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14/07/2013

Endogamie des élites

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« Dans cette bataille qui s'engage, mon véritable adversaire n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti mais il gouverne, cet adversaire c'est le monde de la finance. (...) Je serai le président de la fin des privilèges. »

(François Hollande, Le Bourget, 22 janvier 2012)

 

« (...) L’affaire Cahuzac avait déjà soulevé le problème des conflits d’intérêts et de la confusion public/privé. Existe-t-il d’autres conflits d’intérêts du même type au sein du gouvernement et plus largement au sein des institutions ? Lesquels ? Ces conflits d’intérêts finissent par miner la démocratie ? En quoi précisément ?

Éric Verhaeghe : Vous posez une question de coulisse : la décision publique se prend-elle en dehors des organigrammes, et selon des logiques familiales, matrimoniales, amicales, qui échappent au contrôle citoyen ? Sur ce point, la réponse est évidemment "oui", et de façon surprenante sur un mode de plus en plus dégradé. Plus le temps passe, moins l'élite française se cache pour vivre en coterie et confondre vie personnelle et vie publique. Avec le système Sarkozy, on pensait avoir tout vu. Mais au fond l'opinion publique était parvenue à empêcher la nomination de son fils à la tête de l'EPAD. Je me souviens aussi des dures critiques contre Luc Ferry, dont la femme Marie-Caroline était jugée trop voyante au sein de son cabinet.

François Hollande avait promis une république exemplaire, et il faut bien constater que le mélange des genres, nourri par la proximité des anciens de la Voltaire, a aujourd'hui pignon sur rue. Vous citez le cas de sa directrice de cabinet qui est aussi l'épouse d'un industriel directement intéressé aux questions de législation environnementale. Mais les logiques conjugales sont à l’œuvre partout, façon cour de Versailles. Pas la peine de parler de Valérie Trierweiller. Parlons de Najat Vallaud-Belkacem, épouse d'un conseiller ministériel. Parlons de Christiane Taubira dont on nous dit que le compagnon est l'un de ses conseillers. Ce genre de comportement était durement sanctionné par la presse quand un membre du gouvernement Fillon le pratiquait. Aujourd'hui je constate que la méthode est globalement acceptée.

Les Français doivent avoir une claire conscience de ce que ce genre d’errement signifie : quand l'exercice du pouvoir devient une affaire privée, c'est le citoyen qui est exproprié de son droit à participer, même très symboliquement, à la décision. Le pouvoir ne vient plus du peuple, mais des liens personnels que chacun tisse avec les élus. C'est probablement la plus belle preuve de la réaction nobiliaire et de la décadence républicaine qui nous est donnée. J'insiste sur ce point : les élites ne sont légitimes que quand elles donnent l'exemple. Et aujourd'hui il est évident que, quel que soit le parti, l'exemple qui est donné ne peut que révulser les Français.

Olivier Vilain : Plus que de se borner de parler de "conflits d'intérêts", il serait judicieux d'examiner l'endogamie dont font preuve les milieux politique, industriel, financier et même médiatiques. Des personnes du même milieu social se retrouvent à des positions de pouvoir à la sortie des grandes écoles où ils se sont côtoyés. Ils vont ensuite changer de places, passant d'un cabinet ministériel à la direction d'une grande entreprise ou d'une banque, voire d'un média de masse. Les exemples abondent depuis trente ans, c'est le mode de fonctionnement des classes dirigeantes de notre pays. Avec Roger Lenglet, nous avions montré (avec Un pouvoir sous influence, Armand Colin, 2010) qu'elles ont mis en place un instrument supplémentaire de contrôle de leurs positions de pouvoir : les think tank, qui favorisent à la fois l'homogénéisation des points de vue entre les différentes fractions les plus privilégiées et la diffusion des dernières idées de gestion gouvernementale.

L'exemple qui me paraît le plus préoccupant pour le moment est constitué des négociations autour de la définition d'un traité de commerce liant l'Union européenne aux États-Unis. Un traité qui a pour but d'aligner les normes et les règlements des deux côtés de l'Atlantique. Il est faussement qualifié de traité de "libre-échange", mais il faudrait m'expliquer ce qu'a à voir le libre-échange dans un monde où le commerce est concentré dans les mains de quelques milliers de super-entreprises et où les échanges à l'intérieur de ces transnationales représente les deux tiers du commerce mondial. Où est la concurrence lorsque que les échanges se font principalement entre deux entités d'un même groupe ? Ce texte est d'une importance capitale : s'il voit le jour, il façonnera la société dans laquelle nous évoluerons dans les décennies à venir. Savez-vous qui est chargé de le négocier : la Commission européenne. Connaissez-vous les termes de cette négociation ? Non, ni les citoyens, ni les parlementaires n'y ont accès. La Commission à les mains libres. Or, ce que montrent les recherches d'une association comme le Corporate europe observatory ou les enquêtes du journaliste David Cronin, c'est que le mandat de négociation a été défini très largement en accord avec les principaux lobbies industriels et financiers à Bruxelles. Ainsi, les grandes entreprises, notamment celles du secteur pétrolier et des gaz de schiste, pourront attaquer les États si elles estiment qu'une nouvelle loi fera baisser leurs profits. Aujourd'hui, plus de 500 procès de ce type ont cours, dont 40 % à l'initiative d'une compagnie de l'UE, mais les États européens sont pour le moment peu exposés à ce risque. Cela changerait du tout au tout si le traité Transatlantique était adopté.

Comment expliquer que ce genre de phénomène, malgré les révélations médiatiques régulières, continue à exister ? Est-il impossible de les empêcher ?

Olivier Vilain : La collusion entre différentes fractions de la classe dirigeante (économique, politique, médiatique) est ancrée dans un système de pouvoir qui est en faveur de ces dernières. Les mouvements sociaux et les partis portants des politiques alternatives ont subi de nombreuses défaites ces dernières décennies. Les instruments comme les nationalisations, le contrôle des prix, l'extension de la Sécurité sociale, le droit du travail, le contrôle des capitaux et des changes, etc., sont rognés, voire supprimés. Si bien qu'après une crise d'ampleur séculaire provoquée par la spéculation du secteur financier, le mot d'ordre dans les gouvernements occidentaux à été de ne pas "effrayer les investisseurs". Il aurait fallu au contraire les contraindre. Avec le Traité Transatlantique, le même processus est à l’œuvre. Selon les documents obtenus par le Corporate europe observatory auprès de la Commission européenne, les entreprises ont été très explicites durant les échanges préliminaires. Ainsi, Pascal Kerneis, du Forum européen des services (l'association européenne qui regroupe les entreprises de services) a indiqué : "L'industrie s'opposera à tout accord dans lequel la protection de l'investissement serait bradé au profit d'objectifs de politiques publiques, incluant les droits humains ou les droits du travail."(Industry will oppose any deal in which investment protection is traded off against public policy objectives, including human and labour rights.) C'est le genre de déclarations qui sont peu reprises par les médias. »

Source


« Peu reprises » est un euphémisme.

PAS DU TOUT reprises, en réalité. Allez faire un tour sur Google, si vous voulez vérifier.

Mais quand on sait à qui appartiennent les médias, est-ce une source d'étonnement ?

11/07/2013

Lordon progressiste, Michéa conservateur

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Euh... J'ai pô tout compris !

 

Frédéric Lordon, très pertinent quand il se limite aux sujets économiques, vient de pondre deux petites analyses critiques de la pensée de Jean-Claude Michéa, qui ne décevront que les naïfs et confirment juste qu'en réalité, l'auteur du Complexe d'Orphée a décidément raison de distinguer la vraie gauche, à laquelle il appartient sans aucun doute, de la fausse, dernièrement épinglée, qui inclut manifestement Lordon et ses pareils, ces derniers étant pourtant en général bien plus médiocres que celui-ci.

C'est à lire et ici.

Au plan social, Lordon se déclare clairement progressiste, là où Michéa est conservateur, ce qui déplaît grandement à nos bonnes consciences degôche, électoralement dépendantes de leur clivage artificiel d'avec une droâte tout aussi fausse que leur gôche, et inconsciemment bourgeoises (à l'appellation bobo, bourgeois bohème, je préfère bourgeois tout court, beaucoup plus signifiant en profondeur).

Mais si, dans l'analyse du progressisme, Michéa est intelligent, Lordon, ultra-conformiste (Bourdieu à la rescousse), n'est qu'un intellectuel, aux arguments aussi faux que tarabiscotés.

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04/07/2013

Capitalisme de connards

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« (...) Mais l’idée que la fabrique du connard est principalement culturelle pose un autre problème : celle des effets délétères de la multiplication des connards dans des cultures où chacun se sent dans son bon droit de biaiser les règles de la coopération  à son propre avantage. Plus particulièrement, l’auteur s’intéresse dans le chapitre 6 à la dégradation possible de la culture capitaliste dans une forme dévoyée qu’il appelle le “capitalisme de connards" (asshole capitalism). Commençons par préciser que l’auteur est favorable au capitalisme, qu’il définit une “société capitaliste" comme une société qui s’appuie principalement sur les marchés pour la distribution des biens et des services et l’allocation du capital, et qu’il pense que ce système, si lui on adjoint les mécanismes correctifs adéquats, est un bon système si l’on se fixe comme objectif le développement de liberté, la prospérité de tous, et la maximisation des opportunités offertes à chacun. Ce qui le préoccupe, c’est la possibilité que, le nombre de connards augmentant de façon significative, le capitalisme puisse se “dégrader" en une forme instable, le “capitalisme de connards". Selon l’auteur, le capitalisme est très sensible à la présence de connards : en effet, selon lui, le système capitaliste repose sur un certain nombre d’institutions et de règles que les partenaires doivent respecter pour que la coopération soit bénéfique au plus grand nombre. Parce qu’ils bénéficient du capitalisme, et donc de ces institutions, les partenaires les respectent généralement. Mais le connard, lui, se croit tout permis, et en particulier de contourner ces institutions voire de les détourner à son profit (par exemple en faisant payer les autres pour ses déficits et ses investissements absurdes) : il augmente ainsi considérablement le coût de la coopération pour les autres. “Modélisation mathématique" à l’appui (voir la seconde annexe de l’ouvrage), l’auteur soutient que la prolifération de connards conduit peu à peu les autres à ne plus coopérer, ce qui à terme provoque l’effondrement du système capitaliste.

Cette menace est prise d’autant plus au sérieux par l’auteur que, selon lui, les Etats-Unis sont peut-être déjà dans une telle situation. En effet, l’auteur considère que les Etats-Unis ont vu au cours de ces dernières années se développer une “culture du bon droit" ("entitlement culture") selon laquelle chacun est spécial et justifié à chercher son enrichissement personnel et à contourner toutes les règles à cette fin. (...) »

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01:19 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Psychologie, Société | Lien permanent | Tags : capitalisme, connards |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |

30/06/2013

Communautés de l'être contre société de l'avoir

J'ai hésité un moment avant de reprendre cette vidéo trouvée sur le Scriptoblog, parce que je ne suis pas forcément d'accord avec tout ce que dit l'excellent Francis Cousin (notamment, en ce qui concerne l'efficacité des services de renseignement modernes, le terrorisme d'Etat et la puissance systémique), mais l'entretien est tellement intéressant qu'il vaut néanmoins largement d'être écouté et médité.


25/06/2013

« Du bouche-à-bouche à un cadavre »

Pierre Bergé avec François Hollande : le mécène et l'obligé

 

Je remercie @Popeye de m'avoir fait découvrir ce brûlot lancé par les Hommen lors de la manif de dimanche soir dernier à Paris, place Dauphine, contre le sort scandaleux réservé par le régime à Nicolas Bernard Busse :

« Alors si on fait les comptes :

*Vous faites adopter une loi qui viole les droits de la majorité et des plus vulnérables pour plaire à un lobby qui représente la minorité d'une minorité.

*Vous manipulez les sondages en dissociant les questions de mariage et d'adoption quand la loi porte sur les deux ensemble.

*Vous ignorez des centaines de milliers de personnes descendues pacifiquement dans la rue à plusieurs reprises et falsifiez les chiffres de leurs mobilisations.

*Vous foutez au panier une pétition historique de 700.000 signatures.

*Vous accélérez le calendrier législatif pour prendre de vitesse les opposants.

*Vous refusez d'organiser un référendum en invoquant le fait que l'article 11 ne prévoit qu'on y ait recours que pour les questions sociales et non sociétales ; alors même que le terme "sociétal" est un néologisme qui n'existait pas en 58, et que la commission choisie pour examiner le texte à l'assemblée est précisément la commission des affaires SOCIALES.

*Vous laissez des racailles de flics en civil malmener des jeunes filles et tabasser des gamins de 14 ans.

*Vous refusez aux maires leur droit à l'objection de conscience en les menaçant de 7 ans de prison.

*Vous faites coffrer des promeneurs parce qu'ils portent un sweat de la Manif.

*Vous multipliez les détentions arbitraires et les procédures abusives.

Et maintenant vous foutez en taule un étudiant qui est allé chanter la Marseillaise sur les Champs Elysées...

Mais continuez M. Hollande ! A ce train-là vous finirez par faire tirer sur la foule...

Continuez mesdames et messieurs les juges, ministres, chroniqueurs et autres bonnes consciences subventionnées ! Bientôt vous réhabiliterez la gégène…

Continuez ! Vous êtes en train de forger une génération de résistants.

Vous croyez n'avoir à faire qu'à des cathos réacs mus par leur sentiment religieux ? Vous êtes mal ! L'ordre naturel qu'ils défendent est universel et vos coups de tonfa ont trempé leur conscience politique. Ils ont compris que ce mariage homo était le fruit vénéneux d'un arbre pourri par le mépris du peuple, la propagande médiatique et la dictature des minorités. S'ils pointent encore le fruit, ils pensent désormais à couper l'arbre. Et demain ils rallieront à eux le pays réel qui ne supporte plus votre condescendance.

Continuez ! Votre société utopique ne fait plus rêver. Notre génération en a soupé de votre progrès. Nous avons vu où mène votre libération des mœurs, votre marché-roi et votre relativisme déguisé en ouverture d'esprit. Nous sommes les enfants du divorce de masse, de la gay pride et de l'adultère en publicité dans le métro. Nous ne voulons pas de vos vies de merde de cocus compréhensifs et de working-girl dépressives.

Continuez ! De toute façon vous avez déjà perdu... Déjà Cohn-Bendit est tombé, le monde dégueulasse qu'il incarnait le suit. Votre activisme n'y changera rien, c'est du bouche-à-bouche à un cadavre. »

Source

23/06/2013

« Dissoudre la famille »

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Vous estimez urgent d'abandonner le nom de «gauche», de changer de signifiant pour désigner les forces politiques qui prendraient à nouveau en compte les intérêts de la classe ouvrière... Un nom ne peut-il pourtant ressusciter par-delà ses blessures historiques, ses échecs, ses encombrements passés ? Le problème est d'ailleurs exactement le même pour le mot «socialisme», qui après avoir qualifié l'entraide ouvrière chez un Pierre Leroux s'est mis, tout à fait a contrario, à désigner dans les années 80 les turlupinades d'un Jack Lang. Ne pourrait-on voir dans ce désir d'abolir un nom de l'histoire comme un écho déplaisant de cet esprit de la table rase que vous dénoncez sans relâche par ailleurs ?

Jean-Claude Michéa : Si j'en suis venu - à la suite, entre autres, de Cornelius Castoriadis et de Christopher Lasch - à remettre en question le fonctionnement, devenu aujourd'hui mystificateur, du vieux clivage gauche-droite, c'est simplement dans la mesure où le compromis historique forgé, au lendemain de l'affaire Dreyfus, entre le mouvement ouvrier socialiste et la gauche libérale et républicaine (ce «parti du mouvement» dont le parti radical et la franc-maçonnerie voltairienne constituaient, à l'époque, l'aile marchante) me semble désormais avoir épuisé toutes ses vertus positives.

A l'origine, en effet, il s'agissait seulement de nouer une alliance défensive contre cet ennemi commun qu'incarnait alors la toute-puissante «réaction». Autrement dit, un ensemble hétéroclite de forces essentiellement précapitalistes qui espéraient encore pouvoir restaurer tout ou partie de l'Ancien Régime et, notamment, la domination sans partage de l'Eglise catholique sur les institutions et les âmes. Or cette droite réactionnaire, cléricale et monarchiste a été définitivement balayée en 1945 et ses derniers vestiges en Mai 68 (ce qu'on appelle de nos jours la «droite» ne désigne généralement plus, en effet, que les partisans du libéralisme économique de Friedrich Hayek et de Milton Friedman).

Privé de son ennemi constitutif et des cibles précises qu'il incarnait (comme, la famille patriarcale ou l'«alliance du trône et de l'autel») le «parti du mouvement» se trouvait dès lors condamné, s'il voulait conserver son identité initiale, à prolonger indéfiniment son travail de «modernisation» intégrale du monde d'avant (ce qui explique que, de nos jours, «être de gauche» ne signifie plus que la seule aptitude à devancer fièrement tous les mouvements qui travaillent la société capitaliste moderne, qu'ils soient ou non conformes à l'intérêt du peuple, ou même au simple bon sens).

Or, si les premiers socialistes partageaient bien avec cette gauche libérale et républicaine le refus de toutes les institutions oppressives et inégalitaires de l'Ancien Régime, ils n'entendaient nullement abolir l'ensemble des solidarités populaires traditionnelles ni donc s'attaquer aux fondements mêmes du «lien social» (car c'est bien ce qui doit inéluctablement arriver lorsqu'on prétend fonder une «société» moderne - dans l'ignorance de toutes les données de l'anthropologie et de la psychologie - sur la seule base de l'accord privé entre des individus supposés «indépendants par nature»).

La critique socialiste des effets atomisants et humainement destructeurs de la croyance libérale selon laquelle le marché et le droit abstrait pourraient constituer, selon les mots de Jean-Baptiste Say, un «ciment social» suffisant (Engels écrivait, dès 1843, que la conséquence ultime de cette logique serait, un jour, de «dissoudre la famille») devenait dès lors clairement incompatible avec ce culte du «mouvement» comme fin en soi, dont Eduard Bernstein avait formulé le principe dès la fin du XIXe siècle en proclamant que «le but final n'est rien» et que «le mouvement est tout».

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21/06/2013

Rage contre le régime

(Juste pour l'ambiance)

 

 

 

Rendez-vous dimanche 23 juin 2013 à 20 heures, à Paris, place Dauphine.

Lisez aussi le récit et les conseils de Maître Pichon sur Le Salon Beige.

Et la réaction d'un magistrat. En cas de problème, elle est aussi ici et .

Le président aux 1.500 CRS de compagnie a annulé sa visite à Sciences-Po. Manif ce soir à 18 heures, à Paris, place du Panthéon.

16/06/2013

« On pensait bien qu'il y en aurait un, un jour, qui viendrait nous voir... »

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Bah oui, Monsieur le Député, c'est que vous découvrez l'eau chaude. La rupture est totale entre le peuple et ses soi-disants représentants, et rien ne pourra plus vous sauver, vous et vos pareils, bande d'autistes rentiers du foutage de gueule :

« Neuf personnes sur dix me disent : ça va péter. Et encore, j'ai du mal à trouver la dixième. On nous déteste, nous les politiques, on n'a plus confiance en nous. Alors, tout y passe : les affaires, le mariage gay... l'actualité. Mais l'on sent que le rejet est plus profond, c'est un rejet total.

Je ne suis pas un oiseau tombé du nid. Depuis 1977 j'ai occupé tous les mandats locaux que l'on peut avoir et pourtant, je me rends compte que la réalité de notre pays est pire que ce que j'avais imaginé.

[J'ai senti] s'accroître le décalage entre le peuple et ses représentants. La réalité est difficile à percevoir depuis les bancs de l'Assemblée et même dans ma circonscription ou dans les discussions avec les proches.

Les gens que je rencontre, c'est Monsieur tout le monde. Et, à ma grande surprise, ils ne sont pas étonnés par ma démarche, c'est comme s'ils me disaient : "on pensait bien qu'il y en aurait un, un jour, qui viendrait nous voir en dehors des campagnes électorales".

Une phrase revient tous les jours. "Ne déformez pas ce que nous vous avons dit, dites-leur qu'on n'en peut plus, que la cocotte minute va exploser, qu'on n'a plus aucune confiance en vous, les politiques". Seuls les maires sont épargnés parce qu'on les connaît et qu'on peut les engueuler tous les jours.

Autre rejet que je n'avais pas identifié à ce point : l'Europe. On n'a pas cru le peuple assez compétent pour construire ce grand projet qui n'était pas de leur niveau. Le non au référendum sur la constitution que Sarkozy a fait ensuite adopter par le parlement a été vécu comme une trahison. Et puis, ces questions récurrentes, comment a-t-on pu laisser tomber notre agriculture, notre industrie sans que personne ne s'y oppose. [Il y a] un sentiment d'abandon et de colère.

Dans le monde rural, habitué aux grandes manifestations, au dialogue fort, on sent aujourd'hui de la résignation. Même chose dans l'industrie où le seul objectif, c'est d'essayer de négocier au mieux la prime la plus élevée du plan social.

Par dessus tout cela, il y a la question de l'identité. "On ne sait plus si on est Lorrain, Français, Européen, Mondiaux. On n'a plus idée de qui on est et de qui nous dirige. Vous parlez du peuple M. le Député, mais de quel peuple ? On n'est qu'un troupeau de gens éparpillés aux quatre vents". »

Source

12/06/2013

Misère de la modernité

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Je rentre d'une veillée (Manif Pour Tous). Quelqu'un a lu ça, que je ne connaissais pas :

« (...) Aujourd’hui, je suis profondément triste – et en profondeur. Je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine. Qui, n’ayant connu que le bar, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd’hui dans une action strictement grégaire qui n’a plus aucune couleur. On ne sait pas le remarquer. Prenez le phénomène militaire d’il y a cent ans. Considérez combien il intégrait d’efforts pour qu’il fût répondu à la vie spirituelle, poétique ou simplement humaine de l’homme. Aujourd’hui que nous sommes plus desséchés que des briques, nous sourions de ces niaiseries. Les costumes, les drapeaux, les chants, la musique, les victoires (il n’est pas de victoire aujourd’hui, rien qui ait la densité poétique d’un Austerlitz. Il n’est que des phénomènes de digestion lente ou rapide), tout lyrisme sonne ridicule et les hommes refusent d’être réveillés à une vie spirituelle quelconque. Ils font honnêtement une sorte de travail à la chaîne. Comme dit la jeunesse américaine : "Nous acceptons honnêtement ce job ingrat" et la propagande, dans le monde entier, se bat les flancs avec désespoir. Sa maladie n’est point d’absence de talents particuliers, mais de l’interdiction qui lui est faite de s’appuyer, sans paraître pompière, sur les grands mythes rafraîchissants. De la tragédie grecque, l’humanité, dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de M. Louis Verneuil (on ne peut guère aller plus loin). Siècle de la publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux ni messe pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif.

Ah ! Général, il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. Si j’avais la foi, il est bien certain que, passé cette époque de "job nécessaire et ingrat", je ne supporterais plus que Solesmes. On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du XVe siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots. Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources : les impasses du système économique du XIXe siècle, le désespoir spirituel. Pourquoi Mermoz a-t-il suivi son grand dadais de colonel sinon par soif ? Pourquoi la Russie ? Pourquoi l’Espagne ? Les hommes ont fait l’essai des valeurs cartésiennes : hors les sciences de la nature, ça ne leur a guère réussi. Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. Ça déborde le problème de la vie religieuse qui n’en est qu’une forme (bien que peut-être la vie de l’esprit conduise à l’autre nécessairement). Et la vie de l’esprit commence là où un être "un" est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L’amour de la maison – cet amour inconnaissable aux États-Unis – est déjà de la vie de l’esprit.

Et la fête villageoise et le culte des morts (je cite ça, car il s’est tué depuis mon arrivée ici deux ou trois parachutistes, mais on les a escamotés : ils avaient fini de servir). Cela c’est de l’époque, non de l’Amérique : l’homme n’a plus de sens.

Il faut absolument parler aux hommes. (...) »

Antoine de Saint Exupéry, Lettre au Général X, juillet 1943

10/06/2013

Révolution républicaine

 

« (...) La situation politique en France comporte (...) quelque chose de radicalement nouveau, incompréhensible à la seule science politique et dont la compréhension requiert l’adoption d’un point de vue philosophique. La seule révolte contre la dictature nihiliste ne suffirait pas à produire un mouvement de la nature de celui que nous observons. Un principe spirituel nouveau est à l’œuvre ici. C’est en cela qu’il y a réellement révolution.

C’est une mutation soudaine qui s’est produite, et ce qu’on en voit n’est qu’un début. Nous ne sommes plus en présence d’un affrontement droite/gauche traditionnel en France, avec d’un côté les "conservateurs", ou la "réaction", et de l’autre un "front progressiste". Nous sommes au contraire en face d’un retournement dialectique d’ampleur historique, conduisant au renouvellement complet des règles du jeu et, en particulier, à une renaissance très originale de l’idée républicaine.

Cette légitimité qui s’oppose aujourd’hui à cette légalité (ou apparence de légalité) qui n’a jamais fait défaut aux pires tyrannies, c’est encore et toujours, en France, la légitimité républicaine et c’est celle de l’Histoire. Mais qu'est-ce que la République ? Nous allons essayer de le dire.

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