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04/12/2013

Glissement propagandique

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En répondant par un « bonne nouvelle » réjoui à mon observation selon laquelle l'antiracisme ne fonctionne plus et est mort en France (ce qui n'a rien d'original : Pierre S., par exemple, le martèle sur son fil Twitter), mon ami Hoplite me donne, sur son excellent blog, l'occasion d'une mini-synthèse sur le sujet.

Bonne nouvelle, la mort de la propagande antiraciste ?

Pas si sûr.

D'une part, si vraiment l'homme de la rue n'est majoritairement plus dupe des bobards systémiques, nous sommes peut-être (je pense : « probablement », mais ce n'est guère plus qu'une intuition, certes étayée de myriades d'indices) en train de passer insensiblement, toutes proportions gardées, du carcan brejnevo-andropovien à l'horizon gorbatchevo-eltsinien, avant/pendant un effondrement suivi d'une éventuelle restauration politique d'allure poutinienne.

Mais d'autre part, l'omniprésence allogène et communautariste fait bouger les lignes cognitives et sémantiques dans le pays réel. La médiasphère, dans sa torpeur ouatée, a simplement un temps de retard.

En réalité, le système de domination n'a plus besoin de la propagande antiraciste (laquelle se fonde, en fait, sur le « racisme » tant honni, le banalise et en définitive l'alimente) et est en train de passer à autre chose : une sorte de consolidation/accentuation Multikulti, fondée sur le fait accompli de l'immigration-invasion et sur la victimisation à outrance des immigrés comme moteur de la culpabilisation des Français de sang.

De fait, le modèle communautariste anglo-saxon a complètement supplanté le modèle assimilationniste républicain (lui-même abusivement extrapolé, depuis quarante ans, à partir de principes constitutionnels datant d'une époque d'immigration zéro et qui, nulle part, ne font référence à la moindre volonté d'importer massivement des allogènes, ni aux soi-disant obligations universelles qui découleraient, selon les « extrémistes républicains » omniprésents aujourd'hui, de la philosophie à l'origine de ces principes).

Donc, la propagande antiraciste du vivre-ensemble, bisounours et utopiste, datant du temps de cet assimilationnisme, qui nécessitait des manifestations monstres pour nous démontrer, à nous autres ploucs, que nous étions tous frères - enfin, surtout que tous les autres étaient nos frères - n'est plus nécessaire au Régime. Poubelle. Et d'ailleurs, cette propagande, plus personne n'y croit, devant l'évidence des faits, réelle et supposée, du « choc des civilisations ».

En revanche, le pouvoir a glissé vers une propagande culpabilisatrice, voire terroriste, ce qui est bien sûr dangereux, car cela excite tous les antagonismes ; sans parler de dédouaner par avance les exactions commises par des « chances pour la France », au moins aux yeux de leurs auteurs.

L'arme de la division et de la peur est néanmoins à double tranchant, dans la mesure où les politiciens et requins court-termistes qui l'utilisent hypothèquent leur propre avenir et celui des leurs : tôt ou tard, il faut donner aux pauvres-victimes-allogènes des gages de multiculturalisme et de parité et donc, leur abandonner (en réalité, abandonner, le plus souvent, à des personnalités de couleur aussi peu représentatives de l'immigré lambda que le politicien autochtone l'est du « Fromage » qui le gave de ses impôts) une partie de plus en plus significative des bonnes places devant la Sainte Gamelle...

L'usage de cette arme correspond au moins, de la part du Régime, à un aveu de faiblesse et en tout cas, d'impuissance devant une réalité anthropologique impossible à plier aux utopies libérales libertaires.

En cela, oui, la faillite de l'antiracisme est une bonne nouvelle.

Mais enfin, on est quand même passé à un autre degré de propagande, bien plus violent et nuisible encore.

Sur ce terrain comme sur celui de la dissidence en général, l'heure des bisounourseries est vraiment révolue.

21/09/2013

Veni, vedi, retourni

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« (...) Strategic Vision”, en cette fin février 2012, constate le recul de la mainmise américaine sur la Géorgie (où les dernières élections n’ont pas porté au pouvoir le favori des Etats-Unis), sur Taïwan, sur la Corée du Sud, sur l’Ukraine (où les effets de la “révolution orange” des années 2004-2005 se sont évanouis), sur l’Afghanistan et le Pakistan, sur Israël (que Washington s’apprête à abandonner ?) et sur quelques autres têtes de pont au Proche et au Moyen-Orient. Ce recul ne signifie pas pour autant un affaiblissement fatal pour l’Occident, explique Brzezinski : si le tandem euro-américain s’allie à la Russie, alors un espace stratégique inaccessible et inexpugnable se formera sur tout l’hémisphère nord de la planète, de Vancouver à Vladisvostok. Cette grande alliance “boréale” potentielle devra absolument compter sur l’alliance turque, car la Turquie est le “hub”, le moyeu, qui unit géographiquement l’Europe, la Russie (l’espace pontique), l’Afrique (le canal de Suez + l’espace nilotique de l’Egypte au Soudan et à la Corne de l’Afrique), l’Asie (l’espace de la turcophonie + les bassins du Tigre et de l’Euphrate + la péninsule arabique). Sans ce moyeu, l’alliance “boréale” ne pourrait fonctionner de manière optimale.

Strategic Vision” entend aussi mettre un terme à la démonisation systématique de la Russie par les médias américains : pour Brzezinski, la Russie doit dorénavant être considérée comme un pays démocratique à part entière. Il ne ménage pas ses critiques à l’endroit des médias et des ONG qui ont travaillé à exciter les opposants russes les plus délirants et les plus farfelus (jusqu’aux “pussy riots” et aux “femens”), à cultiver et amplifier la “légende noire” dont on accable la Russie, au moins depuis la Guerre de Crimée au 19ème siècle. Le noyau dur de sa critique est de dire que ce travail de harcèlement par les ONG est inutile dans la mesure où une démocratie ne s’impose jamais de l’extérieur, par le jeu des propagandes étrangères, mais uniquement par l’exemple. Il faut donner l’exemple de la démocratie la plus parfaite, d’une bonne gouvernance à toute épreuve (hum !) et alors on sera tout logiquement le modèle que tous voudront imiter.

Strategic Vision” constate aussi que les aventures militaires n’ont pas atteint les résultats escomptés. Il y a eu “hétérotélie” pour reprendre l’expression de Jules Monnerot, soit un résultat très différent des visées initiales, hétérogène par rapport au but fixé. Le coût de ces aventures militaires risque, même à très court terme, de déstabiliser les budgets militaires voire d’entraîner la faillite du pays. Le modèle américain du bien-être matériel pour tous risque alors d’être définitivement ruiné alors qu’il avait été vanté comme le meilleur de la Terre, ce qui, quand il ne fonctionnera plus très bien, entraînera fatalement des désordres intérieurs comme ailleurs dans le monde. Déjà les soupes populaires attirent de plus en plus de citoyens ruinés dans les villes américaines. L’American Way of Life ne sera plus un modèle universellement admiré, craint “Zbig”.

Les Etats-Unis, ajoute Brzezinski, sont comme l’URSS dans les années 1980-1985. Six raisons le poussent à énoncer ce verdict :

1. Le système est irréformable (mais il l’est partout dans l’Euramérique...) ;

2. La faillite du système est due au coût des guerres ;

3. L’effondrement du bien-être dans la société américaine entraîne une déliquescence généralisée ;

4. La classe dirigeante n’est plus au diapason (comme en Europe) ;

5. La classe dirigeante tente de compenser les échecs extérieurs (et intérieurs) par la désignation d’un ennemi extérieur, qui serait “coupable” à sa place ;

6. La politique extérieure, telle qu’elle est pratiquée, mène à l’isolement diplomatique, à l’auto-isolement.

Zbigniew Brzezinski doit cependant battre sa coulpe. En effet,

1. La réconciliation avec la Russie aurait dû se faire dès les années 90, quand les thèses exposées dans “The Grand Chessboard” constituaient la référence politique des décideurs américains en matière de politique étrangère.

2. Brzezinski n’a pas contribué à l’apaisement nécessaire puisqu’il a jeté de l’huile sur le feu jusqu’en 2008 ! Mais, malgré son grand âge, il est capable de tirer les conclusions de l’échec patent des suggestions qu’il a formulées au cours de sa très longue carrière. (...) »

Robert Steuckers (tout l'article est extrêmement intéressant)

14/08/2013

Avant-goût

Radio Télévision Suisse, émission Temps Présent du 11 octobre 2012 (trouvé sur Fortune, merci à eux)

03/04/2013

Plein les Myret

Le dernier éditorial-vidéo de la sympathique Myret Zaki me laisse, une fois de plus, baba d'admiration devant sa clarté d'esprit et d'analyse, et un peu perplexe quant à sa définition de ce qu'est, au fond, une spéculation.

 

 

En effet, concernant Chypre, on pourrait aussi bien dire que si les grandes banques et hedge funds anglo-saxons sont certes largement à l'origine de la panade bancaire insulaire (comme ils le sont pour d'autres, d'ailleurs, ce n'est pas une source d'étonnement sur ce blog, pour ceux qui le suivent), les « gros » épargnants, aujourd'hui ponctionnés par leur gouvernement faute d'autre solution pour sauver la patrie d'Aphrodite de la banqueroute, n'en ont pas moins aussi une part de responsabilité pour avoir cru au modèle Potemkine auquel ils ont confié leurs dépôts, et à sa pérennité... Et si cette croyance n'est pas une spéculation, je ne sais pas ce qu'elle est.

Il est vrai qu'il est plus facile de rejeter sur l'UE ou l'Allemagne la paternité de ce qui sanctionne, en fait, les failles d'une économie de rente et d'un parasitisme fondés sur le dumping fiscal.

Somme toute, c'est l'irréalité économique qui est sanctionnée, et que la sanction ne frappe malheureusement que des lampistes, faute de pouvoir taper sur les ploutocrates anglo-saxons, n'y change rien. Quand on ne fait que brasser du vent, il ne reste rien dès qu'Éole ne souffle plus. On ne me fera pas croire que dans ce système à illusions, les seuls responsables sont ceux qui projettent le film. Les spectateurs ne sont pas complètement innocents, quand même, vous ne pensez pas ? En tout cas, ce qui est sûr, c'est que sans eux, ledit système n'existerait pas.

Sur le même sujet chypriote, Myret Zaki a tout récemment participé à une émission spéciale de la Télévision Suisse Romande. L'émission complète est ici, et en voilà un extrait :

 

 

En passant, je me suis aperçu que j'avais, depuis mon escapade pyrénéenne, du retard à rattraper, concernant les publications zakiesques, souvent de nature à faire dresser les cheveux sur la tête de ces bons vieux souverainistes français qui m'amusent tant, quand ils ne me fatiguent pas avec leur absence de recul.

Pêle-mêle, quelques vidéos supplémentaires sur Mario Draghi, sur l'Angleterre et sur la facture de l'austérité.

Parfois discutable, mais toujours passionnant. Vous aussi, prenez-en... plein les Myret !

20/09/2011

Myret Zaki : « Le coup de grâce viendra des États-Unis »

 

Encore un entretien avec cette épatante journaliste économique suisse (je sais, je sais, d'origine égyptienne ; mais là, franchement, on s'en fout), que je découvre, cette fois, avec presque un mois de retard :

 

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Pour la journaliste genevoise, l’effondrement du système financier américain achèvera les économies occidentales. Un krach dont l’Europe sortira renforcée. Etranglée par le franc fort, la Suisse n’aura d’autre choix que rallier l’UE.

Christian Rappaz : « L’Occident est-il en faillite ? » Un titre racoleur ou reflet de la réalité ?

Myret Zaki : Tous les pays du G7 affichent un taux d’endettement équivalent ou supérieur à 100 % de leur PIB, se révèlent incapables de rembourser leurs dettes et de payer les retraites à leur population. Faillite est donc bien le terme approprié.

Va-t-on assister à une cascade de défauts de paiements des Etats, y compris des Etats-Unis ?

Nous allons assister à la faillite des Etats-Unis, pas de l’Europe. Celle-ci, on ne le dit pas assez, reste la première puissance commerciale du monde, devant la Chine. Je sais que cela peut paraître iconoclaste au moment où tous les regards sont braqués sur la Grèce, le Portugal, l’Italie ou l’Espagne, mais contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, l’effondrement du système monétaire américain reste le plus grand péril planant sur le monde. A mon avis, celui-ci se produira au plus tôt dans les mois qui viennent, au plus tard en 2014.

Après les pays du sud de l’Europe, c’est pourtant la France qui est dans la tourmente…

Simple manœuvre de diversion de la part de spéculateurs maîtres en manipulation. Un coup classique, déjà éprouvé contre la Grèce : on se positionne à la baisse en Bourse, on fait courir des rumeurs propres à semer la panique sur les marchés puis on encaisse les bénéfices. Autre avantage du stratagème, pendant que le monde est au chevet de la France et de l’Europe, pourtant beaucoup plus solvables que les Etats-Unis, ces derniers continuent à se financer à bon marché et à détourner l’attention de leur désastre financier.

Vous ne croyez pas à l’effondrement de l’Europe ?

Pas une seconde. Quiconque spéculerait sur une faillite de la zone euro perdrait son temps. L’épargne est importante en Europe, qui profite également du soutien des banques centrales asiatiques, chinoise en particulier. Le pari à faire est au contraire une vente à découvert contre tous les marchés en dollars.

Les Américains accusent pourtant l’Europe de tous les maux actuels…

Beaucoup de gens croient naïvement que les deux blocs sont amis et solidaires. C’est une illusion. La guerre économique fait rage et discréditer l’euro au profit du dollar, devenu une monnaie de singe pourtant, fait partie de la stratégie des Etats-Unis, dont dépend leur solvabilité. L’autre consiste à tromper les investisseurs pour cacher la situation désastreuse du pays. Mais ce déni ne durera pas éternellement.

Tromper ?

Les Etats-Unis estiment leur dette souveraine à 14.500 milliards de dollars. Avec l’endettement des ménages, elle culmine en réalité à 60.000 milliards et même à 200.000 milliards en tenant compte du déficit fiscal à long terme. Annoncé à 9,1 %, le chômage dépasse allégrement les 20 % si l’on inclut les chômeurs découragés de longue durée. On estime à 45 millions le nombre d’Américains dont les logements auront été saisis au terme de cinq ans de crise immobilière. Ces gens sont sortis du circuit économique. Enfin, l’inflation est donnée à 1,3 % alors que les économistes critiques l’évaluent autour de 5 %.

Barak Obama se vante pourtant du succès que connaissent les nouvelles émissions de bons du Trésor sur la dette malgré la perte de la note triple A des Etats-Unis…

Que peut faire le président d’un pays en défaut ? Critiquer les agences de notation, mettre en doute leurs calculs, nier les évidences, répéter que son pays reste le meilleur, faire du marketing en somme. Pour moi, c’est une tactique du désespoir. La vérité est moins romantique. Grâce à sa planche à billets, c’est la Réserve fédérale américaine elle-même (Fed), qui se rue sur les bons du Trésor américain. De 800 milliards de dollars en 2006, le passif de la Fed approche 3.000 milliards aujourd’hui. Bientôt, cette machine infernale s’arrêtera et, avec elle, la supercherie. A la seconde même, les taux de la dette souveraine exploseront, provoquant la strangulation financière du pays.

Une banqueroute qui emportera forcément l’Europe avec elle ?

Dans un premier temps. Mais l’Europe sortira grandie de ce krach. Contrairement aux Etats-Unis, qui n’ont aucun plan budgétaire crédible, l’Europe met en vigueur des mesures d’austérité. Elle est aussi beaucoup mieux positionnée sur les marchés des pays émergents, les seuls à créer de la croissance.

A vous entendre, c’est la fin de l’empire américain ?

Un empire qui n’a plus les moyens de préparer une opération militaire d’envergure n’est plus un empire. Les Etats-Unis vont perdre leur statut de super puissance et le dollar, celui de monnaie de référence. Bientôt ramené à la valeur d’un billet de Monopoly, le billet vert ne connaîtra plus d’appréciation durable. N’en déplaise aux économistes genevois, qui n’aiment pas cette idée, les pays dotés de monnaies fortes deviendront la nouvelle référence, dans un monde multipolaire et multimonétaire.

Et la Suisse dans tout ça ?

La hausse structurelle du franc continuera à pénaliser son économie et l’adhésion à l’Union européenne apparaîtra comme la seule façon de résoudre le problème à long terme. Si l’Angleterre, engluée en raison de sa propre crise avec sa livre sterling, franchit le pas, ce ne sera alors qu’une question de temps pour que la Suisse suive.

Source

14/09/2011

De la France à la Grèce, entre tintamarre médiatique et réalité

 

J'ai si souvent parlé des manipulations anglo-saxonnes contre l'Europe, que je crains de lasser le lecteur.

Pourtant, c'est le sujet central et crucial de la crise actuelle, dite par les médias crise « de l'Euro », au point que même Jacques Sapir s'y laisse prendre et prédit la fin de la monnaie unique dans un délai de six à dix-huit mois. Nouriel Roubini, agent d'influence du pouvoir américain, prévoit, pour sa part, l'explosion de la zone Euro dans les cinq ans. Comme Emmanuel Todd l'annonçait, quant à lui, pour la fin 2011, nous avons le choix entre plusieurs délais, mais pas entre plusieurs issues. Con-dam-né, l'Euro, on vous dit.

Bon. J'ai déjà dit ce que j'en pense. Certes, je peux toujours me tromper mais, conformément à la description que fait Theodore Kaczynski de la mentalité gauchiste, à base de sentiment d'infériorité et de sur-socialisation, qu'il décèle d'ailleurs plus largement dans la société moderne en général, le matraquage médiatique finit, en abrutissant le public de ses clameurs, par le faire douter de la pertinence de ses propres pensées quand il en a, en pesant sur les faiblesses analysées par le fameux Unabomber :

« Les problèmes du "gauchisme" sont ceux de notre société dans son ensemble. Faible estime de soi, tendances dépressives et défaitisme ne sont pas l’apanage de la gauche. Bien qu’ils soient particulièrement prononcés dans les rangs de la gauche, ils sont omniprésents dans notre société. Et la société actuelle essaie de nous socialiser à un degré jamais atteint par les sociétés précédentes ».

(N.B. : dois-je préciser qu'en citant Kaczynski, je ne cautionne en rien ses crimes ? Par les temps qui courent, cela vaut probablement mieux...)

Eh bien, pour ma part, je persiste à penser que l'Euro ne va pas exploser, malgré la pression incroyable que les grandes banques américaines mettent sur les CDS de la France et des principales banques françaises (tous les records, nous dit l'AFP, sont battus), ainsi que sur les taux d'intérêt des titres de dette publique grecque (quant à ces taux, le terme même de record est devenu un euphémisme ces derniers jours), et malgré la véritable propagande de guerre déversée par les médias anglo-saxons, relayés par la presse française.

 

En ce qui concerne la France, cible des « marchés » (en réalité, de quelques grands acteurs), qu'est-ce qui a donc tant changé dans les fondamentaux de notre situation, pour que le monde entier, soi-disant, croie devoir estimer subitement que notre dette publique est plus irremboursable qu'il y a quelques mois et que « nos » grandes banques sont sous-capitalisées au dernier degré, justifiant (déclarations de Christine L'Hagarde et Mail on Sunday mis à part) que les agences de notation dégradent leurs notes ? Qu'y a-t-il donc de réellement nouveau ? Ah oui, pardon, je sais, les rumeurs, « l'irrationnalité des marchés »... Ben voyons. JP Morgan Chase, Bank of America, Citigroup et Goldman Sachs irrationnelles. Non mais, on se fout de qui, au juste ?!

Quant à la Grèce, il faut d'abord noter qu'elle vient juste de bénéficier d'un deuxième plan de sauvetage qui met à contribution le secteur privé (même si on peut légitimement douter de sa sincérité et de sa réalité, dans la mesure où, en définitive, les mécanismes de soutien et de mutualisation finiront probablement par absorber les titres pourris détenus par le privé, par voie de rachat à leur terme ou d'échange contre d'autres titres souverains ou du fonds européen...). Quels nouveaux éléments majeurs ont donc bien pu justifier qu'un mois et demi après la prise de cette décision lors du sommet européen du 21 juillet, tout soit désormais irrémédiablement compromis, à en croire les médias mainstream ?

Eh bien, la dette grecque serait soudainement « hors de contrôle », la récession sera supérieure à ce qui était prévue, le déficit aussi sera plus élevé et le plan d'austérité, plus difficile à faire passer... Voyez-vous ça, quelle profonde, étonnante, fantastique surprise ! A force, comme chez nous, toujours pour le plus grand bénéfice des banques, de vouloir faire payer le pékin moyen qui n'arrive pas à boucler ses fins de mois au lieu de taxer le riche qui bénéficie de tous les cadeaux, on finit par arriver à une impasse. Et on voudrait nous faire croire que cette situation n'était pas amplement prévisible depuis des mois, voire des années ? La bonne blague ! Je veux bien croire que le monde soit un joli parterre de crétins mais, décidément, quels naïfs, ces « marchés »...

Tout cela ne tient pas debout. Même Laurence Pari-sot, qui décidément, ces temps-ci, ne brille pas par son intelligence, a été obligée de constater que, en grande partie au moins, la situation découle d'une manipulation. Et pour que la présidente du MEDEF en arrive là, vous vous doutez bien qu'il ne s'agit pas de débilo-complotisme, mais d'une réalité dont la prise de conscience remonte jusqu'aux personnages les plus influents des sphères de pouvoirs. Cela a une signification : la guerre dont Mitterrand disait qu'elle nous oppose aux Etats-Unis (je dirais : à l'anglosphère) est nettement moins confidentielle aujourd'hui, et elle ébranle certaines certitudes, voire certaines allégeances.

 

Pour en revenir aux raisons qui me font douter d'une explosion de l'Euro, comme d'un défaut de la Grèce sur sa dette publique, d'abord, la volonté des eurocrates de sauver la monnaie unique. Pas étonnant, puisque les banques sont menacées et que les banques, que dénonce ici Nigel Farage, comme les multinationales, sont la clé de voûte de l'eurocratie.

Ensuite, sous l'effet de la propagande ambiante (comme, il est vrai, de sa surévaluation chronique, qui est une réalité), l'Euro devrait chuter de façon importante face au billet vert, ce qui aurait pour effet de rééquilibrer mécaniquement les balances commerciales des pays européens affiliés à la monnaie unique, par rapport aux pays avec lesquels ils échangent en Dollars, et donc, d'accroître les recettes fiscales permettant d'offrir un répit, de limiter un peu les dégâts en matière de dette publique. L'obstacle principal est la fragilité du Dollar lui-même, qui freine cette dépréciation attendue de l'Euro (les Etats-Unis n'arrivant pas non plus à faire baisser leur monnaie) et l'obstacle secondaire, la baisse du commerce international.

Puis, le scénario d'un défaut grec, suivi d'une sortie de l'Euro avec une contagion aux autres pays du sud de la zone, est loin d'être le seul. A ce sujet, faut-il d'ailleurs rappeler que le PIB de la Grèce ne représente que 2,5 % du total de la zone Euro, ce qui remet à sa juste place l'ampleur financière réelle de la crise grecque ? Par ailleurs, un défaut ne serait pour les créanciers, en définitive, qu'une restructuration forcée : par conséquent, pourquoi ne pas accepter une telle restructuration sans attendre ? Jacques Delpla, pourtant libéral et membre de la Commission Attali, l'avait également proposé, quitte à « tordre les bras des banquiers ». Angela Merkel, en tout cas, vient de déclarer vouloir éviter un défaut grec.

Toujours dans le même sens, les monétaristes allemands qui démissionnent en cascade de la Bundesbank (Axel Weber) et de la BCE (Jürgen Stark) sont le signe de ce que cette dernière institution et les dirigeants de l'Union Européenne qui, en réalité, la pilotent (Trichet n'étant qu'un porte-parole), ont l'intention de s'entêter dans le fédéralisme financier. Une bonne chose ? A priori, non, évidemment. En principe, comme dans la fable de la grenouille et du scorpion, une fois au milieu du gué, le scorpion (fédéralisme) doit piquer la grenouille (UE), causant leur fin à tous deux. Sauf que les dirigeants politiques européens, aussi sots et entêtés soient-ils, ne sont pas suicidaires.

Comme je l'ai déjà dit, dans l'urgence et la nécessité, le souci de leurs intérêts et une inévitable réorientation clientéliste par le populisme devraient tôt ou tard, logiquement, les conduire, de gré ou de force, à réviser leur idéologie, voire à l'échanger contre une série de mesures taboues aujourd'hui : dévaluation compétitive de l'Euro, fin de l'indépendance de la BCE en vue d'une monétisation des dettes, instauration d'un protectionnisme européen, transformation progressive de l'Euro en véritable monnaie commune, etc. Peu importent les auteurs et l'esthétique, peu importe le cadre s'il est celui de l'UE (je ne vois pas comment il pourrait en être autrement, on ne démantèle pas d'avance une structure qui n'a pas d'autre alternative que d'opérer sa révolution ou de disparaître : on s'en sert si cela est possible, et c'est tout). Ce qui compte, c'est la prise de ces mesures. Demain, après-demain ou plus tard.

Et qu'on ne me dise pas que l'Union Européenne est une machine trop lourde à dix-sept (zone Euro) et à vingt-sept (UE) pour permettre de telles décisions dans l'urgence. Quand on veut, on peut et, que je sache, il n'a pas été difficile, à l'automne 2008, de prendre au plan national des décisions convergentes pour sauver les banques allemandes, françaises et britanniques. On ne me fera pas croire qu'il ne pourrait en être de même collectivement au sein de la zone Euro, quitte à piétiner les sacro-saints traités, si les dirigeants français et allemands le voulaient...

Dernier point : la Chine soutient la zone Euro et ce soutien, encore très marginal mais appelé à croître, devrait lui permettre de se débarrasser d'une partie de ses réserves en Dollars, ce qui est un de ses objectifs. Quant aux BRICS, ils réfléchissent, mais pourraient s'impliquer, comme la Russie le fait déjà (voir les déclarations de Vladimir Poutine données en liens dans mon précédent billet sur le sujet). Même le Trésor américain, par la voix de Timothy Geithner, vient de faire part de son avis favorable au fédéralisme européen (tu m'étonnes, d'abord l'UE sous sa forme actuelle est l'outil d'affaiblissement de l'Europe préféré des Américains, qui ont très fortement contribué à sa création, et ensuite, le Dollar sans l'Euro pour lui servir de bouclier contre les attaques spéculatives, aïe aïe aïe ! On n'en fait pas la publicité, mais la situation des Etats-Unis est bien pire que la nôtre : par exemple, 46 Etats de l'Union sur 50 sont en faillite, selon les déclarations, le 12 septembre 2011, d'un économiste anglais, Kevin Dowd, intervenu dans des termes très durs, en novembre 2010, lors d'un colloque au très influent Cato Institute de Washington - merci à @Acanthe, sur fortune.fdesouche.com, pour cette info.).

 

Bref, pour diverses raisons, en dépit de la violence des attaques spéculatives de la haute finance anglo-saxonne et malgré les beuglements médiatiques dont on sait bien qui les rétribue, personne ne veut la fin de l'Euro, sauf quelques politiciens intéressés, suivis de leurs électeurs souverainistes et nationalistes nostalgiques des Trente Glorieuses, de toute façon impossibles à retrouver sans une véritable révolution politique et économique.

A ce sujet, je déplore vraiment qu'il soit si ardu de débattre sereinement du sujet avec certains membres de la « droite nationale », tant il semble qu'il leur soit difficile de dissocier le constructivisme européiste et fédéraliste (pléonasme) ainsi que les méfaits de l'Euro actuel, objets de leurs légitimes critiques, d'une part, de la donne géopolitique et géoéconomique ainsi que des impératifs de la puissance européenne et du « sens de l'Histoire », d'autre part ; qu'il leur soit difficile, aussi, de penser l'avenir sans le revêtir des cadres, des facilités et des contraintes du présent ; qu'il leur soit difficile, encore, d'accepter l'évolution des choses à court terme et notamment, à cet égard, l'impuissance immédiate des dissidents que nous sommes, à influer sur le cours des événements autrement que par le lobbying populiste ; qu'il leur soit difficile, enfin, de reconnaître que cette évolution pourrait, à moyen terme, tourner à notre avantage, même si son apparence déplairait peut-être encore à leur nationalisme exclusif et sentimental.

Cela dit, je vais terminer ce billet en revenant à son objet premier, en citant un économiste dont on ne parle quasiment jamais dans les grands médias, et qui est néanmoins, très probablement, un des types les plus fins et les plus pertinents qu'il soit possible de lire sur le sujet de la crise (limité aux aspects économiques et financiers ; pour le reste, je ne connais pas ses idées). Et pourtant, il officie sur un site réputé libéral ; comme quoi, je suis beaucoup moins sectaire que d'aucuns ne veulent le croire... J'ai nommé Philippe Béchade qui, sur La Chronique Agora, a pondu, le 9 de ce mois, un article dont je retiens surtout ces quelques paragraphes, que je lis et relis pour tenter de m'imprégner de la profonde intelligence de leur auteur, ainsi que de celle de ses sous-entendus, comme négligemment semés au hasard d'un style narquois et léger :

« La prospérité ou la disgrâce d’un pays ne sont jamais fixés pour l’éternité. Si l’on découvrait qu’une certaine variété d’oliviers qui ne pousse que dans le Péloponnèse fournit des composés chimiques uniques au monde qui favorisent la guérison de nombreux types de cancers, la Grèce deviendrait le pays le plus riche d’Europe, avec des excédents colossaux.

L’Allemagne la supplierait de voler au secours de ses banques qui n’en finissent pas de souffrir des dettes toxiques héritées de la crise des subprimes. Athènes ne manquerait pas de leur faire la leçon : “a-t-on l’idée d’être aussi bête de se fier à un pays qui imprime de faux dollars avec la même détermination que nous extrayons notre huile miracle”.

J’avoue qu’en ce qui concerne la Grèce, je ne connais pas l’avenir. En revanche, je connais bien les marchés financiers. Certains opérateurs ont pris un grand plaisir à noircir exagérément le tableau pour faire exploser les profits sur leurs positions de vente à découvert (via des ETF notamment) et leurs contrats à terme sur les métaux précieux. D’une pierre deux coups, elle est pas belle la vie ?

En d’autres termes, l’essentiel du jus du citron de la crise grecque a été extrait. Désormais, il va falloir trouver autre chose pour justifier le niveau de valorisation ridiculement bas des actions, non seulement des entreprises tournées vers les services aux collectivités mais également des banques.

Prenez par exemple la BNP Paribas : 1 500 milliards d’euros de conservation, 12 millions de clients au sein de la seule Zone euro (17 millions dans le monde entier) et des milliards de profits cumulés en dix ans. Mettez en balance la Grèce : 300 milliards d’euros de PIB pour 11,5 millions d’habitants.

En le présentant autrement, les 50 plus grandes banques européennes affichent 2 000 milliards d’euros de fonds propres. Certaines sont “un peu justes” (l’OCDE et Christine Lagarde ont raison sur ce point), d’autres en ont en excédent. Globalement, cela représente 10 fois les 200 milliards d’euros de pertes qu’elles pourraient encourir en prenant la pire hypothèse en matière de défaut de la Grèce (60% de dépréciation sur l’ensemble des instruments de dette émises).

La faillite de la Grèce absorberait 10% des fonds propres des banques. Celles qui se trouveraient en difficulté se tourneraient vers la BCE (qui a promis ce jeudi de continuer à les aider) ou le Trésor Public de leur pays d’origine, faisant du contribuable le garant en dernier ressort.

C’est désagréable à entendre mais c’est comme ça. La France vient de voter une enveloppe de 15 milliards d’euros en faveur de la Grèce. Cela représente la moitié du trou de la Sécurité sociale (que nous comblerons une fois encore à coup de hausse de CSG et de RDS).

S’il faut mettre 15 milliards d’euros sur la table (1% de notre PIB, amortissable sur 15 ans, soit 100 millions par an) pour sauver l’Europe, c’est un prix qui n’apparaît pas exorbitant et nos banques, comme nos ministres des Finances, sauront où trouver l’argent : dans nos poches probablement !

Pour résumer mon sentiment et vous éclairer définitivement sur ma stratégie à court et moyen terme, je pense que la Grèce ne fera pas faillite d’ici octobre (le mois des krachs boursiers). Les marchés ont donc de bonnes chance de rebondir de 10% ou plus — et les banques de 25 ou 30% voire davantage — avant la fin du mois de septembre.

Les placements défensifs (OAT, Bunds, T-Bonds, or, argent métal…) pourraient alors subir des arbitrages en faveur des actions, ce qui occasionnerait un repli temporaire.

Mais il impossible de se désendetter en s’endettant. De la Grèce à l’Espagne en passant par la Californie, l’Etat de New York, les fins de mois difficiles de la France ou encore le financement des guerres impériales des Etats-Unis… les pays occidentaux pourraient décider que l’inflation — une inflation demeurant sous contrôle dans un monde idéal — est la seule issue possible.

Ce qui signifie à moyen terme “l’euthanasie des rentiers” si la créature échappe à ses inventeurs, ce qui est toujours le cas dans les films d’horreur. Qui pourrait nier que nous vivons un film d’horreur économique depuis l’été 2008 ? Certainement pas moi ! »

11/08/2011

Collapse - L'effondrement

Je remercie @Eisbär, pour m'avoir fait découvrir ce film par un commentaire sur fortune.fdesouche.com.


 

15/05/2011

Les Etats-Unis d'Amérique sont VRAIMENT en faillite

Les médias français sont tellement nuls qu'il m'a fallu plusieurs mois pour tomber sur cette information émanant de Laurence Kotlikoff, professeur d'économie à l’Université de Boston, et pourtant reprise, dès le mois d'août 2010, par Bloomberg, le groupe financier et agence de presse du maire de New York et une des principales sources de renseignements économiques américaines. La traduction Google est ici.

A ma connaissance, seule La Chronique Agora, via son fondateur Bill Bonner, incorrigible libéral mais bon critique, avait diffusé ce scoop en France, en novembre 2010. Le moins qu'on puisse dire est que Le Monde, Le Figaro et autres Libération ne se sont pas jetés dessus pour nous en instruire, préférant dauber à l'infini sur les difficultés grecques et la prétendue reprise. Seuls quelques blogs s'en sont fait l'écho, plus en commentaires qu'en articles d'ailleurs.

Je vous livre donc cette bombe, bande de veinards : la dette réelle des USA, si on tient compte des engagements de l'Etat fédéral pour l'avenir, est, non pas d'environ 14.000 milliards de dollars, mais de... 202.000 milliards ! Une énorme différence, due aux trucages comptables dont les Américains sont coutumiers (voir la taille des "hors-bilan" de leurs banques). Et il faudrait que, chaque année, 14 % supplémentaires de leur PIB soient consacrés au financement de cette dette, pour qu'ils puissent s'en sortir. Autant dire, mission impossible.

Alors, quand les médias mainstream vous disent, triomphalement, que la croissance US est de nouveau de 2 ou 3 %, sans même parler de l'inanité d'un tel pourcentage quand on sait ce qui constitue le PIB américain (une grande part de finance et de vent), pensez juste à ces 14 % nécessaires, dont tout devrait aller au Trésor...

Aux incrédules, je signale que l'information, révélée dès juillet 2010 par le FMI (voyez page 54, chapitre 7), a été confirmée par lui en français - FMI, dont le Directeur (notre futur Président, paraît-il, non ?) vient d'être piteusement arrêté et inculpé pour "agression sexuelle"...

Je ne peux que vous suggérer un immense éclat de rire devant ce spectacle uniformément grotesque.

22/04/2011

« L'économie des Etats-Unis, une vaste illusion »

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World Trade Center, New York, 14 septembre 2001

 

La presse suisse est décidément bien plus intéressante que la presse française... Citation :

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Le billet vert est devenu la plus grande bulle spéculative de l’histoire et va s'effondrer prochainement. Quant aux attaques à l’encontre de l’euro, elles ne sont qu’un écran de fumée pour masquer la faillite de l’économie américaine, soutient Myret Zaki dans son dernier livre.

« Un krach du billet vert se prépare. Il est inévitable. Le principal risque planétaire actuel, c’est une crise de la dette souveraine américaine. La plus grande économie du monde n’est plus qu’une vaste illusion. Pour produire 14.000 milliards de revenu national (PIB), les Etats-Unis ont généré plus de 50.000 milliards de dette totale, qui leur coûte 4.000 milliards d’intérêts par an ».
 
Le ton est donné. Tout au long des 223 pages de son nouveau livre, la journaliste Myret Zaki se lance dans un réquisitoire impitoyable à l’encontre du dollar et de l’économie américaine, qu’elle juge « techniquement en faillite ».
 
Devenue en quelques années l’un des écrivains économiques les plus réputés de Suisse – elle s’était déjà penchée dans ses précédents ouvrages sur la débâcle américaine d’UBS et la guerre commerciale sur le marché de l’évasion fiscale - Myret Zaki soutient la thèse d’une attaque contre l’euro pour faire diversion sur la gravité du cas américain. Interview.

swissinfo.ch : Vous affirmez que le krach de la dette américaine et la fin du dollar comme monnaie de réserve internationale sera l’événement majeur du XXIe siècle. Ne versez-vous pas dans un certain catastrophisme ?

Myret Zaki :  En annonçant un événement d’une telle ampleur alors que les signes d’une crise violente ne sont pas encore tangibles, je conçois que cela puisse paraître catastrophiste. Pourtant, je ne me base que sur des critères extrêmement rationnels et factuels. De plus en plus d’auteurs américains estiment que la dérive de la politique monétaire américaine mènera inévitablement à un tel scénario. Il est tout simplement impossible que cela se passe autrement.

swissinfo.ch : Pourtant, ce constat n’est de loin pas partagé par une majorité d’économistes. Pourquoi ?

M.Z. : C’est vrai. Il existe une sorte de conspiration du silence, car énormément d’intérêts sont liés au dollar. La gigantesque industrie de l’asset management (investissement)  et des hedge funds (fonds spéculatifs) repose sur le dollar. A cela s’ajoutent des intérêts politiques évidents. Si le dollar ne maintient pas son statut de monnaie de réserve internationale, les agences de notation pourraient rapidement ôter à la dette américaine sa notation maximale. A partir de là s’engagera un cercle vicieux qui va révéler la réalité de l’économie américaine. Il s’agit de maintenir les apparences à tout prix, même si le vernis ne correspond plus du tout à la réalité.

swissinfo.ch : Ce n’est pas la première fois qu’on annonce la fin du dollar. En quoi les choses sont-elles différentes en 2011 ?

M.Z. : La fin du dollar est effectivement annoncée depuis les années ’70. Mais jamais autant de facteurs n’ont été réunis pour augurer du pire. Le montant de la dette américaine a atteint un record absolu, le dollar est à son plus bas niveau historique face au franc suisse et les émissions de nouvelles dettes américaines sont principalement achetées par la banque centrale américaine elle-même.
 
A cela s’ajoutent des critiques sans précédent des autres banques centrales, créant un front hostile à la politique monétaire américaine. Le Japon, qui est créancier des Etats-Unis à hauteur de 1.000 milliards de dollars, pourrait réclamer une partie de ces liquidités pour sa reconstruction. Et le régime des pétrodollars n’est plus garanti par l’Arabie saoudite.

swissinfo.ch : Plus que la fin du dollar, vous annoncez donc la chute de la superpuissance économique américaine. Mais les Etats-Unis ne sont-ils pas trop grands pour faire faillite ?

M.Z. : Tout le monde a intérêt à ce que les Etats-Unis se maintiennent et le déni va se poursuivre encore un moment. Mais pas indéfiniment. Personne ne pourra sauver les Américains en dernier ressort. Ce sont eux qui vont porter le coût de leur faillite. Une très longue période d’austérité s’annonce. Elle a d’ailleurs déjà commencé. Quarante-cinq millions d’Américains ont perdu leur logement, 20% de la population est sorti du circuit économique et ne consomme plus et un tiers d’Etats américains sont en quasi faillite. Plus personne n'investit de fonds propres dans ce pays. Tout repose uniquement sur la dette.

swissinfo.ch : Vous affirmez que l’affaiblissement de la zone euro ne représente rien de moins qu’une question de sécurité nationale pour les Etats-Unis. N’est-on pas entré dans une sorte de paranoïa anti-américaine ?

M.Z. : Nous aimons tous l’Amérique et nous préférons voir le monde en rose. Pourtant, après la fin de la Guerre froide et la création de l’euro en 1999, une guerre économique s’est enclenchée. L’offre concurrente d’une dette souveraine solide dans une monnaie forte risquait de faire baisser la demande pour la dette américaine. Mais les Etats-Unis ne peuvent cesser de s’endetter. Cette dette leur a permis de financer les guerres en Irak et en Afghanistan et d’assurer leur hégémonie. Ils en ont un besoin vital.
 
En 2008, l’euro était une monnaie prise extrêmement au sérieux par l’OPEP, les fonds souverains et les banques centrales. Elle était en passe de détrôner le dollar. Et cela, les Etats-Unis ont voulu l’empêcher à tout prix. Le monde cherche un endroit sûr où déposer ses excédents, et l’Europe est activement empêchée d’apparaître comme cet endroit sûr. C’est précisément à ce moment que les fonds spéculatifs se sont attaqués à la dette souveraine de certains Etats européens.

swissinfo.ch : Qu’adviendra-t-il après la chute annoncée du dollar ?

M.Z. : L’Europe est aujourd’hui la plus grande puissance économique et elle dispose d’une monnaie de référence solide. Contrairement aux Etats-Unis, c’est un bloc en expansion. Sur le continent asiatique, le Yuan va devenir la monnaie de référence. La Chine est le meilleur allié de l’Europe. Elle a d’une part intérêt à soutenir un euro fort pour diversifier ses placements. D’autre part, elle a besoin d’un allié comme l’Europe au sein de l’OMC et du G20 pour éviter de devoir réévaluer rapidement sa monnaie. Aujourd’hui, l’Europe et la Chine agissent comme deux forces de gravitation qui attirent dans leur orbite les anciens alliés des Etats-Unis : le Japon et l’Angleterre.

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 En quelques phrases

Dollar. « S’agissant du dollar, on a plus affaire à une croyance, à une foi de type religieux qu’à des arguments économiques et rationnels. »
 
Dette. « La croissance économique à l’américaine est un acte de volonté qui consiste à émettre de la dette de qualité hautement spéculative, et de convaincre le monde qu’elle a une valeur AAA (qualité de risque maximale, sans aucun risque). »
 
Guerre. « Les Etats-Unis ayant perdu du terrain économique sous l’effet de la globalisation, ils ont eu recours à l’usage de la force politique et militaire, le dollar étant une affaire de sécurité nationale. »
 
Propagande. « La panoplie de tactiques utilisées par Washington, digne de L’art de la guerre de Sun Tzu, n’est autre que celle des guerres classiques : intimidation, bluff, marketing mensonger (terme poli désignant la propagande). Et, surtout, manœuvres de diversion. »
 
Interventionnisme. « Les Etats-Unis ont cédé à une forme avancée de capitalisme de connivence, dans lequel l’Etat mène une politique d’interventionnisme systématique qui fausse le jeu économique au sens large pour favoriser exclusivement les intérêts de l’oligarchie financière. »
 
Spéculation. « Jamais les banques et fonds spéculatifs n’ont à ce point dicté la valeur des obligations d’Etat sur les marchés financiers mondiaux. Et jamais les gouvernements des pays les plus vulnérables n’ont été à ce point à leur merci. Les spéculateurs ont tout simplement le pouvoir d’évincer un petit pays hors du marché des capitaux. »
 
Bulle. « La politique de la Fed a précipité, depuis 2001, les Etats-Unis dans une spirale infernale de booms et de busts : une économie de bulles, maintenue sous anabolisants, où les phases de dégonflement succèdent aux phases de regonflement. »
 
Euro. « La stratégie a fonctionné, en particulier grâce au tapage médiatique assuré par les médias autour de ce qu’ils désignaient volontiers comme « la crise de l’euro » plutôt que la crise grecque ou irlandaise. »
 
Extraits du livre de Myret Zaki, La fin du dollar, Editions Favre, 2011

Source : Swinssinfo