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01/11/2011

Rien n'a changé, Jack

La tombe du plus grand écrivain américain de tous les temps, à Glen Ellen, en Californie

 

« Il y a trois classes dans la société. D’abord vient la ploutocratie, composée des riches banquiers, magnats des chemins de fer, directeurs de grandes compagnies et rois des trusts. Puis vient la classe moyenne, la vôtre, messieurs, qui comprend les fermiers, les marchands, les petits industriels et les professions libérales. Enfin, troisième et dernière, vient ma classe à moi, le prolétariat, formée des travailleurs salariés.

« Vous ne pouvez nier que la possession de la richesse est ce qui constitue actuellement le pouvoir essentiel aux États-Unis. Dans quelle proportion cette richesse est-elle possédée par ces trois classes ? Voici les chiffres. La ploutocratie est propriétaire de soixante-sept milliards. Sur le nombre total des personnes exerçant une profession aux États-Unis, seulement 0,9 % appartiennent à la ploutocratie, et cependant la ploutocratie possède 70 % de la richesse totale. La classe moyenne détient vingt-quatre milliards. 29 % des personnes exerçant une profession appartiennent à la classe moyenne, et jouissent de 25% de la richesse totale. Reste le prolétariat. Il dispose de quatre milliards. De toutes les personnes exerçant une profession, 70 % viennent du prolétariat ; et le prolétariat possède 4 % de la richesse totale. De quel côté est le pouvoir, messieurs ?

— D’après vos propres chiffres, nous, les gens de la classe moyenne, nous sommes plus puissants que le travail, remarqua M. Asmunsen.

— Ce n’est pas en nous rappelant notre faiblesse que vous améliorerez la vôtre devant la force de la ploutocratie, riposta Ernest. D’ailleurs, je n’en ai pas fini avec vous. Il y a une force plus grande que la richesse, plus grande en ce sens qu’elle ne peut pas nous être arrachée. Notre force, la force du prolétariat, réside dans nos muscles pour travailler, dans nos mains pour voter, dans nos doigts pour presser une détente. Cette force, on ne peut pas nous en dépouiller. C’est la force primitive, alliée à la vie, supérieure à la richesse, et insaisissable par elle.

« Mais votre force, à vous, est amovible. Elle peut vous être retirée. En ce moment même la ploutocratie est en train de vous la ravir. Elle finira par vous l’enlever tout entière. Et alors, vous cesserez d’être la classe moyenne. Vous descendrez à nous. Vous deviendrez des prolétaires. Et ce qu’il y a de plus fort, c’est que vous ajouterez à notre force. Nous vous accueillerons en frères, et nous combattrons coude à coude pour la cause de l’humanité.

« Le travail, lui, n’a rien de concret qu’on puisse lui prendre. Sa part de la richesse nationale consiste en vêtements et meubles, avec, par-ci par-là, dans des cas très rares, une maison pas trop garnie. Mais vous, vous avez la richesse concrète, vous en avez pour vingt-quatre milliards, et la ploutocratie vous les prendra. Naturellement, il est beaucoup plus vraisemblable que ce sera le prolétariat qui vous les prendra auparavant. Ne voyez-vous pas votre situation, messieurs ? Votre classe moyenne, c’est l’agnelet tremblotant entre le lion et le tigre. Si l’un ne vous a pas, l’autre vous aura. Et si la ploutocratie vous a la première, le prolétariat aura la ploutocratie ensuite ; ce n’est qu’une affaire de temps.

« Et même, votre richesse actuelle ne donne pas la vraie mesure de votre pouvoir. En ce moment, la force de votre richesse n’est qu’une coquille vide. C’est pourquoi vous poussez votre piteux cri de guerre : « Revenons aux méthodes de nos pères ». Vous sentez votre impuissance et le vide de votre coquille. Et je vais vous en montrer la vacuité.

« Quel pouvoir possèdent les fermiers ? Plus de cinquante pour cent sont en servage par leur simple qualité de locataires ou parce qu’ils sont hypothéqués : et tous sont en tutelle par le fait que déjà les trusts possèdent ou gouvernent (ce qui est la même chose, en mieux) tous les moyens de mettre les produits sur le marché, tels qu’appareils frigorifiques ou élévateurs, voies ferrées et lignes de vapeurs. En outre, les trusts dirigent les marchés. Quant au pouvoir politique et gouvernemental des fermiers, je m’en occuperai tout à l’heure en parlant de celui de toute la classe moyenne.

« De jour en jour les trusts pressurent les fermiers comme ils ont étranglé M. Calvin et tous les autres crémiers. Et de jour en jour les marchands sont écrasés de la même façon. Vous souvenez-vous comment, en six mois de temps, le trust du tabac a balayé plus de quatre cents débits de cigares rien que dans la cité de New-York ? Où sont les anciens propriétaires de charbonnages ? Vous savez, sans que j’aie besoin de vous le dire, qu’aujourd’hui le trust des chemins de fer détient ou gouverne la totalité des terrains miniers à anthracite ou à bitume. Le Standard Oil Trust ne possède-t-il pas une vingtaine de lignes maritimes ? Ne gouverne-t-il pas aussi le cuivre, sans parler du trust des hauts fourneaux qu’il a mis sur pied comme petite entreprise secondaire ? Il y a dix mille villes aux États-Unis qui sont éclairées ce soir par des Compagnies dépendant du Standard Oil, et il y en a encore autant où tous les transports électriques, urbains, suburbains ou interurbains sont entre ses mains. Les petits capitalistes jadis intéressés dans ces milliers d’entreprises ont disparu. Vous le savez. C’est la même route que vous êtes en train de suivre.

« Il en est des petits fabricants comme des fermiers ; à tout prendre, les uns et les autres en sont aujourd’hui réduits à la tenure féodale. Et l’on peut en dire autant des professionnels et des artistes : à l’époque actuelle, en tout sauf le nom, ils sont des vilains, tandis que les politiciens sont des valets. Pourquoi vous, monsieur Calvin, passez-vous vos jours et vos nuits à organiser les fermiers, ainsi que le reste de la classe moyenne, en un nouveau parti politique ? Parce que les politiciens des vieux partis ne veulent rien avoir à faire avec vos idées ataviques ; et ils ne le veulent pas parce qu’ils sont ce que j’ai dit, les valets, les serviteurs de la ploutocratie.

« J’ai dit aussi que les professionnels et les artistes étaient les roturiers du régime actuel. Que sont-ils autre chose ? Du premier au dernier, professeurs, prédicateurs, journalistes, ils se maintiennent dans leurs emplois en servant la ploutocratie, et leur service consiste à ne propager que les idées inoffensives ou élogieuses pour les riches. Toutes les fois qu’ils s’avisent de répandre des idées menaçantes pour ceux-ci, ils perdent leur place ; en ce cas, s’ils n’ont rien mis de côté pour les mauvais jours, ils descendent dans le prolétariat, et végètent dans la misère ou deviennent des agitateurs populaires. Et n’oubliez pas que c’est la presse, la chaire de l’Université qui modèlent l’opinion publique, qui donnent la cadence à la marche mentale de la nation. Quant aux artistes, ils servent simplement d’entremetteurs aux goûts plus ou moins ignobles de la ploutocratie.

« Mais, après tout, la richesse ne constitue pas le vrai pouvoir par elle-même ; elle est le moyen d’obtenir le pouvoir, qui est gouvernemental par essence. Qui dirige le gouvernement aujourd’hui ? Est-ce le prolétariat avec ses vingt millions d’êtres engagés dans des occupations multiples ? Vous-même riez à cette idée. Est-ce la classe moyenne, avec ses huit millions de membres exerçant diverses professions ? Pas davantage. Qui donc dirige le gouvernement ? C’est la ploutocratie, avec son chétif quart de million d’individus. Cependant, ce n’est pas même ce quart de million d’hommes qui le dirige réellement, bien qu’il rende des services de garde volontaire. Le cerveau de la ploutocratie, qui dirige le gouvernement, se compose de sept petits et puissants groupes. Et n’oubliez pas qu’aujourd’hui ces groupes agissent à peu près à l’unisson.

« Permettez-moi de vous esquisser la puissance d’un seul de ces groupes, celui des Chemins de Fer. Il emploie quarante mille avocats pour débouter le public devant les tribunaux. Il distribue d’innombrables cartes de circulation gratuite aux juges, aux banquiers, aux directeurs de journaux, aux ministres du culte, aux membres des universités, des législatures d’État et du Congrès. Il entretient de luxueux foyers d’intrigue, des lobbies au chef-lieu de chaque État et dans la capitale ; et dans toutes les grandes et petites villes du pays, il emploie une immense armée d’avocassiers et de politicailleurs dont la tâche est d’assister aux comités électoraux et assemblées de partis, de circonvenir les jurys, de suborner les juges et de travailler de toutes façons pour ses intérêts.

« Messieurs, je n’ai fait qu’ébaucher la puissance de l’un des sept groupes qui constituent le cerveau de la Ploutocratie. Vos vingt-quatre milliards de richesse ne vous donnent pas pour vingt-cinq cents de pouvoir gouvernemental. C’est une coquille vide, et bientôt cette coquille même vous sera enlevée. Aujourd’hui la Ploutocratie a tout le pouvoir entre les mains. C’est elle qui fabrique les lois, car elle possède le Sénat, le Congrès, les Cours et les Législatures d’États. Et ce n’est pas tout. Derrière la loi, il faut une force pour l’exécuter. Aujourd’hui, la ploutocratie fait la loi, et pour l’imposer elle a à sa disposition la police, l’armée, la marine et enfin la milice, c’est-à-dire vous, et moi, et nous tous. »

Jack London, Le Talon de Fer (1908)

29/10/2011

Vive le populisme révolutionnaire !

 

La droâte nationale française pense avec ses pieds, on peut le constater tous les jours, quel que soit le sujet.

C'est particulièrement évident en ce qui concerne la question de l'identité, mais ça l'est surtout quant à la stratégie.

Normal.

D'abord, la droâte nationale française, c'est... l'auberge espagnole. Or, on ne peut attendre d'une alliance hétéroclite et contre nature, faite, entre autres, de jacobins laïcards, de libéraux voire de libéraux libertaires, de monarchistes et de catholiques plus ou moins nostalgiques de l'Ancien Régime, de néo-païens, d'athées bouffeurs de curés et de transfuges de l'UMP ou du MODEM, qu'elle soit révolutionnaire.

Ces diverses tendances convergent vers l'immobilisme oppositionnel (le fameux « vote protestataire ») et le syndrome de la tour d'ivoire. On s'imagine incarner le peuple français, alors qu'on méprise, bien souvent, sa volonté démocratique, presque autant que le font ceux que l'on prétend combattre.

Ensuite, principalement du fait de l'infection du bourgeoisisme et du libéralisme, la droâte nationale, c'est avant tout l'obsession de la sécurité et le réformisme.

C'est la crise ? Marine Le Pen, en bonne communicante, surfe sur la vogue. Depuis peu, quand on visite le site du FN ou celui de NPI, on se croirait sur des caricatures de Fortune ou de La Chute... L'économie et le social sont devenus vendeurs, et pour cause.

Las ! Quand les électeurs de la droâte nationale s'apercevront qu'ils prennent la copie pour l'original et qu'ils ne font, en réalité, que voter épisodiquement pour une affiche, quelles que soient, d'ailleurs, la sincérité et l'engagement de la tête qui y est représentée, mais sans espoir réel de sortir un jour du cercle concentrationnaire de la prison partitocratique, ni du consentement fabriqué où Goldstein n'est qu'une fausse alternative, et tout cela malgré la dégradation inexorable de leur situation, une nécessaire radicalité s'insinuera en eux.

Ce venin révolutionnaire est indispensable - « Love me », dit le serpent, animal de la connaissance et de la sagesse dont l'avance sinueuse déroute les rigides et effraie les romantiques.

Il est la seule solution à notre époque barbapapa, qui englue tout et tout le monde dans un étouffoir rose bonbon.

Ce venin n'est pas nécessairement un mauvais poison, contrairement à ce que croient certains lecteurs superficiels de la Bible et surtout, de l'historiographie moderne de droâte dans son formol, aussi rétro et même davantage, dans leur anticommunisme anachronique, que le sont les fidèles de St Nicolas du Chardonnet quand ils évoquent le diable.

De toutes choses, il faut savoir tirer les leçons et ne pas répugner à aller les chercher chez ses pires ennemis, surtout si leur stratégie a fonctionné, alors que celle de la droâte nationale se résume à un bulletin dans l'urne tous les cinq ans.

Qu'est-ce qui doit donc devenir révolutionnaire ? Quelque chose qui est résumé par un mot péjoratif : le populisme.

Pourquoi sommes-nous populistes ? Non pas seulement parce que l'ennemi nous désigne comme tels, ce qui prouve qu'il sait bien que les peuples, leurs identités et leurs intérêts lui sont contraires, mais aussi et surtout parce que ce mot, si nous passons sur l'intention systémique négative qui prétend le charger de démagogie et de simplisme, nous résume, résume nos identités, nos âmes, nos intentions et nos actions.

Populistes et révolutionnaires, voilà ce que nous sommes et ce que nous devons devenir.

Populistes révolutionnaires, car sans peuples et donc sans identités, nous ne sommes plus rien, et parce que, pour survivre en tant que tels et pouvoir « entreprendre des choses neuves dans le même esprit que celui des anciens », c'est une véritable révolution qui est nécessaire et non de simples réformes d'un « Système » en réalité irréformable.

Et ? Stratégie ?

Comme le disait Lénine de la révolution russe, « la chaîne [selon Trotsky, celle "du système capitaliste mondial", et/ou celle "de la guerre"] s’est rompue à son maillon le plus faible » (pour la Russie et son économie « arriérée », le coût de la première guerre mondiale fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase).

Et dès 1917, il avait déclaré : « La crise est mûre, l’heure du soulèvement approche ».

En le citant en 1932, Trotsky ajoutait :

« Pour la révolution d’Octobre, une série de prémisses historiques était nécessaire :

1 - La pourriture des anciennes classes dominantes, de la noblesse, de la monarchie, de la bureaucratie.
2 - La faiblesse politique de la bourgeoisie, qui n’avait aucune racine dans les masses populaires.
3 - Le caractère révolutionnaire de la question agraire.
4 - Le caractère révolutionnaire du problème des nationalités opprimées.
5 - Le poids social imposant du prolétariat. »

On peut aisément faire un parallèle avec aujourd'hui :

1 - La pourriture des classes dominantes, des oligarchies économiques et financières, des dirigeants politiques, des médias, de la bureaucratie, devient peu à peu visible aux yeux de tous.
2 - La faiblesse politique des fausses alternatives à l'UMPS : centristes, souverainistes, gauchistes, réformistes de droite et de gauche, qui n’ont aucune racine dans les masses populaires.
3 - Le caractère révolutionnaire de la paupérisation, de la montée du chômage et de l'affaiblissement prévisible de l'Etat providence.
4 - Le caractère révolutionnaire du problème de l'immigration et de la substitution ethnique.
5 - Le poids social croissant des déclassés et des nouveaux pauvres, principalement parmi la jeunesse.

Le populisme révolutionnaire est mûr dans les têtes des peuples européens et particulièrement en France, pays de vieille tradition frondeuse.

Mais il n'a encore aucune incarnation politique, contrairement à ce que croient les zélotes de la SARL Le Pen.

Il nous faut, pour donner corps à cette aspiration populaire, premièrement l'équivalent non marxiste des soviets (des communautés locales organisées en réseaux et solidaires) et deuxièmement l'équivalent non marxiste du parti bolchévik (coordinateur des soviets et vitrine politique).

A ces deux niveaux, nous serions hautement susceptibles de nous attirer la sympathie et le soutien d'une grande majorité du peuple.

Après, la maturation du phénomène crisique ne nous appartient pas plus qu'elle n'était au pouvoir des bolchéviks, comme Trotsky le reconnaissait lui-même :

« La révolution signifie un changement de régime social. Elle transmet le pouvoir des mains d’une classe qui s’est épuisée entre les mains d’une autre classe en ascension. L’insurrection constitue le moment le plus critique et le plus aigu dans la lutte des deux classes pour le pouvoir. Le soulèvement ne peut mener à la victoire réelle de la révolution et à l’érection d’un nouveau régime que dans le cas où il s’appuie sur une classe progressive qui est capable de rassembler autour d’elle la majorité écrasante du peuple.

A la différence des processus de la nature, la révolution est réalisée par des hommes et à travers des hommes. Mais dans la révolution aussi, les hommes agissent sous l’influence des conditions sociales qui ne sont pas librement choisies par eux, mais qui sont héritées du passé et qui leur montrent impérieusement la voie. C’est précisément à cause de cela, et rien qu’à cause de cela que la révolution a ses propres lois.

Mais la conscience humaine ne reflète pas passivement les conditions objectives. Elle a l’habitude de réagir activement sur celles-ci. A certains moments, cette réaction acquiert un caractère de masse, tendu, passionné. Les barrières du droit et du pouvoir sont renversées. Précisément, l’intervention active des masses dans les événements constitue l’élément le plus essentiel de la révolution.

Mais même l’activité la plus fougueuse peut rester au niveau d’une rébellion, sans s’élever à la hauteur de la révolution. Le soulèvement des masses doit mener au renversement de la domination d’une classe et à l’établissement de la domination d’une autre. C’est alors seulement que nous avons une révolution achevée. Le soulèvement des masses n’est pas une entreprise isolée que l’on peut déclencher à son gré. Il représente un élément objectivement conditionné dans le développement de la société. Mais l’existence des conditions du soulèvement ne signifie pas qu’on doit attendre passivement, la bouche ouverte. Dans les affaires humaines aussi, il y a, comme le disait Shakespeare, des flux et des reflux : "There is a tide in the affairs of men which, taken at the flood, leads on to fortune".

Pour balayer le régime qui se survit, la classe progressive doit comprendre que son heure a sonné, et se poser pour tâche la conquête du pouvoir. Ici s’ouvre le champ de l’action révolutionnaire consciente où la prévoyance et le calcul s’unissent à la volonté et la hardiesse. »

Au boulot, camarades populistes révolutionnaires.

28/10/2011

Marre de l'économie ?

 

La crise ? La crise ? Mais c'est toujours la crise ! La vie entière est une crise. C'est « l'inconvénient d'être né ».

Vous en avez assez qu'on ne vous parle plus que de l'explosion prétendument imminente de la « zone euro » (comme si ce n'était pas assez la zone comme ça...) ?

Ça vous fait bâiller que les médias débiles des vendeurs de « temps de cerveau disponible » n'aient plus à la bouche que les montants astronomiques de la dette grecque, les plans de sauvetage, les écart de taux des obligations soi-disant « souveraines » et la valse du CAC 40, quand ils n'en pipaient mot à l'époque, pas si lointaine, où vous, vous connaissiez déjà tout ça par coeur  ?

Parce qu'en plus, ces clowns, bien dressés à coups de pubs Coca Connard, ils oublient toujours l'éléphant au milieu du couloir : vous savez, les grands patrons de New York et de la City, les mafiosi, les dealers de billets verts tout frais sortis de la planche à imprimer et de CDS adossés à l'air du temps, c'est-à-dire au vide sidéral d'une production si délocalisée qu'elle est partie en voyage sur le Styx...

Ils ne disent pas le quart de la vérité et cette vérité est si déformée, si commanditée, que leur matraquage racoleur finira par abrutir jusqu'au plus dopé des traders (vous me direz, on n'abrutit pas les abrutis...).

Dans ce brouhaha incantatoire de banquiers interlopes, de politicards demi-mondains et de vraies putes journalistiques, on finirait presque par se demander ce qui peut bien nous rester, à nous les proscrits, les interdits de parole, les pestiférés « fâââchistes », à part sortir le flingue virtuel de nos piaffantes velléités révolutionnaires et défourailler dans le gras de tous ces histrions communicants pour leur apprendre à fermer leurs mouilles.

Eh ben, mes camarades, c'est comme la pluie. On attend un peu, et le soleil reparaît. Toujours. Bon, perso j'aime la pluie, donc ce n'est pas une image idéale, mais pourtant c'est aussi simple que ça.

Donc, on attend. De préférence, comme c'est l'automne, au coin du feu, tous instruments d'abrutissement médiatique éteints ou lancés à les écrabouiller, depuis belle lurette, dans le conteneur à ordures dont ils n'auraient jamais dû sortir, et on se prélasse un peu. Avec une jolie femme ou, faute de grive, avec une tablette de chocolat noir aux noisettes et une bonne bouteille de Corbières. Et des bouquins. Et même de la musique.

Bah oui, l'action, ce n'est pas toujours de se remuer. Ce qui manque aujourd'hui, c'est plus souvent la réflexion (sans parler de la pensée), la tranquillité, la sensualité, et le silence. Et pourtant, on dit « se cultiver » et moi, ça m'évoque davantage les labours, l'odeur de la terre et de la sueur, l'effort du paysan et du petit hobereau sur les paysages français, que le smokinge à l'opéra ou les tortillages de cul aux vernissages d'art contemporain...

A propos, un bon feu, c'est facile à faire. Une jolie femme, des tablettes de chocolat et des bouteilles de Corbières, c'est facile à trouver et ça ne coûte pas cher (enfin, sauf la jolie femme bien sûr). Et des bons bouquins, d'hier et d'aujourd'hui, vous n'aurez pas assez de toute votre vie pour en lire.

Pour ma part, je préfère la compagnie d'Ernst Von Salomon à celle de Jacques Attali, celle de Dominique Venner à celle de Marc Fiorentino et celle de Jure Georges Vujic à celle de Herman Van Rompuy.

Vous pouvez aussi écouter ça, par exemple, c'est tellement équilibré que ça vaut presque le silence :


 

Aaaaahhh... Ça va déjà mieux, non ?

22/10/2011

« De la corruption considérée comme un des beaux-arts »

« Le Pont sur L'Atlantique, renforçant les relations particulières » (entre les USA et la G-B)

 

« Quoi que nous imaginerons, ils feront toujours plus et mieux, c’est-à-dire toujours pire. La démission du ministre britannique de la défense Liam Fox, à cause d’une affaire d’amitié particulière avec son conseiller Adam Werritty et ses prolongements de corruption plutôt courants que particuliers, affectant tous les domaines possibles, met en lumière la prodigieuse pourriture transatlantique. Tout s’organise autour d’une association de lobbying présentée comme caritative dans son centre Atlantic Bridge, mise en place (dans ce cas, par Fox) pour une corruption à caractères transatlantique, mais multinationale, multiconfessionnelle (pourquoi pas ?) et multi professionnelle. On y trouve bien entendu les Tories britannique (Fox n’est pas le seul ministre à figurer dans Atlantic Bridge), les neocons US, les bailleurs de fonds de Tea Party, l’industrie d’armement, les entreprises de relations publiques et de lobbying, Israël, ses “services” et son Lobby, et quelques satellites annexés (telle ou telle firme d’armement, tel ou tel intermédiaire, au Pakistan, au Sri Lanka et ainsi de suite). Il y a aussi des donations venues des industries pharmaceutiques, du tabac, des pétroliers et de “l’industrie du jeu” liée à Cosa Nostra, le crime organisé US (dans d’autres pays moins policés et plus mal vus, on dit : “mafia”). La structure de corruption est, en perspective, prodigieuse d’importance et de ramification, et elle a été établie, sous le patronage de l’indestructible quoique fort avancée Lady Thatcher, essentiellement durant les années Bush. (...)

L’“anglosphère”, ou entité anglo-saxonne, a poussé les activités de corruption au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer, installant la postmodernité dans le pur domaine de la transformation de toutes les activités en sources de profit et d’influence pour le profit, offrant sa substance même au pourrissement direct. Il ne s’agit même plus vraiment d’une organisation de pression politique pour un peu plus américaniser le Royaume-Uni, pour des intérêts politiques nationaux. Il s’agit bien de liens de parti à parti (les Tories et les républicains) comme l’on dit de gang à gang, avec une impressionnante participation du big business, pour les questions essentiellement de business, – l’agenda politique étant soumis à l’impératif de business. (...)

Comme les directions politiques elles-mêmes, la corruption ne s’intéresse plus prioritairement à la politique et à l’idéologie, mais à l’activité de corruption d'une façon générale et pluraliste, – “considérée comme un des beaux-arts”, si l'on veut. Il s’agit du pas ultime vers la subversion et même vers l’inversion entraînant la dissolution du Système. Cette orientation induit, en effet, que le Système est en train de perdre, si ce n’est déjà complètement perdu, tous ses impératifs structurels en matière de politique et d’idéologie. Il se trouve sur la dernière marche du pourrissement de la décadence, lorsque cette dernière marche, en bois pourri, cède sous le poids et s’effondre comme une symbolique de la Chute. Il n’y a plus de complots, plus de manipulations, plus de machinations type-Murdoch avec tout de même un sens politique, il n’y a plus que la course effrénée dans la corruption, avec un personnel politico-machin-chose qui a perdu la moindre capacité de réflexion de combat sur un terme constructif, pour la cause qu’il défend prétendument. (...) »

Philippe Grasset

Trois citations insolites

« J'emmerde la cupidité du monde des affaires » - New York, 15 octobre 2011

 

  • « Je n’ai pas le pouvoir, la France comme le reste du monde est assujettie à une dictature financière qui gère tout. »

(François Mitterrand, cité par sa veuve Danielle dans « Le Livre de ma mémoire », Editions Jean-Claude Gawsewitch, 2007 - cf. la Tribune de Genève du 22 novembre 2007)

 

  • « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique . Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. »

(Francois Mitterrand juste avant de mourir, cité par Georges-Marc Benamou dans « Le dernier Mitterrand », Editions Plon - Omnibus, 1997 - cf. Vigile.net)

 

  • « Une haute bourgeoisie s’est renouvelée. (…) C’est l’appareil d’Etat qui a fourni au capitalisme ses nouveaux dirigeants. (…) Venus d’une culture du service public, ils ont accédé au statut de nouveaux riches, parlant en maîtres aux politiques qui les avaient nommés. »

(François Hollande dans « Devoirs de vérité », Editions Stock, Paris, 2006, p. 159-161 - cf. le Monde diplomatique, juin 2010)

20/10/2011

« Les 99% aboient, et le 1% passe »

 

« On critique la faillite de Dexia, qui venait de passer un "stress test". Mais on oublie que son bilan s’est détérioré avec les attaques spéculatives.

C’est une année où nous avons tout vu : une vague d’indignation mondiale des classes moyennes, qui prennent conscience de la redistribution des richesses du contribuable moyen vers l’élite financière. Et ils ne sont pas seuls : les plus grandes fortunes des Etats-Unis s’indignent à leur tour. Le père de l’Américain le plus riche, Bill Gates, et le fils du deuxième Américain le plus riche, Warren Buffett, se sont tous deux élevés contre les inégalités sociales et les taux d’imposition trop bas des plus riches.


Indignation vs. lobbying

Un autre membre du 1% le plus aisé, Bill Gross, numéro un de la gestion obligataire, a "tweeté" il y a quelques jours : "Une guerre des classes menée par les 99% les plus pauvres contre le 1% le plus riche ? Evidemment, ils nous tirent dessus après que nous leur avons tiré dessus pendant trente ans". Propos qui rappellent ceux tenus par Warren Buffett en 2006 : "Il y a une guerre des classes, c’est vrai, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui fait la guerre". Même le célèbre raider Asher Edelman, qui a inspiré le rôle de Gordon Gekko dans le film "Wall Street" de 1987,  soutient les manifestations et déclare : "La cupidité des banques est la cause de cette terrible situation économique". On croit rêver. Enfin, le chef des investissements du puissant fonds de pension CalPERS, vient de mettre sa pierre à l’édifice de l’indignation: "Je comprends pourquoi les gens protestent : Wall Street est un jeu truqué". Et si le parlementaire texan Ron Paul a depuis longtemps déclaré que le système est truqué en faveur des riches et contre les pauvres, il est désormais admis que, lorsqu’il s’agit de sauver le secteur bancaire, l’Etat se mue en planificateur socialiste, et lorsqu’il s’agit de sauver le petit peuple, l’Etat n’a plus un sou et le système devient ultra-libéral. Tout le monde est donc d’accord sur le diagnostic. C’est déjà une première. Mais ce sera insuffisant. L’indignation des plus riches contre les inégalités, fort touchante,  ne se traduit pas en action politique. En revanche, l’indignation des plus riches contre la réglementation du secteur financier et la hausse des taux d’imposition se traduit, elle, en action politique. Les lobbies financiers ont dépensé, après 2008, quelque 600 millions de dollars pour influencer des membres du Congrès et mettre des entraves à la réglementation financière. Certes, il convient de rappeler, comme l’a fait le gérant de hedge funds John Paulson face aux indignés contre Wall Street, que 41% des recettes fiscales de l’Etat de New York proviennent du 1% le plus riche de cet Etat. Mais il faut aussi rappeler que les gérants de fonds spéculatifs paient, aux Etats-Unis, seulement 12% d’impôts (pour ceux qui n’échappent pas carrément à toute imposition en s’implantant offshore) et que les Américains les plus riches restent les champions de l’évasion fiscale :  le montant des avoirs non déclarés au fisc des Etats-Unis s’élève à au moins 1600 milliards de dollars, soit plus du double de l’évasion allemande.

L'information, l’arme ultime

Pendant que les masses s’indignent dans les rues, les plus nantis s’indignent dans les allées des parlements, armés de leur imparable chéquier. Ou alors, armés de leur force de frappe spéculative, ils mènent à la faillite, sur les marchés, les rivaux qui pourraient leur faire de l’ombre : il en va ainsi de la guerre spéculative et financière menée contre l’euro, les Etats de la zone et à présent ses banques. On critique la banque Dexia, qui avait passé le "stress test" européen  en juillet, pour faire faillite deux mois plus tard. Mais a-t-on regardé ce qui s’est passé, entre deux, sur les marchés ? Son action a perdu 75%. Le cours de ses obligations s’est effondré sous le poids des paris baissiers, qui ont fait exploser le risque  de défaut du titre, dégradant encore et par là-même le bilan de la banque franco-belge. Les titres de toutes les banques européennes ont subi, en septembre, une véritable razzia sur le marché spéculatif des dérivés (CDS). Reste qu’en face de cette force de frappe financière, s’érigent des citoyens mieux informés, l’information étant la première arme de la démocratie. Du printemps arabe à l’automne financier, on assiste à une seule grande révolte contre le fossé grandissant qui sépare la haute finance et les masses. Les journalistes financiers se retrouvent dans la position de reporters de guerre. Et comme dans toute guerre, le plus dur et le plus essentiel, c’est de séparer l’info de l’intox. »

Myret Zaki

16/10/2011

« Le système de l’argent périra par l’argent »

 

« (...) Les excès du prêt à intérêt étaient condamnés à Rome, ainsi qu’en témoigne Caton selon qui, si l’on considère que les voleurs d’objets sacrés méritent une double peine, les usuriers en méritent une quadruple. Aristote, dans sa condamnation de la chrématistique, est plus radical encore. "L’art d’acquérir la richesse", écrit-il, "est de deux espèces : l’une est sa forme mercantile et l’autre une dépendance de l’économie domestique ; cette dernière forme est nécessaire et louable, tandis que l’autre repose sur l’échéance et donne prise à de justes critiques, car elle n’a rien de naturel […] Dans ces conditions, ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt parce que le gain qu’on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé à sa création. Car la monnaie a été inventée en vue de l’échange, tandis que l’intérêt multiplie la quantité de monnaie elle-même […] L’intérêt est une monnaie née d’une monnaie. Par conséquent, cette façon de gagner de l’argent est de toutes la plus contraire à la nature" (Politique).

Le mot "intérêt" désigne le revenu de l’argent (foenus ou usura en latin, tókos en grec). Il se rapporte à la façon dont l’argent "fait des petits". Dès le haut Moyen Age, l’Eglise reprend à son compte la distinction qu’avait faite le droit romain pour le prêt de biens mobiliers : il y a des choses qui se consument par l’usage et des choses qui ne se consument pas, qu’on appelle commodatum. Exiger un paiement pour le commodat est contraire au bien commun, car l’argent est un bien qui ne se consume pas. Le prêt à intérêt sera condamné par le concile de Nicée sur la base des "Ecritures" – bien que la Bible ne le condamne précisément pas ! Au XIIe siècle, l’Eglise reprend à son compte la condamnation aristotélicienne de la chrématistique. Thomas d’Aquin condamne également le prêt à intérêt, avec quelques réserves mineures, au motif que "le temps n’appartient qu’à Dieu". L’islam, plus sévère encore, ne fait même pas de distinction entre l’intérêt et l’usure.

La pratique du prêt à intérêt s’est pourtant développée progressivement, en liaison avec la montée de la classe bourgeoise et l’expansion des valeurs marchandes dont elle a fait l’instrument de son pouvoir. A partir du XVe siècle, les banques, les compagnies de commerce, puis les manufactures, peuvent rémunérer des fonds empruntés, sur dérogation du roi. Un tournant essentiel correspond à l’apparition du protestantisme, et plus précisément du calvinisme. Jean Calvin est le premier théologien à accepter la pratique du prêt à intérêt, qui se répand alors par le biais des réseaux bancaires. Avec la Révolution française, le prêt à intérêt devient entièrement libre, tandis que de nouvelles banques apparaissent en grand nombre, dotées de fonds considérables provenant surtout de la spéculation sur les biens nationaux. Le capitalisme prend alors son essor.

A l’origine, l’usure désigne simplement l’intérêt, indépendamment de son taux. Aujourd’hui, on appelle "usure" l’intérêt d’un montant abusif attribué à un prêt. Mais l’usure est aussi le procédé qui permet d’emprisonner l’emprunteur dans une dette qu’il ne peut plus rembourser, et à s’emparer des biens qui lui appartiennent, mais qu’il a accepté de donner en garantie. C’est très exactement ce que nous voyons se passer aujourd’hui à l’échelle planétaire.

Le crédit permet de consommer l’avenir dès le moment présent. Il repose sur l’utilisation d’une somme virtuelle que l’on actualise en lui attribuant un prix, l’intérêt. Sa généralisation fait perdre de vue le principe élémentaire selon lequel on doit limiter ses dépenses au niveau de ses ressources, car on ne peut perpétuellement vivre au-dessus de ses moyens. L’essor du capitalisme financier a favorisé cette pratique : certains jours, les marchés échangent l’équivalent de dix fois le PIB mondial [là, Alain de Benoist, auteur de l'article, se trompe, mais peu importe car il a raison sur le principe], ce qui montre l’ampleur de la déconnexion avec l’économie réelle. Lorsque le système de crédit devient une pièce centrale du dispositif du Capital, on rentre dans un cercle vicieux, l’arrêt du crédit risquant de se traduire par un effondrement généralisé du système bancaire. C’est en brandissant la menace d’un tel chaos que les banques ont réussi à se faire constamment aider des Etats.

La généralisation de l’accession au crédit, qui implique celle du prêt à intérêt, a été l’un des outils privilégiés de l’expansion du capitalisme et de la mise en place de la société de consommation après la guerre. En s’endettant massivement, les ménages européens et américains ont incontestablement contribué, entre 1948 et 1973, à la prospérité de l’époque des "Trente Glorieuses". Les choses ont changé lorsque le crédit hypothécaire a pris le dessus sur les autres formes de crédit. "Le mécanisme de recours à une hypothèque comme gage réel des emprunts représente infiniment plus", rappelle Jean-Luc Gréau, "qu’une technique commode de garantie des sommes prêtées, car il bouleverse le cadre logique d’attribution, d’évaluation et de détention des crédits accordés […] Le risque mesuré cède la place à un pari que l’on prend sur la faculté que l’on aura, en cas de défaillance du débiteur, de faire jouer l’hypothèque et de saisir le bien pour le revendre à des conditions acceptables". C’est cette manipulation d’hypothèques transformées en actifs financiers, jointe à la multiplication des défauts de paiement d’emprunteurs incapables de rembourser leurs dettes, qui a abouti à la crise de l’automne 2008. On voit l’opération se répéter aujourd’hui, aux dépens des Etats souverains, avec la crise de la dette publique.

C’est donc bien au grand retour du système de l’usure que nous sommes en train d’assister. Ce que Keynes appelait un "régime de créanciers" correspond à la définition moderne de l’usure. Les procédés usuraires se retrouvent dans la manière dont les marchés financiers et les banques peuvent faire main basse sur les actifs réels des Etats endettés, en s’emparant de leurs avoirs au titre des intérêts d’une dette dont le principal constitue une montagne d’argent virtuel qui ne pourra jamais être remboursé. Actionnaires et créanciers sont les Shylock de notre temps.

Mais il en est de l’endettement comme de la croissance matérielle : ni l’un ni l’autre ne peuvent se prolonger à l’infini. "L’Europe commise à la finance", écrit Frédéric Lordon, "est sur le point de périr par la finance". C’est ce que nous avons écrit nous-mêmes depuis longtemps : le système de l’argent périra par l’argent. »

Source : Métapo infos

15/10/2011

« Occupy Wall Street » vu par Russia Today

 

Il me paraît difficile d'assimiler simplement « Occupy Wall Street » aux Indignés européens, comme de croire aux différentes tentatives de discréditer ce mouvement, soit en le traitant de gauchiste, alors qu'il est manifestement multiforme, soit encore en l'assimilant à George Soros ou à d'autres oligarques, comme Al Gore, auxquels il est aisé de déclarer leur « compréhension » et leur « sympathie », sachant que ce pseudo-soutien risque surtout de semer la confusion, tant en humanisant les requins de la finance aux yeux des naïfs qu'en faisant douter les sympathisants potentiels de la sincérité de la contestation.

Difficile de croire à tout cela, oui ; surtout quand je vois que ce sont les néo-cons « européens » qui diffusent cette propagande, notamment en France.

Je signale aussi la très intéressante série d'articles de Philippe Grasset sur le sujet :

08/10/2011

La vraie Gauche

Un petit plus - Jean-Claude Michéa sur France Inter le 09 octobre 2011 (je remercie @alain21) :

http://www.franceinter.fr/emission-parenthese-la-gauche-a...

 

Jean-Claude Michéa sur France Culture, le 06 octobre 2011 :

 

La finance occidentale entre en agonie

 

« On vient d’assister à un trimestre noir pour les banques. Et la situation pourrait se dégrader encore d’ici la fin de l’année. La période écoulée fut l’occasion de se souvenir combien la crise de 2008 a accouché d’institutions géantes et toujours trop grandes pour faire faillite (Bank of America Merrill Lynch), aux contrôles des risques toujours insuffisants (UBS) et vulnérables à la contagion spéculative actuellement très malsaine qu’on observe sur les marchés (Société Générale). En effet, il y a eu les rumeurs de faillite de Bank of America Merrill Lynch, sauvée in extremis par le très patriotique Warren Buffett et sa participation-éclair de 5 milliards de dollars, qui semble avoir évité - pour l’heure - une troisième recapitalisation par le Trésor américain. Un événement passé presque inaperçu tant la crise se concentrait sur le continent européen.

Il y a eu aussi l’alerte spéculative sur la Société Générale, dont l’action a plongé sur une fausse rumeur, alimentant une panique des investisseurs déjà bien réelle vis-à-vis du secteur. Il y a aussi eu la énième "affaire UBS", avec la fraude à 2 milliards de francs [suisses] du trader londonien. Et il y a eu, bien sûr, la propagation du feu aux poudres parti du marché de la dette étatique européenne pour s’étendre au système bancaire européen. Fin août et début septembre, les banques de la zone euro sont devenues les cibles privilégiées du négoce des spéculateurs par le biais de leur instrument favori, le CDS. Le Credit Default Swap, ce dérivé dont la valeur augmente avec le risque de défaut, s’est échangé en volumes records sur Deutsche Bank, Crédit Agricole, ou Société Générale, qui ont figuré parmi les dérivés les plus traités sur un univers de 1.000 entreprises début septembre. On a frôlé le gel du marché interbancaire, comme en 2008, sauf que cette fois-ci les banques européennes (et non américaines) étaient le mouton noir : les banques américaines refusaient de leur prêter des dollars, et c’est la Banque centrale européenne qui a dû s’en procurer pour refinancer en billets verts directement les institutions du continent. Cet épisode a été l’occasion de constater combien le système financier européen, nerf de la zone euro, est facile à attaquer, dans un contexte que nous avons qualifié, il y a déjà une année, de guerre économique et financière entre les Etats-Unis et l’Europe. Ce fut aussi l’occasion de reconnaître combien, des deux côtés de l’Atlantique, la "toxicité" des bilans reste difficile à contrôler. (...) le très spéculatif trading pour compte propre reste une pratique admise, du moins à Londres. Une autre pratique à risque reste admise, celle des véhicules hors bilan des banques. Ces derniers seraient toujours utilisés aux Etats-Unis et en Europe pour structurer des produits complexes, et les actifs qui y sont parqués peuvent toujours finir, en cas de crise grave, par devoir se rapatrier en catastrophe sur les bilans des banques. Tout comme le négoce pour compte propre, le hors bilan semble avoir la vie dure... Le shadow banking system (système bancaire de l’ombre) n’a pas encore dit son dernier mot.

(...) on ignore toujours comment, dans les faits, une banque multinationale comme UBS parviendra à échapper à la culture toujours spéculative qui règne dans ses salles de marché de la City de Londres et dans celles de New York. Le trimestre qui vient de s’écouler réservera, au moment de la publication des résultats des banques, des chiffres rouges pour de nombreuses banques, en particulier dans le secteur du négoce. La volatilité des marchés a été telle, que ce soit dans le compartiment actions, obligations ou devises, que de nombreux desks ont été contraints à prendre des pertes. Suite aux licenciements massifs annoncés par les grandes banques américaines, anglaises et européennes, de nouvelles charettes seraient déjà en cours de préparation suite à la chute des revenus du trading. »

Myret Zaki