La croissance, c'est fini (21/12/2011)
Vision post-apocalyptique de Londres (tiens, pourquoi Londres ?)
On nous bassine avec les remèdes à l'endettement : faut se serrer la ceinture et bosser, nous dit-on.
Or, ce n’est pas le tout de proposer un travail acharné (le maximum dont est capable la « vertu » bourgeoise, et de préférence si ce sont d’autres qui le font), en plus de telle ou telle prétendue solution financière à la crise – planche à billets, austérité, ou mélange des deux.
Encore faut-il, quand même, que cela serve à quelque chose.
L’idéologie libérale table sur une notion fondamentale, commune au marxisme d’ailleurs : la croissance infinie.
Sans elle, rien ne marche plus.
L’immobilisme, la conservation et le simple renouvellement de ce qui existe ne suffisent jamais à cette grande ambition.
Le Progrès, autre mythe fondateur des « Lumières », exige toujours davantage de moyens matériels, pour finir par faire du monde un paradis et de l’homme une merveille.
Entre parenthèses, on voit bien à quel point ces fadaises ont réussi, non ?
Ah oui, pardon, c’est vrai, nous avons des smartphones, la télé HD et Michel Drucker dedans… Youpi.
Si nous sommes dans la fuite en avant financière pour retarder l’inévitable effondrement économique, ce n’est donc, finalement, qu’un prolongement logique de la fuite en avant dans la croissance.
Qu’une manière d’appliquer aux signes produits par le monde de la croissance, le même traitement que pour obtenir la croissance elle-même.
En effet, comment continuer de s’enrichir toujours davantage (sans parler de simplement entretenir et renouveler tout ce qu’on a accumulé), si ce qui est produit ne se vend plus ?
Autrement dit, pour remédier à l’absence d’acheteurs, que reste-t-il ?
A faire comme si les acheteurs achetaient toujours, pardi.
A mettre dans le circuit des biens qu’ils n’achèteront pas, de l’argent (crédit bancaire, transfert de la richesse publique à la fortune privée, primes d’Etat, cavalerie bancaire publique et privée…) pour permettre de les acheter quand même, et du bon vieux matraquage publicitaire pour y pousser.
Le problème est que cela appauvrit progressivement toute la société (d’abord les moins riches), en détruisant les emplois, en retirant petit à petit à la monnaie toute sa valeur, sans pour autant redonner à la croissance son élan.
Ni aux richesses, leur valeur d’avant la crise (exemple : les biens immobiliers).
Nous sommes, alors que le superflu est encore abondant et peu cher, dans une société où le point d’endettement maximal a été dépassé depuis longtemps.
Persistent les signes de l’opulence, les signes de la croissance et là, le marketing a largement pris le pas sur la réalité.
Même la monnaie a cessé d’exister. Elle est devenue, en fait, le marketing de la monnaie (si on parle d’argent-dette, ce marketing a d’ailleurs existé dès le début).
Plus de croissance ? Mimons-la.
Et donc, produisons comme si nous avions encore des acheteurs.
Et donc, créons de l’argent, comme si ces acheteurs payaient toujours.
Et enfin, surtout, disons partout que tout va déjà mieux.
Le hic : comme dans un excellent film au cinéma, quand tout est feint au point que le spectateur s’oublie lui-même et perd la notion du réel, que se passe-t-il, malgré tout, à la fin de la représentation ?
Il faut bien sortir et retourner au quotidien.
Quand s’opérera une prise de conscience massive de ce qui constitue réellement une richesse (c’est simple, c’est accessible à tout le monde : par exemple, si on n’a pas de quoi manger, à quoi sert le superflu ?), il est fort possible que la société change brutalement, extrêmement vite.
Ah, l’image des hideuses zones commerciales désertées, envahies par les ronces et les genêts !…
J'en rêve.
C'est pour bientôt.
01:28 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : croissance, idéologie, libéralisme, marxisme, dette, austérité, travail, progrès, lumières, argent, monnaie, richesses, finance, crédit, marketing, fuite en avant, prise de conscience | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
"...Quand s’opérera une prise de conscience massive de ce qui constitue réellement une richesse (c’est simple, c’est accessible à tout le monde : par exemple, si on n’a pas de quoi manger, à quoi sert le superflu ?), il est fort possible que la société change brutalement, extrêmement vite.
Ah, l’image des hideuses zones commerciales désertées, envahies par les ronces et les genêts !…
J'en rêve.
C'est pour bientôt."
Certes, l'idée de voir la nature reprendre ses droits sur les zones commerciales est appréciée. Toutefois, la nature humaine étant ce qu'elle est, les "changements brutaux" que je crois sauf miracle inéluctables risquent d'aller très très loin dans l'abjection. Donc je n'en rêve pas mais j'en frémirais plutôt.
Enfin, bien malin qui est capable de poser un nombre de jours/semaines/mois, voire année sur le bientôt.
Écrit par : popeye | 21/12/2011
Bon résumé sur le mythe du progrès et de la croissance ... et du système de besoin indexé sur le système de production , que l'on appelle "consommation" , le classique de Baudrillard " la société de consommation" est d’ailleurs criant d'actualité dans l'analyse du pourquoi nous en sommes arrivé là et que tout tient ... a rien .
Je rêve moi aussi de voir finir ces zone commerciales ;
Ces banlieue pavillonnaires , singeant une vie de sous américains , qui ne cessent de s’étendre ;
Cette pieuvre goudronné grandissant comme le cancer , pour pouvoir continuer a consommer des l'essence que nous n'avons pas ou plus ;
Et enfin l'espoir de voir renaître de vrai Paysages , dans le grand Pays qu'est la France
Écrit par : jbcmoi | 21/12/2011
La croissance est une invention, un logiciel de prêt à penser qui a colonisé l'imaginaire de nos sociétés depuis le début de l'époque moderne, c'est à dire la fin du Moyen-Âge grosso modo.
Les outils de propagande technologique postmodernes ont permis d'asseoir la croyance en une croissance infinie dans un monde fini (en dépit du côté hautement oxymorique d'une telle prétention) au niveau d'un authentique dogme.
Je crois que le problème n'est pas tant de savoir quand les zones commerciales auront atteint l'état de retour à la nature sauvage ; il est plutôt de comprendre que c'est inéluctable et que cela se rapproche de nous de manière exponentielle. A partir de là à chacun sa façon de réagir selon le fameux complexe du Titanic.
J'aimerais profiter de votre article pour inciter, ceux que cela intéresse, à la lecture de quelques ouvrages si vous le permettez (vous me censurerez si cela vous paraît déplacé).
Le premier ouvrage que je proposerais est celui-ci : http://www.amazon.fr/d%C3%A9croissance-Entropie-Ecologie-Economie-Nicholas-Georgescu-Roegen/dp/2869851685/ref=sr_1_9?ie=UTF8&qid=1324486526&sr=8-9
Je crois qu'il est incontournable pour tout ceux qui veulent vraiment comprendre l'hérésie des système économistes basés sur la croissance infinie dans un monde fini. La loi de l'entropie est l'argument implacable pour clore tout débat sur le sujet.
Je ne peux que conseiller ces trois ouvrages de Serge Latouche un penseur stimulant et d'une profondeur d'esprit qui lui vaudra sans doute la Gloire des Cieux dans sa prochaine vie.
http://www.amazon.fr/Petit-trait%C3%A9-d%C3%A9croissance-sereine-Latouche/dp/2755500077/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1324486526&sr=8-1
http://www.amazon.fr/Vers-une-soci%C3%A9t%C3%A9-dabondance-frugale/dp/2755505885/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1324486526&sr=8-2
http://www.amazon.fr/pari-d%C3%A9croissance-Serge-Latouche/dp/2818500087/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1324486526&sr=8-3
A lire aussi le traitement de ces questions par Alain de Benoist, penseur que j'affectionne pour son érudition et sa clairvoyance :
http://www.amazon.fr/Demain-d%C3%A9croissance-Penser-l%C3%A9cologie-jusquau/dp/2846082235/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1324486574&sr=8-1
J'aurais pu relayer Jacques Ellul ou encore Unabomber (dont les écrits contre la technique dépassent de loin l'idée que le personnage a hélas donné de lui par ses regrettables actions). J'aurais pu évoquer le principe de responsabilité cher à Hans Jonas, les travaux d'Yvan Illitch, de Castoriadis, de Michéa ou d'André Gorz mais bon je m'en tiendrais là.
Je rajouterais simplement le dernier reportage qui m'est connu où Serge Latouche fut invité, Là-bas ci j'y suis : http://www.dailymotion.com/video/xmalr3_la-decroissance-contre-l-economie-de-l-absurde_webcam
Écrit par : Eisbär | 21/12/2011
Pas sur que vous le voyez Boreas, pas sur du tout.
Je pense que nous pourrions rentrer dans un cycle de violence tel, que Verdun ou les massacres de la Saint Barthelemy pourraient être des villegiatures pour vieilles Anglaises.
Oui a la mort du système.
Oui au rapatriement des allogènes
Non a l alienations du genre humain.
Écrit par : libherT | 21/12/2011
popeye et libherT
Quand je dis "il est fort possible que la société change brutalement, extrêmement vite", je pense à l'échelle du temps historique, même si la marche de celui-ci s'accélère diablement (adverbe qui va plaire à Eisbär ;-) ), pas à des bouleversements en quelques jours.
Et comme nous vivons, malgré tout, dans un pays fortement industrialisé (pas en parts de PIB, mais par rapport au monde d'il y a seulement un siècle) et à infrastructures lourdes, je pense que personne n'a intérêt à cette fameuse guerre civile, plus ou moins ethnique, dont certains nous rebattent les oreilles.
A mon avis, il va y avoir, tout simplement, une décroissance accélérée. Toutes les structures de pouvoir et d'influence actuelles vont se dégongler, s'affaisser, s'effondrer comme des châteaux de cartes. Mais cela ne se verra pas forcément, car non seulement ce ne sera pas l'affaire de quelques jours, ce sera progressif, mais encore ces structures seront remplacées par d'autres, il y aura une substitution. Ce qui n'exclut pas, bien sûr, quelques violences, comme toujours. Sans pour autant générer un bain de sang.
Alors, "pas sûr que je le voie", en effet libherT. Je ne suis pas un voyant, juste un type tout ce qu'il y a de plus banal et c'est juste mon intuition à moi, le résultat de mes études et de mes réflexions, autorisées par rien, par aucune formation ou diplôme particulier, qui me font dire ce que je dis. Je ne prétends pas détenir la vérité ni prédire l'avenir.
Mais voilà, c'est ce que je pense. A mon avis, ce n'est ni le pire, ni le meilleur qui nous attend, seulement le bon vieux mélange entre les deux, qui permet la vie.
Quant à "l'abjection" ou à "l'aliénation du genre humain, sincèrement, je ne vois pas comment nous pourrions davantage toucher le fond qu'aujourd'hui... enfin, si on regarde les choses avec un oeil non matérialiste.
Bon. Demain matin à 06 h 29 heure légale, ce sera le solstice d'hiver.
Le soleil invaincu reprendra son oeuvre ascendante, faisant de nouveau croître les jours, symbole de l'espoir éternel, de la vie éternelle.
Ce n'est peut-être pas un hasard si nous avons cette conversation maintenant, vous ne croyez pas ?
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jbcmoi
Cette sensibilité à la Nature, au paysage, je la partage pleinement. Elle relève, justement, du domaine de l'intuition et, en quelque sorte, je pense, d'une perception des cycles. Le temps linéaire, c'est l'apanage de la modernité, c'est une illusion. Tout repousse toujours sur des ruines.
'Le temps revient", devise de Laurent le Magnifique dans la Florence des Médicis, au XVe siècle. Toujours d'actualité...
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Eisbär
Ah, mon fidèle catho parano ! :-)
Mais pourquoi vous censurerais-je, vous dont les commentaires toujours intéressants témoignent d'une grande culture et d'une profonde réflexion ?! Et leur fréquence, ainsi que leur longueur - ô combien flatteuses pour moi -, d'une rare addiction à mon blog...
Au contraire, je vous remercie vivement de tous ces liens vers des auteurs importants de notre époque.
Bien cordialement à tous et joyeux solstice / Noël.
Écrit par : Boreas | 21/12/2011
Merci Boreas
Quand je parle d alienation, je parle de la violence destructrice. Celle de Verdun, des camps d extermination, qui détruit tout homme, toute humanité dans l Homme.
Pour ne pas sombrer dans la folie, l être humain a besoin de repere, de sens. C est ce que nous appelons la societé. Si cette société se délite, les gens perdent leurs reperes, et peuvent basculer dans la folie. Aujourd hui ce qui donne sens, c est la voiture, la tele, les vacances, les apéros avec les amis. Ce que je crains, c est que le changement risque de se faire trop vite, pas sur une génération, mais sur 10 ans. Beaucoup de gens ne pouront s adapter ..... Surtout chez nos pépites, qui risquent de voir leur supermarché fermé, et ils ne controlent pas la campagne .....
Joyeux solstice
Écrit par : libherT | 23/12/2011
Un joli article bien corosif.
Qui sera capable de faire la synthese, qui pourra federer tout ce ras le bol ?????
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ows-a-la-profonde-douleur-de-vous-106832?debut_forums=0#forum3162526
Écrit par : libherT | 24/12/2011