23/06/2013
« Dissoudre la famille »
Vous estimez urgent d'abandonner le nom de «gauche», de changer de signifiant pour désigner les forces politiques qui prendraient à nouveau en compte les intérêts de la classe ouvrière... Un nom ne peut-il pourtant ressusciter par-delà ses blessures historiques, ses échecs, ses encombrements passés ? Le problème est d'ailleurs exactement le même pour le mot «socialisme», qui après avoir qualifié l'entraide ouvrière chez un Pierre Leroux s'est mis, tout à fait a contrario, à désigner dans les années 80 les turlupinades d'un Jack Lang. Ne pourrait-on voir dans ce désir d'abolir un nom de l'histoire comme un écho déplaisant de cet esprit de la table rase que vous dénoncez sans relâche par ailleurs ?
Jean-Claude Michéa : Si j'en suis venu - à la suite, entre autres, de Cornelius Castoriadis et de Christopher Lasch - à remettre en question le fonctionnement, devenu aujourd'hui mystificateur, du vieux clivage gauche-droite, c'est simplement dans la mesure où le compromis historique forgé, au lendemain de l'affaire Dreyfus, entre le mouvement ouvrier socialiste et la gauche libérale et républicaine (ce «parti du mouvement» dont le parti radical et la franc-maçonnerie voltairienne constituaient, à l'époque, l'aile marchante) me semble désormais avoir épuisé toutes ses vertus positives.
A l'origine, en effet, il s'agissait seulement de nouer une alliance défensive contre cet ennemi commun qu'incarnait alors la toute-puissante «réaction». Autrement dit, un ensemble hétéroclite de forces essentiellement précapitalistes qui espéraient encore pouvoir restaurer tout ou partie de l'Ancien Régime et, notamment, la domination sans partage de l'Eglise catholique sur les institutions et les âmes. Or cette droite réactionnaire, cléricale et monarchiste a été définitivement balayée en 1945 et ses derniers vestiges en Mai 68 (ce qu'on appelle de nos jours la «droite» ne désigne généralement plus, en effet, que les partisans du libéralisme économique de Friedrich Hayek et de Milton Friedman).
Privé de son ennemi constitutif et des cibles précises qu'il incarnait (comme, la famille patriarcale ou l'«alliance du trône et de l'autel») le «parti du mouvement» se trouvait dès lors condamné, s'il voulait conserver son identité initiale, à prolonger indéfiniment son travail de «modernisation» intégrale du monde d'avant (ce qui explique que, de nos jours, «être de gauche» ne signifie plus que la seule aptitude à devancer fièrement tous les mouvements qui travaillent la société capitaliste moderne, qu'ils soient ou non conformes à l'intérêt du peuple, ou même au simple bon sens).
Or, si les premiers socialistes partageaient bien avec cette gauche libérale et républicaine le refus de toutes les institutions oppressives et inégalitaires de l'Ancien Régime, ils n'entendaient nullement abolir l'ensemble des solidarités populaires traditionnelles ni donc s'attaquer aux fondements mêmes du «lien social» (car c'est bien ce qui doit inéluctablement arriver lorsqu'on prétend fonder une «société» moderne - dans l'ignorance de toutes les données de l'anthropologie et de la psychologie - sur la seule base de l'accord privé entre des individus supposés «indépendants par nature»).
La critique socialiste des effets atomisants et humainement destructeurs de la croyance libérale selon laquelle le marché et le droit abstrait pourraient constituer, selon les mots de Jean-Baptiste Say, un «ciment social» suffisant (Engels écrivait, dès 1843, que la conséquence ultime de cette logique serait, un jour, de «dissoudre la famille») devenait dès lors clairement incompatible avec ce culte du «mouvement» comme fin en soi, dont Eduard Bernstein avait formulé le principe dès la fin du XIXe siècle en proclamant que «le but final n'est rien» et que «le mouvement est tout».
10:38 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Histoire, Politique, Propagande, Psychologie, Stratégie | Lien permanent | Tags : jean-claude michéa, famille, dissoudre, logique libérale, droite, gauche, socialisme, affaire dreyfus, parti du mouvement, modernisation, capitalisme, solidarités, société du spectacle, travailleurs, peuple, néomoralisme, intelligentsia, christiane taubira, individu isolé, décroissance, produire, accumuler, common decency, individualisme, révolte, liberté | Facebook | | Imprimer | |
22/06/2013
L'homme révolté
« Qu'est-ce qu'un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s'il refuse, il ne renonce pas : c'est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. Un esclave, qui a reçu des ordres toute sa vie, juge soudain inacceptable un nouveau commandement. Quel est le contenu de ce "non" ?
Il signifie, par exemple, "les choses ont trop duré", "jusque-là oui, au-delà non", "vous allez trop loin", et encore, "il y a une limite que vous ne dépasserez pas". En somme, ce non affirme l'existence d'une frontière. On retrouve la même idée de limite dans ce sentiment du révolté que l'autre "exagère", qu'il étend son droit au-delà d'une frontière à partir de laquelle un autre droit lui fait face et le limite. Ainsi, le mouvement de révolte s'appuie, en même temps, sur le refus catégorique d'une intrusion jugée intolérable et sur la certitude confuse d'un bon droit, plus exactement l'impression, chez le révolté, qu'il est "en droit de...". La révolte ne va pas sans le sentiment d'avoir soi-même, en quelque façon, et quelque part, raison. C'est en cela que l'esclave révolté dit à la fois oui et non. Il affirme, en même temps que la frontière, tout ce qu'il soupçonne et veut préserver en deçà de la frontière. Il démontre, avec entêtement, qu'il y a en lui quelque chose qui "vaut la peine de...", qui demande qu'on y prenne garde. D'une certaine manière, il oppose à l'ordre qui l'opprime une sorte de droit à ne pas être opprimé au-delà de ce qu'il peut admettre.
En même temps que la répulsion à l'égard de l'intrus, il y a dans toute révolte une adhésion entière et instantanée de l'homme à une certaine part de lui-même. Il fait donc intervenir implicitement un jugement de valeur, et si peu gratuit, qu'il le maintient au milieu des périls. Jusque-là, il se taisait au moins, abandonné à ce désespoir où une condition, même si on la juge injuste, est acceptée. Se taire, c'est laisser croire qu'on ne juge et ne désire rien et, dans certains cas, c'est ne désirer rien en effet. Le désespoir, comme l'absurde, juge et désire tout, en général, et rien, en particulier. Le silence le traduit bien. Mais à partir du moment où il parle, même en disant non, il désire et juge. Le révolté, au sens étymologique, fait volte-face. Il marchait sous le fouet du maître. Le voilà qui fait face. Il oppose ce qui est préférable à ce qui ne l'est pas. Toute valeur n'entraîne pas la révolte, mais tout mouvement de révolte invoque tacitement une valeur. S'agit-il au moins d'une valeur ?
Si confusément que ce soit, une prise de conscience naît du mouvement de révolte : la perception, soudain éclatante, qu'il y a dans l'homme quelque chose à quoi l'homme peut s'identifier, fût-ce pour un temps. Cette identification jusqu'ici n'était pas sentie réellement. Toutes les exactions antérieures au mouvement d'insurrection, l'esclave les souffrait. Souvent même, il avait reçu sans réagir des ordres plus révoltants que celui qui déclenche son refus. Il y apportait de la patience, les rejetant peut-être en lui-même, mais, puisqu'il se taisait, plus soucieux de son intérêt immédiat que conscient encore de son droit. Avec la perte de la patience, avec l'impatience, commence au contraire un mouvement qui peut s'étendre à tout ce qui, auparavant, était accepté. Cet élan est presque toujours rétroactif. L'esclave, à l'instant où il rejette l'ordre humiliant de son supérieur, rejette en même temps l'état d'esclave lui-même. Le mouvement de révolte le porte plus loin qu'il n'était dans le simple refus. Il dépasse même la limite qu'il fixait à son adversaire, demandant maintenant à être traité en égal. Ce qui était d'abord une résistance irréductible de l'homme devient l'homme tout entier qui s'identifie à elle et s'y résume. Cette part de lui-même qu'il voulait faire respecter, il la met alors au-dessus du reste, et la proclame préférable à tout, même à la vie. Elle devient pour lui le bien suprême. Installé auparavant dans un compromis, l'esclave se jette d'un coup ("puisque c'est ainsi...") dans le Tout ou Rien. La conscience vient au jour avec la révolte.
Mais on voit qu'elle est conscience, en même temps, d'un tout, encore assez obscur, et d'un "rien" qui annonce la possibilité de sacrifice de l'homme à ce tout. Le révolté veut être tout, s'identifier totalement à ce bien dont il a soudain pris conscience et dont il veut qu'il soit, dans sa personne, reconnu et salué - ou rien, c'est-à-dire se trouver définitivement déchu par la force qui le domine. À la limite, il accepte la déchéance dernière qui est la mort, s'il doit être privé de cette consécration exclusive qu'il appellera, par exemple, sa liberté. Plutôt mourir debout que de vivre à genoux. (...) »
14:20 Écrit par Boreas dans Crise, Littérature, Philosophie, Politique, Psychologie | Lien permanent | Tags : albert camus, l'homme révolté, limite, frontière, désespoir, esclave, maître, se taire, parler, prise de conscience, valeur, tout ou rien, impatience, insurrection, sacrifice, liberté, vivre à genoux, mourir debout | Facebook | | Imprimer | |
21/06/2013
Rage contre le régime
(Juste pour l'ambiance)
Rendez-vous dimanche 23 juin 2013 à 20 heures, à Paris, place Dauphine.
Lisez aussi le récit et les conseils de Maître Pichon sur Le Salon Beige.
Et la réaction d'un magistrat. En cas de problème, elle est aussi ici et là.
Le président aux 1.500 CRS de compagnie a annulé sa visite à Sciences-Po. Manif ce soir à 18 heures, à Paris, place du Panthéon.
03:38 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Identité, Musique, Politique, Propagande, Psychologie, Société | Lien permanent | Tags : rage, dictature, arbitraire, prison, régime, nicolas bernard buss, mpt, manif pour tous, nickelback, burn it to the ground | Facebook | | Imprimer | |
19/06/2013
Jeunesse
Découvert ce soir lors d'une nouvelle veillée (Manif Pour Tous), ce poème tellement vrai :
« La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.
On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années : on devient vieux parce qu’on a déserté un idéal. Les années rident la peau, renoncer à son idéal ride l’âme. Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui lentement nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort.
Jeune est celui qui s’étonne, qui s’émerveille. Il demande comme l’enfant insatiable : "et après ?". Il défie les événements et trouve la joie au jeu de la vie.
Vous êtes aussi jeune que votre foi. Aussi vieux que votre doute. Aussi jeune que votre confiance en vous-même. Aussi jeune que votre espoir. Aussi vieux que votre abattement.
Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptif. Réceptif à ce qui est beau, bon et grand. Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini. Si un jour, votre coeur allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard. »
Samuel Ullman (1840 - 1924), vers 1915
Pour l'anecdote, c'était le poème préféré du général Douglas Mac Arthur et il est particulièrement apprécié au Japon.
23:58 Écrit par Boreas dans Identité, Philosophie, Poésie, Psychologie | Lien permanent | Tags : jeunesse, état d'esprit, aventure, confort, vieux, vieillesse, idéal, foi, espérance, samuel ullman | Facebook | | Imprimer | |
16/06/2013
« On pensait bien qu'il y en aurait un, un jour, qui viendrait nous voir... »
Bah oui, Monsieur le Député, c'est que vous découvrez l'eau chaude. La rupture est totale entre le peuple et ses soi-disants représentants, et rien ne pourra plus vous sauver, vous et vos pareils, bande d'autistes rentiers du foutage de gueule :
« Neuf personnes sur dix me disent : ça va péter. Et encore, j'ai du mal à trouver la dixième. On nous déteste, nous les politiques, on n'a plus confiance en nous. Alors, tout y passe : les affaires, le mariage gay... l'actualité. Mais l'on sent que le rejet est plus profond, c'est un rejet total.
Je ne suis pas un oiseau tombé du nid. Depuis 1977 j'ai occupé tous les mandats locaux que l'on peut avoir et pourtant, je me rends compte que la réalité de notre pays est pire que ce que j'avais imaginé.
[J'ai senti] s'accroître le décalage entre le peuple et ses représentants. La réalité est difficile à percevoir depuis les bancs de l'Assemblée et même dans ma circonscription ou dans les discussions avec les proches.
Les gens que je rencontre, c'est Monsieur tout le monde. Et, à ma grande surprise, ils ne sont pas étonnés par ma démarche, c'est comme s'ils me disaient : "on pensait bien qu'il y en aurait un, un jour, qui viendrait nous voir en dehors des campagnes électorales".
Une phrase revient tous les jours. "Ne déformez pas ce que nous vous avons dit, dites-leur qu'on n'en peut plus, que la cocotte minute va exploser, qu'on n'a plus aucune confiance en vous, les politiques". Seuls les maires sont épargnés parce qu'on les connaît et qu'on peut les engueuler tous les jours.
Autre rejet que je n'avais pas identifié à ce point : l'Europe. On n'a pas cru le peuple assez compétent pour construire ce grand projet qui n'était pas de leur niveau. Le non au référendum sur la constitution que Sarkozy a fait ensuite adopter par le parlement a été vécu comme une trahison. Et puis, ces questions récurrentes, comment a-t-on pu laisser tomber notre agriculture, notre industrie sans que personne ne s'y oppose. [Il y a] un sentiment d'abandon et de colère.
Dans le monde rural, habitué aux grandes manifestations, au dialogue fort, on sent aujourd'hui de la résignation. Même chose dans l'industrie où le seul objectif, c'est d'essayer de négocier au mieux la prime la plus élevée du plan social.
Par dessus tout cela, il y a la question de l'identité. "On ne sait plus si on est Lorrain, Français, Européen, Mondiaux. On n'a plus idée de qui on est et de qui nous dirige. Vous parlez du peuple M. le Député, mais de quel peuple ? On n'est qu'un troupeau de gens éparpillés aux quatre vents". »
12:14 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Identité, Politique, Psychologie, Société | Lien permanent | Tags : jean lassalle, découverte de l'eau chaude, décalage, trahison, rupture, rejet, peuple, politiques, élites, représentants | Facebook | | Imprimer | |
15/06/2013
Le visage du courage
Entretien réalisé par le Guardian, publié le 10 juin 2013 (pas trouvé d'autre traduction que celle d'E&R, n'en déduisez pas une soudaine soralolâtrie...).
13:44 Écrit par Boreas dans Crise, Géopolitique, Politique, Psychologie, Société, Stratégie | Lien permanent | Tags : courage, edward snowden, prism, etats-unis, cia, nsa, espionnage, vie privée, libertés, internet, réseaux sociaux, big brother | Facebook | | Imprimer | |
13/06/2013
Le silence dérange
« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas tout d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »
Georges Bernanos, La France contre les robots, 1947
(merci à @polomnic pour le rappel)
Vous allez passer un pénible moment si vous regardez cette vidéo, tournée par des crétins pour des crétins, montrant des crétins à faciès de crétins tentant vainement de perturber des gens sains et pacifiques en se conduisant avec une stupidité et une vulgarité sans nom. Vous aurez envie de l'arrêter au bout de quelques instants, sauf à être un monstre de compassion pour ectoplasmes atteints de déchéance terminale (ce qui n'est pas mon cas, donc j'ai dû lutter pour regarder jusqu'au bout).
Mais parfois, il faut souffrir un peu pour réaliser pleinement une vérité et en l'occurrence, cette vérité, c'est que les crétins ne supportent pas le silence et la sérénité, surtout quand ceux qui les vivent portent un message politique fondamental, incarnant le premier de ceux qu'Henri Hude appelle « les trois grands fleuves sociaux » de la France.
C'était hier à Angers. Les Veilleurs ont été exemplaires. J'avoue que je ne sais pas si j'aurais pu. Avec leur aide, peut-être. En tout cas, je sais qui, d'eux ou des crétins, était gêné et c'est une formidable confirmation stratégique.
Merci infiniment aux crétins pour la publicité qu'ils nous font, et de se conduire aussi bêtement, ce qui met en valeur ce qu'ils dénigrent.
23:58 Écrit par Boreas dans Crise, Identité, Politique, Psychologie, Société, Stratégie | Lien permanent | Tags : mpt, manif pour tous, veilleurs, crétins, angers, vie intérieure, silence, bruit, modernité, georges bernanos | Facebook | | Imprimer | |
12/06/2013
Misère de la modernité
Je rentre d'une veillée (Manif Pour Tous). Quelqu'un a lu ça, que je ne connaissais pas :
« (...) Aujourd’hui, je suis profondément triste – et en profondeur. Je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine. Qui, n’ayant connu que le bar, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd’hui dans une action strictement grégaire qui n’a plus aucune couleur. On ne sait pas le remarquer. Prenez le phénomène militaire d’il y a cent ans. Considérez combien il intégrait d’efforts pour qu’il fût répondu à la vie spirituelle, poétique ou simplement humaine de l’homme. Aujourd’hui que nous sommes plus desséchés que des briques, nous sourions de ces niaiseries. Les costumes, les drapeaux, les chants, la musique, les victoires (il n’est pas de victoire aujourd’hui, rien qui ait la densité poétique d’un Austerlitz. Il n’est que des phénomènes de digestion lente ou rapide), tout lyrisme sonne ridicule et les hommes refusent d’être réveillés à une vie spirituelle quelconque. Ils font honnêtement une sorte de travail à la chaîne. Comme dit la jeunesse américaine : "Nous acceptons honnêtement ce job ingrat" et la propagande, dans le monde entier, se bat les flancs avec désespoir. Sa maladie n’est point d’absence de talents particuliers, mais de l’interdiction qui lui est faite de s’appuyer, sans paraître pompière, sur les grands mythes rafraîchissants. De la tragédie grecque, l’humanité, dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de M. Louis Verneuil (on ne peut guère aller plus loin). Siècle de la publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux ni messe pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif.
Ah ! Général, il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. Si j’avais la foi, il est bien certain que, passé cette époque de "job nécessaire et ingrat", je ne supporterais plus que Solesmes. On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du XVe siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots. Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources : les impasses du système économique du XIXe siècle, le désespoir spirituel. Pourquoi Mermoz a-t-il suivi son grand dadais de colonel sinon par soif ? Pourquoi la Russie ? Pourquoi l’Espagne ? Les hommes ont fait l’essai des valeurs cartésiennes : hors les sciences de la nature, ça ne leur a guère réussi. Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. Ça déborde le problème de la vie religieuse qui n’en est qu’une forme (bien que peut-être la vie de l’esprit conduise à l’autre nécessairement). Et la vie de l’esprit commence là où un être "un" est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L’amour de la maison – cet amour inconnaissable aux États-Unis – est déjà de la vie de l’esprit.
Et la fête villageoise et le culte des morts (je cite ça, car il s’est tué depuis mon arrivée ici deux ou trois parachutistes, mais on les a escamotés : ils avaient fini de servir). Cela c’est de l’époque, non de l’Amérique : l’homme n’a plus de sens.
Il faut absolument parler aux hommes. (...) »
23:59 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Histoire, Littérature, Philosophie, Politique, Psychologie | Lien permanent | Tags : misère, modernité, antoine de saint exupéry, homme, sens, robots, désespoir spirituel, vie, esprit | Facebook | | Imprimer | |
10/06/2013
Révolution républicaine
« (...) La situation politique en France comporte (...) quelque chose de radicalement nouveau, incompréhensible à la seule science politique et dont la compréhension requiert l’adoption d’un point de vue philosophique. La seule révolte contre la dictature nihiliste ne suffirait pas à produire un mouvement de la nature de celui que nous observons. Un principe spirituel nouveau est à l’œuvre ici. C’est en cela qu’il y a réellement révolution.
C’est une mutation soudaine qui s’est produite, et ce qu’on en voit n’est qu’un début. Nous ne sommes plus en présence d’un affrontement droite/gauche traditionnel en France, avec d’un côté les "conservateurs", ou la "réaction", et de l’autre un "front progressiste". Nous sommes au contraire en face d’un retournement dialectique d’ampleur historique, conduisant au renouvellement complet des règles du jeu et, en particulier, à une renaissance très originale de l’idée républicaine.
Cette légitimité qui s’oppose aujourd’hui à cette légalité (ou apparence de légalité) qui n’a jamais fait défaut aux pires tyrannies, c’est encore et toujours, en France, la légitimité républicaine et c’est celle de l’Histoire. Mais qu'est-ce que la République ? Nous allons essayer de le dire.
23:00 Écrit par Boreas dans Crise, Culture, Economie, Histoire, Identité, Philosophie, Politique, Psychologie, Société | Lien permanent | Tags : henri hude, révolution, république, nouveauté, dictature, nihilisme, spirituel, renaissance, idée républicaine, légitimité, légalité, mariage gay, loi taubira, libéral, libertaire, libéralisme, despotisme, traditions, unification, refondation, immoralité, liberté, arbitraire, démocratie, idéologies, oligarchie, opposition, familles, emploi, territoires, entreprises, entrepreneurs, résistance, combat | Facebook | | Imprimer | |
09/06/2013
Jeu, set et match
C'est encore Le Salon Beige qui était sur le coup.
Vendredi au Trocadéro, ça rigolait moins, des choses intéressantes ont été dites :
21:33 Écrit par Boreas dans Crise, Identité, Politique, Psychologie, Stratégie | Lien permanent | Tags : mpt, manif pour tous, hommen, roland garros, tennis, finale, tournoi, nadal, ferrer, hollande démission, avocats, trocadéro, plaintes, arrestations arbitraires, police, etat | Facebook | | Imprimer | |