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03/05/2014

Poutine, la corruption et l'argent

Cerise sur le gâteau, notre grand homme est citoyen d'honneur de la City de Londres ! On se demande pourquoi...

03/09/2013

Pognon aliénation

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Eh oui, je sais, c'est moche

 

« L’argent est le dieu jaloux d’Israël devant qui nul autre dieu ne doit subsister. L’argent abaisse tous les dieux de l’homme et les change en marchandise. L’argent est la valeur générale et constituée en soi de toutes choses. C'est pour cette raison qu'elle a dépouillé de leur valeur propre le monde entier, le monde des hommes ainsi que la nature. L'argent, c'est l'essence séparée de l'homme, de son travail, de son existence ; et cette essence étrangère le domine et il l'adore. »

Karl Marx, La question juive (1843)ici, p. 30

30/06/2013

Communautés de l'être contre société de l'avoir

J'ai hésité un moment avant de reprendre cette vidéo trouvée sur le Scriptoblog, parce que je ne suis pas forcément d'accord avec tout ce que dit l'excellent Francis Cousin (notamment, en ce qui concerne l'efficacité des services de renseignement modernes, le terrorisme d'Etat et la puissance systémique), mais l'entretien est tellement intéressant qu'il vaut néanmoins largement d'être écouté et médité.


07/06/2013

Guimauve et virtualisme

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Le sympathique Pierre Bergé, 82 ans. A cet âge-là, on est forcément spirituel - ou pas. Et puis, on meurt. La faute à l'extrême drouâte homophobe et antisémite, bien sûr.

 

A travers le mouvement de la Manif Pour Tous, qui n'est pourtant que le véhicule partiel d'une contestation plus grande, le peuple français est en train de montrer au monde entier qu'il existe et n'entend pas se laisser détruire par l'hybris libérale libertaire d'une minorité de marchands et de psychotiques.

Depuis des mois, la voix de ce peuple muselé monte, réprimée et assourdie par le déferlement de la censure médiatique aux ordres du capital et de ses idiots utiles, mais portée par l'engagement et l'activisme d'une jeunesse à mille lieux de son portrait tel que peint par la foule des vieux cons aigris au pouvoir, au seuil de la retraite et de la déchéance, pour qui jouir sans entraves n'est plus possible et pour qui le naufrage de leurs utopies, voire de leurs corps fripés, est forcément imputable à l'indignité de leurs descendants.

Seule une infime frange moutonnière et servile de ces descendants entonne encore, avec la génération précédente d'enfants gâtés, le péan soixante-huitard subventionné par le capital. Le reste, bruyamment ou en silence, manifeste de plus en plus sa désapprobation - que dis-je, sa révolte et son exaspération.

Et pourtant, le citoyen souvent de plus en plus atomisé, de plus en plus isolé dans le clapier aseptisé, plus ou moins confortable, que lui a réservé la civilisation du Progrès, n'a pas forcément cette impression. A moins d'être bien informé, au fait de l'expression croissante de la dissidence sur internet, s'il se contente de presser les boutons habituels des boîtes à consignes que lui procure le régime, il peut lui sembler qu'il n'y a pas d'alternative, comme disait une épicière anglaise récemment crevée.

L'illusion capitalistique, le financement, le pouvoir du cash, voilà le seul réel fondement au rayonnement médiatique des idéologies pourries que déverse sur le peuple français, en boucle, matin midi et soir, la classe journalistique, artistique (sic) et politicienne, via ses infrastructures télévisuelles, radiophoniques et - de moins en moins - de presse écrite.

L'argent. Dont le pouvoir a de plus en plus de mal à résister à celui de la simple vérité.

Or, voilà qu'un petit ado formaté, probablement fils de profs, soi-disant révolutionnaire tout en étant soi-disant brillant étudiant dans un des établissements universitaires les plus conformistes et politiquement corrects de Paris, décède lors d'une rixe avec (nous dit-on) quelques bas-du-front d'extrême drouâte, dont la caractéristique la plus remarquable, outre que leur procès est déjà fait dans toutes les rédactions avant son ouverture au tribunal, est probablement qu'ils partageaient avec le défunt un même goût pour les apparences vestimentaires.

Ô bénédiction !

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15/04/2013

La City, la finance en eaux troubles

05/04/2012

« La vraie droite française contre le capitalisme »

Albert de Mun (1841 - 1914)

 

« Un combat de toujours avec les ouvriers

Si la droite, c'est celle de Nicolas Sarkozy, alors effectivement, il y a lieu de dénoncer sa collusion avec les grands intérêts financiers qui n'ont que faire de ceux du peuple français. Mais il est une autre droite, profondément sociale, qui n'a cessé de lutter contre l'autre. Et de dénoncer, dès le XIXe siècle, la "souveraineté de l'argent".

"Pour son malheur et pour son discrédit, la droite a souvent été - et est encore trop souvent - identifiée aux puissances d'argent. [...] Cette erreur de jugement résulte essentiellement d'une erreur de langage, du fait que le terme 'droite' est abusivement mais fréquemment appliqué à des hommes et à des groupes dont ni la pensée ni l'action [...] ne peuvent justifier une seconde ce qualificatif". Ces lignes ont été écrites en 1989, par Jean Bourdier, dans un numéro du Choc du mois qui posait déjà la question : "Qu'est-ce qui oblige la droite à défendre les riches ?" Presque vingt ans plus tard, le seul fait que Nicolas Sarkozy soit qualifié d'homme de droite montre que rien n'a changé. Plus que jamais, la droite est réduite à ce que Jean Bourdier décrivait comme "la droite bourgeoise et conservatrice, la droite orléaniste de Guizot et de Thiers, [...] la fausse droite, puisque ne cultivant d'autres principes que celui de l'intérêt individuel".

La misère ouvrière tenue pour un fruit vénéneux de 1789

Historiquement, ce courant libéral est pourtant loin de résumer la philosophie sociale et économique de l'ensemble des droites - en admettant qu'il en fasse partie. Le libéralisme est arrivé au pouvoir dans les valises de la Révolution, et c'est du XVIIIe siècle que le XIXe hérita la question sociale. Sous la monarchie, les physiocrates, ancêtres de nos libéraux déjà fascinés par le modèle anglo-saxon, d'ailleurs encouragés par Voltaire et l'Encyclopédie, rêvaient de "libérer" l'économie. En 1776, Turgot tenta ainsi d'abolir le système des jurandes et maîtrises, sur lequel étaient organisées les corporations. Louis XVI le rétablit la même année, en expliquant : "En faisant cette création, nous voulons donner aux ouvriers un moyen de défense, nous voulons qu'ils puissent jouir en commun de leur intelligence, qui est le bien le plus précieux de l'homme".

La fin de l'Ancien Régime permet aux libéraux de prendre leur revanche : en juin 1791, la loi Le Chapelier interdit le droit d'association, soumettant ainsi le droit du travail à la loi du marché et les ouvriers au bon vouloir du patron. Pour faire bonne mesure, le consulat confirme cet assujettissement en rendant obligatoire le livret ouvrier, véritable certificat de soumission.

La misère ouvrière sera le fruit vénéneux de cette Révolution bourgeoise. Il n'est donc pas surprenant de trouver des contre-révolutionnaires avérés parmi les premiers défenseurs de ce que l'on appellera bientôt le prolétariat. Citons, parmi les premiers, Alban de Villeneuve-Bargemont, préfet de Lille sous la Restauration, puis député légitimiste sous la monarchie de Juillet. Le 22 décembre 1840, à l'occasion de la discussion d'un projet de loi relatif au travail des enfants dans les manufactures, il attaque violemment le libéralisme économique : "Si l'on recherche les causes nombreuses de cette misère ainsi généralisée et perpétuée, on est forcé de reconnaître que la première et la plus active de toutes se trouve dans le principe d'une production presque sans bornes, et d'une concurrence également illimitée, qui impose aux entrepreneurs d'industrie l'obligation toujours croissante d'abaisser le prix de la main-d'œuvre, et aux ouvriers la nécessité de se livrer, eux, leurs femmes et leurs enfants, à un travail dont l'excès ne suffit pas toujours à la plus chétive subsistance".

D'autres se font les champions des droits politiques de la classe ouvrière, comme l'avocat Pierre-Antoine Berryer qui défend bénévolement mais avec fougue, en 1845, les ouvriers charpentiers de la Seine poursuivis pour une grève illégale.

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01/04/2012

La gamelle des politiciens

 

Au risque de passer pour un moraliste, un idéaliste, un je-ne-sais-quoi qui déplaît notamment aux droitards soucieux d'en mettre à gauche, pour qui leur propre survie économique prime la cause du peuple dont ils prétendent faire partie, je n'hésite pas à dire que l'argent est un danger, que sa passion est un vice et son accumulation, une nuisance sociale.

Pour preuve, je ne saurais trop remercier l'ami @agaric qui m'a fait parvenir un lien vers un blog qui tente de répertorier les revenus de nos principaux politiciens ; lien, que je m'empresse d'ajouter aux incontournables de ce blog.

On apprend ainsi que les revenus bruts mensuels des principaux postulants à la présidentielle 2012 (tous « candidats du peuple », bien sûr, comme le titulaire de la charge) sont les suivants :

- Nicolas Sarkozy : 22.720,49 €

- François Hollande : 16.269,49 € (en fait, davantage, mais il existe un plafond légal, au-delà duquel est pratiqué un écrêtement, donc il ne peut palper l'intégralité, le pauvre)

- François Bayrou : 13.512,15 € (+ quelques bons milliers d'euros de retraites diverses et revenus fonciers)

- Jean-Luc Mélenchon : 12.255,87 € (+ 7.000 € environ de retraites diverses)

- Marine Le Pen : 14.916,90 € (eh oui !)

Sur les « petits candidats », nous avons :

- Nicolas Dupont-Aignan : 16.269,49 € (mais en fait, il est dans le même cas que François Hollande)

- Eva Joly : 12.255,87 € (+ sa retraite de magistrate, une paille)

La gamelle est bonne, hein ? Bref.

Précisons que d'après les informations non officielles en ma possession, Louis Aliot, compagnon de MLP et vice-président du FN, disposerait d'une enveloppe mensuelle de 20.000 € pour ses notes de frais.

Vous avez dit dissidence ? De quoi mériter un abonnement au dîner du Siècle, oui.

Allez-y, votez maintenant.

26/02/2012

La dette infinie

Sandro Botticelli, La punition des usuriers, illustration pour L'Enfer de Dante
(vers 1480-1495)

 

Un bon résumé de la situation, malgré quelques imprécisions mineures :

« En 55 avant notre ère, Cicéron écrivait : "Le budget devrait être équilibré, les finances publiques devraient être comblées, la dette publique devrait être réduite, l’arrogance de l’administration devrait être abolie et contrôlée et l’aide aux pays étrangers devrait être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite" [en fait, cette citation est fausse, l'auteur n'est pas le premier à s'y laisser prendre, mais passons... Boreas]. Il y a longtemps que la classe politique ne lit plus Cicéron ! Depuis la fin des années 1970, la plupart des pays industrialisés sont entrés dans un régime de dette permanente, dont même les périodes de forte croissance économique n’ont pas permis de sortir.

La dette mesurée est celle des administrations publiques, qu’on appelle "dette souveraine" ou "dette publique". La dette publique "au sens de Maastricht", mesurée en valeur nominale (et non en valeur de marché), se définit comme le total des engagements financiers des Etats contractés sous forme d’emprunts résultant de l’accumulation, au fil des années, d’une différence négative entre leurs rentrées et leurs dépenses ou leurs charges. Elle concerne trois secteurs : les administrations centrales, c’est-à-dire l’Etat proprement dit, les administrations locales (collectivités territoriales, organismes publics, etc.) et les régimes de Sécurité centrale.

Le traité de Maastricht (1992) avait adopté comme principes que le déficit des Etats membres de l’Union européenne ne devait pas dépasser 3 % du produit intérieur brut (PIB) et que leur dette publique devait rester inférieure à 60 % du PIB. Ces objectifs n’ont pas été atteints. Globalement, la dette publique dans la zone euro a augmenté de 26,7 % depuis 2007. Elle représente aujourd’hui 80 % du PIB global de la zone. Mais il ne s’agit là que d’une moyenne. En 2011, huit pays de l’Union européenne affichaient une dette supérieure à 80 % de leur PIB : la Hongrie et le Royaume-Uni (80,1 %), l’Allemagne (83 %), la France (85 %), le Portugal (92 %), la Belgique (97%), l’Italie (120 %) et la Grèce (160 %). Les Américains ne se portent pas mieux : à l’heure actuelle, toute dépense publique faite aux Etats-Unis est financée à hauteur de 42 % par l’emprunt !

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21/12/2011

La croissance, c'est fini

Vision post-apocalyptique de Londres (tiens, pourquoi Londres ?)

 

On nous bassine avec les remèdes à l'endettement : faut se serrer la ceinture et bosser, nous dit-on.

Or, ce n’est pas le tout de proposer un travail acharné (le maximum dont est capable la « vertu » bourgeoise, et de préférence si ce sont d’autres qui le font), en plus de telle ou telle prétendue solution financière à la crise – planche à billets, austérité, ou mélange des deux.

Encore faut-il, quand même, que cela serve à quelque chose.

L’idéologie libérale table sur une notion fondamentale, commune au marxisme d’ailleurs : la croissance infinie.

Sans elle, rien ne marche plus.

L’immobilisme, la conservation et le simple renouvellement de ce qui existe ne suffisent jamais à cette grande ambition.

Le Progrès, autre mythe fondateur des « Lumières », exige toujours davantage de moyens matériels, pour finir par faire du monde un paradis et de l’homme une merveille.

Entre parenthèses, on voit bien à quel point ces fadaises ont réussi, non ?

Ah oui, pardon, c’est vrai, nous avons des smartphones, la télé HD et Michel Drucker dedans… Youpi.

Si nous sommes dans la fuite en avant financière pour retarder l’inévitable effondrement économique, ce n’est donc, finalement, qu’un prolongement logique de la fuite en avant dans la croissance.

Qu’une manière d’appliquer aux signes produits par le monde de la croissance, le même traitement que pour obtenir la croissance elle-même.

En effet, comment continuer de s’enrichir toujours davantage (sans parler de simplement entretenir et renouveler tout ce qu’on a accumulé), si ce qui est produit ne se vend plus ?

Autrement dit, pour remédier à l’absence d’acheteurs, que reste-t-il ?

A faire comme si les acheteurs achetaient toujours, pardi.

A mettre dans le circuit des biens qu’ils n’achèteront pas, de l’argent (crédit bancaire, transfert de la richesse publique à la fortune privée, primes d’Etat, cavalerie bancaire publique et privée…) pour permettre de les acheter quand même, et du bon vieux matraquage publicitaire pour y pousser.

Le problème est que cela appauvrit progressivement toute la société (d’abord les moins riches), en détruisant les emplois, en retirant petit à petit à la monnaie toute sa valeur, sans pour autant redonner à la croissance son élan.

Ni aux richesses, leur valeur d’avant la crise (exemple : les biens immobiliers).

Nous sommes, alors que le superflu est encore abondant et peu cher, dans une société où le point d’endettement maximal a été dépassé depuis longtemps.

Persistent les signes de l’opulence, les signes de la croissance et là, le marketing a largement pris le pas sur la réalité.

Même la monnaie a cessé d’exister. Elle est devenue, en fait, le marketing de la monnaie (si on parle d’argent-dette, ce marketing a d’ailleurs existé dès le début).

Plus de croissance ? Mimons-la.

Et donc, produisons comme si nous avions encore des acheteurs.

Et donc, créons de l’argent, comme si ces acheteurs payaient toujours.

Et enfin, surtout, disons partout que tout va déjà mieux.

Le hic : comme dans un excellent film au cinéma, quand tout est feint au point que le spectateur s’oublie lui-même et perd la notion du réel, que se passe-t-il, malgré tout, à la fin de la représentation ?

Il faut bien sortir et retourner au quotidien.

Quand s’opérera une prise de conscience massive de ce qui constitue réellement une richesse (c’est simple, c’est accessible à tout le monde : par exemple, si on n’a pas de quoi manger, à quoi sert le superflu ?), il est fort possible que la société change brutalement, extrêmement vite.

Ah, l’image des hideuses zones commerciales désertées, envahies par les ronces et les genêts !…

J'en rêve.

C'est pour bientôt.

16/10/2011

« Le système de l’argent périra par l’argent »

 

« (...) Les excès du prêt à intérêt étaient condamnés à Rome, ainsi qu’en témoigne Caton selon qui, si l’on considère que les voleurs d’objets sacrés méritent une double peine, les usuriers en méritent une quadruple. Aristote, dans sa condamnation de la chrématistique, est plus radical encore. "L’art d’acquérir la richesse", écrit-il, "est de deux espèces : l’une est sa forme mercantile et l’autre une dépendance de l’économie domestique ; cette dernière forme est nécessaire et louable, tandis que l’autre repose sur l’échéance et donne prise à de justes critiques, car elle n’a rien de naturel […] Dans ces conditions, ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt parce que le gain qu’on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé à sa création. Car la monnaie a été inventée en vue de l’échange, tandis que l’intérêt multiplie la quantité de monnaie elle-même […] L’intérêt est une monnaie née d’une monnaie. Par conséquent, cette façon de gagner de l’argent est de toutes la plus contraire à la nature" (Politique).

Le mot "intérêt" désigne le revenu de l’argent (foenus ou usura en latin, tókos en grec). Il se rapporte à la façon dont l’argent "fait des petits". Dès le haut Moyen Age, l’Eglise reprend à son compte la distinction qu’avait faite le droit romain pour le prêt de biens mobiliers : il y a des choses qui se consument par l’usage et des choses qui ne se consument pas, qu’on appelle commodatum. Exiger un paiement pour le commodat est contraire au bien commun, car l’argent est un bien qui ne se consume pas. Le prêt à intérêt sera condamné par le concile de Nicée sur la base des "Ecritures" – bien que la Bible ne le condamne précisément pas ! Au XIIe siècle, l’Eglise reprend à son compte la condamnation aristotélicienne de la chrématistique. Thomas d’Aquin condamne également le prêt à intérêt, avec quelques réserves mineures, au motif que "le temps n’appartient qu’à Dieu". L’islam, plus sévère encore, ne fait même pas de distinction entre l’intérêt et l’usure.

La pratique du prêt à intérêt s’est pourtant développée progressivement, en liaison avec la montée de la classe bourgeoise et l’expansion des valeurs marchandes dont elle a fait l’instrument de son pouvoir. A partir du XVe siècle, les banques, les compagnies de commerce, puis les manufactures, peuvent rémunérer des fonds empruntés, sur dérogation du roi. Un tournant essentiel correspond à l’apparition du protestantisme, et plus précisément du calvinisme. Jean Calvin est le premier théologien à accepter la pratique du prêt à intérêt, qui se répand alors par le biais des réseaux bancaires. Avec la Révolution française, le prêt à intérêt devient entièrement libre, tandis que de nouvelles banques apparaissent en grand nombre, dotées de fonds considérables provenant surtout de la spéculation sur les biens nationaux. Le capitalisme prend alors son essor.

A l’origine, l’usure désigne simplement l’intérêt, indépendamment de son taux. Aujourd’hui, on appelle "usure" l’intérêt d’un montant abusif attribué à un prêt. Mais l’usure est aussi le procédé qui permet d’emprisonner l’emprunteur dans une dette qu’il ne peut plus rembourser, et à s’emparer des biens qui lui appartiennent, mais qu’il a accepté de donner en garantie. C’est très exactement ce que nous voyons se passer aujourd’hui à l’échelle planétaire.

Le crédit permet de consommer l’avenir dès le moment présent. Il repose sur l’utilisation d’une somme virtuelle que l’on actualise en lui attribuant un prix, l’intérêt. Sa généralisation fait perdre de vue le principe élémentaire selon lequel on doit limiter ses dépenses au niveau de ses ressources, car on ne peut perpétuellement vivre au-dessus de ses moyens. L’essor du capitalisme financier a favorisé cette pratique : certains jours, les marchés échangent l’équivalent de dix fois le PIB mondial [là, Alain de Benoist, auteur de l'article, se trompe, mais peu importe car il a raison sur le principe], ce qui montre l’ampleur de la déconnexion avec l’économie réelle. Lorsque le système de crédit devient une pièce centrale du dispositif du Capital, on rentre dans un cercle vicieux, l’arrêt du crédit risquant de se traduire par un effondrement généralisé du système bancaire. C’est en brandissant la menace d’un tel chaos que les banques ont réussi à se faire constamment aider des Etats.

La généralisation de l’accession au crédit, qui implique celle du prêt à intérêt, a été l’un des outils privilégiés de l’expansion du capitalisme et de la mise en place de la société de consommation après la guerre. En s’endettant massivement, les ménages européens et américains ont incontestablement contribué, entre 1948 et 1973, à la prospérité de l’époque des "Trente Glorieuses". Les choses ont changé lorsque le crédit hypothécaire a pris le dessus sur les autres formes de crédit. "Le mécanisme de recours à une hypothèque comme gage réel des emprunts représente infiniment plus", rappelle Jean-Luc Gréau, "qu’une technique commode de garantie des sommes prêtées, car il bouleverse le cadre logique d’attribution, d’évaluation et de détention des crédits accordés […] Le risque mesuré cède la place à un pari que l’on prend sur la faculté que l’on aura, en cas de défaillance du débiteur, de faire jouer l’hypothèque et de saisir le bien pour le revendre à des conditions acceptables". C’est cette manipulation d’hypothèques transformées en actifs financiers, jointe à la multiplication des défauts de paiement d’emprunteurs incapables de rembourser leurs dettes, qui a abouti à la crise de l’automne 2008. On voit l’opération se répéter aujourd’hui, aux dépens des Etats souverains, avec la crise de la dette publique.

C’est donc bien au grand retour du système de l’usure que nous sommes en train d’assister. Ce que Keynes appelait un "régime de créanciers" correspond à la définition moderne de l’usure. Les procédés usuraires se retrouvent dans la manière dont les marchés financiers et les banques peuvent faire main basse sur les actifs réels des Etats endettés, en s’emparant de leurs avoirs au titre des intérêts d’une dette dont le principal constitue une montagne d’argent virtuel qui ne pourra jamais être remboursé. Actionnaires et créanciers sont les Shylock de notre temps.

Mais il en est de l’endettement comme de la croissance matérielle : ni l’un ni l’autre ne peuvent se prolonger à l’infini. "L’Europe commise à la finance", écrit Frédéric Lordon, "est sur le point de périr par la finance". C’est ce que nous avons écrit nous-mêmes depuis longtemps : le système de l’argent périra par l’argent. »

Source : Métapo infos