Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/02/2012

Deuil

25/01/2012

L'individualisme, fondement de la modernité

 

« (...) Louis Dumont a bien montré le rôle joué par le christianisme dans le passage en Europe d'une société traditionnelle de type holiste à une société moderne de type individualiste. Dès l'origine, le christianisme pose l'homme comme un individu qui, avant toute autre relation, est en relation intérieure avec Dieu et qui peut désormais espérer faire son salut grâce à sa transcendance personnelle. Dans cette relation avec Dieu s'affirme la valeur de l'homme en tant qu'individu, valeur au regard de laquelle le monde se trouve nécessairement abaissé ou dévalué. L'individu est par ailleurs, à l'égal de tous les autres hommes, titulaire d'une âme individuelle. Egalitarisme et universalisme s'introduisent ainsi sur un plan ultramondain : la valeur absolue que l'âme individuelle reçoit de sa relation filiale à Dieu est partagée par toute l'humanité.

Marcel Gauchet a repris ce constat d'un lien de causalité entre l'émergence d'un Dieu personnel et la naissance d'un homme intérieur, dont le sort dans l'au-delà ne dépend que de ses agissements individuels, et dont l'indépendance s'amorce déjà dans la possibilité d'une relation intime avec Dieu, c'est-à-dire d'une relation qui n'engage que lui seul. "Plus Dieu s'éloigne en son infini, écrit Gauchet, plus le rapport avec lui tend à devenir purement personnel, jusqu'à exclure toute médiation institutionnelle. Elevé à son absolu,le sujet divin n'a plus de légitime répondant terrestre que dans la présence intime. Ainsi l'intériorité de départ devient-elle carrément individualité religieuse" (Le désenchantement du monde, Gallimard, 1985, p. 77).

L'enseignement paulinien révèle une tension dualiste qui fait du chrétien, sur le plan de sa relation avec Dieu, un "individu hors du monde" : devenir chrétien implique en quelque façon de renoncer au monde. Cependant, dans le cours de l'histoire, l'individu hors du monde va progressivement contaminer la vie mondaine. Au fur et à mesure qu'il acquerra le pouvoir de conformer le monde conformément à ses valeurs, l'individu qui se posait au départ comme hors de ce monde va revenir progressivement s'y immerger pour le transformer en profondeur. Le processus s'effectuera en trois étapes principales. Dans un premier temps, la vie dans le monde n'est plus refusée, mais relativisée : c'est la synthèse augustinienne des deux cités. Dans un second temps, la papauté s'arroge une puissance politique et devient elle-même puissance temporelle. Enfin, avec la Réforme, l'homme s'investit totalement dans le monde, où il travaille à la gloire de Dieu en recherchant un succès matériel qu'il interprète comme la preuve même de son élection. Le principe d'égalité et d'individualité, qui ne fonctionnait initialement que dans le registre de la relation avec Dieu, et pouvait donc encore coexister avec un principe organique et hiérarchique structurant le tout social, va ainsi se trouver progressivement ramené sur terre pour aboutir à l'individualisme moderne, qui en représente la projection profane. "Pour que naisse l'individualisme moderne, écrit Alain Renaut exposant les thèses de Louis Dumont, il faudra que la composante individualiste et universaliste du christianisme vienne pour ainsi dire 'contaminer' la vie moderne, au point que progressivement les représentations s'unifieront, le dualisme initial s'effacera et 'la vie dans le monde sera conçue comme pouvant être entièrement conformée à la valeur suprême' : au terme de ce processus, 'l'individu-hors-le-monde sera devenu le moderne individu-dans-le-monde' " (L'ère de l'individu. Contribution à une histoire de la subjectivité, Gallimard, 1989, pp. 76-77).

La société organique de type holiste aura alors disparu. Pour reprendre une distinction célèbre, on sera passé de la communauté à la société, c'est-à-dire à la vie commune conçue comme simple association contractuelle. Ce ne sera plus le tout social qui viendra en premier, mais des individus titulaires de droits individuels, liés entre eux par des contrats rationnels intéressés. Un important moment de cette évolution correspond au nominalisme, qui affirme au XIVe siècle, avec Guillaume d'Occam, qu'aucun être n'existe au-delà de l'être singulier. Un autre moment-clé correspond au cartésianisme, qui pose déjà, dans le champ philosophique, l'individu tel qu'il sera plus tard supposé par la perspective juridique des droits de l'homme et par celle, intellectuelle, de la raison des Lumières. A partir du XVIIIe siècle, cette émancipation de l'individu par rapport à ses attaches naturelles sera régulièrement interprétée comme marquant l'accession de l'humanité à l' "âge adulte", dans une perspective de progrès universel. Sous-tendue par la pulsion individualiste, la modernité se caractérisera au premier chef comme le processus par lequel les groupes de parenté ou de voisinage, et les communautés plus larges, se désagrègeront progressivement pour "libérer l'individu", c'est-à-dire en fait pour dissoudre tous les rapports organiques de solidarité. (...) »

Alain de Benoist

06/01/2012

Liberté

6 janvier 1412 - 6 janvier 2012


(Renée Falconetti dans La Passion de Jeanne d'Arc, de Carl Theodor Dreyer - 1928)

25/12/2011

Jean Sébastien Bach : Oratorio de Noël

Par le Concentus Musicus de Vienne, direction : Nikolaus Harnoncourt (2007).

22/12/2011

Solstice

Helios accompagné des Heures, guidé par Apollon et précédé par l'Aurore
(fresque de Guido Reni, 1614 - Palazzo Pallavicini Rospigliosi, Rome)

 

Joyeux solstice à tous les camarades, connus et inconnus.

Vive la crise.

Vive la révolution.

30/11/2011

Mythe fondateur : brandir l'épée

 

 

11/11/2011

Ataraxie

03:39 Écrit par Boreas dans Nature, Philosophie, Religion | Lien permanent | Tags : 11 novembre, naissance, existence, mort, vie, ataraxie |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |

16/10/2011

« Le système de l’argent périra par l’argent »

 

« (...) Les excès du prêt à intérêt étaient condamnés à Rome, ainsi qu’en témoigne Caton selon qui, si l’on considère que les voleurs d’objets sacrés méritent une double peine, les usuriers en méritent une quadruple. Aristote, dans sa condamnation de la chrématistique, est plus radical encore. "L’art d’acquérir la richesse", écrit-il, "est de deux espèces : l’une est sa forme mercantile et l’autre une dépendance de l’économie domestique ; cette dernière forme est nécessaire et louable, tandis que l’autre repose sur l’échéance et donne prise à de justes critiques, car elle n’a rien de naturel […] Dans ces conditions, ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt parce que le gain qu’on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé à sa création. Car la monnaie a été inventée en vue de l’échange, tandis que l’intérêt multiplie la quantité de monnaie elle-même […] L’intérêt est une monnaie née d’une monnaie. Par conséquent, cette façon de gagner de l’argent est de toutes la plus contraire à la nature" (Politique).

Le mot "intérêt" désigne le revenu de l’argent (foenus ou usura en latin, tókos en grec). Il se rapporte à la façon dont l’argent "fait des petits". Dès le haut Moyen Age, l’Eglise reprend à son compte la distinction qu’avait faite le droit romain pour le prêt de biens mobiliers : il y a des choses qui se consument par l’usage et des choses qui ne se consument pas, qu’on appelle commodatum. Exiger un paiement pour le commodat est contraire au bien commun, car l’argent est un bien qui ne se consume pas. Le prêt à intérêt sera condamné par le concile de Nicée sur la base des "Ecritures" – bien que la Bible ne le condamne précisément pas ! Au XIIe siècle, l’Eglise reprend à son compte la condamnation aristotélicienne de la chrématistique. Thomas d’Aquin condamne également le prêt à intérêt, avec quelques réserves mineures, au motif que "le temps n’appartient qu’à Dieu". L’islam, plus sévère encore, ne fait même pas de distinction entre l’intérêt et l’usure.

La pratique du prêt à intérêt s’est pourtant développée progressivement, en liaison avec la montée de la classe bourgeoise et l’expansion des valeurs marchandes dont elle a fait l’instrument de son pouvoir. A partir du XVe siècle, les banques, les compagnies de commerce, puis les manufactures, peuvent rémunérer des fonds empruntés, sur dérogation du roi. Un tournant essentiel correspond à l’apparition du protestantisme, et plus précisément du calvinisme. Jean Calvin est le premier théologien à accepter la pratique du prêt à intérêt, qui se répand alors par le biais des réseaux bancaires. Avec la Révolution française, le prêt à intérêt devient entièrement libre, tandis que de nouvelles banques apparaissent en grand nombre, dotées de fonds considérables provenant surtout de la spéculation sur les biens nationaux. Le capitalisme prend alors son essor.

A l’origine, l’usure désigne simplement l’intérêt, indépendamment de son taux. Aujourd’hui, on appelle "usure" l’intérêt d’un montant abusif attribué à un prêt. Mais l’usure est aussi le procédé qui permet d’emprisonner l’emprunteur dans une dette qu’il ne peut plus rembourser, et à s’emparer des biens qui lui appartiennent, mais qu’il a accepté de donner en garantie. C’est très exactement ce que nous voyons se passer aujourd’hui à l’échelle planétaire.

Le crédit permet de consommer l’avenir dès le moment présent. Il repose sur l’utilisation d’une somme virtuelle que l’on actualise en lui attribuant un prix, l’intérêt. Sa généralisation fait perdre de vue le principe élémentaire selon lequel on doit limiter ses dépenses au niveau de ses ressources, car on ne peut perpétuellement vivre au-dessus de ses moyens. L’essor du capitalisme financier a favorisé cette pratique : certains jours, les marchés échangent l’équivalent de dix fois le PIB mondial [là, Alain de Benoist, auteur de l'article, se trompe, mais peu importe car il a raison sur le principe], ce qui montre l’ampleur de la déconnexion avec l’économie réelle. Lorsque le système de crédit devient une pièce centrale du dispositif du Capital, on rentre dans un cercle vicieux, l’arrêt du crédit risquant de se traduire par un effondrement généralisé du système bancaire. C’est en brandissant la menace d’un tel chaos que les banques ont réussi à se faire constamment aider des Etats.

La généralisation de l’accession au crédit, qui implique celle du prêt à intérêt, a été l’un des outils privilégiés de l’expansion du capitalisme et de la mise en place de la société de consommation après la guerre. En s’endettant massivement, les ménages européens et américains ont incontestablement contribué, entre 1948 et 1973, à la prospérité de l’époque des "Trente Glorieuses". Les choses ont changé lorsque le crédit hypothécaire a pris le dessus sur les autres formes de crédit. "Le mécanisme de recours à une hypothèque comme gage réel des emprunts représente infiniment plus", rappelle Jean-Luc Gréau, "qu’une technique commode de garantie des sommes prêtées, car il bouleverse le cadre logique d’attribution, d’évaluation et de détention des crédits accordés […] Le risque mesuré cède la place à un pari que l’on prend sur la faculté que l’on aura, en cas de défaillance du débiteur, de faire jouer l’hypothèque et de saisir le bien pour le revendre à des conditions acceptables". C’est cette manipulation d’hypothèques transformées en actifs financiers, jointe à la multiplication des défauts de paiement d’emprunteurs incapables de rembourser leurs dettes, qui a abouti à la crise de l’automne 2008. On voit l’opération se répéter aujourd’hui, aux dépens des Etats souverains, avec la crise de la dette publique.

C’est donc bien au grand retour du système de l’usure que nous sommes en train d’assister. Ce que Keynes appelait un "régime de créanciers" correspond à la définition moderne de l’usure. Les procédés usuraires se retrouvent dans la manière dont les marchés financiers et les banques peuvent faire main basse sur les actifs réels des Etats endettés, en s’emparant de leurs avoirs au titre des intérêts d’une dette dont le principal constitue une montagne d’argent virtuel qui ne pourra jamais être remboursé. Actionnaires et créanciers sont les Shylock de notre temps.

Mais il en est de l’endettement comme de la croissance matérielle : ni l’un ni l’autre ne peuvent se prolonger à l’infini. "L’Europe commise à la finance", écrit Frédéric Lordon, "est sur le point de périr par la finance". C’est ce que nous avons écrit nous-mêmes depuis longtemps : le système de l’argent périra par l’argent. »

Source : Métapo infos

Aymeric Chauprade : « Chronique du choc des civilisations »

Aymeric Chauprade sur Radio Courtoisie, le 24 août 2011, dans le Libre Journal d'Emmanuel Ratier.

 

14/10/2011

« Ce qui changerait la donne : une rupture du bloc euro-atlantique »

Le modèle américain

 

« (...) Il n'y a jamais eu un seul Occident et encore moins un seul Orient. Le Japon, la Corée du Sud ou les pays d'Amérique latine sont-ils des pays "occidentaux" ? En fait, l'addition de l'Europe, des Etats-Unis, ainsi que du Canada et de l'Australie, pourrait dessiner les contours d'une certaine homogénéité institutionnelle, politique et économique, mais non culturelle. L'OTAN, qui inclut aux côtés de ces pays des sociétés aussi hétérogènes que la Turquie, la Corée du Sud et le Japon, est une alliance militaire sous la coupe des Etats-Unis, ce n'est guère un ensemble civilisationnel ou culturel aux valeurs et aux institutions homogènes.

Comme je l'ai montré dans deux de mes ouvrages, la fracture Orient/Occident est largement imaginaire ; mais les frontières de l'esprit sont souvent plus redoutables que les frontières naturelles. Orient et Occident sont ce que j'ai appelé des "méga-identités" de nature purement idéologique et à fonction géopolitique, prétendant transcender tous les éléments naturels de l'identité des peuples. Elles servent à alimenter les peurs et donc les agressivités. On ne sait d'ailleurs plus très bien aujourd'hui si la peur du déclin chez les Européens exprime une nostalgie de nature raciste de la suprématie impériale et coloniale de l' "homme blanc" sur les cinq continents de la planète, suprématie qui disparaît progressivement, ou si cette peur se nourrit dans la mémoire historique des invasions barbares, telles que celles connues par l'empire romain déclinant et qui ont débuté par des infiltrations démographiques tolérées et même encouragées pour des raisons économiques. (...)

Les termes "racines" de l'Occident ou "valeurs" de l'Occident, employés ad nauseam dans toute une littérature géopolitique européenne et américaine des dernières décennies, ne veulent pas dire grand-chose, tant les racines et les valeurs des différents peuples européens ont été variées, contradictoires et discontinues dans le temps, marquées par des ruptures ayant entraîné des violences inouïes entre peuples européens aux cultures et racines différentes. Ce n'est donc que par un artifice idéologique appauvrissant pour la grande richesse et la variété des cultures européennes que l'on a construit la notion d'Occident. Celle-ci a été solidifiée et manipulée par les Etats-Unis depuis la guerre froide pour assurer leur domination de type impérial sur le monde. Dans cette entreprise, ils ont réussi à se gagner le concours précieux des chefs d'Etat et décideurs européens, ce qui a fait de l'Europe un support militaire, politique et économique majeur à l'hyper puissance américaine et à son extension dans le monde.

Il n'est pas indifférent ici de rappeler le basculement ahurissant du consensus traditionnel européen sur l'origine gréco-romaine des racines et valeurs de l'Occident vers un consensus nouveau et totalement différent, où ces dernières sont oubliées au profit de valeurs et de racines judéo-chrétiennes. J'ai appelé cela un coup d'Etat culturel, dont j'ai analysé minutieusement le mode de fabrication dans mon ouvrage sur La question religieuse au XXIe siècle. Parler de racines ou de valeurs judéo-chrétiennes est d'ailleurs un contresens historique grave, le christianisme s'étant très largement bâti contre le judaïsme antique et les valeurs qu'il a portées. (...) cela dresse un mur d'hostilité à la Renan ou à la Huntington entre l'Europe et son environnement direct, qui se définit désormais comme "musulman" par opposition à une identité judéo-chrétienne européenne.

Sur ce plan, les rapports de l'Europe aux Etats-Unis ont besoin d'être analysés et déconstruits pour que les cultures européennes se libèrent de la fascination impériale que représente cet Etat que des colons européens, surtout anglo-saxons, ont bâti il y a deux siècles environ. Le fait de s'identifier aussi étroitementaux Etats-Unis sur le plan culturel, moral et politique, contribue à une annihilation progressive de la richesse des cultures européennes et de leurs diverses spécificités. La tâche est facilitée par la prédominance de la bureaucratie néolibérale de l'Union européenne et celle de l'OTAN dans la gestion des affaires européennes, mais aussi par la force d'attraction du système universitaire américain qui confirme ou rejette les "talents" européens, tout comme ceux des autres parties du monde (chinois, hindous, latino-américains, etc.). (...)

En fait, l'histoire de l'humanité est celle de l'interaction des cultures et des civilisations. L'histoire de l'Europe plus particulièrement, car ce minuscule continent a eu des contacts intenses et fructueux avec des civilisations plus développées ou moins développées que celle des peuples européens, ce qui lui a donné ce génie propre, cet amour de la science et de la découverte. Mais les autres peuples ont fait pareil autrefois et, dans le monde contemporain, ils se sont inspirés des cultures, des réalisations européennes et de ses principes politiques modernes. Après de nombreuses péripéties, on voit aujourd'hui le succès de beaucoup de pays dits "émergents", tout comme nous voyons, du côté négatif, des rétractations identitaires fortes, allant jusqu'à la pratique du terrorisme. Certes, le mode de développement des économies chinoise, indienne, coréenne, brésilienne et autres est basé sur ce que les économistes appellent l'effet d'imitation, et donc le désir d'entrer dans la société de consommation telle qu'elle s'est développée aux Etats-Unis, puis en Europe. C'est effectivement une machine à homogénéiser le mode de vie des peuples. Mais cela n'implique pas nécessairement la disparition de la diversité des cultures.

C'est la globalisation économique, sur laquelle je porte dans mon dernier ouvrage un regard très négatif, qui est la plus dangereuse, parce qu'elle entraîne tous les jours un peu plus la disparition de la cohésion des espaces géographiques sur lesquels vivent les communautés humaines et évoluent les peuples. Elle a un effet dissolvant sur les solidarités traditionnelles et a créé une couche homogène de dirigeants, constituant un redoutable pouvoir mondialisé, qui ne sont plus en phase avec leur peuple. De plus, elle a créé un monde ou partout recule la culture, la réflexion critique, le raffinement, au profit de la société de consommation et de loisirs homogènes, mais aussi de sociétés où les règles de morale et d'éthique cèdent partout face à l'appât du gain facile, à la constitution de fortunes rapides, résultat de la corruption et de la spéculation financière.

On ne peut plus mettre en accusation uniquement (...) l'Occident sur ce plan, car ce mode d'être économique s'est généralisé à la planète. Les économies émergentes ne font pas exception à la règle.

Que le XXIe siècle soit chinois ou hindou ou brésilien, ne changera pas l'état des choses. (...) je pense que le bloc euro-atlantique reste encore très puissant, même si des craquements se font entendre dans les structures socio-économiques, provoqués par le néolibéralisme déchaîné qui a entraîné une "dictature des marchés", entendez celle des nouveaux milliardaires spéculateurs et de la cohorte de banques mondialisées et de groupes industriels multinationaux et de dirigeants politiques sous leur influence. L'Etat garant de la collectivité, de son bien-être et de sa solidarité, a été asservi, ce qui n'est pas encore totalement le cas dans les économies émergentes.

Ce qui changerait la donne, à la fois géopolitique, mais aussi culturelle ou civilisationnelle, ce serait une rupture de ce bloc euro-atlantique, un retour des principales cultures européennes à leurs sources et à la richesse de leur patrimoine, qui pourrait aider par l'exemple les autres cultures à se libérer de l'asservissement au modèle de la société de consommation qui crée, en outre, tous les problèmes d'environnement et a déclenché une nouvelle course effrénée aux matières premières et aux superficies agricoles cultivables. Cette course est très dangereuse et pourrait dégénérer en conflits armés, légitimés par les croyances racistes sur le choc des civilisations. Il faut vraiment y prendre garde. (...)

Il faut espérer que le joug du néolibéralisme (...) pourra être secoué ; que la dictature des marchands, offensante pour la dignité humaine, sera abattue, tout comme se sont effondrées les soi-disant dictatures du prolétariat. (...) »

Georges Corm, in Eléments  n° 139, avril-juin 2011, pp. 54-57 (extraits).