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23/07/2011

« Encore un moment, monsieur le bourreau... » ?

Le maelström du mental

 

Malgré ce titre évocateur (toutes proportions gardées), je ne vais pas vous parler de l'omniprésente crise de l'euro ou de celle du dollar, mais de la mienne, de la vôtre, de la crise consubstantielle à chacun d'entre nous.

Pourquoi ? Encore ?

Parce que c'est mon blog, parce que j'y fais ce qui me chante, et parce que c'est un sujet qui mérite qu'on s'y intéresse vraiment.

Je sais, la philosophie, c'est chiant. Enfin, celle, déshydratée, lyophilisée, décharnée, qu'on apprend au lycée, puis à la fac, si on est trop lâche pour sortir du circuit fermé des connards pontifiants des « enseignants » (comme disait à peu près Ladislav Klima, « les professeurs de philosophie sont faits avec de la crotte de chien ») et de leurs esclaves volontaires de leurs « apprenants » de leurs étudiants ; ou celle, prétentieusement intello, qu'on nous sert à minuit, dans des émissions de télé dont tout le monde connaît l'existence mais que personne ne regarde, et pour cause.

Je vais faire simple, parce que la vraie philosophie est simple et surtout, qu'elle est pratique, à la portée de n'importe quel bipède doté d'un coeur et d'un cerveau en état de fonctionnement. Donc, ne vous attendez pas à de grandioses citations, ni à de vastes phrases ampoulées pleines de concepts kantiens ou hégéliens, à des étangs des « étant » et à des anchois des « en-soi ».

D'abord, la faible épaisseur de mon vernis culturel ne me permet pas ce genre de fantaisies sans que cela revienne à mentir sur l'ampleur véritable de mon degré d'instruction et puis, surtout, les produits conceptuels de la modernité ne sont que des éjaculats d'onanistes de vaines tentatives d'appréhender une réalité bien trop directe pour leurs impuissants auteurs.

Philosophie, étymologiquement, veut dire « amour de la sagesse », amour en pratique, concrètement, dans la vie, pratique de la sagesse, et pas gribouillage au kilomètre de grimoires abscons pour cogiteurs frustrés.

Philosophie. Comprendre. De quoi s'agit-il ?

De sexe et de mort. De génération et de destruction. Comme le disait - imparfaitement, mais de manière saisissante - Bichat, « la vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort ».

 

Nous évoluons en permanence dans un monde de naissance et de mort, et nous ne nous en apercevons pas.

Ou du moins, nous ne nous apercevons pas que nous sommes ce monde, que nous l'incarnons, qu'en nous il y a naissance et mort, sans cesse, que ce que nous appelons « moi » n'est qu'une suite d'états transitoires, d' « agrégats impermanents » comme diraient les Bouddhistes, d'apparitions-disparitions auxquelles quelque chose, une sorte de continuité personnelle fantasmée, s'identifie autour de la conscience, s'invente un visage, une histoire et des buts. Au fait, étymologiquement, la « personne », c'est le masque. Cela voudrait-il dire qu'en réalité, il n'y a... personne ? Hé hé.

Donc, nés pour mourir et absorbés par les innombrables tâches requises par la génération (de notre sécurité, de notre plaisir, de notre confort, de notre reproduction), « nous » traversons ce monde où tout est éphémère, où tout est déjà effectivement défunt, ou virtuellement mort, ou pas encore né, « nous » rêvons notre « vie » comme « nous » rêvons notre identité et nos actions.

Nous dormons, et nous croyons être éveillés. En discuter est vain, il faut l'avoir expérimenté pour se rendre compte de l'esclavage surréaliste de cette situation. La croyance est esclave. La conscience est libre. Or, pour nous qui sommes persuadés d'être libres, mais qui sommes possédés par la croyance, la réalité de notre condition nous contredit. La prise de conscience détruit nos croyances. Nous ne voulons pas savoir (goûter) et encore moins connaître (naître avec). Nous « voulons » mieux que cette réalité peu flatteuse pour notre incommensurable vanité. « Encore un moment, monsieur le bourreau »...

Et pourtant, il n'y a pas d'autre réalité et, dans cette réalité, il n'y a rien qui soit esclave, sauf ce qui se croit tel et qui ne peut s'en empêcher... Cessons de dire  « moi, moi, moi » avec notre avidité d'identification et de possession, sans pour autant nier cette avidité, juste en l'observant, en nous mettant en retrait sans rien refuser de l'expérience et, peut-être, une certaine légèreté se manifestera-t-elle. Mais là, j'atteins déjà la limite des mots pour décrire un vécu, et certains vont estimer que je délire. Il y a une dimension d'incommunicabilité verbale dans ce vécu, donc revenons au ras des pâquerettes.

Pour prendre un exemple très terre à terre, essayez donc d'empêcher des pensées de vous venir. Elles vous traversent à chaque instant et plus vous tentez de les écarter, plus elles reviennent en force. Esclave de « vos » pensées. Comme d'une irrépressible envie de pisser. Tâchez donc de vous retenir d'une forte envie de pisser : vous ne trouvez pas que l'envie en devient d'autant plus sensible ? Esclave de « vos » processus organiques. Et encore, je ne vous parle pas d'essayer de percevoir ceux qui sont plus discrets. Vous y parvenez ? Non, hein. Vous contrôlez quoi, au juste ? Faites donc la liste. Vous avez un choix cosmique de néants.

Pour autant - et c'est là que les Athéniens atteignirent -, les matérialistes ont tort, il n'y a pas que cette pitoyable mécanique qui serait tombée du vide (pardon, de l'évolution à partir d'un Big Bang calculé par de fabuleux savants Cosinus) pour y retourner après quelques pauvres pirouettes.

 

Je précise, à ce stade, que cette philosophie, c'est bien entendu « MA » philosophie. Je suis prêt à en discuter, même si ça ne sert à rien, et je conviens volontiers de ce qu'elle n'a nulle prétention à expliquer valablement quoi que ce soit qui n'est pas « MA » perception, « MON » sentiment des choses, même s'il me semble bien que je n'ai rien inventé et qu'il s'agit du fil rouge qui court, comme celui donné par Ariane à Thésée pour s'y retrouver dans le labyrinthe du Minotaure, à travers tous les temps, tous les Mystères, toutes les civilisations traditionnelles.

Arrivés là, s'il y a encore quelqu'un qui me lit, accrochez-vous au pinceau, demain on enlève le plafond, il y a... les dieux.

Ben oui, mes amis, les dieux. Ou les archétypes platoniciens, si vous préférez. Ou encore, le paradis, ou quelque chose comme ça.

Parce que c'est la seule possibilité.

Je résume : nous ne sommes que des ombres, des morts en sursis, des rien-du-tout doués d'une conscience qui ne nous appartient pas, qui se prennent pour les personnages d'une pièce que quelque chose leur fait jouer sans qu'ils l'aient écrite ni aient choisi de l'interpréter. Si, dans le cadre de la pièce, EN CE MONDE, nos personnages ont certes des rôles, des influences, des destins, en réalité nous n'avons aucun pouvoir, aucune puissance SUR CE MONDE.

Ce pouvoir, cette puissance, c'est AUTRE CHOSE qui les a.

Et où donc niche cette AUTRE CHOSE ? Sous quelle forme, selon quelles modalités ?

Ah, désolé, si je le savais, je ne serais pas là pour vous en parler. Parce que j'aurais pris mon baluchon pour aller faire la causette à Zeus ou à Shiva, ce qui me paraît quand même autrement plus instructif que de passer ma soirée à vous exposer des conceptions qui vont intéresser un lecteur sur mille. D'ailleurs, peut-être que je l'ai fait sans m'en douter, allez savoir.

Les matérialistes, ces ineffables étrons crétins aveugles têtes de bois en blouse blanche, vous parleront de « soupe primordiale », de « panspermie » et autres spéculations à l'usage des masturbateurs de cervelles en folie. Ils vous diront, avec l'altière componction qui sied aux titulaires d'infinis diplômes, en prenant la pose du penseur, une main sur une mappemonde et l'autre dans une poche (celle-là, c'est comme leur pauvre existence d'antipoètes, ils ne savent pas vraiment quoi en faire, sauf se gratter les gonades), que « nous ne savons pas tout, mais que la science progresse », façon policée de nous prendre pour les cons que nous sommes, si nous les écoutons.

La vision du monde de ces myopes congénitaux est à la mesure de l'étroitesse de leur lorgnette.

Exister, étymologiquement, c'est « être placé en dehors ».

 

En dehors DE QUOI ?

Simplement du ventre maternel ? Vision qui aurait au moins le mérite de replacer la naissance face au trépas, avec l'existence entre les deux, au lieu de la stupide et sempiternelle opposition entre la vie et la mort...

Ou bien, en dehors d'un autre genre de réalité, non-phénoménale, non-manifestée, non-perçue ? D'un avant et arrière-monde, d'une dimension interstitielle où habiterait la conscience libre, créatrice, unifiée, absolue ? Dieu, en somme ? La Vie, surdéterminant créateur des dieux et de leurs oeuvres, non-né et immortel, sans cause et sans limites ?

Tous ces concepts n'ont guère d'utilité pratique, dans la mesure où ils ne font qu'exprimer dans le relatif l'intuition, le sentiment d'une architecture poétique et métaphysique, celle d'une voie de l'Unité entre l'humain et le divin, de l'Absolu (étymologiquement : l'inconditionné ; ce qui est, indépendamment de toute condition), que seuls les mythes, les rites, les Mystères ont imagés et fait vivre dans l'Histoire et dans les religions des hommes.

Ils nous renvoient, non à un prétendu monde extérieur dont la chute spirituelle moderne a fait parodiquement un objet de conquête, mais à l'intériorité.

Chercher en nous-mêmes, puisque nous n'avons pas le choix, n'ayant sinon rien d'autre à faire que nous noyer dans le maëlstrom de notre mental hors de contrôle ; partir de ce corps, de cette mécanique inconnue aux trames analogiquement reliées à celles de l'univers, mais laisser un moment nos croyances, nos béquilles, nos machines, prendre du recul et plonger dans la conscience, voilà ce que nous pourrions tenter.

Si toutefois nous étions attirés par la seule vraie révolution, la première, l'essentielle : la révolution intérieure.

Cette voie (terme qui participe d'ailleurs à l'étymologie du mot « vie ») est solitaire, contrairement à l'action politique, à toute action sociale.

Pourtant, elle est d'une richesse infinie.

Elle est la seule qui permette d'espérer évoluer vers l'état de liberté et d'autonomie qu'exige la participation à un groupe, à un réseau.

Tout collectif avorte, échoue voire implose, quand ses membres n'ont pas de colonne vertébrale, de santé ni d'équilibre ; en un mot, quand ils ne se connaissent pas eux-mêmes.

Sans parler de « connaître l'Univers et les Dieux »...

Commentaires

Croyez-moi ou pas, mais ... j'ai lu entièrement ce billet ! et j'ai apprécié ! non pas que j'y ai pu trouver de quoi nourrir ma révolution intérieure, mais j'ai pris plaisir à savourer votre prose.

La philosophie à l'école, ça ne devrait pas exister. Un cours d'esprit critique, oui, un apprentissage de la "sagesse", non merci. Qu'est-ce qu'un cours qui voudrait enseigner à être sage ? Sage selon quoi, selon qui ? la "sagesse" d'une sélection de pisseurs de néologismes abscons qui nous ont précédés ?

La "philosophie" (celle qu'on enseigne à l'"école") a été ré-inventée à notre ère par les moralistes chrétiens apostats qui s'ignorent, qu'on appelle classiquement les "gauchiasses" agnostiques. Je dis bien "agnostiques" et pas "athés" ou "sceptiques" parce que chez ces gens là, on ne doute pas, monsieur, ... on est certain que l'au-delà existe, tout en étant tout aussi certain qu'on ne pourra jamais y accéder raisonnablement.

Ces gens, indus d'eux-même, encouragés par leur conviction d'être dans le vrai, s'auto-confèrent ainsi toute la hauteur nécessaire pour prodiguer leur morale personnelle en la détachant de tout support religieux. Finalement, ils ne rayonnent que de leur obscurantisme.

Pour ce qui est de la révolution intérieur, je n'y crois pas beaucoup. Je n'ai pas l'impression que les gens changent réellement, même s'ils le souhaitent. Les gens ne font que s'adapter. Je ne dis pas que les gens ne sont pas capables d'apprendre certaines choses dans leur vie, mais pour ce qui est de leurs "étangs" et de leurs "anchois", ça tournera toujours en rond, en vase clos.

Ceci dit, si s'attaquer à sa Bastille mentale procure un malin plaisir, il serait dommage de s'en priver.

Écrit par : Arbre Sec | 25/07/2011

"Pour ce qui est de la révolution intérieur, je n'y crois pas beaucoup. Je n'ai pas l'impression que les gens changent réellement, même s'ils le souhaitent. Les gens ne font que s'adapter."

Disons qu'il s'agit, comme toujours dans le domaine qualitatif supérieur, de quelque chose d'extrêmement élitiste.

Par ailleurs, "changer" n'est pas forcément l'objectif (pour prolonger Nietzsche, on ne devient que ce qu'on est...). Evoluer, c'est déjà bien, et ça ne se voit pas forcément de l'extérieur.

Difficile d'expliquer cela à des Occidentaux en pleine crise de modernité, dans la mesure où il s'agit toujours, pour eux (au-delà même d'avoir), d'être quelque chose.

L'esprit oriental, demeuré moins moderne, est davantage compatible avec une démarche qui, à bien des égards culturellement tournée vers le "lâcher-prise", supporte de n'être rien. Voire, y aspire.

Écrit par : Boreas | 25/07/2011

Je ne pense pas que la révolution intérieure, ou la vie spirituelle soit élitiste. Des millions de chrétiens de toutes conditions et sur des centaines de générations l'ont connue et la connaissent encore. La foi du charbonnier est suffisante et à bien des égards égale ou supérieure (voir Ste Thérèse) à une foi trop intellectuelle. Elle est accessible même aux enfants et aux simples d'esprit.
Mon expérience est que la principale condition de son avènement est l'enseignement très jeune et l'exemple vivant des parents.
Au delà de l'enfance elle est beaucoup plus difficile à transmettre.

Écrit par : StatCrux | 26/07/2011

Je ne parle pas de mysticisme, même si je respecte votre opinion et même si j'ai, moi-même, probablement, un côté mystique.

Concernant l'esprit d'enfance, j'adhère complètement à ce que vous écrivez.

Mais pour ce qui est du Christianisme, je suis trop critique, comme je l'ai écrit notamment ici :

http://fortune.fdesouche.com/19521-l%e2%80%99occident-comme-declin/comment-page-2#comment-23647

... pour pouvoir partager pleinement votre avis.

Cordialement.

Écrit par : Boreas | 27/07/2011

c'est marrant ce billet fait plus que rejoindre mes préoccupations actuelles...
Il faut absolument que vous lisiez, si vous ne l'avez déjà fait, Eckhart Tolle (le pouvoir du moment présent)
Ou comment essayer de retrouver sa vraie nature en faisant taire le mental..

Écrit par : toff de aix | 27/07/2011

Eckhart Tolle, oui, excellent.

Karlfried Graf Dürckheim, D.T. Suzuki et Douglas Harding, par exemple, devraient vous plaire également.

Cela dit, si vous connaissez Nisargadatta Maharaj, vous n'en avez pas besoin. Vous n'avez d'ailleurs plus besoin de rien. :-)

Très cordialement.

P.S. : votre blog http://francedapresdemain.blogspot.com/ est un des meilleurs que j'aie vus depuis longtemps.

Dommage que, parfois, vous tombiez dans la caricature grossière et dans le clivage gauche-droite (ici, par exemple : http://francedapresdemain.blogspot.com/2011/03/les-racistes-dehors.html ).

Pour vous, je serai toujours un immonde "facho", alors que tant de choses nous rapprochent... Dommage que la "vraie gauche" n'ait toujours pas, le plus souvent, de conscience identitaire.

Écrit par : Boreas | 27/07/2011

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