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05/02/2014

Subversion techno-scientifique

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« (...) Dès son origine, la science porte en elle une volonté de subvertir le langage, de le réduire à une fonction utilitaire. Les Grecs visaient déjà un savoir affranchi de la subjectivité des locuteurs. Il faudra attendre l'âge classique pour que ce vœux se réalise pleinement. Déjà loin de Montaigne qui constatait la vanité du savoir, le Discours de la méthode que publie Descartes en 1637, vise la recherche d'un point de certitude pour la construction des sciences : "Ainsi la science se constitue, non plus sur les perceptions mais sur les idées elles-mêmes. La rupture est dès lors faite avec la position épistémologique d'Aristote pour qui la priorité restait accordée à la chose existante". Descartes dissocie notre entendement de notre sens commun, dont il s'agit désormais de faire abstraction. Avec Galilée, il prend parti pour un rapport à la nature et au monde réduits à leur mathématisation.

Telle est la coupure fondamentale d'avec les Grecs : le savoir évacue la question de la vérité : "Désormais, savoir et vérité sont disjoints et le savoir, de ne plus être obligé de se confronter sans cesse à ce qui le fonde, peut se capitaliser. Le savoir peut dorénavant, sans mettre en péril sa validité, 'oublier' la question de la vérité. La démarche de Descartes implique donc un mouvement d'autosuffisance qui, de ne plus s'être encombré de la dimension de la vérité, a pu devenir opérant".

Se libérant de son ancrage dans la vérité, le savoir fonde son origine sur lui-même afin de mieux pouvoir progresser. Cet oubli est une nécessité constitutive de sa méthode et conditionne la puissance opératoire de la science moderne. Autrement dit, le savoir a colonisé la vérité, la vie a été assimilée au savoir. Ainsi, chaque énoncé scientifique rend caduque le précédent énoncé : "La science se charge donc d'oublier le 'dire' pour ne retenir que le 'dit' ".

(...) cette subversion du réel par laquelle la science s'auto-fonde, n'est pas un "dérapage de l'idéologie scientiste". Elle est inhérente à la méthode scientifique moderne, porteuse d'un prétention totalisante et potentiellement totalitaire.

A cet égard, nous vivons aujourd'hui une nouvelle étape, celle où le monde se trouve directement déterminé par les effets de ce progrès, si visibles dans ces objets qui peuplent notre quotidien, du micro-onde à l'ordinateur en passant par la télévision et la pilule contraceptive. Avec le voyage de l'homme sur la Lune, "ce qui jusque-là avait été pensé comme impossible était devenu possible". Dans cette nouvelle et récente étape des développements de la science, la catégorie même de l'impossible est en train de disparaître, et avec elle, la dimension du manque, de la faille, qui sont au cœur du symbolique humain, et seulement par la reconnaissance et l'acceptation desquelles, le sujet humain peut devenir adulte.

Cette étape de la "technoscience" révèle bien que la science est ordonnée en vue de la technique. Les présupposés initiaux de la science aboutissent à la technique, à laquelle la nature devient entièrement subordonnée, et auquel le sujet humain risque de vite l'être à son tour : l'effacement de l'énonciation requis par la méthode scientifique aboutit à sa disparition, alors qu'elle est la propriété première d'un sujet. A cet effacement de l'énonciation, se substitue le "laisser-croire" en la toute-puissance de la technoscience, par laquelle et grâce à laquelle tout est ou sera possible. (...) »

Source

08/09/2012

La science de Camille Flammarion

 

« (...) La merveilleuse organisation du monde ne vous force-t-elle donc pas à avouer l'existence de l'Etre suprême ? Et d'ailleurs, en vérité, nous nous sommes souvent demandé pourquoi l'on se refuse si obstinément à reconnaître cette existence. Quels sont donc les avantages de l'athéisme ? En quoi peut-il être préférable au théisme ? Qu'est-ce que l'humanité peut gagner à être désormais privée de la croyance en Dieu ? Lequel est le meilleur, de l'homme qui croit et de celui qui ne croit pas ? Est-ce donc un acte de si grande faiblesse que d'être logique avec sa conscience ? Est-ce donc une faute si grave que d'avoir du sens commun ? Peut-être les esprits forts qui escaladent le ciel sur une échelle de paradoxes, croient-ils monter bien haut ! mais ils se tromperaient fort, car leur ascension ressemble à celle de l'épreuve maçonnique antique, dans laquelle l'initié gravissait une échelle de cent cinquante marches qui descendait à mesure, de sorte qu'au sommet de son ascension, au moment de s'élancer dans le vide, il avait à peine quitté le sol. Non, messieurs, votre escalade n'est pas plus terrible que celle-là, seulement elle peut porter de mauvais fruits chez les hommes à vue étroite qui ne s'aperçoivent pas de votre erreur et vous prennent pour les phénix de la science. Si votre illusion était agréable, si vos doctrines étaient consolantes, si vos idées étaient capables d'exciter l'émulation de l'humanité pensante et de l'élever vers un idéal suprême, on vous pardonnerait peut-être ce médicament. Mais, où voyez-vous qu'une saine croyance en Dieu ait été funeste à l'esprit humain ? Où voyez-vous que la connaissance du vrai ait rendu les cerveaux malades ? En dépouillant l'humanité de son plus précieux trésor, en exilant la vie de l'univers, en chassant l'esprit de la nature, en n'admettant plus qu'une matière aveugle et des forces borgnes, vous privez la famille humaine de son père, vous privez le monde de son principe et de sa fin ; le génie et la vertu, reflets d'une splendeur plus éclatante, s'éclipsent avec le principe de la lumière, et le monde moral, comme le monde physique, ne sont plus qu'un immense chaos, digne de la nuit primitive d'Épicure.

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04/08/2012

Contre la modernité

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Un regard prémoderne

(Albert Finney dans le rôle de Tom Jones, 1963 - Tom Jones, adaptation cinématographique du roman éponyme d'Henry Fielding, datant de 1750)

 

Au-delà des images d’Epinal, la Révolution française n’a constitué, en réalité, ni la légitime révolte d’un peuple opprimé contre la tyrannie (fantasme degôôôche), ni l’infâme machination de sanguinaires égalitaristes prémarxistes (fantasme dedroâââte).

Elle s'est révélée comme emblème historique du basculement logique et progressif d’une société traditionnelle dans la modernité, qui a commencé par la conversion des cadres.

Puisque, depuis lors, la modernité a prouvé qu’elle est mensongère et suicidaire, il faut retrouver les valeurs et les structures fondamentales des sociétés prémodernes, mais sans fixation esthétisante et passéiste sur l’Ancien Régime ni la religion catholique. J'y reviendrai.

Précisons d'abord que contrairement à la plupart des historiens français, je n'entends pas par époque moderne la période s'étendant de 1492 à 1789, mais notre présent depuis l'avènement des pseudo-« Lumières ».

Il est aisé, en effet, de constater que la rupture qui s'est produite aux environs de la moitié du XVIIIe siècle, est fondée sur des présupposés philosophiques uniformément parvenus jusqu'à nous, tant par leur application caricaturale à travers les développements technologiques et sociaux qui l’ont accompagnée et suivie (car ces présupposés philosophiques sont faux et utopiques et ne pouvaient donc produire que des monstres concrets) que dans leurs expressions théoriques - même si le collectivisme marxiste, issu de l'aile gauche du libéralisme davantage que de la pensée antilibérale, est quasiment mort et a laissé la place au libéralisme libertaire, complément sociétal du libéralisme économique.

Tout cela pour former, encore et même surtout aujourd'hui, un système civilisationnel que l'on peut qualifier de moderne, par opposition à l'architecture mentale, sociale et culturelle antérieure.

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23/07/2011

« Encore un moment, monsieur le bourreau... » ?

Le maelström du mental

 

Malgré ce titre évocateur (toutes proportions gardées), je ne vais pas vous parler de l'omniprésente crise de l'euro ou de celle du dollar, mais de la mienne, de la vôtre, de la crise consubstantielle à chacun d'entre nous.

Pourquoi ? Encore ?

Parce que c'est mon blog, parce que j'y fais ce qui me chante, et parce que c'est un sujet qui mérite qu'on s'y intéresse vraiment.

Je sais, la philosophie, c'est chiant. Enfin, celle, déshydratée, lyophilisée, décharnée, qu'on apprend au lycée, puis à la fac, si on est trop lâche pour sortir du circuit fermé des connards pontifiants des « enseignants » (comme disait à peu près Ladislav Klima, « les professeurs de philosophie sont faits avec de la crotte de chien ») et de leurs esclaves volontaires de leurs « apprenants » de leurs étudiants ; ou celle, prétentieusement intello, qu'on nous sert à minuit, dans des émissions de télé dont tout le monde connaît l'existence mais que personne ne regarde, et pour cause.

Je vais faire simple, parce que la vraie philosophie est simple et surtout, qu'elle est pratique, à la portée de n'importe quel bipède doté d'un coeur et d'un cerveau en état de fonctionnement. Donc, ne vous attendez pas à de grandioses citations, ni à de vastes phrases ampoulées pleines de concepts kantiens ou hégéliens, à des étangs des « étant » et à des anchois des « en-soi ».

D'abord, la faible épaisseur de mon vernis culturel ne me permet pas ce genre de fantaisies sans que cela revienne à mentir sur l'ampleur véritable de mon degré d'instruction et puis, surtout, les produits conceptuels de la modernité ne sont que des éjaculats d'onanistes de vaines tentatives d'appréhender une réalité bien trop directe pour leurs impuissants auteurs.

Philosophie, étymologiquement, veut dire « amour de la sagesse », amour en pratique, concrètement, dans la vie, pratique de la sagesse, et pas gribouillage au kilomètre de grimoires abscons pour cogiteurs frustrés.

Philosophie. Comprendre. De quoi s'agit-il ?

De sexe et de mort. De génération et de destruction. Comme le disait - imparfaitement, mais de manière saisissante - Bichat, « la vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort ».

 

Nous évoluons en permanence dans un monde de naissance et de mort, et nous ne nous en apercevons pas.

Ou du moins, nous ne nous apercevons pas que nous sommes ce monde, que nous l'incarnons, qu'en nous il y a naissance et mort, sans cesse, que ce que nous appelons « moi » n'est qu'une suite d'états transitoires, d' « agrégats impermanents » comme diraient les Bouddhistes, d'apparitions-disparitions auxquelles quelque chose, une sorte de continuité personnelle fantasmée, s'identifie autour de la conscience, s'invente un visage, une histoire et des buts. Au fait, étymologiquement, la « personne », c'est le masque. Cela voudrait-il dire qu'en réalité, il n'y a... personne ? Hé hé.

Donc, nés pour mourir et absorbés par les innombrables tâches requises par la génération (de notre sécurité, de notre plaisir, de notre confort, de notre reproduction), « nous » traversons ce monde où tout est éphémère, où tout est déjà effectivement défunt, ou virtuellement mort, ou pas encore né, « nous » rêvons notre « vie » comme « nous » rêvons notre identité et nos actions.

Nous dormons, et nous croyons être éveillés. En discuter est vain, il faut l'avoir expérimenté pour se rendre compte de l'esclavage surréaliste de cette situation. La croyance est esclave. La conscience est libre. Or, pour nous qui sommes persuadés d'être libres, mais qui sommes possédés par la croyance, la réalité de notre condition nous contredit. La prise de conscience détruit nos croyances. Nous ne voulons pas savoir (goûter) et encore moins connaître (naître avec). Nous « voulons » mieux que cette réalité peu flatteuse pour notre incommensurable vanité. « Encore un moment, monsieur le bourreau »...

Et pourtant, il n'y a pas d'autre réalité et, dans cette réalité, il n'y a rien qui soit esclave, sauf ce qui se croit tel et qui ne peut s'en empêcher... Cessons de dire  « moi, moi, moi » avec notre avidité d'identification et de possession, sans pour autant nier cette avidité, juste en l'observant, en nous mettant en retrait sans rien refuser de l'expérience et, peut-être, une certaine légèreté se manifestera-t-elle. Mais là, j'atteins déjà la limite des mots pour décrire un vécu, et certains vont estimer que je délire. Il y a une dimension d'incommunicabilité verbale dans ce vécu, donc revenons au ras des pâquerettes.

Pour prendre un exemple très terre à terre, essayez donc d'empêcher des pensées de vous venir. Elles vous traversent à chaque instant et plus vous tentez de les écarter, plus elles reviennent en force. Esclave de « vos » pensées. Comme d'une irrépressible envie de pisser. Tâchez donc de vous retenir d'une forte envie de pisser : vous ne trouvez pas que l'envie en devient d'autant plus sensible ? Esclave de « vos » processus organiques. Et encore, je ne vous parle pas d'essayer de percevoir ceux qui sont plus discrets. Vous y parvenez ? Non, hein. Vous contrôlez quoi, au juste ? Faites donc la liste. Vous avez un choix cosmique de néants.

Pour autant - et c'est là que les Athéniens atteignirent -, les matérialistes ont tort, il n'y a pas que cette pitoyable mécanique qui serait tombée du vide (pardon, de l'évolution à partir d'un Big Bang calculé par de fabuleux savants Cosinus) pour y retourner après quelques pauvres pirouettes.

 

Je précise, à ce stade, que cette philosophie, c'est bien entendu « MA » philosophie. Je suis prêt à en discuter, même si ça ne sert à rien, et je conviens volontiers de ce qu'elle n'a nulle prétention à expliquer valablement quoi que ce soit qui n'est pas « MA » perception, « MON » sentiment des choses, même s'il me semble bien que je n'ai rien inventé et qu'il s'agit du fil rouge qui court, comme celui donné par Ariane à Thésée pour s'y retrouver dans le labyrinthe du Minotaure, à travers tous les temps, tous les Mystères, toutes les civilisations traditionnelles.

Arrivés là, s'il y a encore quelqu'un qui me lit, accrochez-vous au pinceau, demain on enlève le plafond, il y a... les dieux.

Ben oui, mes amis, les dieux. Ou les archétypes platoniciens, si vous préférez. Ou encore, le paradis, ou quelque chose comme ça.

Parce que c'est la seule possibilité.

Je résume : nous ne sommes que des ombres, des morts en sursis, des rien-du-tout doués d'une conscience qui ne nous appartient pas, qui se prennent pour les personnages d'une pièce que quelque chose leur fait jouer sans qu'ils l'aient écrite ni aient choisi de l'interpréter. Si, dans le cadre de la pièce, EN CE MONDE, nos personnages ont certes des rôles, des influences, des destins, en réalité nous n'avons aucun pouvoir, aucune puissance SUR CE MONDE.

Ce pouvoir, cette puissance, c'est AUTRE CHOSE qui les a.

Et où donc niche cette AUTRE CHOSE ? Sous quelle forme, selon quelles modalités ?

Ah, désolé, si je le savais, je ne serais pas là pour vous en parler. Parce que j'aurais pris mon baluchon pour aller faire la causette à Zeus ou à Shiva, ce qui me paraît quand même autrement plus instructif que de passer ma soirée à vous exposer des conceptions qui vont intéresser un lecteur sur mille. D'ailleurs, peut-être que je l'ai fait sans m'en douter, allez savoir.

Les matérialistes, ces ineffables étrons crétins aveugles têtes de bois en blouse blanche, vous parleront de « soupe primordiale », de « panspermie » et autres spéculations à l'usage des masturbateurs de cervelles en folie. Ils vous diront, avec l'altière componction qui sied aux titulaires d'infinis diplômes, en prenant la pose du penseur, une main sur une mappemonde et l'autre dans une poche (celle-là, c'est comme leur pauvre existence d'antipoètes, ils ne savent pas vraiment quoi en faire, sauf se gratter les gonades), que « nous ne savons pas tout, mais que la science progresse », façon policée de nous prendre pour les cons que nous sommes, si nous les écoutons.

La vision du monde de ces myopes congénitaux est à la mesure de l'étroitesse de leur lorgnette.

Exister, étymologiquement, c'est « être placé en dehors ».

 

En dehors DE QUOI ?

Simplement du ventre maternel ? Vision qui aurait au moins le mérite de replacer la naissance face au trépas, avec l'existence entre les deux, au lieu de la stupide et sempiternelle opposition entre la vie et la mort...

Ou bien, en dehors d'un autre genre de réalité, non-phénoménale, non-manifestée, non-perçue ? D'un avant et arrière-monde, d'une dimension interstitielle où habiterait la conscience libre, créatrice, unifiée, absolue ? Dieu, en somme ? La Vie, surdéterminant créateur des dieux et de leurs oeuvres, non-né et immortel, sans cause et sans limites ?

Tous ces concepts n'ont guère d'utilité pratique, dans la mesure où ils ne font qu'exprimer dans le relatif l'intuition, le sentiment d'une architecture poétique et métaphysique, celle d'une voie de l'Unité entre l'humain et le divin, de l'Absolu (étymologiquement : l'inconditionné ; ce qui est, indépendamment de toute condition), que seuls les mythes, les rites, les Mystères ont imagés et fait vivre dans l'Histoire et dans les religions des hommes.

Ils nous renvoient, non à un prétendu monde extérieur dont la chute spirituelle moderne a fait parodiquement un objet de conquête, mais à l'intériorité.

Chercher en nous-mêmes, puisque nous n'avons pas le choix, n'ayant sinon rien d'autre à faire que nous noyer dans le maëlstrom de notre mental hors de contrôle ; partir de ce corps, de cette mécanique inconnue aux trames analogiquement reliées à celles de l'univers, mais laisser un moment nos croyances, nos béquilles, nos machines, prendre du recul et plonger dans la conscience, voilà ce que nous pourrions tenter.

Si toutefois nous étions attirés par la seule vraie révolution, la première, l'essentielle : la révolution intérieure.

Cette voie (terme qui participe d'ailleurs à l'étymologie du mot « vie ») est solitaire, contrairement à l'action politique, à toute action sociale.

Pourtant, elle est d'une richesse infinie.

Elle est la seule qui permette d'espérer évoluer vers l'état de liberté et d'autonomie qu'exige la participation à un groupe, à un réseau.

Tout collectif avorte, échoue voire implose, quand ses membres n'ont pas de colonne vertébrale, de santé ni d'équilibre ; en un mot, quand ils ne se connaissent pas eux-mêmes.

Sans parler de « connaître l'Univers et les Dieux »...