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25/02/2014

Game over

 

Dennis Meadows est l'un des auteurs du fameux livre de 1972 "Les limites à la croissance dans un monde fini". Partant de l'idée de bon sens que la croissance indéfinie est impossible dans un monde fini, les auteurs, un groupe de scientifiques du M.I.T. américain, utilisaient une modélisation des interactions entre ressources, technologie, pollution et population au niveau du monde entier pour tenter de caractériser des "avenirs possibles" du système économique, de la population humaine et de la planète. Leurs résultats les amenèrent à alerter sur le risque qu’en continuant un développement économique sans limite, l’humanité risquait d'épuiser les ressources de la planète et même de dépasser la capacité de la nature à se renouveler elle-même.

L'étude de 1972 a décrit plusieurs scénarios d'évolution possible de l'économie, de la population et des ressources mondiales, chaque scénario correspondant à des choix différents que l'humanité pouvait collectivement faire à partir de 1972. Leur scénario "On continue comme avant", qui correspond grosso modo à ce qui s'est passé par la suite, prédisait que l'approche des limites de la planète commencerait à exercer un fort impact sur la croissance à partir des environs de l'année 2010, impact qui irait ensuite croissant, finissant par déboucher d'ici 2050 au plus tard sur un effondrement, c'est-à-dire une baisse précipitée du niveau de vie et peut-être de la population mondiale, dans une situation d'épuisement des ressources et de l'environnement naturel.

Il est certes permis de mettre en rapport cette alerte précoce avec l'augmentation d'un facteur 2,5 du prix du pétrole depuis 2005, la tendance au plafonnement de la production de carburants liquides, les tensions alimentaires qui se manifestent depuis 2007 ainsi qu'avec la crise financière initiée en 2008 et toujours en cours.

Voici en exclusivité pour Nœud Gordien la version française d'une récente interview de Dennis Meadows, accordée au magazine autrichien Format à l'occasion des quarante ans de l'étude originelle de 1972.

Le discours de Meadows est d'un pessimisme frappant. Il est tentant – et il serait rassurant – de le rejeter d'emblée comme extrémiste. Attention cependant, car Dennis Meadows est tout sauf un excité apocalyptique ! Avoir été à l'origine de l'étude visionnaire des "Limites à la croissance" dès 1972 lui confère une très forte crédibilité. Il mérite d'être écouté, que son regard sur les prochaines décennies soit trop sombre ou qu'il soit justifié, et les questions qu'il pose sont quoi qu'il en soit judicieuses, bien que fort dérangeantes.

La version originale de l'interview est disponible en allemand sur le site de Format.

Une version anglaise est également disponible sur le site Damn the Matrix.

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25/07/2012

Ploutocratie

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« (...) la masse totale des avoirs des super-riches planqués dans les “paradis fiscaux” pour éviter l’impôt atteint au moins £13.000 milliards (ou trillions), et peut-être jusqu’à £20.000 milliards (chiffre que certains ont préféré, pour transcrire en $31.000 milliards, alors que £13.000 milliards correspond à $21.000 milliards) ; soit, comme chacun peut le calculer, au moins autant que les PIB des USA et du Japon additionnés. Le Guardian (dans sa version The Observer), abandonnant un moment sa croisade pour libérer la Syrie et lui donner accès à notre Système, nous donne effectivement, ce 22 juillet 2012 tous les détails sur cette situation. Sur les £13.000 milliards, près de la moitié, soit £6.300 milliards, vont à 92.000 personnes, soit 0,001% de la population mondiale ; le reste, ce sont les 99,999% comme vous et moi. (Ces deux derniers chiffres en arrondissant quelque peu, mais sans gravité, – on concédera que l’esprit de la chose s’y trouve.) (...)

Parallèlement, Associated Press a publié une étude sur la pauvreté aux USA. Il s’agit du cas classique d’une progression sous la forme d’une régression, le niveau de la pauvreté semblant devoir atteindre, en un gracieux mouvement de retour sur soi-même, le rang de la pauvreté de 1960, quasiment à l’origine de la tenue à jour de cet indice du taux de pauvreté (indice mis en place en 1959). Le recensement effectué par AP s’arrête à 2010 et l’on attend les chiffres de 2011 pour cet automne, “dans les semaines critiques avant l’élection présidentielle”, – ce qui suscite l’angoisse de BHO [Obama], bien entendu, dont on ne doute pas que le motif est cette situation de la pauvreté bien plus que le moment, proche de sa réélection potentielle et espérée, où l’on donnera les chiffres de 2011, – qui seront, bien entendu, pires, bien pires que ceux de 2010… (Voir Newsday.com, Associated Press, le 22 juillet 2012.) (...)

La seconde nouvelle a bénéficié de bien moins de publicité que la première, qui a été largement diffusée. Les deux, mises en parallèle, trouvent leur place pour grossir encore l’évidence de l’absurdité grotesque de ce Système qui ne mérite même plus le moindre effort de compréhension, et la moindre explication, qui ne mérite que l’inconnaissance de la plupart de ses productions relevant du désordre de la psychiatrie et allant toujours dans le même sens du désordre des esprits et des faits. Ce Système est définitivement verrouillé dans cette absurdité de lui-même, dont plus rien ne pourra le faire sortir. Les critiques rationnelles se heurtent à la masse colossale de l’évidence de l’absurdité, et toute démonstration ne fait qu’amoindrir cet effet de l’évidence.

Il reste que l’accumulation des évidences, sans attirer une attention particulière, continue à renforcer dans nos psychologies une charge terrifiante de fureur explosive. Lui-même, le Système, se trouve de plus en plus déséquilibré par les effets de l’asymétrie de ses infamies, et sans la moindre conscience qu’il faudrait tenter d’y remédier pour au contraire les renforcer encore par la simple mécanique découlant de son maquillage idéologique poussant toujours vers l’aggravation des conditions de son autodestruction. Cette mécanique évidemment et nécessairement aveugle du Système, alimentant les réflexions des élites qui le servent dans le sens de les débarrasser de toute substance possible, ne peut que constater, sans s’y arrêter vraiment, l’ampleur de l’accumulation des situations catastrophiques, et ce constat fait, sans avoir une seconde à l’esprit l’idée qu’il faudrait chercher à y remédier. Il n’est même pas question d’observer que cette tâche (“y remédier”) est impossible, il suffit d’admettre qu’elle n’est même pas envisagée parce qu’elle n’est même pas jugée nécessaire, parce que la catastrophe n’est même pas perçue comme “catastrophique”, parce que la catastrophe n’est même pas perçue comme une catastrophe, parce que plus rien n’est rien et que les choses vont comme elles vont, au fil de l’eau secouée par la tempête. »

Philippe Grasset

23/02/2012

Le meilleur des mondes, nous y sommes

J'ai découvert ces extraits d'une conférence donnée au Language Center de l'Université de Berkeley (Californie), le 20 mars 1962, par Aldous Huxley, le célèbre auteur du « Meilleur des mondes », roman visionnaire paru en 1932 (!), grâce à un commentaire de @Galileen (merci à lui) sur le Scriptoblog.

En VF, il n'y a malheureusement pas mieux que cette brève partie d'un film du gros Alex Jones, dont je vous conseille encore et toujours de vous méfier grandement :

 

 

Mais en VO, il y a ça, qui mériterait d'être traduit intégralement (le texte en anglais est ici) :

 

13/03/2011

Zbigniew Brzezinski et "l'éveil politique" de l'humanité

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« Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, pratiquement toute l’humanité est politiquement active, politiquement consciente et politiquement interactive. Il ne reste que quelques poches dans les coins les plus reculés qui ne sont pas politiquement éveillés et connectés aux troubles politiques qui sont si répandus dans le monde. Le militantisme global fait émerger l’exigence d’un respect culturel et de justice économique dans un monde marqué par le souvenir de dominations coloniales ou impériales... L’aspiration globale à la dignité humaine constitue le défi principal inhérent au phénomène de prise de conscience politique globale.

L’Amérique doit affronter une nouvelle réalité globale : la population mondiale connaît une prise de conscience politique sans précédent de par son ampleur et son intensité. Il en résulte que les politiques populistes sont en train de transformer les politiques de pouvoir. La nécessité de répondre à ce phénomène massif pose un dilemme historique à l’Amérique : quel devrait être la définition du rôle global de l’Amérique ? Le défi principal de notre époque n’est pas le terrorisme global mais plutôt les troubles croissants provoqués par le phénomène de prise de conscience politique globale. Cette prise de conscience est massive en termes sociaux et radicale en termes politiques.

… Il n’est pas exagéré de dire que maintenant au 21ème siècle la population d’une bonne partie des pays en voie de développement est politiquement agitée et dans de nombreux cas en ébullition. C’est une population dotée d’une conscience aiguë des injustices sociales, sans précédent, et souvent irritée contre ce qu’elle perçoit comme un manque de dignité politique. L’accès quasi généralisé à la radio, à la télévision et de plus en plus à l’Internet est en train de créer une communauté qui partage les mêmes analyses et ressentiments qui pourraient être galvanisés et canalisés par des passions politiques ou religieuses démagogiques. Ces énergies transcendent les frontières et représentent un défi à la fois pour les états existants et la hiérarchie globale existante, au sommet de laquelle se trouve encore l’Amérique.

La jeunesse du Tiers Monde est particulièrement agitée et irritée. De plus, la révolution démographique est une bombe politique à retardement. A l’exception de l’Europe, du Japon et de l’Amérique, le groupe démographique des tranches d’age autour de 25 ans est en rapide expansion et est en train de créer une masse énorme de jeunes impatients. Leurs esprits ont été agités par les sons et les images lointains qui amplifient leur désaffection pour tout ce qui les entoure. L’avant-garde d’une révolution potentielle émergera probablement de ces millions d’étudiants concentrés dans les « troisièmes niveaux » intellectuellement douteuses des systèmes éducatifs des pays en voie de développement. Selon la définition des troisièmes niveaux, il y a actuellement entre 80 et 130 millions d’étudiants « d’université ». Typiquement, ils sont originaires des classes moyennes inférieures et sont enflammés par un sentiment de révolte social et ces millions d’étudiants sont des révolutionnaires en puissance, déjà à moitié mobilisés au sein de larges congrégations, connectés par Internet et prépositionnés pour rejouer à une plus grande échelle les événements qui ont eu lieu il y a quelques années à Mexico City ou sur la place Tienanmen. Leur énergie physique et leurs frustrations émotionnelles n’attentent que l’étincelle d’une cause, d’une croyance ou d’une haine pour exploser. »

Extraits d'un discours prononcé par Zbigniew Brzezinski à Chatham House (l'équivalent anglais du CFR) en novembre 2008, et dont une version édulcorée a été reprise par le New York Times.

Pour approfondir le sujet, lire cet article.