Selon le LEAP, « 2012 sera l'année de la colère des peuples » (15/01/2012)

Image symbolique d'une réalité perçue par l'inconscient collectif ?

 

Souhaitons que Franck Biancheri et ses collaborateurs aient raison, dans leur communiqué de ce jour :

« (...) cette année verra notamment les dernières tentatives des puissances dominantes du monde-d'avant-la-crise de maintenir leur pouvoir global, que ce soit en matière stratégique, économique ou financière. Quand nous utilisons le terme "dernières", nous voulons souligner qu'après 2012 leur puissance sera trop affaiblie pour pouvoir encore prétendre maintenir cette situation privilégiée. La récente dégradation de la plupart des pays de l'Euroland par S&P est un exemple typique de ces tentatives de la dernière chance : poussés par Wall Street et la City, et du fait de leurs besoins insatiables de financement, les Etats-Unis et le Royaume-Uni en sont arrivés au point d'engager une guerre financière ouverte avec leurs derniers alliés, les Européens (le Royaume-Uni est comme un animal pris au piège de la dette. Et du fait du poids gigantesque de la dette du secteur financier britannique, il est condamné à tenter par tous les moyens d'obliger l'Euroland à payer les dettes de la Grèce, etc… La décote des dettes publiques occidentales est un bazooka pointé sur le cœur du Royaume, la City). C'est du suicide géopolitique car cette attitude oblige l'Euroland à se renforcer en s'intégrant toujours plus et en se dissociant des Etats-Unis et du Royaume-Uni ; tandis que l'immense majorité des dirigeants et des populations de la zone Euro ont enfin compris qu'il y avait bien une guerre transatlantique et transmanche conduite contre eux. (...)

Dans un autre registre, les tentatives de créer une "petite guerre froide" avec la Chine ou de tendre un piège à l'Iran sur la question de la libre-circulation dans le détroit d'Ormuz ressortent du même réflexe (la Russie a déjà fait son choix en développant son commerce avec l'Iran en roubles et rials, éliminant le dollar US des transactions entre les deux pays. Quant à l'Europe, elle gesticule sous pression US, mais in fine ne fera pas grand-chose en matière d'embargo car d'ici juin (nouvelle date pour prendre une décision), la carte politique aura bien changé). (....)

Le grand basculement de 2012, c'est aussi celui des peuples. Car 2012 sera aussi l'année de la colère des peuples. C'est l'année où ils vont entrer massivement sur la scène de la crise systémique globale. 2011 aura été un "tour de chauffe" où des pionniers auront testé méthodes et stratégies. En 2012, les peuples vont s'affirmer comme les forces à l'origine des basculements majeurs qui vont marquer cette année-charnière. Ils le feront de manière pro-active parce qu'ils créeront les conditions de changements politiques décisifs via des élections (comme ce sera le cas en France avec l'éviction de Nicolas Sarkozy - ce qui, au passage, remettra la France dans sa logique historique "gaullo-européenne" au lieu de l'ancrage occidentaliste qu'aura incarné la parenthèse Sarkozy) ou via des manifestations massives (Etats-Unis, Monde Arabe, Royaume-Uni, Russie). Et ils le feront aussi de manière plus passive en générant la crainte chez leurs dirigeants, obligeant ces derniers à une attitude "pré-emptive" pour éviter un choc politique majeur (comme ce sera le cas en Chine - où, selon le LEAP, le risque d'explosion populaire majeure se trouve à la croisée d'une situation économique tendue [ce sera le cas en 2012] et d'un accident majeur de santé publique ; beaucoup plus que dans un contexte de remise en cause directement politique ou dans plusieurs pays européens). Dans les deux cas, quoiqu'en pensent les élites des pays concernés, c'est un phénomène constructif car rien d'important ni de durable ne peut émerger de cette crise si les peuples ne s'impliquent pas (l'annonce par les Frères musulmans égyptiens qu'ils soumettront à référendum le traité de paix avec Israël appartient à cette même tendance). (...) Dans le même temps, on continue à voir les investisseurs fuir les bourses et les actifs financiers, notamment aux USA.

Le grand basculement de 2012, c'est encore l'effondrement accéléré du pouvoir des banques et institutions financières occidentales, une réalité que nous décrivons (...), contrairement au discours populiste actuel qui oublie que le ciel étoilé que nous contemplons est une image d'une réalité disparue depuis longtemps. La crise est une telle accélération de l'Histoire que beaucoup n'ont pas encore compris que le pouvoir des banques dont ils s'inquiètent est celui qu'elles avaient avant 2008. (...)

Et le grand basculement, c'est aussi l'arrivée à maturité des BRICS qui, après cinq années à se chercher et à prendre leurs marques, vont en 2012 commencer à peser fortement et pro-activement sur les décisions internationales (les dirigeants chinois par exemple semblent plus déterminés que jamais à suivre le chemin qu'ils estiment le meilleur - y compris pour la conquête spatiale, symbole par excellence du leadership -, rejetant les pressions extérieures). Or, ils constituent sans aucun doute possible l'un des acteurs essentiels pour l'émergence du monde d'après la crise ; et un acteur qui, au contraire des Etats-Unis et du Royaume-Uni, sait que son intérêt est d'aider l'Euroland à traverser cette crise.

Avec un Euroland stabilisé et doté d'une gouvernance solide, la fin 2012 se présentera donc comme une première opportunité de fonder les bases d'un monde dont les racines ne plongeront plus dans l'après Seconde Guerre Mondiale. Ironiquement, c'est probablement le sommet du G20 de Moscou en 2013, le premier à se tenir hors du camp occidental, qui concrétisera les promesses de la seconde moitié de 2012. (...) »

En ce qui concerne la France, comme je l'ai écrit hier, je suis loin d'être certain de la victoire de François Hollande le 06 mai prochain.

Il est vrai, toutefois, qu'à trois mois du premier tour, les sondages le placent largement en tête et il faudrait, pour renverser la tendance en faveur de Sarkozy (à supposer qu'il soit candidat), que celui-ci parvienne à rassurer les électeurs sur son compte, ce qui devient de plus en plus douteux dans un contexte très difficile pour lui aux plans économique (la crise, la perte du triple A, le nouveau train de mesures de rigueur qui sera dévoilé à la fin du mois...) et politique (le FN qui a cette fois un meilleur programme - la question sociale -, une meilleure stratégie et des électeurs déjà trompés une fois par l'hôte de l'Elysée ; Bayrou le consensuel qui risque de faire un bon score, comme le pense aussi JMLP).

En admettant, donc, que malgré sa médiocrité, son absence de programme et son manque total de charisme, Hollande triomphe en mai, il est plus que douteux qu'en matière d'immigration (laquelle a progressé de 78% sous Sarkozy par rapport à l'ère Jospin), d'économie (inutile, je pense, que je détaille la faillite de la politique sarkozienne), de social (il n'y a vraiment que Roselyne Bachelot pour contester le fiasco de Talonnettes 1er ; elle devrait aller visiter une de nos rares usines restantes, de temps en temps - ailleurs que dans le secteur pharmaceutique -, ou un hypermarché...) et de politique étrangère (plus atlantiste, attalien, kouchnerien et BHLien que le porteur de tee-shirt NYPD, tu meurs) ; il est plus que douteux, dis-je, que dans tous ces domaines, le Beignet puisse faire pire.

Comme, par ailleurs, les cordons de la bourse ne peuvent plus guère être déliés pour financer les lubies immigrationnistes, fonctionnaristes et assistanoïdes des petits-bourgeois intellectuellement fossilisés depuis mai 68 qui composent une bonne partie de l'électorat PS, ce dont Hollande a parfaitement conscience, et que les promesses électorales n'engagent que ceux qui y croient, surtout dans une France dont la politique se fait à Bruxelles bien plus qu'à Paris, il serait même vain de voire dans une telle alternance (ou plutôt, pseudo-alternance) un réel événement.

Au plan européen, en revanche, le LEAP souligne l'européisme du candidat « socialiste », contraire à l'atlantisme sarkozien : « comme tout le monde le sait en France, François Hollande est au contraire un pro-Européen et pro-Euro farouche » (note 1).

Pour ce qui est de la politique étrangère, c'est cela qui est réellement important, dans la mesure où l'Europe a besoin que ses dirigeants croient en elle, même si leur action au sein de l'Union sous sa forme actuelle est globalement négative. L'avenir verra, je le pense vraiment, l'avènement d'une autre forme, plus respectueuse des peuples et des souverainetés, débarrassée de l'idéologie mortifère qui sévit encore parmi nos « élites » mais qui ne pourra résister encore bien longtemps au retour du réel, ni à la volonté populaire.

Par ailleurs, que le Président de la France soit « de droite » ou « de gauche » n'a aucune signification, ni aucune portée pratique. Ce qui compte, c'est le populisme révolutionnaire qui se dessine et dont les prémices commencent à suggérer discrètement à la partitocratie clientéliste des orientations lui permettant d'espérer se maintenir en place.

Or, le LEAP annonce, lui aussi, le réveil des peuples, dans un monde où, comme l'écrit Pascal Boniface, se propage « une onde de choc » et où le soi-disant « redressement » des Etats-Unis est « trompeur » selon Nouriel Roubini, économiste pourtant proche du pouvoir américain. Deux auteurs qui confirment donc les tendances dégagées par le LEAP, sans pour autant partager ses convictions, trop souvent montées en épingle par ses détracteurs pour critiquer ses prévisions.

Au plan mondial donc, la France, pays de références historiques, politiques et culturelles à de nombreux égards, ce qui est essentiel dans une situation d'effondrement, a un rôle important à jouer, indissociable de celui de l'Europe. Une Europe qui a autant besoin de notre pays que nous avons besoin d'elle, en tant que puissance dont, n'en doutons pas, avec l'Allemagne et la Russie, nous serons l'un des trois piliers et l'un des trois moteurs.

C'est dans ce sens que je lis le dernier communiqué du LEAP, car à mon avis, c'est dans ce sens qu'il doit être lu.

21:30 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : leap, franck biancheri, 2012, communiqué, colère, peuples, etats-unis, royaume-uni, finance, dette, chine, iran, russie, brics, nicolas sarkozy, françois hollande, élites, effondrement, banques, europe, bayrou, fn, jmlp, immigration, populisme, révolution, pascal boniface, nouriel roubini, axe paris-berlin, moscou |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |