30/11/2011
Souverainisme et rêveries eurosceptiques
« Nan, je t'assure, il faut sortir de l'euro, c'est mieux... »
Amusant, le mantra de certains, sur internet et ailleurs : « La zone euro va exploser ». Je me demande combien de fois par jour il faut le répéter pour que ça marche, parce que, depuis le temps que je l'entends ou plutôt, que je le lis, ça n'a pas l'air très efficace.
En tout cas, ce message est désormais en phase avec celui des médias du capital.
Comme quoi, le souverainisme, parfois, ça rend bien conformiste… Sauf que les médias du capital, ni celui-ci, ne sont pas devenus souverainistes, eux, si vous voyez ce que je veux dire.
Si la presse était indépendante, je serais plus disposé à la croire. Mais ce n’est absolument pas le cas.
Pourquoi, alors, est-elle aussi alarmiste que les souverainistes, depuis quelque temps ? Parce que la situation est grave ? Oh, il est vrai qu'elle est sérieuse. Bien moins grave, toutefois, que celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, que les marchés n'attaquent pas, eux. On se demande vraiment pourquoi.
J’ai ma petite idée.
Il faut faire peur (et éventuellement se faire peur, d’ailleurs - psychologie élémentaire) pour mieux faire accepter… quoi ? Mais ce qu’on prétend voué à l’explosion, voyons. En l'occurrence, une supranationalité renforcée des instances de la zone euro. « Limitée », mais renforcée. Avec, à la clé, peut-être, un vote à l'échelle européenne. Peur, vote... ça ne vous dit rien ?
Et qu’on ne me dise pas que c’est du « complotisme ».
La manipulation des foules a suffisamment été théorisée (par Gustave Le Bon, Bernays et Lippman, Tchakhotine, Noam Chomsky, Naomi Klein et même Bernard Werber…) et mise en oeuvre, pour rendre cette hypothèse crédible.
Je peux me tromper, bien sûr. Toujours est-il que, comme en ce moment les médias et le sémillant Nicolas Doze en particulier, moi aussi, gagné par l’eschatologisme ambiant, j’ai une vision. Sauf qu’elle est inverse.
Dans six mois ou dans deux ans, quand sera retombée l’hystérie collective entretenue par les saltimbanques terroristes du capital pour parvenir au Quantitative Easing (QE) que souhaite la haute finance, à commencer par les Goldman Sachs boys à la tête de la BCE, de l’Italie et de la Grèce (QE, qu’elle finira probablement par obtenir, quitte à sacrifier quelques banques dans l’intervalle, en attendant que Merkel cède son poste) ; quand se seront dégonflés les soufflés de la sacralisation de la dette et de l’inévitable austérité, et que la zone euro actuelle sera toujours là dans sa fuite en avant financière, malgré tous les savants augures de techniciens fossoyeurs divers et variés, le même Nicolas Doze nous dira qu’il était prévisible que le dollar s’écroulât et qu’il est heureux que notre glorieuse Eurozone ait tenu bon.
Ah, quelle rigolade ! Les visions d’hommes-troncs de la télé-poubelle courant après les ordres et le sens du vent, c’est toujours drôle, même si c'est pitoyable.
En tout cas, pendant que la bave monte aux lèvres de tous les eurosceptiques devant le spectacle anencéphale des économistes systémiques subitement mi-convertis au catastrophisme ambiant, la finance privée fait la gueule, mais tout le monde s’en fout (un passionnant article repris par Fortune sur les Hedge Funds, hier : pas un seul commentaire…).
Idem des USA, au sujet desquels on nous amuse avec des perspectives de possibilités d’intentions de velléités d’éventuelle baisse de notation, mais où les fondamentaux sont cassés sans appel, sans parler du vrai casse du siècle, celui-là, qui n’intéresse pas grand monde (c’est vrai, un éléphant sur la cuvette des toilettes, qu’est-ce que ça a d’inhabituel ?).
Bref.
« Les marchés sentent que l’on est au bout du bout et qu’il va se passer quelque chose. »
Sérieux, Mister OverDoze ?
Bah, quand on est « au bout du bout », c’est qu’on va... se faire enfiler, Mesdames Messieurs.
Désolé d’offusquer les chastes yeux de mes nombreuses mignonnes lectrices, mais c’est comme ça que ça se passe, historiquement, avec l’hyperclasse (remember 2005 : là aussi, on était « au bout du bout » avec l’UE et on sentait « qu’il allait se passer quelque chose »…).
Alors, inutile, je pense, de rêver à la fin de l’euro. Au contraire, dans l’immédiat, il est probable que nous allons avoir plus d’euro et donc, davantage d’austérité.
Mais quand la récession aura durablement entamé les exportations allemandes, je parie que même Angela Merkel suppliera la BCE de monétiser les dettes ; tout, plutôt que de perdre l’avantage commercial de l’euro (sauf si, un jour, les dettes publiques dans l’eurozone coûtaient trop cher à l’Allemagne : pour le moment, on en est encore très loin).
C’est peut-être à ce moment-là, quand l’Allemagne sera obligée de céder pour tenter de sauver ses exportations et que la haute finance satisfaite débloquera (réellement) la planche à billets, comme l'a fait la Fed il y a belle lurette, que se jouera le destin de cette monnaie.
Mais maintenant (alors qu’il suffirait de quelques petites décisions politiques pour « rassurer les marchés »…) ? C’est trop tôt.
Mariiine n’a même pas encore perdu les élections, c’est dire. Ce ne serait pas fair play.
Allez, encore un fantasme souverainiste.
Marianne, journal souverainiste degôôôche, c'est-à-dire comme un journal souverainiste dedroâââte mais-degôôôche-quoâ, fait plaisir aux lecteurs souverainistes dedroâââte, une fois de plus…
Bon, amusons-nous donc, ça ne coûte rien. Mais en réalité, si nous sortions de l’euro, que se passerait-il ?
De la théorie à la pratique, il y a un monde et ce que tous ces économistes souverainistes omettent de penser dire, c’est qu’à moins de croire au Père Noël, une sortie de l’euro ne s’accompagnerait PAS, contrairement à ce qu’il faudrait, d’un indispensable changement politique radical dans le pays concerné, permettant :
- de supprimer l’indépendance de la banque centrale et ainsi, de monétiser une partie de la dette (que celle-ci reste due en euros ou soit convertie en francs) ;
- de faire défaut sur une partie de la dette ;
- de réindustrialiser et de mettre en place un indispensable protectionnisme ; cela, d’extrême urgence ;
- de réduire ou de faire cesser les gaspillages (clientélisme, immigration-invasion...) ;
- bref, de réduire la dette et d’espérer sortir de la spirale infernale des déficits cumulés et de la croissance vertigineuse des intérêts dus aux banques privées.
Comme nos élites inchangées ne feraient donc rien de tout cela, notre si cher franc, rené de ses cendres sous les vivats de la foule souverainiste en délire, serait aussitôt attaqué sur les marchés, comme toute nouvelle monnaie nationale qui renaîtrait dans la zone euro, monnaie nationale plus faible, par définition, que l’euro.
Eh oui, c’est que l'Etat devrait continuer à s’y financer, sur les marchés, puisqu'il continuerait de faire des déficits et d'accumuler de la dette, que les changes flottants seraient maintenus, etc. Rien de changé.
Or, pourquoi ceux qui font actuellement monter les taux des OAT en euros, avec menace de perte du AAA, etc. (au fait, j'adore jargonner, comme se plaisent à le faire bien des économistes : ça permet de montrer sur quelle esbroufe technicienne repose la semi-arnaque de leur pseudo-science...) ; pourquoi, donc, ces gens se gêneraient-ils pour en faire autant, et bien pire, avec des OAT en francs, comme avec les mêmes dettes et expositions aux dettes de l’Italie et de l’Espagne notamment ?
D’autant que ne miroiterait plus, aux yeux des créanciers et spéculateurs, la perspective d’un secours via le FESF, etc. ; bref, via une zone euro possiblement solidaire.
Un problème ? Direction la schlague du FMI, direct. Et là, à mon avis, pas de décote à espérer aux frais des banques, pas de gentillesse ; rien que du dur, du brut de décoffrage… Avec, par-dessus le marché, le sourire de dromadaire de Christine Lagarde. Ô joie.
En résumé, une situation pire.
La solution, je pense, ce serait que l’euro (et l’UE) se transforment de l’intérieur, sous la pression des événements et notamment, de la montée du populisme en Europe, pour passer d’une monnaie unique à une monnaie commune et d’une dictature unioniste supranationale à une confédération limitée aux réels intérêts communs et ne portant pas atteinte aux souverainetés nationales.
A mon avis, la situation n’est pas encore mûre et la plupart des dirigeants actuels de la zone euro sont soit trop obtus et dépassés, voire corrompus, soit trop peu inquiets pour envisager des solutions aussi radicales et hétérodoxes.
Néanmoins, la crise s’accélère. Dans ce contexte de dégradation générale, une constante à ne pas négliger : ce que les politiciens veulent avant tout conserver, ce sont leurs postes, quitte à faire évoluer leur offre. Or, n’oublions pas qu’en 2012, des élections auront lieu en France et surtout, six mois plus tard, aux Etats-Unis (avec une possible surprise) ; et enfin, en 2013, en Allemagne.
Ce qui est couramment imaginé aujourd’hui n’est certainement pas ce qui sera demain. La vie détrompe, en général, toutes les anticipations.
Et si les choses ne changent pas de l’intérieur, le mode (r)évolutionnaire sera moins doux, puisqu’il devra passer par une phase de conflit pour imposer la nécessaire rotation des élites.
16:29 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Politique, Propagande | Lien permanent | Tags : souverainisme, eurosceptiques, zone euro, sortir, médias, capital, manipulation des foules, etats-unis, ue, usa, royaume-uni, dettes, bce, allemagne, angela merkel, protectionnisme, réindustrialisation, immigration, défaut, marchés, fesf, fmi, monnaie commune, élections, rotation des élites | Facebook | | Imprimer | |