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14/10/2011

« Ce qui changerait la donne : une rupture du bloc euro-atlantique »

Le modèle américain

 

« (...) Il n'y a jamais eu un seul Occident et encore moins un seul Orient. Le Japon, la Corée du Sud ou les pays d'Amérique latine sont-ils des pays "occidentaux" ? En fait, l'addition de l'Europe, des Etats-Unis, ainsi que du Canada et de l'Australie, pourrait dessiner les contours d'une certaine homogénéité institutionnelle, politique et économique, mais non culturelle. L'OTAN, qui inclut aux côtés de ces pays des sociétés aussi hétérogènes que la Turquie, la Corée du Sud et le Japon, est une alliance militaire sous la coupe des Etats-Unis, ce n'est guère un ensemble civilisationnel ou culturel aux valeurs et aux institutions homogènes.

Comme je l'ai montré dans deux de mes ouvrages, la fracture Orient/Occident est largement imaginaire ; mais les frontières de l'esprit sont souvent plus redoutables que les frontières naturelles. Orient et Occident sont ce que j'ai appelé des "méga-identités" de nature purement idéologique et à fonction géopolitique, prétendant transcender tous les éléments naturels de l'identité des peuples. Elles servent à alimenter les peurs et donc les agressivités. On ne sait d'ailleurs plus très bien aujourd'hui si la peur du déclin chez les Européens exprime une nostalgie de nature raciste de la suprématie impériale et coloniale de l' "homme blanc" sur les cinq continents de la planète, suprématie qui disparaît progressivement, ou si cette peur se nourrit dans la mémoire historique des invasions barbares, telles que celles connues par l'empire romain déclinant et qui ont débuté par des infiltrations démographiques tolérées et même encouragées pour des raisons économiques. (...)

Les termes "racines" de l'Occident ou "valeurs" de l'Occident, employés ad nauseam dans toute une littérature géopolitique européenne et américaine des dernières décennies, ne veulent pas dire grand-chose, tant les racines et les valeurs des différents peuples européens ont été variées, contradictoires et discontinues dans le temps, marquées par des ruptures ayant entraîné des violences inouïes entre peuples européens aux cultures et racines différentes. Ce n'est donc que par un artifice idéologique appauvrissant pour la grande richesse et la variété des cultures européennes que l'on a construit la notion d'Occident. Celle-ci a été solidifiée et manipulée par les Etats-Unis depuis la guerre froide pour assurer leur domination de type impérial sur le monde. Dans cette entreprise, ils ont réussi à se gagner le concours précieux des chefs d'Etat et décideurs européens, ce qui a fait de l'Europe un support militaire, politique et économique majeur à l'hyper puissance américaine et à son extension dans le monde.

Il n'est pas indifférent ici de rappeler le basculement ahurissant du consensus traditionnel européen sur l'origine gréco-romaine des racines et valeurs de l'Occident vers un consensus nouveau et totalement différent, où ces dernières sont oubliées au profit de valeurs et de racines judéo-chrétiennes. J'ai appelé cela un coup d'Etat culturel, dont j'ai analysé minutieusement le mode de fabrication dans mon ouvrage sur La question religieuse au XXIe siècle. Parler de racines ou de valeurs judéo-chrétiennes est d'ailleurs un contresens historique grave, le christianisme s'étant très largement bâti contre le judaïsme antique et les valeurs qu'il a portées. (...) cela dresse un mur d'hostilité à la Renan ou à la Huntington entre l'Europe et son environnement direct, qui se définit désormais comme "musulman" par opposition à une identité judéo-chrétienne européenne.

Sur ce plan, les rapports de l'Europe aux Etats-Unis ont besoin d'être analysés et déconstruits pour que les cultures européennes se libèrent de la fascination impériale que représente cet Etat que des colons européens, surtout anglo-saxons, ont bâti il y a deux siècles environ. Le fait de s'identifier aussi étroitementaux Etats-Unis sur le plan culturel, moral et politique, contribue à une annihilation progressive de la richesse des cultures européennes et de leurs diverses spécificités. La tâche est facilitée par la prédominance de la bureaucratie néolibérale de l'Union européenne et celle de l'OTAN dans la gestion des affaires européennes, mais aussi par la force d'attraction du système universitaire américain qui confirme ou rejette les "talents" européens, tout comme ceux des autres parties du monde (chinois, hindous, latino-américains, etc.). (...)

En fait, l'histoire de l'humanité est celle de l'interaction des cultures et des civilisations. L'histoire de l'Europe plus particulièrement, car ce minuscule continent a eu des contacts intenses et fructueux avec des civilisations plus développées ou moins développées que celle des peuples européens, ce qui lui a donné ce génie propre, cet amour de la science et de la découverte. Mais les autres peuples ont fait pareil autrefois et, dans le monde contemporain, ils se sont inspirés des cultures, des réalisations européennes et de ses principes politiques modernes. Après de nombreuses péripéties, on voit aujourd'hui le succès de beaucoup de pays dits "émergents", tout comme nous voyons, du côté négatif, des rétractations identitaires fortes, allant jusqu'à la pratique du terrorisme. Certes, le mode de développement des économies chinoise, indienne, coréenne, brésilienne et autres est basé sur ce que les économistes appellent l'effet d'imitation, et donc le désir d'entrer dans la société de consommation telle qu'elle s'est développée aux Etats-Unis, puis en Europe. C'est effectivement une machine à homogénéiser le mode de vie des peuples. Mais cela n'implique pas nécessairement la disparition de la diversité des cultures.

C'est la globalisation économique, sur laquelle je porte dans mon dernier ouvrage un regard très négatif, qui est la plus dangereuse, parce qu'elle entraîne tous les jours un peu plus la disparition de la cohésion des espaces géographiques sur lesquels vivent les communautés humaines et évoluent les peuples. Elle a un effet dissolvant sur les solidarités traditionnelles et a créé une couche homogène de dirigeants, constituant un redoutable pouvoir mondialisé, qui ne sont plus en phase avec leur peuple. De plus, elle a créé un monde ou partout recule la culture, la réflexion critique, le raffinement, au profit de la société de consommation et de loisirs homogènes, mais aussi de sociétés où les règles de morale et d'éthique cèdent partout face à l'appât du gain facile, à la constitution de fortunes rapides, résultat de la corruption et de la spéculation financière.

On ne peut plus mettre en accusation uniquement (...) l'Occident sur ce plan, car ce mode d'être économique s'est généralisé à la planète. Les économies émergentes ne font pas exception à la règle.

Que le XXIe siècle soit chinois ou hindou ou brésilien, ne changera pas l'état des choses. (...) je pense que le bloc euro-atlantique reste encore très puissant, même si des craquements se font entendre dans les structures socio-économiques, provoqués par le néolibéralisme déchaîné qui a entraîné une "dictature des marchés", entendez celle des nouveaux milliardaires spéculateurs et de la cohorte de banques mondialisées et de groupes industriels multinationaux et de dirigeants politiques sous leur influence. L'Etat garant de la collectivité, de son bien-être et de sa solidarité, a été asservi, ce qui n'est pas encore totalement le cas dans les économies émergentes.

Ce qui changerait la donne, à la fois géopolitique, mais aussi culturelle ou civilisationnelle, ce serait une rupture de ce bloc euro-atlantique, un retour des principales cultures européennes à leurs sources et à la richesse de leur patrimoine, qui pourrait aider par l'exemple les autres cultures à se libérer de l'asservissement au modèle de la société de consommation qui crée, en outre, tous les problèmes d'environnement et a déclenché une nouvelle course effrénée aux matières premières et aux superficies agricoles cultivables. Cette course est très dangereuse et pourrait dégénérer en conflits armés, légitimés par les croyances racistes sur le choc des civilisations. Il faut vraiment y prendre garde. (...)

Il faut espérer que le joug du néolibéralisme (...) pourra être secoué ; que la dictature des marchands, offensante pour la dignité humaine, sera abattue, tout comme se sont effondrées les soi-disant dictatures du prolétariat. (...) »

Georges Corm, in Eléments  n° 139, avril-juin 2011, pp. 54-57 (extraits).

21/09/2011

Le parler vrai de Jacques Sapir

 

... Ou comment tirer la quintessence d'une émission de télé, en isolant les interventions de la seule personne qui sache réellement de quoi elle parle et ne manie pas la langue de bois ou un discours électoral (merci à @Christopher Johnson, pour le lien vers cette vidéo sur fortune.fdesouche.com).

Au-delà du discours clair et percutant de Sapir sur les problèmes de l'heure, voire de nos divergences sur leurs possibles solutions, j'avoue trouver le personnage réellement sympathique (ah, ces ressemblances avec Galabru, ces intonations dignes du docteur Galipeau dans Le viager...).

Et, cerise sur le gâteau, la tête d'Estrosi, l'ex-motocycliste de compétition devenu ministre dans la grande tradition de la République des copains et des non-gouvernants, de l'inaction élevée au rang des vertus civiques... Quand Sapir lui dit qu'il est « en train de révolutionner la science économique », ahahaha ! L'hébétude, la stupeur, l'ahurissement, « mais non, absolument pas », le pouce et l'index joints, « je peux vous poser une question », l'hagarde-meurt-mais-ne-se-rend-pas ! Ahahahahahahaha ! Un régal, un délice... Je ne m'en remets toujours pas.

17/09/2011

Jordi Savall, ou l'authenticité antimoderne

Antonio Martin Y Coll (1680-1734), La Folia (Jordi Savall, Hespèrion XXI)

11/09/2011

« La chute de l’Amérique va libérer les nations européennes»

 

Je suis ravi de voir (grâce à @Alain21, que je remercie) Dominique Venner, ainsi que Jean-Yves Le Gallou recensant son dernier livre « Le choc de l’Histoire - Religion, mémoire, identité  », partager cet avis, qu'on lit encore fort rarement :

« la chute de la domination américaine va libérer les nations européennes. Elle va affaiblir leurs oligarchies dominantes (économiques, médiatiques, politiques, culturelles) qui ne sont que le reflet des intérêts de Wall Street, du Pentagone et de leurs alliés. Comme les dépêches de Wikileaks le révèlent, elle va permettre de s’affranchir d’un modèle économique technomorphe et marchand, trop réducteur pour être conforme à la mentalité européenne ».

On va dire que c'est ma façon de commémorer le 11 septembre 2001... Ce n'est pas faux. Je souhaite aux Etats-Unis d'Amérique et à l'Angleterre un 11 septembre financier et politique quotidien, pendant les dix prochaines années. Si j'en crois un film pas idiot, produit par leur propre industrie artistique, ce « jour sans fin » devrait leur faire du bien. Nous verrons en 2021 s'il reste encore des raisons de renouveler ce voeu pour une décennie supplémentaire.

22/08/2011

In Memoriam - Michael Collins

Michael Collins est mort pour son peuple, le 22 août 1922. En ce jour de commémoration, puisse l'exemple de sa dissidence et de son dévouement nous inspirer.

 

 

Fils de paysan du début du siècle
Dans tes veines coulait un torrent de sang celte
Tu rêvais de libérer ton peuple
Avec ton fidèle ami De Valera
Tu mènes tout au long de ta vie un violent combat
Pour une noble cause
Tu t'imposes

Son nom était Michael Collins
C'était un résistant gaélique
Pourfendeur du royaume britannique
Libérateur d'une Irlande catholique

En quelques semaines, tu accèdes au pouvoir
Le peuple irlandais retrouve enfin l'espoir
Après cinq siècles d'occupation
Mais les plus farouches de tes camarades
Refusent la partition et se cachent dans la lande
L'heure est à l'insurrection

En quelques semaines, tu mates la rébellion
Qui déchire l'Irlande et sème la confusion
Dans ton esprit et ceux de tes compagnons
Et c'est au cours d'une tournée d'inspection
Qu'une balle perdue ou non,
Jamais nous ne saurons
Dans l'histoire inscrit ton nom

Et si en Ulster, il reste fort à faire,
De toi l'Irlande restera fière.

In Memoriam (oui, je sais, ce n'est ni du Rimbaud, ni du Mozart...)

 

En 1996, le réalisateur irlandais Neil Jordan a rendu un hommage cinématographique à ce grand homme : la bande annonce de cet excellent film est . Un extrait significatif ici (cliquer sur "bande annonce").


Pour finir, un point tout récent de la situation en Irlande du Nord, par François Vincent, un journaliste qui vit sur place depuis 22 ans (merci à Novopress) :

 

07/08/2011

Lettre ouverte de Serge de Beketch au président du MRAP (2003)

Oeuvre d'art antiraciste

 

Je pensais que cette lettre ouverte que j'avais trouvée chez un dénommé @visigoth sur F.Desouche (décidément, les Barbares sont partout...) et qui était présentée comme émanant d'un major de la Gendarmerie, était bel et bien un trait d'humour militaire.

Un internaute (merci à lui) me signale qu'en fait, il s'agit d'un texte du regretté Serge de Beketch, datant de septembre 2003. Je le maintiens d'autant plus sur ce blog, que le fait que sa reprise ait abusé de nombreux lecteurs dont moi, atteste de sa parfaite actualité.

 

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Niquez les racistes, Mouloud Aounit !

 

Monsieur,

Vous avez organisé récemment, en tant que président du MRAP, un colloque à l’Assemblée nationale intitulé « Du racisme anti-arabe à l’islamophobie ».

Vous y avez dénoncé, en France, « les mosquées souillées, les discriminations à l’emploi et au logement, les appels au meurtre, les violences et agressions à l’endroit des populations et des lieux de culte musulmans ».

Vous avez montré du doigt l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces délits, appelant à « un réveil de l’opinion publique, un sursaut des institutions (Police, Justice, Education nationale, etc.), une mobilisation des grandes consciences intellectuelles ».

Vous avez raison ! De plus en plus de Français sont racistes. De plus en plus en ont par-dessus la tête de ce qu’il appellent (à tort) « l’invasion islamo-maghrébine ». De cet afflux de populations inassimilables qu’ils croient (à tort) être le ressort principal de la délinquance et de la criminalité. De plus en plus sont épouvantés (à tort) par l’afflux de populations qui, ayant chassé l’occupant raciste des territoires qu’il exploitait, ont rendu ces terres à l’heureux état de nature mais sont contraintes de chercher, auprès de l’ancien colonisateur raciste, les remèdes à la misère provoquée par la décolonisation.

De plus en plus de racistes ont (à tort) des idées de violence en entendant sur les radios les poésies du groupe afro-maghrébin « Sniper » qui chante, par exemple : « La France nous ronge (...) le seul moyen de s’faire entendre est de brûler des voitures (...) La France est une garce (...) On nique la France. »

Oui, monsieur Aounit, la triste vérité est là : les racistes n’entendent rien à la rude poésie des cités et ils en ont par-dessus la tête d’entendre des hexagonoïdes chanter qu’ils « niquent la France », et qu’ils « baisent leurs mères ».

C’est sûr qu’il y a quelque racisme à ne pas accepter ces coutumes de « baiser notre mère » et de « niquer notre pays », mais c’est ainsi, monsieur Aounit : les racistes ne sont pas tolérants.

Et ils ont tort. Vous avez raison !

Mais comment ces petits blancs arriérés seraient-ils assez évolués, ouverts, libéraux et modernes pour accepter que des populations qu’ils ont accueillies, nourries, soignées et enseignées leur crachent leur haine et leur mépris à la figure ?

Vous faites bien de dénoncer ce racisme-là en France dans la Chambre des députés de cette République qui vous a fait tant de mal. La dignité de l’endroit ajoute à la force de votre réquisitoire.

Mais vous feriez mieux encore en allant le prononcer là-bas, au bled. C’est sur place, chez eux, alors qu’ils sont encore libres, qu’il faut alerter les milliers d’Afro-musulmans et d’islamo-maghébrins qui s’apprêtent à céder au mirage du RMI, de la Sécu, des allocs, et à basculer dans le piège affreux que leur tendent les racistes français.

Monsieur Aounit, dites-le à vos frères, à vos cousins, à vos femmes, à vos enfants, à vos voisins, à tous ceux du bled et de la brousse : la France raciste ne veut pas d’eux parce que dans son aveuglement raciste, elle les regarde (à tort) comme des envahisseurs et des prédateurs.

Dites simplement cette sinistre vérité aux vôtres Monsieur Aounit. Ne les laissez pas se jeter dans la gueule du loup. Il est de votre devoir de protéger ces malheureux contre cette effrayante menace. Les laisser venir, serait se rendre coupable de non-assistance à personnes en danger.

D’ailleurs vous-même, Monsieur Aounit, vous et tous ceux qui comme vous, êtes condamnés à vivre dans cet abominable pays raciste, n’hésitez pas : brisez vos chaînes, secouez la poussière de vos sandales et quittez cet enfer.

Ne faites pas plus longtemps aux racistes le cadeau de votre enrichissante présence.

Ne soyez plus le gibier de ces chasseurs impitoyables qui attaquent vos mères dans le métro, violent vos filles dans les caves, pillent vos supermarchés, brûlent vos voitures dans vos cités, vendent de la drogue à vos enfants.

Ne leur laissez aucun homme à discriminer, aucune femme à insulter, aucun enfant à battre, aucune mosquée à souiller.

N’hésitez pas : vengez toutes ces années de terreur, de souffrance, d’humiliation, d’exploitation qu’ils vous ont infligées : privez-les de la chance que vous représentez.

Et puis, pourquoi vous gêner ? En partant, emmenez vos amis. Les grandes consciences intellectuelles, les militants immigrationnistes, les journalistes amis, les dirigeants socialistes, communistes, trotskistes et autres.

D’abord cela leur épargnera l’insupportable peine de vivre sans vous, ensuite cela privera la France raciste de la formidable force intellectuelle qui fait son rayonnement dans le monde entier.

Ils seront bien punis, les racistes !

Songez-y, monsieur Aounit : ils auront l’air de quoi les Le Pen, les Gollnisch, les militants du FN et les électeurs de tout ce monde quand, le dernier bateau ayant franchi la ligne d’horizon, l’ultime avion s’étant évanoui dans l’azur, la dernière camionnette étant passée de l’autre côté de la frontière, ils découvriront qu’ils sont désormais entre eux ?

Entre racistes.

Tout seuls.

Ah, on voudrait voir ça ! Rien que pour le plaisir.

06/08/2011

Humain, trop humain, ou la désignation de l'ennemi

Babel, voilà l'ennemi

 

 

A @Jack Merridew

 

« Tout pouvoir est une conspiration permanente. »

(Honoré de Balzac, Sur Catherine de Médicis, 1830-1842)

 

« Le monde est gouverné par de tout autres personnages que ne se l’imaginent ceux dont l’œil ne plonge pas dans les coulisses. »

(Benjamin Disraeli, Coningsby ou la nouvelle génération, 1844)

 

« Une autre menace (...) se présente à la démocratie libérale. Plus directement liée à l'impact de la technologie, elle implique l'apparition graduelle d'une société plus contrôlée et dirigée. Une telle société serait dominée par une élite dont la prétention au pouvoir politique reposerait sur un savoir-faire scientifique prétendument supérieur. Libre des contraintes de valeurs libérales traditionnelles, cette élite n'hésiterait pas à atteindre ses buts politiques en utilisant les dernières techniques modernes pour influencer le comportement public et garder la société sous étroite surveillance et sous contrôle. »

(Zbigniew Brzezinski, La révolution technétronique, 1970)

 

« Certains des problèmes de gouvernance interne aux Etats-Unis aujourd'hui trouvent leur racine dans un excès de démocratie (...) Un plus haut degré de modération dans la démocratie est (...) nécessaire. »

(Samuel P. Huntington, in La crise de la démocratie, rapport à la Commission Trilatérale, 1975)

 

Longtemps, je me suis demandé par où aborder un sujet dont j'ai prévu de parler depuis des mois et dont un internaute à l'égo surdéveloppé m'a récemment remis en tête l'intérêt : celui qu'on appelle ordinairement, par indifférence ou pour dénigrer indistinctement ses amateurs, le « complotisme ».

Il est en effet difficile de choisir un angle d'attaque pour en parler, non seulement parce qu'il est inutile d'espérer faire le tour d'une question aussi vaste, surtout dans le format d'un blog, mais surtout à cause du caractère délicat de son traitement : à trop grossir le trait critique, on risque de tomber dans la caricature du tout-transparent et, au contraire, à trop ménager ses coups, on s'expose à choir dans la complaisance vis-à-vis d'aberrations sans fin.

De toute manière, les sceptiques absolus trouveront toujours à redire à la moindre modération vis-à-vis des « complotistes » (à leurs yeux, tous des abrutis superstitieux à problèmes psychologiques lourds), comme de leurs thèses, qu'ils jugent uniformément grotesques et paranoïaques, comme si le monde était une eau limpide sous laquelle rien ne se dissimule jamais, pour peu qu'on se donne la peine de chausser les bonnes lunettes.

A l'évidence, il y a dans les tenants de cette vision optimiste une bonne tripotée d'idiots utiles et de larbins et, comme l'a dit Aymeric Chauprade : « Ceux qui font l'histoire officielle, désignent les bons et les méchants, déforment les faits historiques et inventent des fables, ont trouvé un antidote contre les chercheurs de vérités : la théorie du complot. Dès que quelqu'un cherche à comprendre et s'interroge sur les incohérences de l'histoire officielle, on lui accroche autour du cou la pancarte "complotiste". Comme si l'Histoire n'était pas le fait de minorités actives ! »

A l'opposé, les fanatiques de la conspiration à gogo, que le truculent et intelligent internaute auquel je dédie ce billet, grand distributeur de baffes virtuelles sur F.Desouche, a baptisés du doux nom de « débilo-complotistes », justifient pour leur part pleinement toutes les critiques des précédents, tant est grand leur zèle à voir partout la marque du complot : juif, maçonnique, « Nouvel Ordre Mondial », « Illuminati », américain, ecclésiastique, voire extra-terrestre. Eux aussi, de beaux idiots utiles, qui ne s'aperçoivent pas, dans la bulle gratifiante de leur lucidité soi-disant supérieure, qu'ils servent à décrédibiliser les chercheurs de vérités évoqués par Chauprade, à tel point qu'on peut parfois se demander s'il n'y aurait pas, d'abord, un complot... des imbéciles.

Sur un autre sujet, mais on pourrait ici transposer, Lanza del Vasto a écrit : « La conjuration des imbéciles, des charlatans et des Sages a parfaitement réussi. Cette conjuration avait pour objet de cacher la vérité. Les uns et les autres ont servi cette grande cause, chacun selon ses moyens : les imbéciles par le moyen de l'ignorance, les charlatans par le moyen du mensonge, les Sages par le moyen du secret… » (préface au Message retrouvé de Louis Cattiaux).

 

On voit bien, en tout cas, et sans même encore avoir abordé le fond, que le sujet est miné de toutes parts.

Comme souvent, la voie du milieu est probablement la meilleure et quant à moi, faute de nourrir l'ambition surhumaine de découvrir et exposer la vérité universelle (tout le monde ne peut pas être Bernard-Henri Lévy), je me tiens donc à une grille de lecture qui me paraît équilibrée.

Pour le dire tout net, je ne crois pas à l'absence de tous complots, loin de là ; mais je ne pense pas non plus qu'il existe un complot mondial, ni un pouvoir mondial, ni même une ou plusieurs conspirations visant un tel pouvoir.

Pour avoir longtemps fréquenté des groupes humains et en fréquenter encore, je ne leur connais que deux lois constantes : celle de l'apparence et celle de l'entropie.

D'après ce que j'ai pu constater, la nature humaine est ainsi faite que dans un collectif, chacun joue un rôle, qui ne correspond pas à sa véritable nature, ni à ses réelles capacités, ni encore moins à ses vrais pouvoirs. Les interactions très imparfaites qui existent entre les membres d'un groupe sont également, en général assez vite, sujettes à des déperditions d'unité et d'énergie, à la dispersion, au conflit et à l'impuissance.

Pour lier un collectif, il faut bien d'autres éléments que des intérêts communs. C'est pourquoi une unité militaire ou une équipe de rugby, fondées sur l'effort et la camaraderie, c'est-à-dire sur le dévoilement, l'altruisme et la néguentropie, peuvent résister durablement aux inconvénients habituels, alors qu'une hiérarchie politico-économique, un lobby ou même des confréries soi-disant initiatiques à l'américaine, ou encore des franc-maçonneries, sont des coquilles vides destinées à recueillir une somme de désirs individuels ponctuellement réunis par une ambition commune à court terme, et/ou l'illusion d'une telle ambition à travers des rites parodiques et l'auto-conditionnement. Rien de qualitatif là-dedans, que du quantitatif. De l'avoir, pas de l'être.

Tout « pouvoir » humain relève, de toute façon, de la relativité la plus forte et du conditionnement le plus total, si bien qu'un tel pouvoir est éminemment fragile et mortel. A tel point, qu'il faut plaindre ceux qui y croient, bien plus que les haïr : ils sont possédés par leur croyance en lui et s'y accrochent jusqu'au seuil de la tombe, alors qu'il y a belle lurette qu'ils ne profitent plus que du souvenir de son parfum...

Pour ma part, j'ai tendance à voir dans les actions humaines, bien plus souvent de la bêtise, de la folie même, de la maladresse, de l'incompétence, de l'enfer pavé de bonnes intentions ; que de la maîtrise, du machiavélisme, de la puissance et du contrôle.

 

Pour ce qui est, par ailleurs, des théories globales du complot, mon problème, c'est qu'à chaque fois que j'ai été tenté d'y croire, j'ai fini, au fil de mes lectures, soit par les démonter moi-même en recoupant leurs éléments qui ne tenaient pas la route, soit par trouver des infos déjà rassemblées qui les démontaient complètement.

Un premier exemple : à en croire une foule de sites peu soucieux de vérifier leurs sources, David Rockefeller est censé avoir dit des choses très nettes au sujet de sa volonté de voir instaurer un « Nouvel Ordre Mondial »... sauf que, quand on y regarde de plus près et jusqu'à preuve du contraire, ce vieux salopard n'a rien dit de tel. Je pense qu'il est tellement honni de tout un tas de braves gens bien intentionnés, qu'ils ont fini par lui inventer des citations qui collaient mieux à leurs convictions.

Evidemment, aux yeux des « débilo-complotistes », aucun argument de ce genre ne trouvera jamais grâce. Au contraire, l'absence de preuve leur paraîtra démontrer, de plus fort, l'existence d'un complot global (qui comprend nécessairement le fait de cacher les preuves, évidemment ; joli échafaudage de vide sur du vide, entremêlé à une réalité toujours trop prosaïque pour leur soif d'absolu, si bien qu'ils la décrédibilisent, voire permettent de la nier par amalgame...).

Pourtant, ce que je dis ne revient absolument pas à nier l'existence d'oligarchies, ni de plans ou complots divers à travers l'Histoire. Mais comment faire comprendre la nuance ? Il y a à la fois la connerie humaine, le défaut de maîtrise, tout le baratin pseudo-volontariste des manipulateurs et des agitateurs, et de temps en temps, entre deux foirages, un truc qui marche, et même brillamment, souvent à travers des administrations opaques comme le KGB ou la CIA, mais aussi des conglomérats financiers et militaro-industriels, des sociétés discrètes à défaut d'être secrètes, des mafias... Souvent, ces structures s'interpénètrent les unes les autres, utilisent des techniques de manipulation des foules (sans parler de recherches, médicales mais aussi technologiques, plus ou moins confidentielles, relevant au départ des militaires et/ou des services de renseignement et de contre-espionnage, il suffit de pister les stratégies médiatiques du capital, à travers le contrôle financier des grands moyens de communication et le marketing, pour se représenter la panoplie de moyens dont disposent les oligarchies) et poursuivent des plans à moyen, voire long terme.

 

Je vais prendre un autre exemple. Marchant sur les brisées des grands propagateurs de mythologies plus ou moins bouffonnes depuis deux siècles (l'abbé Barruel, Mgr Delassus, John Robison, le Marquis de la Franquerie, Nesta Webster, William Carr, Serge Monast, David Icke, Anton Parks, Jacques Delacroix, etc., etc.), le fameux Fritz Springmeier, soi-disant ex- « prisonnier politique » aux Etats-Unis, affirme que, depuis des millénaires, de puissantes dynasties, qu'il appelle des « lignées de sang », constituées, pour l'essentiel, de treize branches et qu'il appelle les « Illuminati », poursuivent un plan de domination mondiale ; ou, plus exactement, qu'elles dominent le monde à travers les âges.

Ces
« Illuminati » seraient dépositaires d'une panoplie complète d'anciens pouvoirs magiques (pardon, de centaines de traditions perdues, d'anciennes religions - vous savez, ces trucs obscurantistes d'avant l'unique et salvatrice Lumière monothéiste) et contrôleraient une gigantesque pyramide de sociétés plus ou moins secrètes, fonctionnant en réseaux, depuis des petites caves de sorciers satanistes perdues dans les campagnes américaines, voisinant avec à peu près toutes les loges maçonniques connues, jusqu'à un pyramidion où seraient concentrés tous les pouvoirs, en passant par les redoutables Skull and Bones, le CFR et la Commission Trilatérale.

Ils agiraient, de nos jours, à travers les familles Astor, Bundy, Collins, Dupont, Freeman, Kennedy, Li, Onassis, Reynolds, Rockefeller, Rothschild, Russell et Van Duyn. Vous ne trouvez pas que ça tombe bien ? Pas de prolos chez les puissants, et on colle à certaines oligarchies industrielles et financières, ce qui permet de justifier la mythologie en la mêlant à des faits réels, par-ci, par-là, pour crédibiliser tout et n'importe quoi... Comme l'écrivait Paul Valéry, « le mélange de vrai et de faux est énormément plus toxique que le faux pur ». En plus, Springmeier est tellement fortiche qu'il vous dégote, comme un rien, toute la généalogie d'un George Bush depuis les Babyloniens, en passant par la famille royale d'Angleterre (je caricature, mais si peu...). Et il se trouve des gens pour gober ça...

Trève de plaisanteries. Derrière ces fables pour demeurés en mal de gratification égotique (bah oui, quand on comprend subitement tout, on cesse d'être ordinaire pour devenir un initié, un être supérieur mais incompris, tentant désespérément d'avertir ses semblables de l'incroyable et terrible menace que font peser sur l'humanité des sociopathes sans foi ni loi, qu'on est seul ou presque à avoir démasqués), se trahissent, au premier examen un peu sérieux, des aberrations théoriques lamentables.

Springmeier soutient qu'après la deuxième guerre mondiale, on a retrouvé sous 80 % des édifices religieux européens endommagés par les bombardements, des traces d'anciens temples païens. Cela prouverait, selon lui, que les « Illuminati » ont toujours été à l'oeuvre dans l'Histoire et que des « cultes sataniques » se sont dissimulés dans les églises catholiques, dont les prêtres trempaient en général dans la combine.

N'importe quel connaisseur, même très superficiel, du paganisme européen, sera pris d'un fou rire inextinguible à la lecture de ces déductions de charlatan, sornettes pour adeptes des sectes protestantes américaines les plus fondamentalistes. Sans parler de quiconque a un minimum étudié l'histoire de l'Eglise catholique.

 

Mais Springmeier, tout en incarnant un degré supplémentaire de la fumisterie des « débilo-complotistes », ne fait, je le répète, que marcher sur les brisées d'autres mythologues de l'illuminisme, qui ont quasiment tous en commun de voir le Diable partout. Et pour cause, puisqu'il s'agit quasiment toujours de catholiques « intégristes » ou de protestants fondamentalistes.

Par rapport au « paganisme » (terme péjoratif forgé par la Chrétienté), le monothéisme d'origine hébraïque a en effet inventé Satan. Et, l'ayant inventé, il fallait bien en faire quelque chose. A commencer par lui amalgamer toutes les autres religions antérieures. Païen = satanique. Comme si les « Païens » avaient été des pédomanes et des adorateurs du Mal... De là à ce que des Chrétiens moins intelligents que d'autres le systématisent dans leur représentation d'un monde dominé par les notions de faute, de péché et de culpabilité, jusqu'à en faire une entité concrète, il n'y avait qu'un pas, aussitôt franchi.

Si bien que certains, aujourd'hui, traquent ses manifestations à travers les perversions évidentes de certaines élites et, par ailleurs encouragés par des inversions théologiques plus ou moins folkloriques, échafaudent ce genre de théories explicatives globales.

On peut y voir une des manifestations de la déspiritualisation moderne, en pleine production de parodies de la spiritualité perdue, recréant, comme le dit Massimo Introvigne (un Chrétien intelligent, lui), des religions de substitution.

Néanmoins, je le redis, ces foutaises font un tort considérable aux chercheurs sincères.

Sur une foule de sujets dont il est déjà difficile de discuter sereinement compte tenu de la chape de plomb médiatique et du terrorisme intellectuel, comme les oligarchies, la mondialisation, le populisme, l'immigration, l'islam, le libéralisme, le marxisme, le communisme, le terrorisme, la manipulation des foules, le 11 septembre 2001, les causes de la deuxième guerre mondiale, etc., la confusion mentale et les superstitions mystico-paranoïaques qui règnent chez certains, ne font que discréditer des vérités mêlées à leurs délires ; vérités, seules défendues par d'autres qui, eux, vérifient leurs sources et tentent d'y voir clair sans recourir à la pataphysique.

Là, comme dans d'autres domaines de la réflexion et de l'action, il est urgent que les théoriciens de la dissidence rappellent à leurs disciples potentiels quelques règles élémentaires de rigueur et d'honnêteté intellectuelles.

On ne lutte pas efficacement contre les plans et les outils bien réels, et parfois dissimulés, des acteurs majeurs du « Système » (sphères de pouvoirs financières, industrielles, politiques, médiatiques, avec tous leurs bras armés, parfois officiels, d'autres fois secrets ou déguisés), en prenant des vessies pour des lanternes ou, pour être plus précis, en prenant des gens ordinaires, certes dotés de positions économiques et/ou sociales importantes, comme de pouvoirs matériels parfois considérables, et évoluant dans des cercles relationnels amplifiant leurs possibilités de nuisance, pour de puissants sorciers appartenant à de fabuleuses sociétés secrètes, détentrices de secrets magiques opératifs, tout cela étant aussi grotesque qu'imaginaire.

Plus sûrement encore que de le sous-estimer, surestimer l'ennemi rend incapable de le combattre.

Peut-être serait-ce là, d'ailleurs, le but de l'existence des mythes « débilo-complotistes », s'il y avait, derrière leur propagation, autre chose que la malhonnêteté de leurs créateurs et la crédulité de leurs adeptes... Allez savoir.

02/07/2011

Les vrais Américains

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ça continue ci-dessous (à partir de 3' 35) :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

05/05/2011

Quel mot se rapproche de « racine » ?

Un indice .

Des explications ici :


Et il y a un livre à lire.

01/05/2011

Une synthèse sur l'immigration

... Par l'incontournable Jean-Yves Le Gallou.

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A lire en complément, ce petit mémento des bobards immigrationnistes usuels en matière économique.