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24/12/2013

La surpuissance du « Système » alimente son autodestruction

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« (...) Le rôle métahistorique de Poutine et de la Russie n’est (...) pas de tenter de détruire le Système (ils ne le peuvent en aucune manière puisque, comme on a vu, ils en font partie et ne peuvent prétendre à sa surpuissance), c’est de façon très différente de susciter sa fureur et son désarroi pour l’inciter, le Système, à développer encore plus sa surpuissance. Il n’est pas nécessaire que Poutine et la Russie soient conscients de cette stratégie puisque cette stratégie se développe d’elle-même, qu’elle est naturelle à la dynamique générale du Système qui ne répond certainement pas, ni à des consignes humaines, ni à une volonté humaine. (...)

Ce que nous montre cette situation, c’est la preuve une fois de plus développée du lien indissoluble que l’équation surpuissance-autodestruction impose. La surpuissance sans cesse en augmentation du Système n’est pas un gage de puissance selon l’entendement humain de la chose (...) : plus le Système active sa surpuissance, plus il active le désordre en général, à l’extérieur certes, – mais "l’extérieur" de quoi puisque le Système est notre Tout aujourd’hui ? Et ainsi, le désordre s’étendant, se tordant, revenant sur lui-même et vers sa source principale sans rencontrer d’obstacles puisque le Système est partout chez lui ; désordre qui, à force de se développer de la sorte, frappe de plus en plus, en retour, le cœur du Système lui-même. (Le cas Snowden, enfant révolté de la surpuissance de la NSA, – peut-on rêver meilleur blowback [retour de flamme] autodestructeur de la surpuissance ? Mais aussi l’évolution russe : si le bloc BAO avait agi avec raison, respectant ses engagements de non-extension de l’OTAN en 1992, s’abstenant de ses menées subversives de désordre comme les "révolutions de couleur", s’abstenant des aventures libyenne et syrienne, bref tout ce que produit vainement sa surpuissance pour parvenir à son impuissance, où croit-on que serait la Russie sinon en fidèle complément-Système du bloc BAO, sinon intégrée dans le bloc BAO ?)

Ainsi, plus le Système exprime sa surpuissance, plus il active son autodestruction... Ainsi soit-il, – et qui dit avec découragement "voyez, le Système est de plus en plus fort", celui-là nous dit simplement : "Voyez, le Système alimente de plus en plus son autodestruction". »

Philippe Grasset

21/08/2011

Egypte : les USA, arroseur arrosé

 

« (...) les USA n’ont cessé, depuis des années, de couvrir l’Egypte d’un flot de dollars : le régime Moubarak, l’armée, les partis politiques, les groupes réformistes et radicaux d’opposition. C’est une tactique bien américaniste, marquée par l’habileté du bœuf qui ratisse large avec sa queue plus qu’avec sa tête, et par la marche parallèle et surtout pas coordonnée du département d’Etat, du Pentagone et de la CIA. Le tout est couronné par les envolées lyriques du président Obama concernant la nécessaire libération du monde arabe, accompagnées d’une politique où la capitulation devant la clique Netanyahou & compagnie est élevée au rang d’un des beaux-arts.

Le résultat est étonnant, après six mois de “révolution” égyptienne réussie, subtilisée, réanimée, bloquée, relancée, – transformée peu à peu en un désordre contenu où aucune des forces ne tient une position décisive, où personne ne peut rien, ni imposer rien de décisif à personne. Dans une telle situation, il est bon de disposer d’un bouc émissaire extérieur, contre lequel, de temps en temps, on peut lancer des cris de ralliement à l’unité nationale, parce que chacune des forces en présence a besoin de se parer de cette vertu-là. L’affaire est expédiée : le bouc émissaire, ce sera les USA, d’autant plus aisément que, parmi les multiples critiques qu’on lance contre eux, un nombre respectables d’entre elles s’avèrent fondées même si celui qui a lancé l’une ou l’autre n’en espérait pas tant. Face à l’Egypte, les USA semblent dotés de multiples bras, chacun ignorant l’autre, chacun avec une politique différente, chacun bien sûr avec une manne d’argent destinée à influencer, corrompre, acheter, le tout enrobé des discours sans fin sur le soutien de la démocratie en Egypte ou sur un danger imminent quelconque, islamiste, iranien ou autre… Mais qui sait où se trouve la démocratie en Egypte ? Alors, les USA arrosent tout le monde.

… Et finalement, personne n’est content, parce que, effectivement, dans cette situation de désordre, l’appel à l’unité nationale retentit périodiquement pour tenter de calmer le jeu, et il ne peut avoir de crédit qu’en s’appuyant d’une façon antagoniste sur la présence d’une force extérieure corruptrice, et cette force extérieure corruptrice ne pouvant être que celle des USA. Le résultat est donc une action multilatérale d’ingérence “friquée”, pas dépourvue de bonnes intentions à côté des habituelles intentions sordides, qui parvient à faire contre elle une unanimité inespérée. Ainsi les USA, qui ont contribué à liquider Moubarak, sont-ils en train de rassembler contre eux les militaires, les Frères Musulmans, les partis dits “démocratiques”, les groupes d’opposition et ainsi de suite (s’il y a suite). C’est toute l’universalité d’ingérence et de corruption de leur politique qui se retourne contre eux, dans un mouvement d’inversion somme toute logique et presque moral. Les USA n’ont, à l’image du Système qu’ils représentent si bien, besoin de personne pour démontrer tout ce que leur politique a de subversif, de corrupteur, et avec quelle maestria, suivant en cela l’inspiration du Système, leur formidable surpuissance s’incurve irrésistiblement en une courbe d’autodestruction. »

Philippe Grasset