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19/01/2014

« Que la révolution commence », par Garry Leech

Je vous livre la traduction d'un texte essentiel de l'auteur de « Le Capitalisme, un génocide structurel ». Quelque chose me dit que chez les droitards, sa lecture va provoquer quelques sérieux grincements de dents...

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Qu'est-ce que nous attendons ? Combien de temps allons-nous rester assis à ne rien faire et à regarder les bellicistes politiques déployer leurs drones, leurs navires de guerre, leurs bombardiers furtifs, leurs missiles, nos fils et filles et, finalement, leurs armes nucléaires, contre les peuples les plus pauvres du monde ? Combien de temps allons-nous rester indifférents aux entreprises bellicistes maniant leurs baguettes magiques bénéficiaires, qui remplissent à craquer leurs portefeuilles et leurs bedaines, pendant que des millions d'enfants meurent de faim et de maladies évitables ? Combien de temps allons-nous accepter l'inégalité injuste des 1 % empochant une part largement disproportionnée de la richesse créée par le labeur des 99 % ? Combien de temps allons-nous accepter passivement la folie suicidaire consistant à violer et piller les ressources limitées de notre planète, au point qu'aucun de nous ne sera en mesure de survivre ? Que la révolution commence !

Et qu'en est-il de notre peur irrationnelle des armes de destruction massive dans les mains de terroristes, qui nous maintient paralysés et distraits des injustices quotidiennement perpétrées en notre nom ? Les plus mortelles des armes de destruction massive utilisées aujourd'hui dans le monde ne sont pas chimiques ou biologiques ; ce sont les règles établies par l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et tous les soi-disant accords de libre-échange qui ne font qu'intensifier les inégalités au plan mondial, la souffrance humaine et la mort. Les élites du monde des affaires et leurs laquais politiques manient ces armes avec peu de souci du bien-être humain ou de l'environnement. Les banquiers d'investissement de Wall Street jouent dans un casino mondial où les dés sont pipés en faveur de la maison, et la maison se trouve être la propriété des 1 %. Pendant ce temps, les plus grands perdants dans ce casino capitaliste perdent plus que de l'argent ; ils perdent leurs maisons, leur santé, leur éducation, leurs moyens de subsistance, leur dignité, même leur vie. Ils sont les millions qui meurent inutilement chaque année de faim et de maladies évitables. Ceux-ci sont les ultimes victimes du capitalisme, génocide structurel. Que la révolution commence !

Ce génocide n'est pas simplement une conséquence malheureuse du capitalisme ; il constitue le fondement même du système. Et nous nous tenons sur ces fondations aujourd'hui ! Tout ce que nous construisons est érigé sur ces fondations gorgées de sang ! Ne sont-ce pas le génocide des peuples indigènes partout aux Amériques, et le vol de leurs terres, qui ont créé la richesse qui a financé la révolution industrielle ? N'est-ce pas le mouvement des enclosures qui a expulsé les gens de la terre et leur a volé leurs moyens de subsistance, afin qu'ils puissent être « libres » de trimer dans les conditions misérables des usines de l'Angleterre industrielle ? Ne sont-ce pas l'enlèvement de millions d'Africains et leur asservissement aux Amériques qui ont alimenté le « développement » des États-Unis et du Canada ? Les mêmes pratiques violentes se poursuivent aujourd'hui avec le déplacement forcé de millions de paysans, afin que des capitalistes requins de la finance puissent continuer d'exploiter les ressources naturelles de la planète, pour tapisser leurs propres poches de luxe. Que la révolution commence !

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07/09/2012

Quand Frédéric Lordon expliquait la mondialisation (2006)

 

Extrait du documentaire de Gilles Perret, « Ma mondialisation », cet entretien avec l'excellent Lordon n'a pas pris une ride depuis six ans.

07/05/2012

L'esprit petit-bourgeois contre la patrie

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Ça y est, c'est le triomphe de Flamby.

Moi qui ne regarde plus guère la télé, j'ai fait exception hier soir, pendant un petit quart d'heure à partir de vingt heures, histoire de voir des nigauds se congratuler et d'autres, en tous points semblables pourtant, verser leur petite larme de tristesse. Histoire de vérifier si cette comédie éternelle des dupes électorales était réelle, était encore possible.

Est-ce cet éloignement de la télé qui m'a rendu sensible à un élément particulièrement frappant à mes yeux, ou bien cet élément est-il si frappant qu'il est simplement logique qu'il m'ait littéralement bondi à la figure ?

Je n'ai vu partout que confort matériel et bonne conscience.

Entre la midinette Neuilly-Auteuil-Passy venue pleurer à la Mutualité sur le sort injuste de Ni-co-las et la petite pétasse de la Bastoche, glapissant des « c'est trop géniaaal » à l'adresse de son Fran-çois en guettant l'approbation de ses copains et copines, elle est où, la différence ?

Y en a pas, je vous dis.

Tous, ces braves couillons se ressemblent comme deux gouttes d'eau.

Ils ne veulent, tous, que l'avènement bisounours de leur idéal.

Et leur idéal, quel est-il ?

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05/01/2012

Révolution = par-delà « droite » et « gauche »

Orwell avait raison... Voilà l'ennemi.

 

Paul Jorion a encore vu le loup, mais sans le reconnaître (lisez bien sa dernière phrase) :

« Vous écrivez, dans "La guerre civile numérique" (Editions Textuel, 2011), que nous sommes dans une "situation prérévolutionnaire". N’est-ce pas exagéré ?

Non, le parallèle peut être fait avec 1788 : tout le monde a bien analysé la situation, mais la classe dirigeante reste "assise  sur ses mains", comme on dit en anglais, elle espère que les choses vont s’arranger d’elles-mêmes. C’est criminel.

Vous pensez donc que les gens vont se révolter ?

Oui… Les mouvements d’indignés sont des protestations qui restent assez domestiquées. Dans certains pays, les gens réagissent en fonction de leur degré de souffrance : ils manifestent un peu quand ils souffrent un peu, et davantage s’ils souffrent plus... Mais en France, on n’a pas cette tradition. On encaisse jusqu’à un certain seuil, et puis ça explose.

Et vous pensez que nous y sommes ?

Oui, on arrive à un seuil. Cela se manifeste de manière indirecte, dans le nombre de gens qui se disent prêts à voter pour le Front national. Je discutais l’autre jour avec un chauffeur de taxi : il m’a fait une analyse de la situation qu’on dirait d’extrême gauche, et à la fin il m’a expliqué qu’il allait voter pour Marine Le Pen… Cela n’avait pas de sens au niveau politique, mais c’était sa manière à lui d’exprimer son indignation. »

« Pas de sens au niveau politique » ! Les bras m'en tombent, devant pareil aveuglement.

Pourtant, l'argumentaire pour démolir, idéologiquement, tant la « droite » que la « gauche », on le trouve, par exemple, dans les bouquins de Michéa.

Cet argumentaire revient à dénoncer, chez les uns et les autres, les mêmes aberrations fondées sur les mythes du progrès et de la croissance, et le même désintérêt pour le peuple au nom de principes uniformément libéraux, au plan philosophique, bien que d'apparences différentes.

C'est cela qui étonne Jorion, désarçonné par ce qu'il appelle une « analyse qu'on dirait d'extrême gauche » chez son chauffeur de taxi prêt à voter MLP.

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04/03/2011

Dressage

 

- Je vais vous raconter un petit incident, reprit Swammerdam, qui me servit de guide dans la vie, si insignifiant qu'il me parût alors. J'étais encore assez jeune à l'époque, et je venais de souffrir d'une grande déception, si bien que la terre me parut longtemps sombre et pareille à un enfer. Dans cet état d'esprit, presque aigri de voir que le destin me traitait comme un bourreau impitoyable, il arriva que je fus un jour témoin de la manière dont on dressait un cheval.

On l'avait attaché à une longue courroie, et on le faisait tourner en rond sans lui accorder une seconde de repos. Chaque fois qu'il arrivait devant un obstacle qu'il devait sauter, il faisait un bond de côté ou commençait à ruer. Les coups de fouet pleuvaient sur son dos pendant des heures d'affilée, mais il refusait toujours de sauter. L'homme qui le tourmentait n'était pas cruel, et visiblement souffrait lui-même de ce travail pénible qu'il devait accomplir. Il avait un bon visage amical, et il me dit, lorsque je lui fis une observation : "Je lui achèterais volontiers du sucre avec tout mon salaire de la journée, s'il comprenait enfin ce que je veux de lui. J'ai déjà essayé, mais sans résultat ; c'est comme si le diable était logé dans cet animal et lui aveuglait le cerveau. Et pourtant, c'est si peu qu'on lui demande de faire". Je voyais l'angoisse mortelle dans les yeux du cheval ; chaque fois qu'il arrivait devant l'obstacle, j'y lisais cette peur : je vais recevoir des coups de fouet. Je me creusai la tête pour chercher s'il n'y avait pas un autre moyen pour se faire comprendre du pauvre animal. Et comme j'essayais vainement en esprit, puis en paroles, de lui crier de sauter, et qu'alors ce serait tout de suite fini, je dus constater à ma grande douleur que seule la dure souffrance est le maître qui peut finalement nous amener au but ; alors je reconnus subitement que moi-même je n'agissais pas autrement que le cheval : la destinée me frappait de ses coups, et tout ce que je savais, c'était que je souffrais, je haïssais la puissance invisible qui me persécutait ; mais ce que je n'avais pas encore compris, c'est que tout cela n'avait pour but que de me faire accomplir quelque chose, peut-être sauter un obstacle spirituel qui se trouvait devant moi.

Cette petite expérience devint dès lors une borne indicatrice sur mon chemin : j'appris à aimer les invisibles qui me poussaient en avant à coups de fouet, car je sentais qu'ils auraient préféré me donner du "sucre" si cette méthode avait pu réussir à m'élever d'un échelon au-dessus de l'humanité éphémère.

L'exemple que je donne là est naturellement boiteux, continua Swammerdam, car il n'est pas certain que le cheval eût réalisé un progrès en apprenant à sauter ; peut-être aurait-il été préférable de lui rendre sa liberté. Mais en cela je ne vous apprends rien. Ce qui a été surtout important pour moi, c'est ceci : j'avais jusque-là vécu dans la conviction erronée que tout ce qui m'arrivait de mauvais était punition, et je m'étais tourmenté à réfléchir pour découvrir en quoi j'avais bien pu le mériter ; alors tout à coup je vis un sens aux rigueurs du destin, et même si, bien souvent, je n'arrivais pas toujours à comprendre quel obstacle je devais sauter, je devins néanmoins dès lors un cheval des plus dociles.

Je vécus alors pour mon propre compte le verset de la Bible sur le pardon des péchés au sens étrange et caché qui est à la base : avec la notion de châtiment le péché est tombé de lui-même, et l'image caricaturale d'un Dieu vengeur devint, au sens noble, dégagé de la forme, une force bienfaisante désireuse seulement de m'instruire... tout comme l'homme dressait le cheval.

Gustav Meyrink, Le visage vert