de la CIA, aussi réfléchie qu'un moment de "séduction" de DSK, aussi pensée que le programme électoral de Ségolène.

"www.reelledemocratie.fr se veux être [sic] le porte parole du mouvement national naissant auprès des médias. Il centralise les communiqués des cellules régionales au moyen de réseaux humains connectés ou non à l’internet. En aucun cas www.reelledemocratie.fr ne prend de position politique. L’équipe de www.reelledemocratie.fr est autonome, ne dépend d’aucun parti politique et entend garder cet outil à la disposition du peuple", nous dit-on.

Soit. Sauf que les groupuscules gauchistes se ruent sur les braves indignés pour les récupérer dans leur giron et que le même site www.reelledemocratie.fr a publié hier un communiqué pour préciser que contrairement aux rumeurs, il se démarquait du Front de Gauche, avant que ce communiqué ne soit supprimé. La belle indépendance que voilà.

Même si d'autres groupuscules gauchistes sont manifestement déconcertés par le côté inhabituellement désorganisé du mouvement. Par sa dérangeante spontanéité.

Spontanéité du mouvement, je veux bien. Que l'indignation populaire contre l' "oligarchie politique" et les "ultra riches qui parasitent notre société" soit archi répandue, cela ne fait même pas débat, c'est une évidence. De même, que pas mal de gens soient disposés à manifester contre les objets de leur indignation.

Mais examinons un peu leurs autres motivations.

Que veulent nos "indignés" ? "Une nouvelle répartition des richesses". "L’organisation de rassemblements et d’occupations pacifiques des places publiques". "Décider ensemble des revendications et des moyens d’action (culturels, artistiques, politiques et citoyens)".

Une révolution, ça ?

Pas du tout.

Ou dans leurs rêves (c'est d'ailleurs un de leurs slogans : "Si vous ne nous laissez pas rêver, nous ne vous laisserons pas dormir").

Ces braves gens s'imaginent (et ceux qui tentent de les récupérer feignent d'imaginer avec eux) qu'il leur suffira d'être gentils (ce qu'ils sont déjà, n'en doutons pas) pour obtenir, pacifiquement et à la suite de débats qui rappellent les délires participatifs du programme de Ségolène en 2007, eux-même issus de la mythologie soixante-huitarde des "AG", que les oligarchies subjuguées par tant de bonne volonté et d'inoffensive moralité apolitique, leur abandonnent, après s'être vus "rappeler (...) que le seul souverain, c’est le peuple", les rênes du pouvoir !

Evidemment, quand on a vu à la télé que Ben Ali et Moubarak sont tombés, que Khadafi est dans la panade, qu'on gobe le bobard médiatique suivant lequel ceux qui ont manifesté pour leur départ l'ont fait "pour la démocratie", qu'on zappe le fait que nombre de manifestants ont risqué leur vie ou l'ont perdue, qu'on ne veut pas voir que les révoltes arabes n'ont débouché, pour le moment, sur aucun changement politique et social concret, on est mûr pour croire qu'il suffira de camper Place de la Bastille pour "changer le monde".

On pourra même ajouter à cette incroyable croyance aux miracles, face, pourtant, à un Système qui ne recule devant rien pour se maintenir, une foi naïve dans le Vivre-ensemble et la Diversité, prônant "une approche internationaliste à l’opposé du repli sur soi et de la haine de l’autre". Foi, qui prouve que les leaders de ce mouvement de nigauds ne sont pas les victimes qu'ils prétendent incarner.

Ce ne sont pas quelques prémisses (critiques) économiques et sociales globalement justes, qui peuvent fonder une révolution.

Sans quoi, celle-ci aurait déjà eu lieu depuis longtemps.

Pour renverser le Système, une révolution ne peut être apolitique (et cela, les gauchistes, même perdus dans leurs illusions dont ils n'ont toujours pas pigé qu'elles émanent du Système, l'ont bien compris, abstraitement). Une révolution, c'est le passage d'un système à un autre et on ne peut imposer un tel changement sans en avoir imaginé la forme concrète et avoir mis au point une stratégie, éminemment politique, pour le mettre en oeuvre.

Pour renverser le Système, une révolution ne peut être pacifique. La guerre des classes qu'évoquait Warren Buffett en 2006, n'est pas un concours de patience entre campeurs et riverains, ni une opposition de style entre manifestants et politiciens. C'est une lutte à mort et ce ne sont pas les esclaves indiens ou chinois de multinationales apatrides, ni les chômeurs européens victimes des délocalisations, qui me contrediront.

Pour renverser le Système, une révolution ne peut avoir pour objectif le partage du gâteau ("une nouvelle répartition des richesses"). La révolution, c'est la conquête. La prise des forteresses aux mains des oligarchies, l'élimination de celles-ci et l'appropriation totale du butin. Sinon, c'est la réforme, où l'on se contente de mieux profiter du Système en trouvant le moyen de mieux y prendre part. La révolution, elle, est anti-Système.

Pour renverser le Système, une révolution ne peut faire l'impasse sur la question de l'identité ni, a fortiori, verser dans l'internationalisme et l'antiracisme, qui sont deux des leitmotiv pourtant les plus éculés du Système. Seuls des inconscients, protégés des "bienfaits" de la Diversité par leur lieu de résidence privilégié ou par un autisme indécrottable, peuvent croire que l'immigration, suscitée et développée par le Système, n'est pas son instrument.

Bref, comme je le disais narquoisement au départ, depuis quelques jours, nous sommes censés être sagement entrés dans l'ère néo-post-soixante-huitarde.

En réalité, nous voyons l'émergence confuse d'une prise de conscience embryonnaire, par une partie du peuple français et notamment, de sa jeunesse, de ce que le Système est une impitoyable machine à broyer les peuples.

Aucune riposte plus appropriée que le camping sauvage sur les places publiques, assorti d'un brain storming que ne désavouerait pas l'équipe marketing d'une entreprise américaine de photocopieurs, et de la multidiffusion tous azimuts d'un package de slogans, n'est montée au cerveau de ces têtes creuses, ahuries par des décennies de communication médiatico-politique docilement avalée, avec des chips, devant le petit écran.

Les soixante-huitards et leurs descendants n'ont toujours pas compris qu'ils ne pourront s'offrir un nouveau mai 68. A la brutalité et au cynisme prédateurs, ils n'ont à opposer que la communication, parce qu'ils ont été formatés pour ne penser qu'en termes de communication.

Cette pseudo-révolte pseudo-révolutionnaire n'est donc qu'une étape sur le chemin d'une prise de conscience plus complète et surtout, de l'action.

La radicalisation ne viendra qu'avec la souffrance. La vraie.

Il faut croire que les "indignés" ne souffrent pas encore assez.

Il est vrai, aussi, que le Système tient encore.

Plus pour longtemps.

01/02/2011

L'accélération de l'Histoire

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"[Le] phénomène d’ 'accélération de l’Histoire', qui se conjugue et se traduit par une accélération du temps historique qui est nécessairement une contraction, nous semble particulièrement s’affirmer dans les circonstances présentes. Il nous semble en effet que cette contraction du temps traduit la puissance et l’entraînement irrésistible d’événements métahistoriques eux-mêmes d’une très grande puissance. Il s’agit typiquement d’une période 'maistrienne' où le rythme et la puissance des événements surmontent aisément la capacité des hommes placés à la direction des sociétés et des organismes constitués à les comprendre, à les suivre, sans même parler, bien entendu, de les contrôler. De ce point de vue, il s’agit d’une période 'révolutionnaire', mais cela compris en évitant absolument et impérativement de s’attacher au sens idéologique et politique du mot, tel que l’implique spécifiquement le langage de la modernité avec son sens progressiste. On pourrait même avancer qu’il faudrait également et surtout prendre le mot selon son sens initial (celui que rappelait Hanna Arendt), qui est celui d’un 'révolution' d’un astre autour d’un point dans l’espace, et le caractère 'révolutionnaire' serait alors complètement séparé de son sens idéologique en signalant un bouleversement cosmique, cyclique, éventuellement avec un retour sur l'essence de l’origine de lui-même (qu'on pourrait nommer Tradition), enrichi de l’expérience et de l’enseignement de la période. Sans s'attacher au sens précis de l'image qui conduirait à un débat qui n'est pas le sujet autour de thèses connues (théorie cyclique, l' 'éternel retour', etc.) mais en s'attachant exclusivement à son symbolisme, l’interprétation contredit absolument les références au Progrès, à la modernité, à un 'sens de l’Histoire' progressiste ou néo-libéral, voire neocon ; non seulement elle les contredit mais, plus encore, elle s’institue résolument au-dessus de ces références, en réduisant celles-ci à une mystification complète et à une falsification dérisoire. Cette interprétation transforme la crise politique et historique en une crise métahistorique et eschatologique, au-delà de la moindre influence décisive de l’action humaine concertée selon les instructions du Système qui a phagocyté l’évolution de notre civilisation en la transformant en une 'contre-civilisation' absolument maléfique".

Philippe Grasset

"La crise n’en est pas une à proprement parler mais une structure crisique qui s’étend comme une pandémie, et avec un caractère eschatologique évident malgré qu’il s’agisse d’événements concernant les sapiens – 'eschatologique', c’est-à-dire échappant au contrôle humain, parce que tout cela se trouve sous l’empire d’un Système lui-même devenu eschatologique et en cours d’effondrement. Avant, une 'révolution' impliquait une surprise, qui entraînait la perte de contrôle par les autorités au profit des 'révolutionnaires' ; d’où la fausseté de la théorie des dominos, puisqu’une révolution faisait craindre la contagion, suscitait des mises en alerte, effaçait l’effet de surprise chez les autres, conduisait à des révolutions avortées et démentait la théorie. On peut faire l’hypothèse qu’avant, dans l’époque géopolitique qui précéda notre époque psychopolitique, le désordre 'révolutionnaire' ne se serait pas si aisément diffusé en Egypte, après la Tunisie, même dans le stade actuel de la diffusion des manifestations. La différence est, à notre sens, moins dans la peur des autorités que dans la notion de l’effondrement du contrôle général, et cette notion de contrôle s’étendant jusqu’au domaine nécessairement inconscient de la psychologie, qui ne serait pas un acte de propagande mais la simple situation marquée par l’assurance que tous les esprits, y compris ceux de ses adversaires, restent bien à l’intérieur de la logique du Système – sa bulle virtualiste, en vérité.

Aujourd’hui, le 'contrôle' n’existe plus (la bulle est crevée, le virtualisme à l'agonie), y compris aux USA où l’on passe son temps à spéculer sur la forme que prendra l’effondrement… des USA. La psychologie collective 'sent' bien cela, cette odeur de poudre, ces bruits sourds annonçant le séisme. Les directions politiques ont moins 'peur du peuple' qu’elles ne sont épuisées psychologiquement, sans conviction, affaiblies par la corruption du discours faussaire du virtualisme, et même obscurément conscientes de la justesse des réactions populaires (infection psychologique par l’évidence de la justesse de la crise). Aujourd’hui, l’événement n’est plus politique ('révolution', 'réforme', bla bla bla), il est fondamentalement psychologique, dans la réalisation inconsciente qui pèse d’un poids terrible sur notre raison si satisfaite d’elle-même que ce Système qui s’est construit sur la vanité de cette même raison ne tient plus, qu’il s’effondre à son rythme, comme une énorme chose pourrie et rongée par les termites. Dans ce cas, la théorie des dominos, qui était une construction théorique non réalisée dans les temps d'avant, reprise d’ailleurs par les imprudents neocons, marche à plein, par le canal de la psychologie. La surprise nécessaire aux 'révolutions' qui ont bercé d’illusions sanglantes notre XXème simple n’est plus nécessaire car nous sommes placés devant la fatalité de l’effondrement, comme une gigantesque contagion globalisée, – la fatalité ayant remplacé la surprise et garantissant l’expansion de la pandémie. (Enfin, on vous l’avait bien dit : la globalisation est une affaire qui marche.)

Philippe Grasset

20/01/2011

Alain Cotta : sortir de l'euro ou mourir à petit feu

Voilà un vrai débat, qui agite principalement les sphères patriotes françaises ayant un peu de connaissances en économie (merci, au passage, à Médias France Libre pour la vidéo qui suit).

C'est l'occasion de souligner que, désormais, les idées nouvelles, celles qui ont de l'avenir, ne sont plus celles que sécrètent le système en place et ses élites épuisées.

La relève des idées annonce généralement celle des formes politiques et sociales et le fait que ces idées descendent enfin, avec quelque bonheur médiatique, au plan du concret (l'économie et le social, domaines trop méprisés par les idéalistes rêvant de changer la société sans l'empoigner au collet, ou plutôt par les couilles), est le signe - un de plus - d'une révolution des mentalités, augure d'un basculement pratique.

Le professeur Cotta se dit favorable à un retour à l'euro comme monnaie commune uniquement. Je partage son avis, probablement pour des raisons plus politiques que les siennes, mais surtout parce que la crise accélère sa progression et qu'il ne me semble pas qu'il y aura place pour le "mourir à petit feu".

L'Europe est en proie, comme l'ensemble de l'Occident et même du monde, aux banquiers fous de l'anglosphère, qui ne sont en fait que de simples voleurs à grande échelle.

Elle est en proie à un véritable pillage, au moyen de la création ex nihilo de monnaie scripturale et même fiduciaire (à cet égard, l'exemple de la Fed n'est pas isolé : la BCE est également, dans une moindre mesure, l'instrument de la finance privée, puisqu'elle est le jouet de la Commission Européenne, haut lieu de lobbying, s'il en est ; sa politique de taux prouve d'ailleurs cet asservissement).

L'existence même du prêt à intérêt, longtemps prohibé par le passé, devrait être un vaste sujet de débat.

On ne pourra pas sortir de  la servitude et de la décadence, sans un retour à la souveraineté monétaire et une abolition de la rente ou, au moins, une sévère limitation de celle-ci.

Mais en attendant la réalisation de cet idéal, qui sera imposée, après que la crise aura jeté bas l'oligarchie actuelle, par la nécessité autant que par la meilleure compréhension de dirigeants européens nécessairement nouveaux ; en attendant, eh bien il faut, bon gré mal gré, "chevaucher le tigre" (si on peut parler de tigre en visualisant les tronches de cake de Barroso, de Merkel et de Van Rompuy !).

Et c'est là que je suis en désaccord avec bien des souverainistes dont, à mon avis, l'idéal obscurcit le jugement ; et que je rejoins Alain Cotta.

L'actuelle fuite en avant est d’abord financière et monétaire, mais, bien que toujours dans le cadre de la recherche, avant tout, d'un sauvetage des banques, elle se transforme de plus en plus en une stratégie(s) politique(s) adaptée(s) à la guerre monétaire en cours ; et, comme le système est principalement fondé sur la communication, en guerre des signes (financiers et monétaires, mais fondamentalement politiques maintenant).

Si on raisonne en terme de puissance, de géoéconomie, de géopolitique, je pense que seule compte la fin (le retour du politique, à tout prix, parce qu'il n'y a que lui comme instrument salvateur, face au despotisme du fric) ; que nous avons dépassé le stade où la question des moyens a réellement encore un sens.

En réalité, personne n’a intérêt à sortir de la zone euro en ce moment (dans l'urgence).

Donc, à mon sens, personne ne le fera, d’autant plus qu’un pays membre ne peut pas en être expulsé, ce qui empêche les Allemands de conditionner leur participation à la collectivisation des dettes, à un « nettoyage censitaire » du club…

Les Allemands étant les plus exposés aux dettes des "PIGS", sont sans doute ceux qui ont le plus intérêt à rester dans l’euro.

Si les "PIGS" tombent, l’Allemagne tombe. Et tous les autres aussi (effet domino).

C’est aussi simple que ça.

Soit la zone euro tient bon (et je pense que c’est ce qui va se passer, même au prix de la monétisation des dettes par la BCE sans garde-fou, c’est-à-dire sans statut de prêteur en dernier ressort et sans capital suffisant – de toute façon, ainsi que le dit Olivier Delamarche, aujourd’hui, tout passe, on peut faire n’importe quoi, les marchés sont dans la stratosphère, dans la biture intégrale ; donc, pourquoi se gêner ?) ; soit elle craque et nous sommes morts.

Parce que les USA ne nous rateront pas, une fois à terre. Comme ils n'ont pas raté la Russie après effondrement de l'URSS. Ne nous leurrons pas sur la possibilité d’instaurer miraculeusement dans cette hypothèse, au plan national et dans l’urgence, tout ce qui manque aujourd’hui : élites politiques désintéressées, souveraineté monétaire et financière, protectionnisme, réindustrialisation… Luna Park !

Mieux vaut survivre dans la folie financière, jusqu’à l’effondrement de l'anglosphère, qui provoquera évidemment le nôtre, mais sans nous tuer et en nous donnant l’opportunité de nous libérer de la tutelle qui nous est imposée depuis soixante ans.

02/01/2011

Alain Soral, nécessaire agitateur d'idées

Le site Ripoublik.com m'a aimablement autorisé à reproduire ici le long entretien qu'il vient de réaliser avec Alain Soral, polémiste talentueux et président de l'association Egalité et Réconciliation.

Je précise d'emblée, tant le sujet est sensible aux yeux de certains patriotes, n'avoir aucun lien avec E&R.

Si je partage une bonne partie de l'analyse qu'elle fait de la société et si, grosso modo, sa charte fondatrice rejoint mes préoccupations, je suis fondamentalement en désaccord avec sa vision assimilationniste du problème de l'immigration allogène, et guère en phase avec l'"antisionisme" par lequel elle entend lutter contre l'influence d'élites et d'officines bien connues, déjà dénoncées ici, parfois autoproclamées représentatives de la communauté juive mais plus souvent cachées derrière le masque des "droits de l'homme".

En effet, l'immigration-invasion que nous subissons et dont Soral dit, à juste titre, qu'elle n'a pas grand-chose à voir avec l'islamisme, est une conquête par capillarité, par submersion ethnique.

Rien, dans l'assimilation (par ailleurs globalement impossible et de toute façon non souhaitable) proposée par E&R, ne permettrait d'espérer la sauvegarde de l'intégrité ethno-culturelle de notre continent, ni donc la survie, ou plutôt la renaissance, de la civilisation européenne.

La réémigration de la grande majorité des allogènes est la seule solution à ce problème et c'est, en ce qui me concerne, un objectif non négociable, même dans le but louable d'éviter une guerre civile, laquelle n'est d'ailleurs aucunement une fatalité, contrairement à ce qu'en pensent les esprits binaires.

Soral lui-même explique particulièrement bien en quoi l'Islam est instrumentalisé par le système, ce dont on peut logiquement déduire que ce dernier n'hésiterait pas à s'en servir pour sa propre survie au cas où elle serait menacée, quitte à l'utiliser pour un conflit armé.

Quant à l' "antisionisme", utiliser ce terme, c'est déjà prendre parti dans le conflit israélo-palestinien, c'est déjà importer ce conflit en France. Or, qui y a intérêt, de part et d'autre, dans notre pays, sinon les Juifs sionistes justement, mais aussi les immigrés musulmans ou arabo-centrés ?

Ce conflit n'est pas le nôtre. Dénoncer l'influence néfaste d'une minorité de la communauté juive en France, c'est une chose. Justifier indirectement la présence et la légitimité des allogènes pro-palestiniens et se ranger de leur côté contre un Etat non-européen, sous prétexte de lutte contre cette influence, c'en est une autre.

Sur ces deux points, je ne peux pas tomber d'accord avec Soral.

De même, sur son avis relatif à F.Desouche. Autant les critiques d'Alain Soral sont justes concernant beaucoup de commentateurs sur le site, autant elles tombent à plat quand elles visent les administrateurs de celui-ci, qui n’ont pas du tout un discours favorable à une guerre civile, ni manifestement une logique d’incitation à la haine.

Certes, le problème pourrait être résolu par l’exigence d’une inscription filtrante au forum du site, mais il me semble que la stratégie de F.Desouche repose essentiellement sur l’influence et la réinformation basique, pour peser sur les médias classiques tout en aidant la fraction la plus intelligente des lecteurs à s’autonomiser, quitte à laisser les imbéciles stagner (ce qui rejoint, somme toute, la vision élitiste de Soral, faite, à mon avis, de pur bon sens).

La partie “influence” de cette stratégie serait évidemment mise à mal par un tel filtrage, qui aboutirait à dissuader une bonne partie du lectorat de rester fidèle au site (les frustrés qui ne pourraient s’exprimer se détourneraient de F.Desouche pour aller sur Bivouac-ID ou autre instrument de récupération atlantiste). Un site de masse n’a en effet d’écho que par la quantité de sa fréquentation.

Les vidéos qui suivent sont, sous ces quelques réserves, passionnantes.

Elles ont l'immense mérite de soulever des questions rarement discutées et surtout, sous un angle original, pour qui en a assez du tintamarre médiatique et des panneaux dans lesquels tant de patriotes tombent si facilement aujourd'hui.