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24/12/2011

Pour une confédération européenne

 

Je suis pleinement en phase avec cet article paru sur le le site Polémia. Extraits :

«L’Europe est faite d’Histoire, de sang, de terre et de culture, la réduire à l’Euro ou réduire la construction européenne à la BCE ne peut être un réflexe "patriote". L’eurosceptique radical rejoint en cela, contre toute attente, le marchand mondialisé prétendument euro-fédéraliste.

Ce vieux fantasme d’après-guerre envisageant une union des pays d’Europe à partir d’un marché commun perdure. Etrange monde en effet que celui qui s’évertue à faire passer les fiancés devant le notaire et le banquier avant le maire, le curé ou la chambre à coucher. Mais au-delà des intérêts économiques qui par essence divisent ou renforcent l’individualisme, l’Euro, aujourd’hui dans l’œil du cyclone, peut-être même déjà à terre, prend désormais une valeur hautement symbolique… celle d’un étendard qui pourrait braver les marchés (contre toute attente le dollar ne s’est-il pas déprécié en 2011 par rapport à l’Euro et cela malgré la crise de l’Euroland ?). Un étendard qui fait ressurgir les véritables alliances (lors du dernier sommet européen, Mr Cameron a rejoint tout naturellement le fast-food vermoulu anglo-saxon et sa mafieuse City, sans parvenir à entraîner avec lui ses vieux alliés). Un étendard qui pourrait fédérer et dynamiser à nouveau les pays fondateurs de l’Union potentiellement aux commandes d’un véritable projet européen.

Dans sa dernière livraison du 15 décembre, le LEAP fait montre d’un optimisme surprenant sur la poursuite de l’intégration de l’Euroland et l’accélération de la dislocation anglo-saxonne. On le jugerait volontiers fantaisiste s’il n’avait pas prévu et décortiqué depuis 2006 quasiment au jour près les tsunamis successifs qui se sont abattus sur l’économie mondiale. Il est vrai que l’on a spontanément du mal à détecter un souffle historique dans l’improbable choucroute bling-bling Sarko-Merkel. Pourtant sans le vouloir vraiment et à marche forcée, ces "idiots utiles" fabriquent peut-être à leur insu de l’Histoire. Le LEAP considère que le chemin sur lequel nous sommes est long, complexe et chaotique, mais renforce notre continent et va placer l’Euroland au cœur du monde "d’après la crise".

Faisons en sorte que notre Europe ne soit pas le terrain de jeu de la finance internationale, ni la terre de prédilection d’un certain angélisme. Evacuer l’esprit bourgeois et usurier ne signifie pas pour autant en finir avec l’économie, l’une des trois fonctions vitales et primordiales de notre civilisation. Il nous faudra même nous souvenir qu’à la base de concrétisations politiques d’inspiration confédérale se sont souvent cristallisés des intérêts d’ordre socio-économique.

(...)

Une confédération à la différence d’une fédération, rappelons-le aux eurosceptiques les plus radicaux, est une union d’États indépendants, souverains, mais acceptant de partager sur tous les fronts du vivant une histoire commune en délégant certaines compétences à des organes communs respectueux des identités.

Depuis 1291, nos voisins helvètes partagent un destin commun, se respectent mutuellement entre cantons, politiquement, linguistiquement… Au 13e siècle, des hommes libres des vallées d’Uri, Schwytz et Unterwald trouvèrent leur motivation première à ce pacte d’alliance dans la nécessité "d’aide mutuelle", de protection politique, économique et juridique. La "Landsgemeinde", grande réunion communautaire à vocation sociale et économique, puis progressivement politique illustre remarquablement cette synthèse confédérale qui, au-delà de son creuset identitaire et de ses mythes fondateurs, peut très bien se nourrir de la "nécessité matérielle" pour évoluer vers un projet commun et durable.

Appartenir à sa terre dans une confédération respectueuse des identités ou dépendre d’un système matérialiste à prétention universelle et totalitaire… L’Européen doit choisir. Il y a urgence à ce qu’il trouve, tel Guillaume Tell, une fenêtre de tir pour retrouver le chemin de la puissance et réaliser enfin une Confédération des Euronations. »

Un indispensable complément : ce texte de Marc Rousset.

30/11/2011

Souverainisme et rêveries eurosceptiques

« Nan, je t'assure, il faut sortir de l'euro, c'est mieux... »


Amusant, le mantra de certains, sur internet et ailleurs : « La zone euro va exploser ». Je me demande combien de fois par jour il faut le répéter pour que ça marche, parce que, depuis le temps que je l'entends ou plutôt, que je le lis, ça n'a pas l'air très efficace.

En tout cas, ce message est désormais en phase avec celui des médias du capital.

Comme quoi, le souverainisme, parfois, ça rend bien conformiste… Sauf que les médias du capital, ni celui-ci, ne sont pas devenus souverainistes, eux, si vous voyez ce que je veux dire.

Si la presse était indépendante, je serais plus disposé à la croire. Mais ce n’est absolument pas le cas.

Pourquoi, alors, est-elle aussi alarmiste que les souverainistes, depuis quelque temps ? Parce que la situation est grave ? Oh, il est vrai qu'elle est sérieuse. Bien moins grave, toutefois, que celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, que les marchés n'attaquent pas, eux. On se demande vraiment pourquoi.

J’ai ma petite idée.

Il faut faire peur (et éventuellement se faire peur, d’ailleurs - psychologie élémentaire) pour mieux faire accepter… quoi ? Mais ce qu’on prétend voué à l’explosion, voyons. En l'occurrence, une supranationalité renforcée des instances de la zone euro. « Limitée », mais renforcée. Avec, à la clé, peut-être, un vote à l'échelle européenne. Peur, vote... ça ne vous dit rien ?

Et qu’on ne me dise pas que c’est du « complotisme ».

La manipulation des foules a suffisamment été théorisée (par Gustave Le Bon, Bernays et Lippman, Tchakhotine, Noam Chomsky, Naomi Klein et même Bernard Werber…) et mise en oeuvre, pour rendre cette hypothèse crédible.

 

Je peux me tromper, bien sûr. Toujours est-il que, comme en ce moment les médias et le sémillant Nicolas Doze en particulier, moi aussi, gagné par l’eschatologisme ambiant, j’ai une vision. Sauf qu’elle est inverse.

Dans six mois ou dans deux ans, quand sera retombée l’hystérie collective entretenue par les saltimbanques terroristes du capital pour parvenir au Quantitative Easing (QE) que souhaite la haute finance, à commencer par les Goldman Sachs boys à la tête de la BCE, de l’Italie et de la Grèce (QE, qu’elle finira probablement par obtenir, quitte à sacrifier quelques banques dans l’intervalle, en attendant que Merkel cède son poste) ; quand se seront dégonflés les soufflés de la sacralisation de la dette et de l’inévitable austérité, et que la zone euro actuelle sera toujours là dans sa fuite en avant financière, malgré tous les savants augures de techniciens fossoyeurs divers et variés, le même Nicolas Doze nous dira qu’il était prévisible que le dollar s’écroulât et qu’il est heureux que notre glorieuse Eurozone ait tenu bon.

Ah, quelle rigolade ! Les visions d’hommes-troncs de la télé-poubelle courant après les ordres et le sens du vent, c’est toujours drôle, même si c'est pitoyable.

En tout cas, pendant que la bave monte aux lèvres de tous les eurosceptiques devant le spectacle anencéphale des économistes systémiques subitement mi-convertis au catastrophisme ambiant, la finance privée fait la gueule, mais tout le monde s’en fout (un passionnant article repris par Fortune sur les Hedge Funds, hier : pas un seul commentaire…).

Idem des USA, au sujet desquels on nous amuse avec des perspectives de possibilités d’intentions de velléités d’éventuelle baisse de notation, mais où les fondamentaux sont cassés sans appel, sans parler du vrai casse du siècle, celui-là, qui n’intéresse pas grand monde (c’est vrai, un éléphant sur la cuvette des toilettes, qu’est-ce que ça a d’inhabituel ?).

Bref.

« Les marchés sentent que l’on est au bout du bout et qu’il va se passer quelque chose. »

Sérieux, Mister OverDoze ?

Bah, quand on est « au bout du bout », c’est qu’on va... se faire enfiler, Mesdames Messieurs.

Désolé d’offusquer les chastes yeux de mes nombreuses mignonnes lectrices, mais c’est comme ça que ça se passe, historiquement, avec l’hyperclasse (remember 2005 : là aussi, on était « au bout du bout » avec l’UE et on sentait « qu’il allait se passer quelque chose »…).

Alors, inutile, je pense, de rêver à la fin de l’euro. Au contraire, dans l’immédiat, il est probable que nous allons avoir plus d’euro et donc, davantage d’austérité.

Mais quand la récession aura durablement entamé les exportations allemandes, je parie que même Angela Merkel suppliera la BCE de monétiser les dettes ; tout, plutôt que de perdre l’avantage commercial de l’euro (sauf si, un jour, les dettes publiques dans l’eurozone coûtaient trop cher à l’Allemagne : pour le moment, on en est encore très loin).

C’est peut-être à ce moment-là, quand l’Allemagne sera obligée de céder pour tenter de sauver ses exportations et que la haute finance satisfaite débloquera (réellement) la planche à billets, comme l'a fait la Fed il y a belle lurette, que se jouera le destin de cette monnaie.

Mais maintenant (alors qu’il suffirait de quelques petites décisions politiques pour « rassurer les marchés »…) ? C’est trop tôt.

Mariiine n’a même pas encore perdu les élections, c’est dire. Ce ne serait pas fair play.

 

Allez, encore un fantasme souverainiste.

Marianne, journal souverainiste degôôôche, c'est-à-dire comme un journal souverainiste dedroâââte mais-degôôôche-quoâ, fait plaisir aux lecteurs souverainistes dedroâââte, une fois de plus…

Bon, amusons-nous donc, ça ne coûte rien. Mais en réalité, si nous sortions de l’euro, que se passerait-il ?

De la théorie à la pratique, il y a un monde et ce que tous ces économistes souverainistes omettent de penser dire, c’est qu’à moins de croire au Père Noël, une sortie de l’euro ne s’accompagnerait PAS, contrairement à ce qu’il faudrait, d’un indispensable changement politique radical dans le pays concerné, permettant :

- de supprimer l’indépendance de la banque centrale et ainsi, de monétiser une partie de la dette (que celle-ci reste due en euros ou soit convertie en francs) ;

- de faire défaut sur une partie de la dette ;

- de réindustrialiser et de mettre en place un indispensable protectionnisme ; cela, d’extrême urgence ;

- de réduire ou de faire cesser les gaspillages (clientélisme, immigration-invasion...) ;

- bref, de réduire la dette et d’espérer sortir de la spirale infernale des déficits cumulés et de la croissance vertigineuse des intérêts dus aux banques privées.

Comme nos élites inchangées ne feraient donc rien de tout cela, notre si cher franc, rené de ses cendres sous les vivats de la foule souverainiste en délire, serait aussitôt attaqué sur les marchés, comme toute nouvelle monnaie nationale qui renaîtrait dans la zone euro, monnaie nationale plus faible, par définition, que l’euro.

Eh oui, c’est que l'Etat devrait continuer à s’y financer, sur les marchés, puisqu'il continuerait de faire des déficits et d'accumuler de la dette, que les changes flottants seraient maintenus, etc. Rien de changé.

Or, pourquoi ceux qui font actuellement monter les taux des OAT en euros, avec menace de perte du AAA, etc. (au fait, j'adore jargonner, comme se plaisent à le faire bien des économistes : ça permet de montrer sur quelle esbroufe technicienne repose la semi-arnaque de leur pseudo-science...) ; pourquoi, donc, ces gens se gêneraient-ils pour en faire autant, et bien pire, avec des OAT en francs, comme avec les mêmes dettes et expositions aux dettes de l’Italie et de l’Espagne notamment ?

D’autant que ne miroiterait plus, aux yeux des créanciers et spéculateurs, la perspective d’un secours via le FESF, etc. ; bref, via une zone euro possiblement solidaire.

Un problème ? Direction la schlague du FMI, direct. Et là, à mon avis, pas de décote à espérer aux frais des banques, pas de gentillesse ; rien que du dur, du brut de décoffrage… Avec, par-dessus le marché, le sourire de dromadaire de Christine Lagarde. Ô joie.

En résumé, une situation pire.

La solution, je pense, ce serait que l’euro (et l’UE) se transforment de l’intérieur, sous la pression des événements et notamment, de la montée du populisme en Europe, pour passer d’une monnaie unique à une monnaie commune et d’une dictature unioniste supranationale à une confédération limitée aux réels intérêts communs et ne portant pas atteinte aux souverainetés nationales.

A mon avis, la situation n’est pas encore mûre et la plupart des dirigeants actuels de la zone euro sont soit trop obtus et dépassés, voire corrompus, soit trop peu inquiets pour envisager des solutions aussi radicales et hétérodoxes.

Néanmoins, la crise s’accélère. Dans ce contexte de dégradation générale, une constante à ne pas négliger : ce que les politiciens veulent avant tout conserver, ce sont leurs postes, quitte à faire évoluer leur offre. Or, n’oublions pas qu’en 2012, des élections auront lieu en France et surtout, six mois plus tard, aux Etats-Unis (avec une possible surprise) ; et enfin, en 2013, en Allemagne.

Ce qui est couramment imaginé aujourd’hui n’est certainement pas ce qui sera demain. La vie détrompe, en général, toutes les anticipations.

Et si les choses ne changent pas de l’intérieur, le mode (r)évolutionnaire sera moins doux, puisqu’il devra passer par une phase de conflit pour imposer la nécessaire rotation des élites.

03/11/2011

Grèce : prendre un peu de recul...

 

Le directeur du LEAP se serait ridiculisé en louant les qualités du énième dernier plan de sauvetage européen de la Grèce et en pariant sur son succès, juste avant l'annonce par Papandréou d'un référendum sur la question et ses effets dévastateurs sur les cours de la Bourse.

On peut ne pas partager l'européisme de Franck Biancheri et de ses amis, bien qu'ils se réclament d'une vision plus démocratique de ce constructivisme, que ne le font les eurocrates de Bruxelles.

Mais je persiste à penser que, si on s’extrait une minute de l’actualité immédiate (les réactions à courte vue des marchés, le tintamarre médiatique sensationnaliste), Biancheri et le LEAP ont toujours assez largement raison.

Attention, je ne prends pas parti pour l’UE actuelle, ni pour sa politique, reflet néanmoins, ne l’oublions pas, des politiques nationales de ses Etats membres. J’essaie juste de deviner l’évolution globable de la situation.

Quelle que soit l’issue du référendum grec (si référendum il y a), la zone euro a fait la preuve, à l’initiative de l’Allemagne et malgré tous les lamentables cafouillages propres à la calamiteuse architecture politique européiste :

- de sa capacité (certes relative, mais tout de même) à faire payer les banques (au point qu’on peut se demander si Papandréou, outre son problème de légitimité politique interne à la Grèce, n’est pas en mission – il est demi-américain de naissance et a fait ses études aux Etats-Unis – pour la finance américaine) ;

- de son refus d’emboîter le pas aux délirants QE américains de Bernanke and Co. ;

- de sa volonté politique de conserver l’euro et d’en faire une monnaie de réserve susceptible de prendre le relais du dollar ;

- désormais, de laisser la Grèce suivre sa route (a priori, encore moins drôle sans l’euro qu’avec, mais c’est une opinion personnelle, je ne connais pas l’avenir), marquant ainsi non seulement une certaine lucidité quant à l’importance réelle (faible : 2,65 % du PIB de la zone euro) de ce pays au sein de l’Union monétaire, mais surtout, contrairement à ce qu’on peut lire ici et là, une volonté moins « totalitaire » que prévu.

A ce sujet, il est quand même assez amusant de voir Dupont-Aignan reprocher à la zone euro (en fait, au couple Sarkozy-Merkel, traités d’ « apprentis dictateurs ») de faire du chantage à la Grèce pour qu’elle renonce à son référendum ou fasse en sorte que le vote soit favorable à l’euro.

Qu’est-ce que les défenseurs à tous crins de la souveraineté et de la dignité des Grecs face aux banques entendent par ce « chantage » ?

Simplement, le fait qu’en cas de « non » à un éventuel référendum, eh bien, le dernier plan de sauvetage conclu avec l’accord des dirigeants grecs, ne serait pas appliqué. Fin des aides financières à la Grèce. Quoi de plus normal, puisque la Grèce n’en veut plus ?

Eh bien non. Les mêmes Français soucieux de leurs « petits sous », tellement en défaveur de toutes les aides à la Grèce tout en déplorant, la main sur le coeur, la situation du peuple grec (- « Oh, t’as vu le pauvre mendiant ? » – « Ah oui, c’est triste, mais faut surtout pas lui donner d’argent »…), viennent maintenant dire qu’il serait dégueulasse de faire ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire d’arrêter de donner (pardon, de prêter) à la Grèce ! C’est grotesque.

Il n’y a pas de « chantage ». Pourquoi les contribuables de la zone euro devraient-ils aider la Grèce malgré le revirement des dirigeants grecs sur le plan de sauvetage, aussi imparfait soit-il ?

Je veux bien que le peuple grec soit victime de la corruption de ses élites depuis des lustres, victime aussi de l’aide intéressée apportée à ses dirigeants par certaines grandes banques, que le prêt à intérêt c’est du vol, etc.

Mais tout de même, à un moment donné, il faut arrêter les mouchoirs et regarder la réalité en face.

La Grèce est un pays « souverain », comme certains aiment à le dire de la Slovaquie ; pays souverain, qui vit au-dessus de ses moyens depuis des lustres en truquant sa comptabilité publique, où la corruption est quasi-généralisée, où aucun effort de rationalisation fiscale n’a jamais été fait et qui a largement profité de son entrée dans la zone euro pour redoubler d’emprunts.

Et on voudrait nous faire croire que les Grecs sont tous des victimes, que ce sont les Français et les Allemands, riches prêteurs via leurs banquiers privés, les salauds ?

Le petit peuple grec est à plaindre. Le reste des Grecs, tout ceux qui ont bien profité du système, non. Que les élites grecques s’expliquent avec leurs électeurs et clients, cela ne nous regarderait que si nous adoptions le détestable « devoir d’ingérence » cher à Kouchner et BHL.

Personnellement, si Papandréou et l’ensemble des politiciens grecs étaient, dans les prochains mois, lynchés par une foule de nouveaux pauvres et pendus aux réverbères d’Athènes, je ne lèverais même pas un sourcil.

Mais qu’on ne vienne pas me dire qu’aider la Grèce contre la volonté de ses dirigeants, voire contre celle de son peuple (puisqu’il paraît que le référendum verrait un « non » massif au plan de sauvetage européen – j’en suis beaucoup moins sûr que les médias et la droâte nationale, tous d’accord avec les altermondialistes pour le coup, mais enfin…) ; qu’on ne vienne pas me dire, donc, qu’aider la Grèce si elle le refuse, ce serait justifiable d’une façon quelconque.

Ah au fait, une question à tous les grands savants furieusement en faveur d’une sortie de l’euro de la part de la Grèce : à qui ce pays ruiné va-t-il bien pouvoir emprunter pour continuer de financer son train de vie largement au-dessus de ses moyens ?

Admettons même que le gouvernement tombe et que, miracle, un autre plus intègre lui succède (on peut toujours rêver).

Admettons, suprême audace onirique, que ce gouvernement intègre décide de répudier la dette publique grecque, de faire défaut, de repartir de zéro.

Bon. Moi, je suis pour, hein. Jamais aimé les banquiers. Rien à foutre des épargnants qui seraient lésés par le défaut grec.

Seulement, le problème, pour la Grèce, c’est que, si elle pourra repartir (je suis d’accord avec Patrick Reymond qui donne l’exemple de l’Islande : quand on a fait faillite une bonne fois, on vous reprête, après ; sauf que l’Islande a des ressources naturelles et industrielles, et une réputation de travail, toutes choses qui ne sont pas si évidente du côté d’Athènes), il faudra quand même qu’elle encaisse un appauvrissement carabiné.

Que produit la Grèce ? Qu’a-t-elle à manger, à vendre, à exporter ? Sa marine marchande, à l’heure de la démondialisation ?

A force de ne voir que la finance, on en oublie l’essentiel, l’économie réelle.

La vraie question, c’est : comment les Grecs vont-ils encaisser une décroissance pour le moins gratinée, bien pire encore que celle contre laquelle ils manifestent déjà ? En développant le tourisme ? Si les touristes sont « accueillis » par le spectacle des Black blocks et de leurs barres de fer, le chiffre d’affaires risque d’être limité.

Les Grecs ont le choix : être prolongés de quelques années maximum par la zone euro et faire défaut avec tout le monde (ce qui est quand même plus convivial, plus festif : j’imagine les evzones dansant le sirtaki devant la fontaine Saint Michel en balançant des liasses d’euros sans valeur, applaudis par des ex-touristes allemands subitement néo-pauvres, coincés à Paris sans même un ticket de métro) ou plonger seuls, tout de suite, peut-être dans la révolution mais, avec certitude, dans la misère.

Sans parler du FMI et autres vautours et donc, d’une autre « tutelle » que celle de la zone euro, car qui voudra des obligations d’Etat grecques avec le taux record desquelles on nous bombarde quotidiennement ? Qui d’autre que le FMI voudra prêter à la Grèce ?

Alors, je pense… que malgré tout, la Grèce va rester dans l’euro.

Nous verrons bien.

Probablement, le LEAP s'illusionne sur la pérennité économique et financière de l'Europe actuelle. Il faut espérer, d'ailleurs, qu'il s'illusionne, parce que dans le cas contraire nous aurons, à terme, troqué la domination de l'hyperclasse anglo-saxonne, désormais vouée à l'affaiblissement voire à l'implosion, contre celle, exclusive, de l'hyperclasse ouest-européenne continentale.

Mais cela n'enlève rien, à mes yeux, à la pertinence de ses analyses par ailleurs.

21/09/2011

Le parler vrai de Jacques Sapir

 

... Ou comment tirer la quintessence d'une émission de télé, en isolant les interventions de la seule personne qui sache réellement de quoi elle parle et ne manie pas la langue de bois ou un discours électoral (merci à @Christopher Johnson, pour le lien vers cette vidéo sur fortune.fdesouche.com).

Au-delà du discours clair et percutant de Sapir sur les problèmes de l'heure, voire de nos divergences sur leurs possibles solutions, j'avoue trouver le personnage réellement sympathique (ah, ces ressemblances avec Galabru, ces intonations dignes du docteur Galipeau dans Le viager...).

Et, cerise sur le gâteau, la tête d'Estrosi, l'ex-motocycliste de compétition devenu ministre dans la grande tradition de la République des copains et des non-gouvernants, de l'inaction élevée au rang des vertus civiques... Quand Sapir lui dit qu'il est « en train de révolutionner la science économique », ahahaha ! L'hébétude, la stupeur, l'ahurissement, « mais non, absolument pas », le pouce et l'index joints, « je peux vous poser une question », l'hagarde-meurt-mais-ne-se-rend-pas ! Ahahahahahahaha ! Un régal, un délice... Je ne m'en remets toujours pas.

20/09/2011

Myret Zaki : « Le coup de grâce viendra des États-Unis »

 

Encore un entretien avec cette épatante journaliste économique suisse (je sais, je sais, d'origine égyptienne ; mais là, franchement, on s'en fout), que je découvre, cette fois, avec presque un mois de retard :

 

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Pour la journaliste genevoise, l’effondrement du système financier américain achèvera les économies occidentales. Un krach dont l’Europe sortira renforcée. Etranglée par le franc fort, la Suisse n’aura d’autre choix que rallier l’UE.

Christian Rappaz : « L’Occident est-il en faillite ? » Un titre racoleur ou reflet de la réalité ?

Myret Zaki : Tous les pays du G7 affichent un taux d’endettement équivalent ou supérieur à 100 % de leur PIB, se révèlent incapables de rembourser leurs dettes et de payer les retraites à leur population. Faillite est donc bien le terme approprié.

Va-t-on assister à une cascade de défauts de paiements des Etats, y compris des Etats-Unis ?

Nous allons assister à la faillite des Etats-Unis, pas de l’Europe. Celle-ci, on ne le dit pas assez, reste la première puissance commerciale du monde, devant la Chine. Je sais que cela peut paraître iconoclaste au moment où tous les regards sont braqués sur la Grèce, le Portugal, l’Italie ou l’Espagne, mais contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, l’effondrement du système monétaire américain reste le plus grand péril planant sur le monde. A mon avis, celui-ci se produira au plus tôt dans les mois qui viennent, au plus tard en 2014.

Après les pays du sud de l’Europe, c’est pourtant la France qui est dans la tourmente…

Simple manœuvre de diversion de la part de spéculateurs maîtres en manipulation. Un coup classique, déjà éprouvé contre la Grèce : on se positionne à la baisse en Bourse, on fait courir des rumeurs propres à semer la panique sur les marchés puis on encaisse les bénéfices. Autre avantage du stratagème, pendant que le monde est au chevet de la France et de l’Europe, pourtant beaucoup plus solvables que les Etats-Unis, ces derniers continuent à se financer à bon marché et à détourner l’attention de leur désastre financier.

Vous ne croyez pas à l’effondrement de l’Europe ?

Pas une seconde. Quiconque spéculerait sur une faillite de la zone euro perdrait son temps. L’épargne est importante en Europe, qui profite également du soutien des banques centrales asiatiques, chinoise en particulier. Le pari à faire est au contraire une vente à découvert contre tous les marchés en dollars.

Les Américains accusent pourtant l’Europe de tous les maux actuels…

Beaucoup de gens croient naïvement que les deux blocs sont amis et solidaires. C’est une illusion. La guerre économique fait rage et discréditer l’euro au profit du dollar, devenu une monnaie de singe pourtant, fait partie de la stratégie des Etats-Unis, dont dépend leur solvabilité. L’autre consiste à tromper les investisseurs pour cacher la situation désastreuse du pays. Mais ce déni ne durera pas éternellement.

Tromper ?

Les Etats-Unis estiment leur dette souveraine à 14.500 milliards de dollars. Avec l’endettement des ménages, elle culmine en réalité à 60.000 milliards et même à 200.000 milliards en tenant compte du déficit fiscal à long terme. Annoncé à 9,1 %, le chômage dépasse allégrement les 20 % si l’on inclut les chômeurs découragés de longue durée. On estime à 45 millions le nombre d’Américains dont les logements auront été saisis au terme de cinq ans de crise immobilière. Ces gens sont sortis du circuit économique. Enfin, l’inflation est donnée à 1,3 % alors que les économistes critiques l’évaluent autour de 5 %.

Barak Obama se vante pourtant du succès que connaissent les nouvelles émissions de bons du Trésor sur la dette malgré la perte de la note triple A des Etats-Unis…

Que peut faire le président d’un pays en défaut ? Critiquer les agences de notation, mettre en doute leurs calculs, nier les évidences, répéter que son pays reste le meilleur, faire du marketing en somme. Pour moi, c’est une tactique du désespoir. La vérité est moins romantique. Grâce à sa planche à billets, c’est la Réserve fédérale américaine elle-même (Fed), qui se rue sur les bons du Trésor américain. De 800 milliards de dollars en 2006, le passif de la Fed approche 3.000 milliards aujourd’hui. Bientôt, cette machine infernale s’arrêtera et, avec elle, la supercherie. A la seconde même, les taux de la dette souveraine exploseront, provoquant la strangulation financière du pays.

Une banqueroute qui emportera forcément l’Europe avec elle ?

Dans un premier temps. Mais l’Europe sortira grandie de ce krach. Contrairement aux Etats-Unis, qui n’ont aucun plan budgétaire crédible, l’Europe met en vigueur des mesures d’austérité. Elle est aussi beaucoup mieux positionnée sur les marchés des pays émergents, les seuls à créer de la croissance.

A vous entendre, c’est la fin de l’empire américain ?

Un empire qui n’a plus les moyens de préparer une opération militaire d’envergure n’est plus un empire. Les Etats-Unis vont perdre leur statut de super puissance et le dollar, celui de monnaie de référence. Bientôt ramené à la valeur d’un billet de Monopoly, le billet vert ne connaîtra plus d’appréciation durable. N’en déplaise aux économistes genevois, qui n’aiment pas cette idée, les pays dotés de monnaies fortes deviendront la nouvelle référence, dans un monde multipolaire et multimonétaire.

Et la Suisse dans tout ça ?

La hausse structurelle du franc continuera à pénaliser son économie et l’adhésion à l’Union européenne apparaîtra comme la seule façon de résoudre le problème à long terme. Si l’Angleterre, engluée en raison de sa propre crise avec sa livre sterling, franchit le pas, ce ne sera alors qu’une question de temps pour que la Suisse suive.

Source

14/09/2011

De la France à la Grèce, entre tintamarre médiatique et réalité

 

J'ai si souvent parlé des manipulations anglo-saxonnes contre l'Europe, que je crains de lasser le lecteur.

Pourtant, c'est le sujet central et crucial de la crise actuelle, dite par les médias crise « de l'Euro », au point que même Jacques Sapir s'y laisse prendre et prédit la fin de la monnaie unique dans un délai de six à dix-huit mois. Nouriel Roubini, agent d'influence du pouvoir américain, prévoit, pour sa part, l'explosion de la zone Euro dans les cinq ans. Comme Emmanuel Todd l'annonçait, quant à lui, pour la fin 2011, nous avons le choix entre plusieurs délais, mais pas entre plusieurs issues. Con-dam-né, l'Euro, on vous dit.

Bon. J'ai déjà dit ce que j'en pense. Certes, je peux toujours me tromper mais, conformément à la description que fait Theodore Kaczynski de la mentalité gauchiste, à base de sentiment d'infériorité et de sur-socialisation, qu'il décèle d'ailleurs plus largement dans la société moderne en général, le matraquage médiatique finit, en abrutissant le public de ses clameurs, par le faire douter de la pertinence de ses propres pensées quand il en a, en pesant sur les faiblesses analysées par le fameux Unabomber :

« Les problèmes du "gauchisme" sont ceux de notre société dans son ensemble. Faible estime de soi, tendances dépressives et défaitisme ne sont pas l’apanage de la gauche. Bien qu’ils soient particulièrement prononcés dans les rangs de la gauche, ils sont omniprésents dans notre société. Et la société actuelle essaie de nous socialiser à un degré jamais atteint par les sociétés précédentes ».

(N.B. : dois-je préciser qu'en citant Kaczynski, je ne cautionne en rien ses crimes ? Par les temps qui courent, cela vaut probablement mieux...)

Eh bien, pour ma part, je persiste à penser que l'Euro ne va pas exploser, malgré la pression incroyable que les grandes banques américaines mettent sur les CDS de la France et des principales banques françaises (tous les records, nous dit l'AFP, sont battus), ainsi que sur les taux d'intérêt des titres de dette publique grecque (quant à ces taux, le terme même de record est devenu un euphémisme ces derniers jours), et malgré la véritable propagande de guerre déversée par les médias anglo-saxons, relayés par la presse française.

 

En ce qui concerne la France, cible des « marchés » (en réalité, de quelques grands acteurs), qu'est-ce qui a donc tant changé dans les fondamentaux de notre situation, pour que le monde entier, soi-disant, croie devoir estimer subitement que notre dette publique est plus irremboursable qu'il y a quelques mois et que « nos » grandes banques sont sous-capitalisées au dernier degré, justifiant (déclarations de Christine L'Hagarde et Mail on Sunday mis à part) que les agences de notation dégradent leurs notes ? Qu'y a-t-il donc de réellement nouveau ? Ah oui, pardon, je sais, les rumeurs, « l'irrationnalité des marchés »... Ben voyons. JP Morgan Chase, Bank of America, Citigroup et Goldman Sachs irrationnelles. Non mais, on se fout de qui, au juste ?!

Quant à la Grèce, il faut d'abord noter qu'elle vient juste de bénéficier d'un deuxième plan de sauvetage qui met à contribution le secteur privé (même si on peut légitimement douter de sa sincérité et de sa réalité, dans la mesure où, en définitive, les mécanismes de soutien et de mutualisation finiront probablement par absorber les titres pourris détenus par le privé, par voie de rachat à leur terme ou d'échange contre d'autres titres souverains ou du fonds européen...). Quels nouveaux éléments majeurs ont donc bien pu justifier qu'un mois et demi après la prise de cette décision lors du sommet européen du 21 juillet, tout soit désormais irrémédiablement compromis, à en croire les médias mainstream ?

Eh bien, la dette grecque serait soudainement « hors de contrôle », la récession sera supérieure à ce qui était prévue, le déficit aussi sera plus élevé et le plan d'austérité, plus difficile à faire passer... Voyez-vous ça, quelle profonde, étonnante, fantastique surprise ! A force, comme chez nous, toujours pour le plus grand bénéfice des banques, de vouloir faire payer le pékin moyen qui n'arrive pas à boucler ses fins de mois au lieu de taxer le riche qui bénéficie de tous les cadeaux, on finit par arriver à une impasse. Et on voudrait nous faire croire que cette situation n'était pas amplement prévisible depuis des mois, voire des années ? La bonne blague ! Je veux bien croire que le monde soit un joli parterre de crétins mais, décidément, quels naïfs, ces « marchés »...

Tout cela ne tient pas debout. Même Laurence Pari-sot, qui décidément, ces temps-ci, ne brille pas par son intelligence, a été obligée de constater que, en grande partie au moins, la situation découle d'une manipulation. Et pour que la présidente du MEDEF en arrive là, vous vous doutez bien qu'il ne s'agit pas de débilo-complotisme, mais d'une réalité dont la prise de conscience remonte jusqu'aux personnages les plus influents des sphères de pouvoirs. Cela a une signification : la guerre dont Mitterrand disait qu'elle nous oppose aux Etats-Unis (je dirais : à l'anglosphère) est nettement moins confidentielle aujourd'hui, et elle ébranle certaines certitudes, voire certaines allégeances.

 

Pour en revenir aux raisons qui me font douter d'une explosion de l'Euro, comme d'un défaut de la Grèce sur sa dette publique, d'abord, la volonté des eurocrates de sauver la monnaie unique. Pas étonnant, puisque les banques sont menacées et que les banques, que dénonce ici Nigel Farage, comme les multinationales, sont la clé de voûte de l'eurocratie.

Ensuite, sous l'effet de la propagande ambiante (comme, il est vrai, de sa surévaluation chronique, qui est une réalité), l'Euro devrait chuter de façon importante face au billet vert, ce qui aurait pour effet de rééquilibrer mécaniquement les balances commerciales des pays européens affiliés à la monnaie unique, par rapport aux pays avec lesquels ils échangent en Dollars, et donc, d'accroître les recettes fiscales permettant d'offrir un répit, de limiter un peu les dégâts en matière de dette publique. L'obstacle principal est la fragilité du Dollar lui-même, qui freine cette dépréciation attendue de l'Euro (les Etats-Unis n'arrivant pas non plus à faire baisser leur monnaie) et l'obstacle secondaire, la baisse du commerce international.

Puis, le scénario d'un défaut grec, suivi d'une sortie de l'Euro avec une contagion aux autres pays du sud de la zone, est loin d'être le seul. A ce sujet, faut-il d'ailleurs rappeler que le PIB de la Grèce ne représente que 2,5 % du total de la zone Euro, ce qui remet à sa juste place l'ampleur financière réelle de la crise grecque ? Par ailleurs, un défaut ne serait pour les créanciers, en définitive, qu'une restructuration forcée : par conséquent, pourquoi ne pas accepter une telle restructuration sans attendre ? Jacques Delpla, pourtant libéral et membre de la Commission Attali, l'avait également proposé, quitte à « tordre les bras des banquiers ». Angela Merkel, en tout cas, vient de déclarer vouloir éviter un défaut grec.

Toujours dans le même sens, les monétaristes allemands qui démissionnent en cascade de la Bundesbank (Axel Weber) et de la BCE (Jürgen Stark) sont le signe de ce que cette dernière institution et les dirigeants de l'Union Européenne qui, en réalité, la pilotent (Trichet n'étant qu'un porte-parole), ont l'intention de s'entêter dans le fédéralisme financier. Une bonne chose ? A priori, non, évidemment. En principe, comme dans la fable de la grenouille et du scorpion, une fois au milieu du gué, le scorpion (fédéralisme) doit piquer la grenouille (UE), causant leur fin à tous deux. Sauf que les dirigeants politiques européens, aussi sots et entêtés soient-ils, ne sont pas suicidaires.

Comme je l'ai déjà dit, dans l'urgence et la nécessité, le souci de leurs intérêts et une inévitable réorientation clientéliste par le populisme devraient tôt ou tard, logiquement, les conduire, de gré ou de force, à réviser leur idéologie, voire à l'échanger contre une série de mesures taboues aujourd'hui : dévaluation compétitive de l'Euro, fin de l'indépendance de la BCE en vue d'une monétisation des dettes, instauration d'un protectionnisme européen, transformation progressive de l'Euro en véritable monnaie commune, etc. Peu importent les auteurs et l'esthétique, peu importe le cadre s'il est celui de l'UE (je ne vois pas comment il pourrait en être autrement, on ne démantèle pas d'avance une structure qui n'a pas d'autre alternative que d'opérer sa révolution ou de disparaître : on s'en sert si cela est possible, et c'est tout). Ce qui compte, c'est la prise de ces mesures. Demain, après-demain ou plus tard.

Et qu'on ne me dise pas que l'Union Européenne est une machine trop lourde à dix-sept (zone Euro) et à vingt-sept (UE) pour permettre de telles décisions dans l'urgence. Quand on veut, on peut et, que je sache, il n'a pas été difficile, à l'automne 2008, de prendre au plan national des décisions convergentes pour sauver les banques allemandes, françaises et britanniques. On ne me fera pas croire qu'il ne pourrait en être de même collectivement au sein de la zone Euro, quitte à piétiner les sacro-saints traités, si les dirigeants français et allemands le voulaient...

Dernier point : la Chine soutient la zone Euro et ce soutien, encore très marginal mais appelé à croître, devrait lui permettre de se débarrasser d'une partie de ses réserves en Dollars, ce qui est un de ses objectifs. Quant aux BRICS, ils réfléchissent, mais pourraient s'impliquer, comme la Russie le fait déjà (voir les déclarations de Vladimir Poutine données en liens dans mon précédent billet sur le sujet). Même le Trésor américain, par la voix de Timothy Geithner, vient de faire part de son avis favorable au fédéralisme européen (tu m'étonnes, d'abord l'UE sous sa forme actuelle est l'outil d'affaiblissement de l'Europe préféré des Américains, qui ont très fortement contribué à sa création, et ensuite, le Dollar sans l'Euro pour lui servir de bouclier contre les attaques spéculatives, aïe aïe aïe ! On n'en fait pas la publicité, mais la situation des Etats-Unis est bien pire que la nôtre : par exemple, 46 Etats de l'Union sur 50 sont en faillite, selon les déclarations, le 12 septembre 2011, d'un économiste anglais, Kevin Dowd, intervenu dans des termes très durs, en novembre 2010, lors d'un colloque au très influent Cato Institute de Washington - merci à @Acanthe, sur fortune.fdesouche.com, pour cette info.).

 

Bref, pour diverses raisons, en dépit de la violence des attaques spéculatives de la haute finance anglo-saxonne et malgré les beuglements médiatiques dont on sait bien qui les rétribue, personne ne veut la fin de l'Euro, sauf quelques politiciens intéressés, suivis de leurs électeurs souverainistes et nationalistes nostalgiques des Trente Glorieuses, de toute façon impossibles à retrouver sans une véritable révolution politique et économique.

A ce sujet, je déplore vraiment qu'il soit si ardu de débattre sereinement du sujet avec certains membres de la « droite nationale », tant il semble qu'il leur soit difficile de dissocier le constructivisme européiste et fédéraliste (pléonasme) ainsi que les méfaits de l'Euro actuel, objets de leurs légitimes critiques, d'une part, de la donne géopolitique et géoéconomique ainsi que des impératifs de la puissance européenne et du « sens de l'Histoire », d'autre part ; qu'il leur soit difficile, aussi, de penser l'avenir sans le revêtir des cadres, des facilités et des contraintes du présent ; qu'il leur soit difficile, encore, d'accepter l'évolution des choses à court terme et notamment, à cet égard, l'impuissance immédiate des dissidents que nous sommes, à influer sur le cours des événements autrement que par le lobbying populiste ; qu'il leur soit difficile, enfin, de reconnaître que cette évolution pourrait, à moyen terme, tourner à notre avantage, même si son apparence déplairait peut-être encore à leur nationalisme exclusif et sentimental.

Cela dit, je vais terminer ce billet en revenant à son objet premier, en citant un économiste dont on ne parle quasiment jamais dans les grands médias, et qui est néanmoins, très probablement, un des types les plus fins et les plus pertinents qu'il soit possible de lire sur le sujet de la crise (limité aux aspects économiques et financiers ; pour le reste, je ne connais pas ses idées). Et pourtant, il officie sur un site réputé libéral ; comme quoi, je suis beaucoup moins sectaire que d'aucuns ne veulent le croire... J'ai nommé Philippe Béchade qui, sur La Chronique Agora, a pondu, le 9 de ce mois, un article dont je retiens surtout ces quelques paragraphes, que je lis et relis pour tenter de m'imprégner de la profonde intelligence de leur auteur, ainsi que de celle de ses sous-entendus, comme négligemment semés au hasard d'un style narquois et léger :

« La prospérité ou la disgrâce d’un pays ne sont jamais fixés pour l’éternité. Si l’on découvrait qu’une certaine variété d’oliviers qui ne pousse que dans le Péloponnèse fournit des composés chimiques uniques au monde qui favorisent la guérison de nombreux types de cancers, la Grèce deviendrait le pays le plus riche d’Europe, avec des excédents colossaux.

L’Allemagne la supplierait de voler au secours de ses banques qui n’en finissent pas de souffrir des dettes toxiques héritées de la crise des subprimes. Athènes ne manquerait pas de leur faire la leçon : “a-t-on l’idée d’être aussi bête de se fier à un pays qui imprime de faux dollars avec la même détermination que nous extrayons notre huile miracle”.

J’avoue qu’en ce qui concerne la Grèce, je ne connais pas l’avenir. En revanche, je connais bien les marchés financiers. Certains opérateurs ont pris un grand plaisir à noircir exagérément le tableau pour faire exploser les profits sur leurs positions de vente à découvert (via des ETF notamment) et leurs contrats à terme sur les métaux précieux. D’une pierre deux coups, elle est pas belle la vie ?

En d’autres termes, l’essentiel du jus du citron de la crise grecque a été extrait. Désormais, il va falloir trouver autre chose pour justifier le niveau de valorisation ridiculement bas des actions, non seulement des entreprises tournées vers les services aux collectivités mais également des banques.

Prenez par exemple la BNP Paribas : 1 500 milliards d’euros de conservation, 12 millions de clients au sein de la seule Zone euro (17 millions dans le monde entier) et des milliards de profits cumulés en dix ans. Mettez en balance la Grèce : 300 milliards d’euros de PIB pour 11,5 millions d’habitants.

En le présentant autrement, les 50 plus grandes banques européennes affichent 2 000 milliards d’euros de fonds propres. Certaines sont “un peu justes” (l’OCDE et Christine Lagarde ont raison sur ce point), d’autres en ont en excédent. Globalement, cela représente 10 fois les 200 milliards d’euros de pertes qu’elles pourraient encourir en prenant la pire hypothèse en matière de défaut de la Grèce (60% de dépréciation sur l’ensemble des instruments de dette émises).

La faillite de la Grèce absorberait 10% des fonds propres des banques. Celles qui se trouveraient en difficulté se tourneraient vers la BCE (qui a promis ce jeudi de continuer à les aider) ou le Trésor Public de leur pays d’origine, faisant du contribuable le garant en dernier ressort.

C’est désagréable à entendre mais c’est comme ça. La France vient de voter une enveloppe de 15 milliards d’euros en faveur de la Grèce. Cela représente la moitié du trou de la Sécurité sociale (que nous comblerons une fois encore à coup de hausse de CSG et de RDS).

S’il faut mettre 15 milliards d’euros sur la table (1% de notre PIB, amortissable sur 15 ans, soit 100 millions par an) pour sauver l’Europe, c’est un prix qui n’apparaît pas exorbitant et nos banques, comme nos ministres des Finances, sauront où trouver l’argent : dans nos poches probablement !

Pour résumer mon sentiment et vous éclairer définitivement sur ma stratégie à court et moyen terme, je pense que la Grèce ne fera pas faillite d’ici octobre (le mois des krachs boursiers). Les marchés ont donc de bonnes chance de rebondir de 10% ou plus — et les banques de 25 ou 30% voire davantage — avant la fin du mois de septembre.

Les placements défensifs (OAT, Bunds, T-Bonds, or, argent métal…) pourraient alors subir des arbitrages en faveur des actions, ce qui occasionnerait un repli temporaire.

Mais il impossible de se désendetter en s’endettant. De la Grèce à l’Espagne en passant par la Californie, l’Etat de New York, les fins de mois difficiles de la France ou encore le financement des guerres impériales des Etats-Unis… les pays occidentaux pourraient décider que l’inflation — une inflation demeurant sous contrôle dans un monde idéal — est la seule issue possible.

Ce qui signifie à moyen terme “l’euthanasie des rentiers” si la créature échappe à ses inventeurs, ce qui est toujours le cas dans les films d’horreur. Qui pourrait nier que nous vivons un film d’horreur économique depuis l’été 2008 ? Certainement pas moi ! »