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25/05/2014

Syrie : un soulèvement détourné

(20 mai 2014)

Cette vidéo constitue une bonne synthèse. Pour aller plus loin, je vous conseille vivement de lire les articles de Stéphane Mantoux, membre de l'excellente Alliance Géostratégique et, notamment, ses trois textes sur les combattants étrangers pro-Assad : Iraniens, Libanais (Hezbollah), Irakiens et autres. Dont certains sont des djihadistes chiites. Eh, oui, ça existe et il n'y a guère que le manichéisme soralien pour idéaliser ces gens.

Egalement, un article relatif à la livraison d'armes aux rebelles, qui distingue les différentes composantes de la rébellion, des modérés aux djihadistes sunnites les plus internationalistes, en passant par les islamistes plus ou moins virulents. Et encore, un billet sur les djihadistes venant de France.

Toute la liste des travaux de ce remarquable blogueur est à exploiter ici.

28/08/2013

Brzezinski sur la crise syrienne

 

Heilbrunn : nous sommes entrés dans la cinquième année de l’administration Obama, et vous déclarez que l’Occident se livre à une « propagande de masse ». Obama est-il entraîné dans l’affaire syrienne parce qu’il est trop faible pour résister au statu quo ? Qu’est-il arrivé au président Obama pour qu’on en soit arrivé là ?

Brzezinski : Je ne peux pas me lancer ni dans une psychanalyse, ni dans un quelconque révisionnisme historique. A l’évidence, il a un problème difficile entre les mains, et il y a un aspect mystérieux à tout cela. Il suffit de considérer la chronologie. À la fin de 2011, on a vu des flambées de violence en Syrie provoquées par une sécheresse et encouragées par deux autocraties bien connues dans le Moyen-Orient : le Qatar et l’Arabie saoudite. D’un seul coup, Obama annonce qu’Assad doit partir – apparemment sans aucune véritable préparation pour faire en sorte que cela se produise. Puis, au printemps 2012, l’année des élections ici, la CIA dirigée par le général Petraeus, selon le New York Times du 24 mars de cette année dans un article très révélateur, monte une opération à grande échelle pour aider les Qataris et les Saoudiens et les relier en quelque sorte aux Turcs dans cet effort. Etait-ce un plan stratégique ? Pourquoi avons-nous tout d’un coup décidé que la Syrie devait être déstabilisée et son gouvernement renversé ? A-t-on jamais fourni une explication au peuple américain ? Puis, dans la dernière partie de 2012, en particulier après les élections, le vent du conflit tourne un peu contre les rebelles. Et il devient clair que certains de ces rebelles ne sont pas si « démocratiques » que ça. Et donc toute la politique doit être reconsidérée. Je pense que ces choses doivent être clarifiées afin que l’on puisse avoir une compréhension plus précise des objectifs de la politique américaine.

Heilbrunn : Historiquement, nous avons souvent aidé des mouvements rebelles - au Nicaragua, en Afghanistan et en Angola, par exemple. Si vous êtes un néo-conservateur ou un faucon progressiste, vous allez dire qu’il s’agit d’une aide destinée à des forces en lutte pour renverser un dictateur. Alors qu’est-ce qu’il y a de mal à entreprendre une intervention pour des raisons humanitaires ?

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13/07/2013

« Extension du domaine du bordel »

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« - Vous chantiez ? j'en suis fort aise. Eh bien : dansez maintenant. »

 

« (...) L’Egypte “démocratiquement” remise dans le bon axe dont nul ne sait exactement dans quel sens il s’oriente, constitue un cas vertigineux d’imbroglio des positions contradictoirement antagonistes et des soutiens paradoxalement contradictoires.

• La Syrie d’Assad se réjouit bruyamment (peut-être la plus bruyante de tous) de la chute de Morsi, qui est applaudie des deux mains par Israël, par l’Arabie et les Émirats, par les USA (d’une main et demi) et par l’UE (d’une seule main assez molle), – bref, par le bloc BAO qui ne rate jamais une occasion “démocratique” d’exprimer sa position.

• La Turquie et l’opposition syrienne et anti-Assad sont, avec le Qatar, les partis les plus désespérées par la chute de Morsi. La Turquie le dit ouvertement et avec fureur tandis que le Qatar est obligé de féliciter la clique Al-Sisi. Les rebelles syriens sont officiellement entre deux eaux. Par ailleurs, ces trois partis sont, dans leur terrible vindicte anti-Assad, les plus proches amis des USA et du bloc BAO qui se réjouissent de leur côté, avec plus ou moins d'entrain, de la chute de Morsi.

• L’Iran s’est payé le luxe après deux-trois jours de réflexion, d’une position qui ne le gêne pas trop, de condamner le “coup d’État démocratique”, suffisamment pour se rapprocher d’une Turquie désespérée, sans se couper bien entendu une seule seconde de son allié syrien qui cultive la position exactement inverse. Nous soupçonnons les dirigeants iraniens de rire entre leurs barbes, puisqu’en s’engageant du bout des lèvres sans vraiment se compromettre, ils ne perdent aucun allié et suscitent leur rapprochement avec des pays importants et qui leur sont géographiquement très proches (la Turquie).

• On ajoutera même, pour compléter cette étrange situation tourbillonnante, l’extraordinaire variété du commentaire “complotiste”, qui est un signe aussi révélateur que le chaos des positions des uns et des autres. Tous les “complotistes”, jusqu’alors plus ou moins unis dans leurs interprétations des événements, se retrouvent aujourd’hui dans des positions parfois diamétralement opposées... Selon que le complotiste est plus anti-USA que pro-Assad, il condamnera absolument la chute de Morsi comme un montage de A jusqu’à Z des USA ; selon qu’il est plus pro-Assad qu’anti-US, il applaudira à l’élimination du dirigeant le plus fameux des Frères qui ne rêvent que de porter la tête de Assad au bout d’une pique révolutionnaire. Inutile de citer l’un ou l’autre, nos lecteurs s’y reconnaîtront bien, et nul jugement de valeur ni de considération dans ce constat, sinon, justement, le constat du désordre...

Où voit-on là-dedans la moindre manœuvre et cohésion géopolitiques, la moindre esquisse de stratégie ? Il y a simplement le tourbillon d’un grand désordre où éclatent en chapelets accusateurs les contradictions et les engagements forcés. Simplement, il s’agit de faire la différence entre les positions fondamentales et légitimes (l’Iran consolide sa position stratégique sans compromettre son alliance fondamentale avec la Syrie, la Syrie poursuit sa tâche principale contre la rébellion subsidiée pour l’essentiel par l’extérieur) et les positions de circonstance, suscitées par des enchaînements indirects, par des situations intérieurs, par des circonstances de communication (le bloc BAO dans son ensemble, les Émirats du Golfe). Enfin, Israël, qui affiche sa satisfaction de la chute de Morsi, ne sait en réalité pas vraiment où se trouve son intérêt décisif. Ce pays a perdu pour l’instant son objectif stratégique principal (l’Iran), passé au dernier rang des préoccupations générales et placé dans une position stratégique renforcée, en plus avec un nouveau président que tout le monde couvre de fleurs quand on y pense, avant même qu’il soit au pouvoir ; Israël se contente donc de tenter de ne pas trop perdre sur ses positions les plus proches (frontières égyptienne et syrienne) sans être assuré de maintenir sa sécurité.

Où pourrait-on voir là-dedans la simple esquisse d’un de ces maîtres-plans (US, évidemment) de “refonte du Moyen-Orient” dont les commentateurs nous régalent à intervalles réguliers. Il s’agit simplement du bordel, en général de type-BAO, enrobé de chaos, glissé dans une enveloppe de désordre. On se contente d’inscrire sur l’enveloppe “Tout va bien, la démocratie avance”, et l’on attend la prochaine crise. (...) »

Philippe Grasset