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03/11/2011

Grèce : prendre un peu de recul...

 

Le directeur du LEAP se serait ridiculisé en louant les qualités du énième dernier plan de sauvetage européen de la Grèce et en pariant sur son succès, juste avant l'annonce par Papandréou d'un référendum sur la question et ses effets dévastateurs sur les cours de la Bourse.

On peut ne pas partager l'européisme de Franck Biancheri et de ses amis, bien qu'ils se réclament d'une vision plus démocratique de ce constructivisme, que ne le font les eurocrates de Bruxelles.

Mais je persiste à penser que, si on s’extrait une minute de l’actualité immédiate (les réactions à courte vue des marchés, le tintamarre médiatique sensationnaliste), Biancheri et le LEAP ont toujours assez largement raison.

Attention, je ne prends pas parti pour l’UE actuelle, ni pour sa politique, reflet néanmoins, ne l’oublions pas, des politiques nationales de ses Etats membres. J’essaie juste de deviner l’évolution globable de la situation.

Quelle que soit l’issue du référendum grec (si référendum il y a), la zone euro a fait la preuve, à l’initiative de l’Allemagne et malgré tous les lamentables cafouillages propres à la calamiteuse architecture politique européiste :

- de sa capacité (certes relative, mais tout de même) à faire payer les banques (au point qu’on peut se demander si Papandréou, outre son problème de légitimité politique interne à la Grèce, n’est pas en mission – il est demi-américain de naissance et a fait ses études aux Etats-Unis – pour la finance américaine) ;

- de son refus d’emboîter le pas aux délirants QE américains de Bernanke and Co. ;

- de sa volonté politique de conserver l’euro et d’en faire une monnaie de réserve susceptible de prendre le relais du dollar ;

- désormais, de laisser la Grèce suivre sa route (a priori, encore moins drôle sans l’euro qu’avec, mais c’est une opinion personnelle, je ne connais pas l’avenir), marquant ainsi non seulement une certaine lucidité quant à l’importance réelle (faible : 2,65 % du PIB de la zone euro) de ce pays au sein de l’Union monétaire, mais surtout, contrairement à ce qu’on peut lire ici et là, une volonté moins « totalitaire » que prévu.

A ce sujet, il est quand même assez amusant de voir Dupont-Aignan reprocher à la zone euro (en fait, au couple Sarkozy-Merkel, traités d’ « apprentis dictateurs ») de faire du chantage à la Grèce pour qu’elle renonce à son référendum ou fasse en sorte que le vote soit favorable à l’euro.

Qu’est-ce que les défenseurs à tous crins de la souveraineté et de la dignité des Grecs face aux banques entendent par ce « chantage » ?

Simplement, le fait qu’en cas de « non » à un éventuel référendum, eh bien, le dernier plan de sauvetage conclu avec l’accord des dirigeants grecs, ne serait pas appliqué. Fin des aides financières à la Grèce. Quoi de plus normal, puisque la Grèce n’en veut plus ?

Eh bien non. Les mêmes Français soucieux de leurs « petits sous », tellement en défaveur de toutes les aides à la Grèce tout en déplorant, la main sur le coeur, la situation du peuple grec (- « Oh, t’as vu le pauvre mendiant ? » – « Ah oui, c’est triste, mais faut surtout pas lui donner d’argent »…), viennent maintenant dire qu’il serait dégueulasse de faire ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire d’arrêter de donner (pardon, de prêter) à la Grèce ! C’est grotesque.

Il n’y a pas de « chantage ». Pourquoi les contribuables de la zone euro devraient-ils aider la Grèce malgré le revirement des dirigeants grecs sur le plan de sauvetage, aussi imparfait soit-il ?

Je veux bien que le peuple grec soit victime de la corruption de ses élites depuis des lustres, victime aussi de l’aide intéressée apportée à ses dirigeants par certaines grandes banques, que le prêt à intérêt c’est du vol, etc.

Mais tout de même, à un moment donné, il faut arrêter les mouchoirs et regarder la réalité en face.

La Grèce est un pays « souverain », comme certains aiment à le dire de la Slovaquie ; pays souverain, qui vit au-dessus de ses moyens depuis des lustres en truquant sa comptabilité publique, où la corruption est quasi-généralisée, où aucun effort de rationalisation fiscale n’a jamais été fait et qui a largement profité de son entrée dans la zone euro pour redoubler d’emprunts.

Et on voudrait nous faire croire que les Grecs sont tous des victimes, que ce sont les Français et les Allemands, riches prêteurs via leurs banquiers privés, les salauds ?

Le petit peuple grec est à plaindre. Le reste des Grecs, tout ceux qui ont bien profité du système, non. Que les élites grecques s’expliquent avec leurs électeurs et clients, cela ne nous regarderait que si nous adoptions le détestable « devoir d’ingérence » cher à Kouchner et BHL.

Personnellement, si Papandréou et l’ensemble des politiciens grecs étaient, dans les prochains mois, lynchés par une foule de nouveaux pauvres et pendus aux réverbères d’Athènes, je ne lèverais même pas un sourcil.

Mais qu’on ne vienne pas me dire qu’aider la Grèce contre la volonté de ses dirigeants, voire contre celle de son peuple (puisqu’il paraît que le référendum verrait un « non » massif au plan de sauvetage européen – j’en suis beaucoup moins sûr que les médias et la droâte nationale, tous d’accord avec les altermondialistes pour le coup, mais enfin…) ; qu’on ne vienne pas me dire, donc, qu’aider la Grèce si elle le refuse, ce serait justifiable d’une façon quelconque.

Ah au fait, une question à tous les grands savants furieusement en faveur d’une sortie de l’euro de la part de la Grèce : à qui ce pays ruiné va-t-il bien pouvoir emprunter pour continuer de financer son train de vie largement au-dessus de ses moyens ?

Admettons même que le gouvernement tombe et que, miracle, un autre plus intègre lui succède (on peut toujours rêver).

Admettons, suprême audace onirique, que ce gouvernement intègre décide de répudier la dette publique grecque, de faire défaut, de repartir de zéro.

Bon. Moi, je suis pour, hein. Jamais aimé les banquiers. Rien à foutre des épargnants qui seraient lésés par le défaut grec.

Seulement, le problème, pour la Grèce, c’est que, si elle pourra repartir (je suis d’accord avec Patrick Reymond qui donne l’exemple de l’Islande : quand on a fait faillite une bonne fois, on vous reprête, après ; sauf que l’Islande a des ressources naturelles et industrielles, et une réputation de travail, toutes choses qui ne sont pas si évidente du côté d’Athènes), il faudra quand même qu’elle encaisse un appauvrissement carabiné.

Que produit la Grèce ? Qu’a-t-elle à manger, à vendre, à exporter ? Sa marine marchande, à l’heure de la démondialisation ?

A force de ne voir que la finance, on en oublie l’essentiel, l’économie réelle.

La vraie question, c’est : comment les Grecs vont-ils encaisser une décroissance pour le moins gratinée, bien pire encore que celle contre laquelle ils manifestent déjà ? En développant le tourisme ? Si les touristes sont « accueillis » par le spectacle des Black blocks et de leurs barres de fer, le chiffre d’affaires risque d’être limité.

Les Grecs ont le choix : être prolongés de quelques années maximum par la zone euro et faire défaut avec tout le monde (ce qui est quand même plus convivial, plus festif : j’imagine les evzones dansant le sirtaki devant la fontaine Saint Michel en balançant des liasses d’euros sans valeur, applaudis par des ex-touristes allemands subitement néo-pauvres, coincés à Paris sans même un ticket de métro) ou plonger seuls, tout de suite, peut-être dans la révolution mais, avec certitude, dans la misère.

Sans parler du FMI et autres vautours et donc, d’une autre « tutelle » que celle de la zone euro, car qui voudra des obligations d’Etat grecques avec le taux record desquelles on nous bombarde quotidiennement ? Qui d’autre que le FMI voudra prêter à la Grèce ?

Alors, je pense… que malgré tout, la Grèce va rester dans l’euro.

Nous verrons bien.

Probablement, le LEAP s'illusionne sur la pérennité économique et financière de l'Europe actuelle. Il faut espérer, d'ailleurs, qu'il s'illusionne, parce que dans le cas contraire nous aurons, à terme, troqué la domination de l'hyperclasse anglo-saxonne, désormais vouée à l'affaiblissement voire à l'implosion, contre celle, exclusive, de l'hyperclasse ouest-européenne continentale.

Mais cela n'enlève rien, à mes yeux, à la pertinence de ses analyses par ailleurs.

Commentaires

" Rien à foutre des épargnants qui seraient lésés par le défaut grec."
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Curieux comme assertion ! Moi, j'ai une petite assurance vie à la Société Générale pour ma retraite et je suis en train de perdre 40 % de ce que j'ai investi pendant des années à la sueur de mon front...

Écrit par : Hautesribes | 03/11/2011

Rien à foutre, je confirme.

Écrit par : Boreas | 03/11/2011

Rien à foutre de ta retraite!

Écrit par : Three piglets | 03/11/2011

Excellente l'humour. Noir mais la vrais/triste réalité. Rien à rajouter. 97% des français sont des moutons.

Écrit par : Terra Light | 04/11/2011

Pour ma part, je ne me fiche pas de la retraite de Hautesribes mais me fiche des pertes des banques. Hautesribes est victime des banques comme le sont ceux qui se fichent de sa retraite. Si Hautesribes est victime des banques c'est bien la preuve que celles ci trompent leurs clients, mentent à la société, manipulent l'information et parasitent le système. Par son constat sur ses propres affaires, par sa crainte sur le futur proche, Hautesribes est de ceux qui trouvera peut être motivation à rejoindre les événements "vers la Révolution'. Hautesribes est notre image. Certes pas identique à chacun mais très proche de nos préoccupations et constatant les mêmes réalités de ce système de fourbe. Chacun lit selon soit ses pulsions, soit selon la disponibilité de son esprit. La relecture aide à mieux comprendre le message émis. Les expressions comme "Rien à foutre de ta retraite" et "Rien à foutre, je confirme" sont très certainement ce que disent les banques aux Peuples souverains.

Écrit par : Requis | 04/11/2011

Chers amis,


Quand on a conscience que la civilisation européenne est en train de disparaitre irrémédiablement, alors oui on s'en temponne de vos retraites comme de la mienne d'ailleurs.

En outre j'ajouterais que c'est la pespective de la retraite avec la vie de beauf qui va avec ( voyage à l'autre bout du monde, consummérisme à outrance...) qui empêche l'européen de se révolter.

Mandrin

Ps: Boreas encore merci pour la qualité de ce blog et les analyses pertinentes qu'on peut y lire.

Écrit par : Mandrin | 04/11/2011

Les points de vue de Requis et Mandrin, sans même parler de celui et de nos deux nouveaux banquiers ^^ (Boreas, vous étiez déjà commercial chez Volkswagen et voilà qu'on vous retrouve encore au guichet de la BNP...Quelle journée mon ami, quelle journée!) ne sont pourtant pas inconciliables...

vers la Révolution des choses, c'est une direction, une aspiration commune à bien des intervenants ici ou là. Disons simplement qu'il y a plusieurs niveaux d'analyse pour y parvenir et que ces derniers pour différents qu'ils soient, ne sont pas pour autant antagonistes, mais au contraire, complémentaires.

L'aventure, le projet Révolutionnaire, c'est un peu comme une fusée à étages au sommet de laquelle se trouve le spoutnik que l'on souhaite voir se mettre en orbite. Pour y parvenir, il faut que chaque étape soit respectée et que tous les étages jouent pleinement leur rôle.

Après, c'est question d'opportunités.

Écrit par : léonidas | 05/11/2011

Nous sommes à la veille de disparaitre de l'histoire, une mort collective avec une vie d'esclave pour chacun d'entre nous, et un paumé vient nous parler de sa retraite?
On se moque de qui?

Qu'il retire le pognon de son assurance-vie, et qu'il s'équipe avec.
Qu'il tire un trait sur sa retraite et son confort par la même occasion.

Que faut il faire alors?

Se battre pour que le système continue et ainsi que son assurance vie soit garantie?
Autrement dit, sacrifier une histoire multimillénaire et un avenir sur l'autel de sa petite retraite?
On va se saigner pour qu'un mec ait sa retraite et puisse partir en croisière 15 jours dans l'année?

Je crois que ce commentaire en dit long sur l'état des priorités de la majorité des Fds, les réveils vont être extrêmement douloureux!
J'en discutais récemment avec Drac d'ailleurs: la révolution, c'est couper la tête du pouvoir.
Et en France, c'est également couper le haut de la pyramide des âges, ce qui revient au même d'ailleurs: toute la structure économique tourne autour de la vampirisation du haut de la pyramide vers le bas.

Alors, une ou deux mesures révolutionnaires: fin des retraites, privées ou publiques (sous prétexte de faillite de l'état et des marchés), et fin de la sécurité sociale.
La correction démographique ne touche pas seulement la présence des cpf, mais également ce haut qui réclame qu'on lui paie sa retraite, soit par le public, soit par le privé.
La bulle immobilière explosera d'elle même quand la majorité des anciens proprio auront disparus de la circulation.

Alors vite! un effondrement, des frigos vides, des comptes en banques fermés, que cette vie de pacotille disparaisse irrémédiablement.

Écrit par : Three piglets | 05/11/2011

Exercice difficile que de prendre du recul sur l'actualité chaude ;)

La Grèce (comme d'autres pays) resteront dans la zone euro, car il n'existe pour l'heure aucune alternative crédible.

Quant au référendum, c'est une bulle qui a fait pschitt! Une manoeuvre assez minable de la part de Papandréou pour sauver son siège...

@3P

Notre système de sécurité social arrive en bout de souffle; le régime général étant lui même en déficit, on ne pourra financer les retraites qu'en diminuant (et pas qu'un peu) les pensions.... La générations des baby-boomers va mal le prendre (mais on s'en fiche, vu le contexte actuel et future, comme vous l'avez bien rappelé).

Oui le réveil sera douloureux, très douloureux...

Écrit par : Imperator. | 09/11/2011

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