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10/08/2013

Notre chute vue par Soljénitsyne : racines et remèdes

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« (...) Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l'Ouest aujourd'hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations Unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d'où l'impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu'ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d'agir, qui fonde la politique d'un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu'on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu'à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d'un accès subit de vaillance et d'intransigeance, à l'égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement incapables de rendre un seul coup. Alors que leurs langues sèchent et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l'Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant coureur de la fin ?

Quand les Etats occidentaux modernes se sont formés, fut posé comme principe que les gouvernements avaient pour vocation de servir l'homme, et que la vie de l'homme était orientée vers la liberté et la recherche du bonheur (en témoigne la déclaration américaine d'Indépendance). Aujourd'hui, enfin, les décennies passées de progrès social et technique ont permis la réalisation de ces aspirations : un Etat assurant le bien-être général. Chaque citoyen s'est vu accorder la liberté tant désirée, et des biens matériels en quantité et en qualité propres à lui procurer, en théorie, un bonheur complet, mais un bonheur au sens appauvri du mot, tel qu'il a cours depuis ces mêmes décennies.

Au cours de cette évolution, cependant, un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus et d'avoir une vie meilleure, et la lutte en ce sens, ont imprimé sur de nombreux visages à l'Ouest les marques de l'inquiétude et même de la dépression, bien qu'il soit courant de cacher soigneusement de tels sentiments. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n'ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel.

L'indépendance de l'individu à l'égard de nombreuses formes de pression étatique a été garantie ; la majorité des gens ont bénéficié du bien-être, à un niveau que leurs pères et leurs grands-pères n'auraient même pas imaginé ; il est devenu possible d'élever les jeunes gens selon ces idéaux, de les préparer et de les appeler à l'épanouissement physique, au bonheur, au loisir, à la possession de biens matériels, l'argent, les loisirs, vers une liberté quasi illimitée dans le choix des plaisirs. Pourquoi devrions-nous renoncer à tout cela ? Au nom de quoi devrait-on risquer sa précieuse existence pour défendre le bien commun, et tout spécialement dans le cas douteux où la sécurité de la nation aurait à être défendue dans un pays lointain ?

Même la biologie nous enseigne qu'un haut degré de confort n'est pas bon pour l'organisme. Aujourd'hui, le confort de la vie de la société occidentale commence à ôter son masque pernicieux.

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17/12/2012

Coup double

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« (...) Longtemps professeur de philosophie politique à l’université de Genève, Éric Werner s’est fait connaître du grand public par un essai retentissant, L’Avant-guerre civile, publié en 1998. Il faisait entendre une voix d’une lucidité inhabituelle. Il développait la thèse d’une stratégie délibérée par laquelle la nouvelle classe dirigeante européenne, structurée autour du triptyque : libéralisme, américanisation, mondialisme, a établi son pouvoir en favorisant la dislocation des anciens cadres sociaux et en suscitant des antagonismes internes à la limite de la guerre civile. Antagonismes d’âge de sexe, de statut social, de culture, de religion, d’ethnie… Parmi ces antagonismes, l’immigration de masse extra-européenne jouait un rôle décisif.

Éric Werner posait la question : pourquoi cette immigration de masse a-t-elle été voulue et encouragée par les gouvernements et classes dirigeantes européennes alors que ses conséquences nuisibles sont évidentes ? Réponse : s’ils favorisent cette immigration c’est qu’elle leur profite. En attisant les antagonismes et la défiance mutuelle, elle paralyse les réactions et défenses de la population. Pour une classe dirigeante corrompue, une société balkanisée est plus facile à contrôler qu’une société homogène. L’insécurité née de l’immigration devient même une arme formidable de gouvernement.

"En laissant les délinquants agir à sa place, le pouvoir fait d’une pierre deux coups. L’ordre se défait, mais le désarroi même qui en résulte débouche paradoxalement dans une relégitimisation du pouvoir, car le pouvoir apparaît comme l’ultime rempart contre le désordre triomphant". Le pouvoir tire ainsi argument de l’insécurité pour que les citoyens se résignent à l’abandon de leurs droits, comme la légitime défense. (...) »

Dominique Venner

20/02/2012

Quand Pierre-Joseph Proudhon flinguait Rousseau (1851)

Portrait de Pierre-Joseph Proudhon en 1853 (avec ses filles), par Gustave Courbet, 1865

 

Merci à @alain21 qui m'a mis sur la piste de ces extraits de l'ouvrage de Proudhon, écrit à la prison Sainte-Pélagie où il était détenu pour « offense au Président de la République » et intitulé Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle :

« (...) Rousseau, dont l’autorité nous régit depuis près d’un siècle, n’a rien compris au contrat social. C’est à lui surtout qu’il faut rapporter, comme à sa cause, la grande déviation de 93, expiée déjà par cinquante-sept ans de bouleversements stériles, et que des esprits plus ardents que réfléchis voudraient nous faire reprendre encore comme une tradition sacrée. (...)

Le Contrat social est l’acte suprême par lequel chaque citoyen engage à la société son amour, son intelligence, son travail, ses services, ses produits, ses biens ; en retour de l’affection, des idées, travaux, produits, services et biens de ses semblables : la mesure du droit pour chacun étant déterminée toujours par l’importance de son apport, et le recouvrement exigible à fur et mesure des livraisons.

Ainsi, le contrat social doit embrasser l’universalité des citoyens, de leurs intérêts et de leurs rapports. — Si un seul homme était exclu du contrat, si un seul des intérêts sur lesquels les membres de la nation, êtres intelligents, industrieux, sensibles, sont appelés à traiter, était omis, le contrat serait plus ou moins relatif et spécial ; il ne serait pas social.

Le contrat social doit augmenter pour chaque citoyen le bien-être et la liberté. — S’il s’y glissait des conditions léonines ; si une partie des citoyens se trouvait, en vertu du contrat, subalternisée, exploitée par l’autre : ce ne serait plus un contrat, ce serait une fraude, contre laquelle la résiliation pourrait être à toute heure et de plein droit invoquée.

Le contrat social doit être librement débattu, individuellement consenti, signé, manu propriâ, par tous ceux qui y participent. — Si la discussion était empêchée, tronquée, escamotée ; si le consentement était surpris ; si la signature était donnée en blanc, de confiance, sans lecture des articles et explication préalable ; ou si même, comme le serment militaire, elle était préjugée et forcée : le contrat social ne serait plus alors qu’une conspiration contre la liberté et le bien-être des individus les plus ignorants, les plus faibles et les plus nombreux, une spoliation systématique, contre laquelle tout moyen de résistance et même de représailles pourrait devenir un droit et un devoir.

Ajoutons que le contrat social, dont il est ici question, n’a rien de commun avec le contrat de société, par lequel, ainsi que nous l’avons démontré dans une précédente étude, le contractant aliène une partie de sa liberté et se soumet à une solidarité gênante, souvent périlleuse, dans l’espoir plus ou moins fondé d’un bénéfice. Le contrat social est de l’essence du contrat commutatif : non-seulement il laisse le contractant libre, il ajoute à sa liberté ; non-seulement il lui laisse l’intégralité de ses biens, il ajoute à sa propriété ; il ne prescrit rien à son travail, il ne porte que sur ses échanges : toutes choses qui ne se rencontrent point dans le contrat de société, qui même y répugnent.

Tel doit être, d’après les définitions du droit et la pratique universelle, le contrat social. Faut-il dire maintenant que de cette multitude de rapports que le pacte social est appelé à définir et à régler, Rousseau n’a vu que les rapports politiques, c’est-à-dire qu’il a supprimé les points fondamentaux du contrat, pour ne s’occuper que des secondaires ? Faut-il dire que de ces conditions essentielles, indispensables, la liberté absolue du contractant, son intervention directe, personnelle, sa signature donnée en connaissance de cause, l’augmentation de liberté et de bien-être qu’il doit y trouver, Rousseau n’en a compris et respecté aucune ?

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