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13/10/2014

Vous aurez le bonheur, que vous le vouliez ou non

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J’ai eu l’occasion de lire et d’entendre beaucoup d’histoires incroyables sur les temps où les hommes vivaient encore en liberté, c’est-à-dire dans un état inorganisé et sauvage. Ce qui m’a toujours paru le plus invraisemblable est ceci : comment le gouvernement d’alors, tout primitif qu’il ait été, a-t-il pu permettre aux gens de vivre sans une règle analogue à nos Tables, sans promenades obligatoires, sans avoir fixé d’heures exactes pour les repos ! On se levait et on se couchait quand l’envie vous en prenait, et quelques historiens prétendent même que les rues étaient éclairées toute la nuit et que toute la nuit on y circulait.

C’est une chose que je ne puis comprendre. Quelque trouble qu’ait été leur raison, les gens ne devaient pourtant pas être sans s’apercevoir qu’une vie semblable était un véritable assassinat de toute la population, un assassinat lent qui se prolongeait de jour en jour. L’État (par un sentiment d’humanité) avait interdit le meurtre d’un seul individu, mais n’avait pas interdit le meurtre progressif de millions d’individus. Il était criminel de tuer une personne, c’est-à-dire de diminuer de cinquante ans la somme des vies humaines, mais il n’était pas criminel de diminuer la somme des vies humaines de cinquante millions d’années. Cela prête au rire. N’importe lequel de nos numéros de dix ans est capable en trente secondes de comprendre ce problème de morale mathématique, alors que tous leurs Kant réunis ne le pouvaient pas : aucun d’eux n’avait jamais pensé à établir un système d’éthique scientifique, basé sur les opérations d’arithmétique.

N’est-il pas absurde que le gouvernement d’alors, puisqu’il avait le toupet de s’appeler ainsi, ait pu laisser la vie sexuelle sans contrôle ? N’importe qui, quand ça lui prenait... C’était une vie absolument a-scientifique et bestiale. Les gens produisaient des enfants à l’aveuglette, comme des animaux. N’est-il pas extraordinaire que, pratiquant le jardinage, l’élevage des volailles, la pisciculture (nous savons de source sûre qu’ils connaissaient ces sciences), ils n’aient pas su s’élever logiquement jusqu’à la dernière marche de cet escalier : la puériculture. Ils n’ont jamais pensé à ce que nous appelons les Normes Maternelle et Paternelle.

Ce que je viens d’écrire est tellement invraisemblable et tellement ridicule, que je crains, lecteurs inconnus, que vous ne me preniez pour un mauvais plaisant. Vous allez croire que je veux tout simplement me payer votre tête en vous racontant des balivernes sur un ton sérieux ? Pourtant je ne sais pas blaguer, car dans toute blague le mensonge joue un rôle caché et, d’autre part, la Science de l’État Unique ne peut se tromper. Comment pouvait-on parler de logique gouvernementale lorsque les gens vivaient dans l’état de liberté où sont plongés les animaux, les singes, le bétail ? Que pouvait-on obtenir d’eux lorsque, même de nos jours, un écho simiesque se fait encore entendre de temps en temps ?

Mais, fort heureusement, cela n’arrive que rarement et c’est une petite question de mise au point ; il est facile d’y remédier sans arrêter la marche éternelle de toute la Machine. Pour remplacer la clavette tordue, nous avons la main habile et puissante du Bienfaiteur, nous avons l’œil exercé des Gardiens...

Ievgueni Zamiatine, Nous autres, 1920

29/03/2014

Horizons de la révolution ukrainienne

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J'ai trouvé, en langue anglaise, un très intéressant article écrit par Olena Semenyaka, ukrainienne, professeur de philosophie à l'Université de Kiev et pas vraiment politiquement correcte (elle semble particulièrement apprécier Ernst Jünger, Jack London et Julius Evola, ce qui me l'a tout de suite rendue fort sympathique).

En lisant son article, je me suis rendu compte que si je ne le traduisais pas, un texte de grande valeur resterait vraisemblablement perdu pour les lecteurs français. Donc, je m'y suis collé. Voilà le résultat.

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Même quand la différence géopolitique entre l'Occident et la Russie existait encore, la Russie ne satisfaisait pas entièrement à la définition de la puissance tellurique [ou continentale, ndt]. J'ai déjà commenté l'opposition faite par Carl Schmitt entre le Nomos de la Mer (les puissances thalassocratiques, atlantistes) et le Nomos de la Terre (bloc tellurique, continental) en ce qui concerne les Etats-Unis et la Russie, qui a toujours été tenue pour acquise par Douguine. Haroun (Vadim) Sidorov, l'auteur de l'article « L'Etat russe en tant que nomade, anarchiste naturel et technocrate » (...) remarque assez que l'identité russe a toujours été plus nomade (la mobilité asiatique), contrairement à la paysannerie européenne qui est directement liée à la terre où elle vit et qu'elle défend (définition du Partisan de Carl Schmitt et, à propos, auto-description des disciples de Stepan Bandera). Les traditions de l'Etat russe ont toujours été marquées par une centralisation bureaucratique élevée (monarchisme-absolutisme-despotisme), par opposition à la haute mobilité verticale européenne et à l'accent mis sur les droits de l'aristocratie et les libertés locales ; le servage a existé en Russie pendant longtemps, jusqu'au déclenchement même de la révolution.

Dans cet article, Haroun Sidorov analyse en profondeur la théorie géopolitique eurasiste de Douguine et réfute le fondement même de cette dernière. Vous savez que Douguine croit que le monde est devenu unipolaire (les Etats-Unis sont un hegemon absolu), c'est pourquoi tous ceux qui sont reliés aux Etats-Unis, servent leurs intérêts ou les aident d'une manière ou d'une autre, sont en quelque sorte des « ennemis », également au sens de Carl Schmitt. « Il y a seulement la vérité géopolitique », « il n'y a pas de troisième solution », etc., de sorte que le monde multipolaire s'avère être en définitive un espace binaire qui consiste en les Etats-Unis et la Russie. La vérité est autre : le monde est certes devenu unipolaire, mais parce que l'establishment russe (le Kremlin) n'est pas différent de l'Occident néolibéral : leur lutte porte sur le pouvoir, pas essentiellement sur des projets culturels-civilisationnels différents. Cité par moi à plusieurs reprises, le scientifique russo-ukrainien, expert géopolitique et militaire Oleg Bakhtiyarov croit également qu'aujourd'hui, la géopolitique perd de son importance. Mais Haroun Sidorov montre que l'empire russe, tant qu'il est un empire, ne pourrait représenter le Nomos de la Terre, même avant la fin de la seconde guerre mondiale.

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31/10/2013

Etat acheté, Etat complice

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Un seul souci : le Bien Commun

 

« Les PPP ce sont les partenariats public-privé. C’est une façon moderne et politiquement correcte de parler de concession.

Une concession, comme son nom l’indique, c’est lorsque l’État concède un droit par définition public à un opérateur privé qui gère pour le compte de l’État et encaisse une part substantielle des bénéfices.

Ce fut le cas avec nos autoroutes, payées avec l’argent du contribuable pendant des décennies. Une fois globalement achevé, notre réseau autoroutier a été privatisé, une misère évidemment, depuis nous n’avons obtenu aucune amélioration du service rendu. En revanche, les prix des passages aux péages ont très fortement augmenté, enrichissant non plus la collectivité et l’État mais des sociétés privées. Bravo. C’était vraiment une excellente idée.

Lorsque l’on est stupide ou malhonnête, on poursuit ce type de politique absurde.

C’est ainsi que la Taxe Poids Lourds, la fameuse écotaxe sur laquelle le gouvernement vient de reculer mais sans doute provisoirement, le temps d’une concertation globale, a été confiée, en tout cas sa perception, à une entreprise privée nommée Écomouv’ et dont le capital est détenu à 70 % par une entreprise italienne.

Le petit problème c’est que cette taxe ne rapportera à l’État qu’environ 600 millions d’euros, en tout cas c’est ce qui a été dit par le gouvernement et avancé comme estimation, alors que le montant total est évalué à plus d’un milliard d’euros…

La différence, vous l’aurez compris, va aller dans les poches d’une entreprise privée à l’actionnariat étranger venant prélever pour le compte de notre gouvernement une nouvelle gabelle et un droit de passage moderne, habitudes qui avaient été abolies lors de la révolution française.

L’Écot-axe, c’est l’antichoc de simplification !

Non l’écotaxe n’est pas écologique. L’écotaxe est un nouvel impôt, tout le reste étant peu ou prou de la littérature et je reviendrai un peu plus bas sur ce que serait une véritable politique écologique et une véritable fiscalité écologique qui favoriseraient les productions locales… car de tout cela, il n’est évidemment aucunement question. Ce dont il est question dans cette affaire de l’écotaxe, c’est du vol organisé et de la rapine du peuple français par des intérêts privés avec la complicité de l’État français. Voilà la triste, très triste réalité. (...) »

Charles Sannat

09/06/2013

Jeu, set et match

 

C'est encore Le Salon Beige qui était sur le coup.

 

Vendredi au Trocadéro, ça rigolait moins, des choses intéressantes ont été dites :

 

03/06/2013

Pierre Le Vigan sur la pensée de Michéa

 

22/01/2013

Francis Cousin pour l'insurrection


Vous pouvez lire le dernier texte de ce penseur hors normes sur le Scriptoblog.

06/01/2013

Pourquoi nos élites sont immigrationnistes

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Que des belles têtes de vainqueurs, partout...

 

Depuis la deuxième guerre mondiale, après un immigrationnisme d'Etat destiné à apaiser les tensions sociales en Algérie française, nous avons clairement subi un immigrationnisme grand-patronal, promu par Bouygues et consorts, visant à faire baisser les salaires, puis un immigrationnisme dû au changement d'opinion de la gauche sur la question.

Si la première phase est évidemment terminée depuis 1962, les deux autres se poursuivent, lourdement aggravées par la politique de regroupement familial inaugurée par Giscard et Chirac en 1976 (et qui est d'ailleurs une politique européenne depuis une directive de 2003), des initiatives patronales privées comme la Charte de la diversité en entreprise (même si elle n'est pas à proprement parler immigrationniste, ses créateurs le sont et elle obéit à la même logique globale) et les appels à la régularisation de clandestins émanant de la CGPME, comme par la folie idéologique d'une gauche qui, embourgeoisée dans un progressisme sans-frontiériste et « sociétal » délirant, a perdu tout sens de l'identité française, comme par conséquent des intérêts des travailleurs qu'elle prétend (prétendait ?) défendre.

Pour autant, cet immigrationnisme forcené résulte-t-il d'un ou plusieurs complots ? Vise-t-il un ou plusieurs buts clairement définis, avec la pleine conscience de vouloir détruire le peuple français (et les peuples européens en général ; car ailleurs, c'est pareil...) ? En d'autres termes, des groupes d'influence et de pouvoir travaillent-ils délibérément, sous une forme politique et sociale clairement discernable et atteignable, au Grand Remplacement ?

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07/06/2012

Les « élites » et « l'écroulement d'un monde », selon Frédéric Lordon

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« (...) la catastrophe étant sans doute le mode historique le plus efficace de destruction des systèmes de domination, l’accumulation des erreurs des "élites" actuelles, incapables de voir que leurs "rationalités" de court terme soutiennent une gigantesque irrationalité de long terme, est cela même qui nous permet d’espérer voir ce système s’écrouler dans son ensemble.

Il est vrai que l’hypothèse de l’hybris, comprise comme principe d’illimitation, n’est pas dénuée de valeur explicative. (...) Car c’est bien l’abattement des dispositifs institutionnels de contention des puissances qui pousse irrésistiblement les puissances à propulser leur élan et reprendre leur marche pour pousser l’avantage aussi loin que possible. Et il y a bien quelque chose comme une ivresse de l’avancée pour faire perdre toute mesure et réinstaurer le primat du "malpropre" et du "borné" dans la "rationalité" des dominants.

Ainsi, un capitaliste ayant une vue sur le long terme n’aurait pas eu de mal à identifier l’État-providence comme le coût finalement relativement modéré de la stabilisation sociale et de la consolidation de l’adhésion au capitalisme, soit un élément institutionnel utile à la préservation de la domination capitaliste – à ne surtout pas bazarder ! Évidemment, sitôt qu’ils ont senti faiblir le rapport de force historique, qui au lendemain de la seconde guerre mondiale leur avait imposé la Sécurité sociale – ce qui pouvait pourtant leur arriver de mieux et contribuer à leur garantir trente années de croissance ininterrompue –, les capitalistes se sont empressés de reprendre tout ce qu’ils avaient dû concéder. (...)

Il faudrait pourtant s’interroger sur les mécanismes qui, dans l’esprit des dominants, convertissent des énoncés d’abord grossièrement taillés d’après leurs intérêts particuliers en objets d’adhésion sincère, endossés sur le mode la parfaite généralité. Et peut-être faudrait-il à cette fin relire la proposition 12 de la partie III de l’Éthique de Spinoza selon laquelle "l’esprit s’efforce d’imaginer ce qui augmente la puissance d’agir de son corps", qu’on retraduirait plus explicitement en "nous aimons à penser ce qui nous réjouit (ce qui nous convient, ce qui est adéquat à notre position dans le monde, etc.)".

Nul doute qu’il y a une joie intellectuelle particulière du capitaliste à penser d’après la théorie néoclassique que la réduction du chômage passe par la flexibilisation du marché du travail. Comme il y en a une du financier à croire à la même théorie néoclassique, selon laquelle le libre développement de l’innovation financière est favorable à la croissance. Le durcissement en énoncés à validité tout à fait générale d’idées d’abord manifestement formées au voisinage immédiat des intérêts particuliers les plus grossiers trouve sans doute dans cette tendance de l’esprit son plus puissant renfort.

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15/04/2012

Coût pour la France d'un « crash » brutal de l'euro : 500 à 700 milliards d’euros

 

« Depuis des mois, on peut entendre des inepties sur les coûts exorbitants de la sortie de l’euro. Mais personne ne nous parle des coûts des différents plans de sauvetage de l’euro, et en particulier ceux dans le cas d’un « crash brutal » de la monnaie unique.

Nous estimons qu’en cas de « crash brutal » de l’euro et au regard de tous les plans d’aides mis en place, les coûts pour la France, seraient entre 500 et 700 milliards d’euros.

Ces sommes ne pourraient pas être prises ailleurs que dans l’épargne (les économies) des français, car il serait alors impossible d’emprunter à qui que se soit, et l’Etat serait donc obligé de réquisitionner l’épargne des français pour éviter la faillite. (...)

Pour bien comprendre nos estimations, il est nécessaire de faire l’inventaire des différents plans d’aides, ainsi que des mécanismes et prêts / garanties mis en place.

Plans d’aides : (...) 900 à 1.570 Mia € (milliards d'euros).

Mécanismes et prêts / garanties mis en place : (...) 194 à 396 Mia €. (...)

Afin de compléter nos estimations, il faut aussi considérer les 1.200 Mia € de dépôts (économies des français, hors livrets A et Bleu) détenus par les épargnants français et dont 30%, au moins, des montants pourraient disparaître en cas de « crash brutal » de l’euro : soit une perte potentielle de 360 Mia €.

Les 360 Mia € de pertes pour les épargnants français sont estimés sur la base de faillites partielles de plusieurs grandes banques (les trois principales banques françaises détiennent environ 49% des dépôts) et dont certains actifs spéculatifs (immobiliers et financiers) perdraient jusqu’à 50% de leur valeur. Les dépôts étant garantis par l’Etat in fine, alors notre estimation de 360 Mia € est bien un risque pour la France.

Il faut savoir que les médias nous ont expliqué que l’Etat garantissait jusqu’à 100.000 euros par client et par banque en cas de faillite bancaire. C’est vrai, mais la garantie est assurée par le Fonds de Garantie des Dépôts lequel ne dispose que de 2 Mia € en caisse pour garantir les 1.200 Mia € d’économies des français.

Autant dire qu’en cas de faillite d’une grande banque, ce sera à l’Etat d’agir, mais avec quel argent ? Qui prêtera à l’Etat dans une telle situation. De plus, si plusieurs banques rencontrent des problèmes alors l’Etat ne pourra que réquisitionner l’épargne des français pour éviter la faillite de la France, et beaucoup d’épargnants verront leurs économies disparaître.

Nous arrivons donc à une estimation entre 500 et 700 Mia € de coûts pour la France en cas de « crash brutal » de l’euro. (...) »

Mise à jour du 12 mars 2014 : je supprime la mention de la source de cet article et son identité dans les commentaires, leur auteur m'ayant recontacté pour m'informer de ses ennuis professionnels dus à la reprise de son texte par mon sulfureux blog. Je ne souhaite vraiment pas causer d'ennuis à cette personne qui ne fait pas de politique.

05/04/2012

« La vraie droite française contre le capitalisme »

Albert de Mun (1841 - 1914)

 

« Un combat de toujours avec les ouvriers

Si la droite, c'est celle de Nicolas Sarkozy, alors effectivement, il y a lieu de dénoncer sa collusion avec les grands intérêts financiers qui n'ont que faire de ceux du peuple français. Mais il est une autre droite, profondément sociale, qui n'a cessé de lutter contre l'autre. Et de dénoncer, dès le XIXe siècle, la "souveraineté de l'argent".

"Pour son malheur et pour son discrédit, la droite a souvent été - et est encore trop souvent - identifiée aux puissances d'argent. [...] Cette erreur de jugement résulte essentiellement d'une erreur de langage, du fait que le terme 'droite' est abusivement mais fréquemment appliqué à des hommes et à des groupes dont ni la pensée ni l'action [...] ne peuvent justifier une seconde ce qualificatif". Ces lignes ont été écrites en 1989, par Jean Bourdier, dans un numéro du Choc du mois qui posait déjà la question : "Qu'est-ce qui oblige la droite à défendre les riches ?" Presque vingt ans plus tard, le seul fait que Nicolas Sarkozy soit qualifié d'homme de droite montre que rien n'a changé. Plus que jamais, la droite est réduite à ce que Jean Bourdier décrivait comme "la droite bourgeoise et conservatrice, la droite orléaniste de Guizot et de Thiers, [...] la fausse droite, puisque ne cultivant d'autres principes que celui de l'intérêt individuel".

La misère ouvrière tenue pour un fruit vénéneux de 1789

Historiquement, ce courant libéral est pourtant loin de résumer la philosophie sociale et économique de l'ensemble des droites - en admettant qu'il en fasse partie. Le libéralisme est arrivé au pouvoir dans les valises de la Révolution, et c'est du XVIIIe siècle que le XIXe hérita la question sociale. Sous la monarchie, les physiocrates, ancêtres de nos libéraux déjà fascinés par le modèle anglo-saxon, d'ailleurs encouragés par Voltaire et l'Encyclopédie, rêvaient de "libérer" l'économie. En 1776, Turgot tenta ainsi d'abolir le système des jurandes et maîtrises, sur lequel étaient organisées les corporations. Louis XVI le rétablit la même année, en expliquant : "En faisant cette création, nous voulons donner aux ouvriers un moyen de défense, nous voulons qu'ils puissent jouir en commun de leur intelligence, qui est le bien le plus précieux de l'homme".

La fin de l'Ancien Régime permet aux libéraux de prendre leur revanche : en juin 1791, la loi Le Chapelier interdit le droit d'association, soumettant ainsi le droit du travail à la loi du marché et les ouvriers au bon vouloir du patron. Pour faire bonne mesure, le consulat confirme cet assujettissement en rendant obligatoire le livret ouvrier, véritable certificat de soumission.

La misère ouvrière sera le fruit vénéneux de cette Révolution bourgeoise. Il n'est donc pas surprenant de trouver des contre-révolutionnaires avérés parmi les premiers défenseurs de ce que l'on appellera bientôt le prolétariat. Citons, parmi les premiers, Alban de Villeneuve-Bargemont, préfet de Lille sous la Restauration, puis député légitimiste sous la monarchie de Juillet. Le 22 décembre 1840, à l'occasion de la discussion d'un projet de loi relatif au travail des enfants dans les manufactures, il attaque violemment le libéralisme économique : "Si l'on recherche les causes nombreuses de cette misère ainsi généralisée et perpétuée, on est forcé de reconnaître que la première et la plus active de toutes se trouve dans le principe d'une production presque sans bornes, et d'une concurrence également illimitée, qui impose aux entrepreneurs d'industrie l'obligation toujours croissante d'abaisser le prix de la main-d'œuvre, et aux ouvriers la nécessité de se livrer, eux, leurs femmes et leurs enfants, à un travail dont l'excès ne suffit pas toujours à la plus chétive subsistance".

D'autres se font les champions des droits politiques de la classe ouvrière, comme l'avocat Pierre-Antoine Berryer qui défend bénévolement mais avec fougue, en 1845, les ouvriers charpentiers de la Seine poursuivis pour une grève illégale.

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