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12/04/2012

Mondialisation = contagion

 

« (...) Les partenaires économiques des Etats-Unis tirent la sonnette d’alarme.

Le vrai problème pour les Etats-Unis pourrait provenir non pas de la nervosité des investisseurs (qui s’en remettent presqu’aveuglément à leurs algorithmes), mais de celle de leurs principaux partenaires économiques.

Après le coup de semonce du patron de la banque centrale chinoise le week-end précédent — qui avertissait Ben Bernanke que la mise en oeuvre d’un QE3 serait très mal perçu par Pékin — c’est au tour de Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, de fustiger la politique monétaire ultra-accommodante à tendance laxiste des Etats-Unis et de l’Europe.

Elle rappelle sans détour que le recours immodéré à la planche à billets pousse les feux de l’inflation dans les pays émergents par le biais d’un afflux massif de capitaux sans lien avec les perspectives de croissance locale. Cela provoque de fortes tensions sociales en causant la flambée de l’énergie et des produits de première nécessité.

Un phénomène que les autorités chinoises redoutent également — mais Pékin va plus loin en reconnaissant aujourd’hui que la surabondance de crédit et de liquidités a engendré de mauvais investissements à grande échelle. Pensons notamment aux usines sans débouchés… aux forêts de tours sans propriétaires ni occupants… à la corruption à tous les échelons de la société.

Pékin admet que les créances douteuses pourraient atteindre 15% de l’encours des prêts consentis par les principales banques du pays. Mais des experts occidentaux estiment que le montant total se situerait déjà autour de 20% et pourrait atteindre rapidement 25% si la croissance chinoise devait connaître un coup de frein plus brutal que celui annoncé début mars.

La Chine, locomotive de la croissance… ou pas ?

Beaucoup d’économistes commencent à mettre en doute la réalité des chiffres sur lesquels les conjoncturistes s’appuient pour affirmer que la Chine demeure la locomotive de la croissance mondiale. Certes, l’activité et la demande intérieure demeurent soutenues (surtout en matière de produits de luxe) mais grèves, manifestations et fermetures d’usines se multiplient depuis un an, ce qui prouve qu’une crise couve sous un vernis de prospérité.

Enfin, (...) Ben Bernanke s’alarmait la nuit dernière des “risques potentiels” que continue de faire peser le shadow banking sur la stabilité du système financier.

Près de 50% des transactions sur les produits de taux passent par le shadow banking, où les intermédiaires privés s’échangent entre eux des produits dérivés présentant des niveaux de risque inconnus dans la plus parfaite opacité.

Un système totalement dérégulé (et désormais incontrôlable) dont il convient de souligner à quel point Alan Greenspan l’avait appelé de ses voeux et encouragé sans relâche de 1996 à 2006. »

Philippe Béchade

« (...) C’est Ben Bernanke qui a malencontreusement soulevé un coin de la carpette maudite du shadow banking dans la nuit de lundi à mardi.

Le patron de la Fed estime que c’est de là que pourrait venir le danger pour le système bancaire américain. Il s’agit de dizaines de milliers de milliards de dollars de transactions de gré à gré sur des produits volatils (monétaires et obligataires) dont personne ne connaît le degré de risque induit.

Il est déjà assez compliqué de se faire une idée de la solidité des banques américaines avec les actifs complexes figurant dans leurs bilans (leurs ratios de solvabilité sont gonflés à l’hélium lors des stress tests)… Mais allez savoir quels sont les risques embusqués dans le hors bilan, alors que la plupart des contreparties sont immatriculées dans des paradis fiscaux où le pouvoir d’investigation de la Fed est quasi nul.

Ben Bernanke redoute que les dettes souveraines européennes représentent un danger significatif de pertes pour les banques américaines. C’est sûr qu’avec des taux longs espagnols qui flirtent avec les pires niveaux de l’automne 2011 (6,5%), il y a de quoi se montrer raisonnablement inquiet pour les semaines qui nous séparent des élections en France et en Grèce. (...) »

Philippe Béchade

11/05/2011

Trucages anglosphériques (suite)

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Pas encore...

 

Je vous ai déjà parlé de la manipulation du marché des dettes souveraines par l'anglosphère, dénoncée par Pierre Jovanovic.

Cette fois, c'est l'excellente Myret Zaki qui vous explique une partie du truc :

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La dette souveraine manipulée par les CDS

Le marché des CDS a le même pouvoir qu’une agence de notation : il peut dégrader de facto la note d’un pays, en dictant son niveau de risque.

Il y a quelques jours, le « marché » (c’est-à-dire les investisseurs) a décidé que le risque de la dette grecque à deux ans méritait un taux d’intérêt astronomique de plus de 25 %. La zone euro n’a d’autre choix que de revoir les conditions de l’aide (de 110 milliards d’euros) accordée à Athènes. On revit la même situation depuis 2010, dans laquelle c’est le marché des CDS (dérivés sur le risque de défaut de crédit) qui définit presque à lui seul la solvabilité des pays périphériques d’Europe, les agences de notation se cantonnant de plus en plus à entériner par une mauvaise note un état de fait que les CDS avaient déjà favorisé en amplifiant le risque de l’obligation souveraine qu’ils ciblent. Ceci est particulièrement vrai dans le cas de la Grèce, où des banques d’affaires comme Goldman Sachs (conseillère financière d’Athènes) et certains hedge funds clients de la banque étaient au courant d’informations dont les agences de rating sont habituellement les premières à disposer.

Un pouvoir démesuré sur le coût de financement des pays

Est-il normal que la qualité de crédit et, in fine, le destin d’une nation de plusieurs millions d’habitants, soient décidés par un marché aussi opaque et dominé par un si petit nombre d’acteurs que celui des CDS ? C’est pourtant bel et bien la tendance révélée par la crise de la dette de l’Europe périphérique. A travers l’attaque ciblée d’une dette souveraine comme celle de la Grèce, de l’Irlande ou du Portugal, qui fait monter en flèche le coût de financement de ces dernières en faisant chuter la valeur des obligations, le marché des CDS a le pouvoir de rétrograder de facto cette même dette, pour lui conférer un statut spéculatif, se substituant ainsi aux agences de notation. Et cette mesure du risque que sont les taux des CDS (ou plus précisément leur écart par rapport aux taux sans risque comme celui du Bund allemand) décidée par un marché privé jouit aujourd’hui de la même crédibilité, aux yeux des investisseurs, que celle des agences de notation. Et pourtant, il existe une différence majeure entre CDS et agences de rating : tandis que les agences - malgré les manquements que l’on sait - prétendent à un travail objectif qui sert à la fois la communauté des investisseurs et le gouvernement du pays concerné, et qu’une rétrogradation n’a pas pour but de permettre à ces agences d’engranger des profits démesurés, il en va tout autrement des spéculateurs du marché.

Les traders de CDS agissent clairement en vue d’un profit, et ont à leur disposition un outil facilitant largement la manipulation des marchés obligataires, en suivant le principe qu’une prophétie (ou rumeur) qu’ils lancent va s’auto-réaliser pour leur plus grand avantage. Malgré cette différence de buts, les protagonistes des marchés de la « spec » ont aujourd’hui autant de pouvoir sur la perception des investisseurs que les agences de notation. En réalité, les spreads des CDS et les notations des agences agissent de concert, et leur effet crée en soi un risque de déstabilisation des marchés financiers, qui sont aujourd’hui très interdépendants, comme l’explique le FMI dans un papier de recherche récent. Et ce n’est pas seulement la solvabilité du pays qui est en jeu. Rétrograder la dette souveraine d’un pays donné peut affecter la rentabilité de banques basées dans d’autres pays, qui la détiennent dans leurs books de négoce et aussi de crédit. C’est encore plus vrai dans le cas spécifique de l’Europe, où les engagements croisés entre banques de différents pays rendent la courroie de transmission bancaire vulnérable à la détérioration de crédit d’un seul de ses pays membres.

Les chercheurs du FMI expliquent dans le papier précité que les CDS jouent un rôle clé dans la propagation du risque systémique posé par l’abaissement d’un rating souverain par une agence de notation. Selon le FMI, « les annonces des agences de notation concernant la dette souveraine de pays comme la Grèce, surtout lorsqu’il s’agit d’un abaissement au statut de dette spéculative, peuvent entraîner des effets domino considérables d’un pays et d’un marché à l’autre et peuvent être elles-mêmes à l’origine d’une instabilité financière de type systémique ». Ainsi, le FMI calcule qu’une rétrogradation de la note de la Grèce provoque un écartement du spread (soit une hausse du risque de la dette) de 17 points de base (pb) pour la Grèce, et que le même abaissement provoque aussi une montée de 5 pb du spread sur la dette irlandaise, et ce même si le rating de l’Irlande est resté inchangé. Une spirale infernale.

Source : Bilan.ch