Révolution = par-delà « droite » et « gauche » (05/01/2012)
Orwell avait raison... Voilà l'ennemi.
Paul Jorion a encore vu le loup, mais sans le reconnaître (lisez bien sa dernière phrase) :
« Vous écrivez, dans "La guerre civile numérique" (Editions Textuel, 2011), que nous sommes dans une "situation prérévolutionnaire". N’est-ce pas exagéré ?
Non, le parallèle peut être fait avec 1788 : tout le monde a bien analysé la situation, mais la classe dirigeante reste "assise sur ses mains", comme on dit en anglais, elle espère que les choses vont s’arranger d’elles-mêmes. C’est criminel.
Vous pensez donc que les gens vont se révolter ?
Oui… Les mouvements d’indignés sont des protestations qui restent assez domestiquées. Dans certains pays, les gens réagissent en fonction de leur degré de souffrance : ils manifestent un peu quand ils souffrent un peu, et davantage s’ils souffrent plus... Mais en France, on n’a pas cette tradition. On encaisse jusqu’à un certain seuil, et puis ça explose.
Et vous pensez que nous y sommes ?
Oui, on arrive à un seuil. Cela se manifeste de manière indirecte, dans le nombre de gens qui se disent prêts à voter pour le Front national. Je discutais l’autre jour avec un chauffeur de taxi : il m’a fait une analyse de la situation qu’on dirait d’extrême gauche, et à la fin il m’a expliqué qu’il allait voter pour Marine Le Pen… Cela n’avait pas de sens au niveau politique, mais c’était sa manière à lui d’exprimer son indignation. »
« Pas de sens au niveau politique » ! Les bras m'en tombent, devant pareil aveuglement.
Pourtant, l'argumentaire pour démolir, idéologiquement, tant la « droite » que la « gauche », on le trouve, par exemple, dans les bouquins de Michéa.
Cet argumentaire revient à dénoncer, chez les uns et les autres, les mêmes aberrations fondées sur les mythes du progrès et de la croissance, et le même désintérêt pour le peuple au nom de principes uniformément libéraux, au plan philosophique, bien que d'apparences différentes.
C'est cela qui étonne Jorion, désarçonné par ce qu'il appelle une « analyse qu'on dirait d'extrême gauche » chez son chauffeur de taxi prêt à voter MLP.
Manifestement, il n'a pas compris que la reprise, par MLP, de la question sociale peu à peu abandonnée par la « gauche », depuis bien longtemps (à partir de l'affaire Dreyfus), est en réalité, politiquement, la clé de la réunification du peuple français par-delà un faux clivage, par-delà une fausse alternance qui l'ont enfermé dans une prison électorale binaire, paravent d'une dictature des riches.
Mais pour autant, MLP et le FN représentent-ils réellement une alternative révolutionnaire ?
Non, bien sûr, sauf aux yeux de quelqu'un comme Jorion, intellectuel bourgeois largement conformiste, pour qui un simple changement discursif de l'offre électorale et le choix d'un bulletin de vote sont manifestement synonymes, en eux-mêmes, de révolte, de franchissement de seuil révolutionnaire.
Le fait que les lignes bougent au plan de l'analyse des faits, et que la grille de lecture et surtout, le catalogue de vente de certains politiciens plus ou moins sincères commencent à s'adapter aux désirs profonds du peuple français, est certes une bonne chose.
Mais cela ne peut constituer qu'une étape.
Le système électoral est ainsi fait que personne n'est autorisé par les acteurs de la « fabrication du consentement » à prendre les pseudo-rênes du pouvoir, sans avoir préalablement montré patte blanche et s'être fait reconnaître comme membre du club politicien estampillé « correct ».
MLP, même élue (ce qui n'arrivera pas - je ne dis pas ça pour décourager de voter, le vote a son utilité en termes d'entretien de réseaux et de tribunes), ne pourrait que confirmer cet axiome toujours vérifié.
Pour qu'une révolution politique advienne (et je ne parle pas de plaies et de bosses, de « guerre civile » telle que certains sur F.Desouche la souhaitent sans la connaître...), il est d'abord nécessaire qu'après l'élection ratée de MLP, le mécontentement passe par une étape supplémentaire, que naisse une véritable radicalisation populaire, concrète et pas seulement votatoire ; que, chez quelques-uns au moins, un impérieux besoin d'action rejoigne l'intelligence situationnelle et que se constitue une « avant-garde active » (copyright Three piglets) pour porter la volonté du plus grand nombre.
Ce n'est pas en mettant un bulletin dans l'urne (acte d'ailleurs sans le moindre risque) que nous pouvons espérer abattre un système qui ne se légitime que par des élections truquées. Le simple fait que ce bulletin soit autorisé est une marque de manipulation.
Si nous voulons que ça change, il va falloir un peu plus de couilles et de boulot (et un peu moins de grandes gueules).
16:51 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : paul jorion, révolte, révolution, seuil, souffrance, protestations, vote, fn, marine le pen, jean-claude michéa, progrès, croissance, libéralisme, droite, gauche, question sociale | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
Nous sommes bien d'accord !
Écrit par : Eisbär | 05/01/2012
Heu camarade Boréas, vous ne candidaterez pas en 2012?
Dommage...mais je suppose à vous lire que vous n'attendez rien, à raison, de l'alternance politique...
Écrit par : Tête de Lard | 05/01/2012
Jorion n'est pas le seul à être passablement à coté de la plaque... E Todd l'est aussi sur certains points. Dommage.
"de la question sociale peu à peu abandonnée par la « gauche », depuis bien longtemps (en réalité, depuis l'affaire Dreyfus)"
L'affaire Dreyfus? Pourriez-vous développer ce point?
Vous avez raison quant à ceux sur FDS (et ailleurs) veulent la guerre civile sans savoir de quoi ils parlent exactement. Ils feraient mieux de revoir l'histoire du XVIe siècle, par exemple.
Encore beaucoup de travail en perspective (que MLP soit élu ou pas), c'est vrai....
Écrit par : Imperator. | 05/01/2012
Moi aussi , la dernière phrase de Jorion "Cela n’avait pas de sens au niveau politique, mais c’était sa manière à lui d’exprimer son indignation." m' a fait sursauter .
Elle n'est compréhensible en fait que pour des personnes qui ont choisi de rester autour de la table de jeu et de continuer à jouer ; même s'il convient, selon eux , de modifier certaines règles .
Pour les autres (ceux qui ne veulent plus jouer ) , tous les moyens semblent bons pour renverser la table ! C'est sans doute ce qu'a voulu signifier le chauffeur de taxi de Jorion.
C'est aussi ce que j'ai voulu dire sur le blog de PJ dans un commentaire qui a subi , hélas, la modération.
Cela dit , Jorion s'améliore , on peut voir actuellement sur son site , un billet invité où figure une vidéo de Michéa.Comme quoi, tout t'arrive .
http://www.pauljorion.com/blog/?p=32432
Dans les commentaires de ce billet , un lecteur (fujisan) a donné le lien vers son entrevue sur France Culture en octobre dernier
http://www.pauljorion.com/blog/?p=32432#comment-278053
Écrit par : alain21 | 05/01/2012
Camarade Tête de L'Art, vous êtes un vil flatteur. :-)
Mais non, moi tout ce qui m'intéresse, c'est Empereur du monde. De mon monde, en fait, et j'en suis déjà fort loin, alors...
-----------------
Imperator.
"L'affaire Dreyfus? Pourriez-vous développer ce point?"
Je vous renvoie à Michéa, qui l'explique ici, par exemple :
http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20110922.OBS0908/pour-un-anarchisme-conservateur.html
Un autre très intéressant article sur l'histoire du socialisme, ici :
http://www.institutpolanyi.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=477:faut-il-en-finir-avec-le-vieux-socialisme-&catid=42:textes-a-lappui&Itemid=60
Écrit par : Boreas | 05/01/2012
Merci pour ces liens.
Le premier lien me fait penser au livre de Phillipe Nemo, les deux Républiques françaises (PUF, 2008). Mais dans ce livre, la transition (ou inversion?) entre les différents courants de pensée au moment de l'Affaire Dreyfus n'est pas très bien expliquée (ce serait même l'objet d'un pavé!).
Je sens que je vais finir par acheter le livre de Michéa (le 2e lien y fait parfois référence: le distinguo gauche/socialisme n'est pas évident).
Écrit par : Imperator. | 06/01/2012
E Todd l'est aussi sur certains points.
__________________________________
Imperator
Je crois qu'il faut se méfier du sieur Todd, en intégralité ! C'est avant tout un bourgeois de gauche, un social démocrate pur produit du Système.
En réalité il n'a aucune envie que celui-ci s'effondre et qu'intervienne un changement, il a trop à perdre. Il l'a dit du reste à demi mot dans sa confrontation avec Mélenchon chez "Arrêt sur image" (visible sur Youtube).
Todd est un produit de Cambridge, il considère la France comme un pays libéral atlantiste occidental affidé à la thalassocratie. Ses attaques répétées contre l'Allemagne ces dernières semaines sont édifiantes à cet égard. La dernière en date l'est singulièrement (voir ici à 55 minutes http://www.youtube.com/watch?v=B16Ru1URfCc&list=PL479B83265A3FB4A7&index=77&feature=plpp_video ). Prétendre que l'Allemagne est une société violente en oubliant de nous préciser la violence sociale anglo-saxonne, les méfaits de l'égoïsme économique libéral anglo-saxon, la situation sécuritaire dans les régions urbaines nord américaines, c'est presque un aveu d'allégeance selon moi !
Faire porter la responsabilité de la crise européenne sur les épaules de l'Allemagne en oubliant son origine réelle qui remonte à 2008 USA Wall-Street etc... c'est aussi un signe qui ne trompe pas !
Écrit par : Eisbär | 06/01/2012
Excellent article, merci Boreas.
A mes yeux il ne faut pas que MLP gagne, car elle serait responsable du désastre annoncé.
A mes yeux les patriotes, doivent rester en retrait, et attendre que la situation évolue. Si nous voulons gagner, nous devons être vu comme des sauveurs du peuple.
Dans le processus, MLP sera vu pour ce qu elle est, la face cachée du système, pas une alternative.
TOUT POUR LE PEUPLE, RIEN QUE LE PEUPLE ....... de France
Écrit par : libherT | 07/01/2012
Encore une fois très bon article. Merci
Dans le même domaine, Boreas, comment vois-tu le rapprochement du Bloc, que tu semblais soutenir, avec MLP ?
Pas très révolutionnaire l'ami Vardon, même complètement dans le système politique niçois !
Salutations
Écrit par : Mandrin | 07/01/2012
Bonjour Mandrin,
Sans tomber dans l'angélisme, je ne vois pas de vrai "rapprochement" entre le BI (dont je ne suis que sympathisant) et MLP.
D'abord, le soutien apporté est démocratique et est, pour le moment, limité à Nissa Rebela (79 % de ses 300 adhérents ont voté pour, le BI consulte jusqu'au 17 janvier au plan national : http://www.bloc-identitaire.com/actualite/2219/presidentielles-2012-consultation-est-lancee ).
Ensuite, si soutien il y a, c'est juste une stratégie, à l'évidence.
Si Vardon et Loeillet, en soutenant MLP, jouent en plus leur carte en vue des investitures législatives, puis des municipales, cela les regarde et je n'y vois rien de négatif. Il vaut mieux soutenir MLP que l'UMPS et tenter de se faire élire à la place de l'UMPS, rien de bien extraordinaire.
Par ailleurs, il semble qu'il y ait des dissensions au sein du FN, entre les partisans (plus actifs) d'un rapprochement (Briois, Bilde...) et ses adversaires (autour de ce - autocensure - d'Aliot...), ce qu'il pourrait s'avérer intéressant d'exploiter.
Si enfin, par extraordinaire, il y avait derrière tout cela une velléité d'entrisme, comme à l'époque des mégretistes d'avant les purges, pourquoi pas ? Le FN a désespérément besoin de cadres et le BI a du potentiel dans ce domaine.
Pour ma part, je suis toujours sur la même ligne : les élections ne peuvent servir qu'à maintenir des réseaux (grâce à l'activité militante dédiée, mais aussi grâce aux subventions pour le FN, même si les rares militants en bénéficient assez peu voire pas du tout) et des tribunes (si on ne pèse pas aux élections, plus d'accès aux médias - même si le discours porté par MLP y est faiblard, c'est toujours ça).
Les élections sont truquées, mais je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas voter, même pour une "chèvre". ;-)
Soutien du BI ou pas, je voterai très probablement MLP sans état d'âme, pour les mêmes raisons.
Après, quant au caractère "révolutionnaire" des uns et des autres, je suis sans illusions.
A mon avis, les futurs révolutionnaires ne sont pas encore connus et je pense probable qu'ils viendront davantage de ce que j'appelle, certes imparfaitement tant les clivages actuels créent la confusion, la "vraie gauche" (type Michéa), que de la "droite nationale".
Écrit par : Boreas | 07/01/2012
Comme Boreas , je voterai MLP sans état d'âme , mais aussi sans illusion .
Écrit par : alain21 | 07/01/2012
Pareil. Le vote FN est un compromis.
Écrit par : Imperator. | 11/01/2012
Par delà droite et gauche ....
On peut écouter l'entretien de Michel Onfray , philiosophe "de gauche" qui a soutenu Mélenchon en 2009 avec le belge Jean Cornil (entretien d'octobe 2011) .
http://banquetonfray.over-blog.com/article-entretien-avec-michel-onfray-jean-cornil-octobre-2011-87232740.html
Intéressant surtout les parties :
Résistance (09:40)
Le combat contre le libéralisme et le marché qui fait la loi (le nucléaire, la santé…)
Et Camus ? (12:30)
La pensée politique de Camus, contrairement à l’idée reçue, ce n’est pas la social-démocratie mais l’anarcho-syndicalisme, le socialisme proudhonien, libertaire.
Populiste ? (16:30)
Le populiste et le démagogue, c’est pour l’élite mondialisée celui qui défend le peuple méprisé, oublié, pas représenté politiquement. C’est très honorable d’être tribun de la plèbe.
Commentaires :
Camus pour Onfray semble jouer le même rôle qu'Orwell pour Michéa .
Ne manquez pas dans la partie "Populiste" , le moment où le philosophe de gauche et anti-libéral déclare à propos de MLP " d"un seul coup , on se dit elle a raison" ; c'est autour de 23mn 30s
Je ne suis pas d'accord avec tout ( et j'en suis loin) mais on s'aperçoit quand même qu'il y a des barrières qui sont en train de se désagréger.
Comme dans cette video , où Onfray déclare dans une discussion avec Naulleau et Zemmour :
"j'ai plus de proximité avec un anti-libéral de droite qu'un libéral de gauche" (autour de 7mn 20s )
http://www.youtube.com/watch?v=DPd9zwZcYSk
Écrit par : alain21 | 14/01/2012