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17/04/2012

L'Allemagne n'a pas intérêt à sortir de l'euro

Pas le choix, Madame Merkel...

 

J'ai déjà dit qu'à mon avis, l'Allemagne n'avait pas intérêt à sortir de l'euro.

Une confirmation comptable supplémentaire vient d'être apportée à cette thèse, par Patrick Artus pour Natixis :

« L'explosion de l'euro aurait pour l'Allemagne deux sources de coûts considérables :

  • la perte de compétitivité-coût due à l'appréciation du "mark" ;
  • les pertes en capital sur les actifs accumulés par l'Allemagne dans les autres pays de la zone euro, et dans le Reste du Monde (si le mark s'apprécie par rapport à toutes les monnaies).

On considère le plus souvent que ces coûts sont tellement élevés que l'Allemagne devra accepter toutes les politiques, quelles qu'elles soient, nécessaires pour assurer la stabilité de la zone euro. Mais on voit aussi grandir en Allemagne le sentiment qu'assurer la stabilité de la zone euro va être durablement extrêmement coûteux pour l'Allemagne ; si les pays du Sud de la zone euro ne parviennent pas à équilibrer leurs balances courantes, la seule solution pour éviter l'éclatement de l'euro serait des transferts de l'Allemagne vers ces pays couvrant leur déficit extérieur ; il ne pourrait plus s'agir de prêts, puisque la dette extérieure de ces pays est excessive.

La question est donc de savoir si l'Allemagne ne finira pas par préférer le coût de la rupture de l'euro au coût du "fédéralisme forcé". Notre réponse est négative : le coût de l'explosion de l'euro est beaucoup plus important, pour l'Allemagne, que celui de transferts fédéraux forcés.

Les coûts de l'explosion de l'euro pour l'Allemagne

L'explosion de la zone euro aurait deux types de coûts pour l'Allemagne :

1 - L'appréciation induite du "mark" conduirait à une forte dégradation de la compétitivité-prix de l'Allemagne, comme lors de l'explosion du Système Monétaire Européen en 1992-93. Le taux de change réel de l'Allemagne s'était alors apprécié de 30%, ce qu'il a fallu 20 ans à l'Allemagne pour corriger.

Les exportations de l'Allemagne vers la zone euro représentent 17% du PIB de l'Allemagne, les exportations totales de l'Allemagne 42% du PIB de l'Allemagne.

Une appréciation effective réelle de 30% de l'Allemagne (du "mark") comme en 1992-93 [lui] coûterait donc 5 points de PIB (chaque année) (...). Ce calcul tient compte du poids de la zone euro dans les exportations de l'Allemagne et de la concurrence entre l'Allemagne et les autres pays de la zone euro sur les marchés non européens.

2 - L'appréciation induite du mark conduirait à une perte en capital sur les actifs extérieurs bruts de l'Allemagne.

L'Allemagne a accumulé, avec ses excédents extérieurs des actifs extérieurs nets vis-à-vis des autres pays de la zone euro mais aussi vis-à-vis du Reste du Monde. S'il y a appréciation effective réelle de 30% de l'Allemagne, la perte en capital, sur les actifs extérieurs bruts de l'Allemagne, serait de 65 points de PIB.

Mais stabiliser la zone euro pourrait se révéler extrêmement coûteux pour l'Allemagne

Le problème fondamental de la zone euro est connu : les pays du Sud de la zone euro (France, Espagne, Italie, Portugal, Grèce) ont un déficit extérieur chronique qui est dû à leur forte désindustrialisation par rapport aux pays du Nord de la zone euro (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Finlande).

La désindustrialisation est elle-même due à la perte de compétitivité, à l'insuffisance d'effort d'innovation, au positionnement trop bas en gamme.

Dans une Union Monétaire sans fédéralisme, et où les solutions de court terme (prêts du FESF, du FMI, repos de la BCE) ne peuvent pas être prolongées dans le long terme, les pays ne peuvent pas conserver un déficit extérieur permanent (ils sont confrontés à une contrainte de solvabilité extérieure).

Ce déficit extérieur ayant des causes structurelles (désindustrialisation, perte de compétitivité, positionnement bas en gamme), il ne peut pas être réduit facilement ou rapidement, surtout si les pays finissent par rejeter la hausse du chômage qui vient de la baisse de la demande intérieure, seul moyen pour réduire à court terme le déficit extérieur.

Ceci veut dire que les pays du Sud de la zone euro vont conserver un déficit extérieur :

  • puisqu'à court terme ils ne peuvent pas modifier leur structure productive ;
  • puisque la hausse du chômage qui correspondrait à une baisse de la demande intérieure suffisante pour faire disparaître le commerce extérieur, est insupportable socialement.

Mais, pour éviter l'explosion de l'euro, il faudra alors que l'Allemagne (les pays du Nord de la zone euro) finance le déficit extérieur qui subsiste des pays du Sud de la zone euro. Si ce déficit n'est pas financé, il y a inévitablement crise de balance des paiements et explosion de l'euro. Il ne peut pas s'agir de financements par des prêts, puisque les pays du Sud de la zone euro ont déjà une dette extérieure excessive.

Il ne peut donc s'agir que de transferts publics, liés à la mise en place du fédéralisme, allant des pays du Nord de la zone euro vers les pays du Sud de la zone euro. La taille de ces transferts fédéraux est celle du déficit qui subsistera de la balance courante des pays du Sud de la zone euro, soit probablement 4 points environ de PIB de l'Allemagne par an.

Synthèse : le choix que devra faire l'Allemagne

L'Allemagne devra choisir entre :

  • les coûts associés à l'explosion de l'euro : perte de compétitivité, perte en capital sur les actifs étrangers détenus. Si l'explosion de l'euro conduit à une appréciation de 30% du taux de change effectif du mark, il s'agit d'un coût de 65 points de PIB de l'Allemagne immédiatement puis de 5 points de PIB chaque année ;
  • le coût lié à la mise en place d'un "fédéralisme contraint", visant à financer les déficits extérieurs des pays du Sud de la zone euro pour qu'ils puissent rester dans l'euro. Nous estimons ce coût pour l'Allemagne à 4 points de PIB chaque année.

Au total, la comparaison est claire : le coût pour l'Allemagne de l'explosion de l'euro est beaucoup plus grand que le coût du fédéralisme forcé. »

Source (comprenant de nombreux graphiques)

09/03/2012

La mondialisation, une des principales causes de la crise

 

« (...) la nouvelle grappe technologique allait permettre, non pas de renouer avec un fordisme classique, mais un fordisme par de tout autres moyens : la mondialisation. L’informatisation peut certes développer l’automation, mais elle peut surtout mondialiser la chaîne de fabrication, une chaîne constituée de segments reliés par de l’informatique (logiciels et internet) et des containers, qui assurent la logistique planétaire comme les bandes transporteuses, machines transferts, et autres chariots filoguidés, assuraient naguère la logistique de l’atelier serti dans l’Etat-nation. Les coûts d’information et de transaction devenus proches de zéro, associés à des coûts de transports très abaissés par le fordisme des instruments de déplacement – pensons, à titre d’exemple, à la logistique portuaire entièrement normalisée et fordisée – permettent une chaîne de fabrication mondiale dont chaque segment voit ses coûts optimisés, en fonction des conditions locales d’insertion, et dont l’ensemble n’est que peu pénalisé par l’éloignement des divers éléments, ou celui des lieux de consommation. Avec un fordisme nouveau faisant apparaître de nouvelles divisions du travail et des spécialités nouvelles pour des pays qui vont jouer la carte de ce qu’on appelle la globalisation : modèle "cargo export"  pour la Chine, du "workshop" pour les exportateurs de main-d’oeuvre (Philippines, Mexique), de la rente minière pour les exportateurs de matières premières (Russie, Australie), etc. D’où un fordisme complètement renversé qui se met en place : l’ancienne cohérence production/débouché n’est plus recherchée, elle est au contraire combattue puisque ces mêmes débouchés deviennent, par la magie de la mondialisation, indépendants des conditions de la production. Par la recherche des bas salaires, par celle des coûts environnementaux les plus faibles dont bien sûr la fiscalité, l’ancienne cohérence nationale laisse la place à ce qui fut la montée de l’incohérence des années 20 aux USA, cette fois au niveau mondial : les possibilités de la production vont se heurter de façon croissante à l’étroitesse des débouchés.

Mais à ce nouvel ensemble fortement générateur de gains de productivité, il faut associer une autre logistique, celle de la finance qui se doit d'être aussi normalisée que le sont les containers. A la fluidité des moyens logistiques doit correspondre la fluidité des moyens financiers, fluidité reposant sur de communs outils : l’informatique. Cette fluidité est d’abord celle de la monnaie qui devient en quelque sorte aussi normalisée que l’industrie mécanique du début du vingtième siècle : les différentes monnaies doivent être parfaitement convertibles et ce, sans limitation. Tout contrôle des changes serait l’équivalent d’une panne sur la nouvelle chaine fordienne devenue planétaire. Curieusement, le choix du taux de change fixe est repoussé au profit de la libre fixation des prix : il y a tant à gagner pour la finance. Il faut aussi assurer la dérégulation financière, et permettre la complète libre circulation du capital et de tous les outils qui l’accompagnent. Tout manquement en la matière, reviendrait aussi à briser le plein épanouissement de la chaîne fordienne planétaire.

De fait, nous comprenons que cette mondialisation suppose désormais une présence beaucoup plus importante du monde financier, ce qui signifie aussi la mise en concurrence des systèmes financiers nationaux. D’où une très forte demande pour mettre fin, plus particulièrement en France, à la répression financière de jadis. D’où aussi la volonté de pouvoir disposer de cette matière première irremplaçable, qu’est cet actif très liquide appelé dette publique. Nous comprenons par conséquent qu’avec le mondialisme comme solution à la crise du fordisme, les banques centrales ne sauraient être oubliées et vont devenir la clef de voûte du nouveau système fordien : elles doivent garantir la logistique financière, être proches des opérateurs financiers et en contrepartie plus éloignées d’un Etat dont le souci n’est plus le noircissement de la matrice des échanges interindustriels. L’indépendance est au bout du chemin. Quant à l’Etat, il gérera sa dette publique en mode marché.

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06/10/2011

Jacques Sapir : qu'est-ce que la démondialisation ?

Merci à @Christopher Johnson pour m'avoir fait découvrir cet entretien par un commentaire sur fortune.fdesouche.com.

Pas de surprise, en ce qui concerne les idées de Jacques Sapir sur l'immigration, particulièrement développées ici.

Son analyse de ce problème au plan strictement économique n'est pas inintéressante (à noter qu'elle avait été critiquée par Xavier Malakine), mais n'échappe pas vraiment à la vulgate « extrémiste-républicaine » intégrationniste et « antiraciste ».

En revanche, sa notion trop limitée de l'identité est emblématique de cette large partie de la « vraie Gauche » qui n'a pas encore réellement pris conscience des véritables enjeux en la matière.

 

 

Source : Novopress