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03/07/2012

Les villes, laboratoire du communautarisme mondialisé

 

« La transformation des anciens quartiers populaires en quartiers bourgeois et l’appropriation d’un parc de logements historiquement destinés aux couches populaires par des catégories supérieures ne suscitent aucun émoi particulier. Alors que les discours incantatoires sur le manque de logements sociaux n’ont jamais été aussi présents, rares sont les politiques qui s’émeuvent aujourd’hui de la conquête par une petite bourgeoisie du parc privé “social de fait” des grandes villes.

Ce silence est d’autant plus étourdissant que c’est ce parc privé, et non le parc social, qui, jusqu’à aujourd’hui, a toujours répondu majoritairement aux besoins des couches populaires, et l’ampleur de cette perte ne sera que très partiellement compensée par la construction sociale.

Le changement de destination d’un parc de logements occupés depuis deux siècles par des catégories modestes est d’autant moins dénoncé qu’il bénéficie aux catégories supérieures et aux prescripteurs d’opinions. On arrive ainsi à une situation ubuesque où ces catégories moyennes et supérieures, celles qui participent le plus à l’éviction des catégories populaires et à l’appropriation de leurs logements, sont aussi celles qui plébiscitent le plus la mixité dans la ville et qui soulignent la nécessité de construire des logements sociaux.

En réalité, et au-delà des discours grandiloquents, ce sont des logiques foncières et patrimoniales qui déterminent les dynamiques à l’œuvre. Ainsi, si les espaces publics dans les grandes villes ont donné lieu à un partage savant qui permet de maintenir le décorum ouvriériste ou ethnique, les commerces ethniques et les hard-discounters côtoient désormais les bistrots-bobos et les supérettes bio. En revanche, la répartition du patrimoine immobilier ne fait l’objet d’aucune “négociation” de la part des couches supérieures. On accepte à la rigueur le maintien d’un parc social marginal (surtout s’il est destiné aux petites classes moyennes), mais pas le maintien dans le parc privé des catégories populaires. Dans ces quartiers, les bobos sont en train de se constituer un patrimoine d’une très grande valeur en acquérant de grandes surfaces industrielles, artisanales ou en réunissant de petits appartements. Les services des impôts ont ainsi enregistré une explosion des ménages payant l’ISF dans tous les quartiers populaires des grandes villes et notamment à Paris.


Pour se maintenir dans les grandes métropoles, les catégories modestes n’ont qu’une solution : intégrer le parc de logements sociaux. Hier, très majoritairement locataires dans le parc privé ou propriétaires, les catégories populaires sont dorénavant de plus en plus locataires dans le parc social. De la même manière, alors que la part des propriétaires occupants n’a cessé d’augmenter dans les grandes zones urbaines, celle des propriétaires occupants modestes baisse. Ce basculement du statut d’occupation est un indicateur culturel de la place qu’on accorde aux catégories populaires dans les grandes agglomérations.

L’embourgeoisement des grandes villes entraîne ainsi une socialisation du statut d’occupation des couches populaires. Cette dépendance croissante vis-à-vis de l’Etat est une caractéristique des couches populaires résidant dans les grandes métropoles embourgeoisées. Elle est d’autant plus grande que, par ailleurs, la part des revenus sociaux a fortement augmenté pour ces populations qui éprouvent de grandes difficultés à s’intégrer à un marché de l’emploi très qualifié. L’évolution de leur statut souligne la marginalisation et la précarisation dont elles font désormais l’objet dans les grandes villes. La différence avec les catégories ouvrières de la ville industrielle est considérable. Intégrées économiquement et politiquement, les catégories populaires étaient hier moins dépendantes de l’Etat.

Le processus d’embourgeoisement des métropoles risque de s’accentuer par le double effet d’une spécialisation du marché de l’emploi mais aussi de l’influence croissante d’un pouvoir “vert”, qui tend à améliorer la qualité de vie dans les grandes villes en les rendant de plus en plus attractives. L’intérêt des catégories supérieures pour l’achat d’appartements en ville, au détriment des zones périurbaines ou rurales, n’a jamais été aussi élevé.

L’émergence de la ville mondialisée
Le mouvement de recomposition sociale des métropoles ne se résume pourtant pas à un simple processus d’embourgeoisement. Il s’accompagne aussi d’un renouvellement des couches populaires grâce à l’arrivée de populations issues de l’immigration. La sociologie traditionnelle héritée de l’ère industrielle s’efface peu à peu pour laisser la place à une sociologie issue du développement métropolitain et de la mondialisation. Ce double mouvement de gentrification et d’immigration participe à un processus de substitution de population complexe, où les couches populaires traditionnelles, ouvriers et employés, sont remplacées par des couches moyennes et supérieures et par des couches populaires immigrées.

Il apparaît ainsi que la spécialisation du marché du travail des grandes villes vers des emplois très qualifiés, qui a contribué à l’éviction des catégories populaires traditionnelles, ne représente pas un frein à l’arrivée des couches populaires immigrées. Le passage d’une immigration de travail à une immigration familiale a orienté les nouveaux flux migratoires vers les territoires qui concentraient déjà des populations immigrées. L’importance du parc de logements sociaux et de logements privés dégradés a rendu possible l’accueil et le maintien de ces nouvelles couches populaires dans des métropoles où le prix des loyers et des logements avait explosé.

L’arrivée de ces nouvelles couches populaires, souvent peu ou pas qualifiées, sur un marché de l’emploi très qualifié explique l’importance des difficultés sociales de certains de ces quartiers. La déconnexion au marché de l’emploi métropolitain masque une autre réalité, celle de l’exploitation de ces populations précaires. La main-d’œuvre immigrée, parfois illégale, et mal rémunérée répond fort bien aux besoins de certains secteurs économiques.

Si l’immigration présente un intérêt certain pour le patronat (dumping social, pression à la baisse des salaires, affaissement de la protection sociale), en revanche, on ne souligne pas assez un autre aspect de cette nouvelle exploitation, qui permet d’offrir un train de vie “bourgeois” aux nouvelles couches supérieures sans en payer véritablement le prix. La nounou et la femme de ménage immigrées, et parfois sans papiers, ne ponctionnent que marginalement le budget des cadres. De la même manière, c’est bien grâce à l’exploitation en cuisine des immigrés que le bobo peut continuer à fréquenter assidûment les restaurants pour une note assez modique. Produit de la mondialisation libérale, la ville prospère non seulement sur un marché de l’emploi très qualifié et bien rémunéré, mais aussi sur un marché de l’emploi précaire caractérisé par une forte pression sur les coûts salariaux. Perceptible dans toutes les métropoles, le remplacement des couches populaires traditionnelles, protégées et structurées politiquement, par des couches populaires immigrées sans poids politique s’inscrit dans une logique économique qui favorise une recomposition sociale basée sur les extrêmes de l’éventail social : couches supérieures et intellectuelles d’un côté, catégories populaires immigrées de l’autre.

Le problème est que la majorité des prescripteurs d’opinions et des responsables politiques, qui le plus souvent vivent dans ces grandes villes, confondent cette “sociologie métropolitaine” avec la sociologie française dans son ensemble. Ceci explique la facilité avec laquelle la représentation d’une société divisée entre des couches supérieures (le plus souvent “blanches”) et des couches populaires précarisées issues des minorités s’est imposée de gauche à droite.

Une nouvelle sociologie de la jeunesse
La nouvelle sociologie des villes a également donné naissance à une nouvelle jeunesse, une jeunesse particulièrement inégalitaire. Les quartiers où la transformation sociale a été portée par un double mouvement d’embourgeoisement et d’immigration ont ainsi vu apparaître une jeunesse issue de l’immigration et une jeunesse issue de la gentrification.

Cette sociologie inégalitaire de la jeunesse est à l’origine de l’accentuation des écarts socioculturels constatés dans certains collèges des grandes villes. Dans tous les quartiers populaires qui s’embourgeoisent, on assiste à une augmentation concomitante du nombre d’enfants de cadres et d’enfants issus de l’immigration, notamment dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements parisiens. Cette situation inédite revêt par ailleurs une dimension “ethnoculturelle”. Une partie de la jeunesse “petite bourgeoise”, le plus souvent blanche, “côtoie” ainsi une jeunesse populaire issue des “minorités visibles”. Ce “contact”, ou plutôt cette coexistence, entre les extrêmes de l’éventail social et culturel est souvent source de tensions et parfois de violences. Certaines manifestations ou rassemblements de jeunes et d’étudiants, comme les manifestations lycéennes de février et mars 2005, ont ainsi dégénéré en violences “anti-Blancs 78”. La cohabitation entre une jeunesse issue de l’immigration et une jeunesse issue de la gentrification, distinction dont on parle peu, est pourtant devenue un enjeu considérable dans des villes de plus en plus inégalitaires.

Une société sur le chemin d’un modèle communautaire
Le modèle métropolitain est plébiscité par les élites et plus largement par les catégories qui bénéficient le plus de la mondialisation. Modèle économique, il dessine aussi les contours d’un nouveau modèle d’organisation sociale. Dans ce système, les inégalités sociales laissent la place aux inégalités ethnoculturelles au plus grand bénéfice des classes dominantes. Mieux encore, il apparaît que des populations a priori en conflits d’intérêts, couches supérieures et couches populaires immigrées, adhèrent dans une même euphorie au processus d’intégration à l’économie-monde et aux valeurs d’une société multiculturelle “déterritorialisée”. Comment expliquer ce paradoxe ?

Jamais la “bourgeoisie” ou la “petite bourgeoisie” n’a vécu dans des espaces aussi inégalitaires. Cette accentuation des inégalités au cœur des lieux de pouvoir n’a pourtant débouché sur aucun conflit social majeur. Si les violences urbaines et les émeutes sont récurrentes, elles ne traduisent nullement une contestation radicale du système et restent donc inoffensives. L’économie de marché et l’idéologie libérale ne souffrent d’aucune remise en cause dans les quartiers dits sensibles. D’ailleurs, les émeutes n’ont jamais débouché sur la moindre conquête d’acquis sociaux mais sur des relances de la politique de la ville centrée sur la discrimination positive.

Laboratoire sociologique et idéologique, les grandes métropoles montrent leur capacité à gérer une société de plus en plus inégalitaire en substituant la question ethnoculturelle à la question sociale. Cette opération vise à désamorcer par avance tout conflit de classes, potentiellement très coûteux. Paradoxalement, dans ce système, les inégalités socioculturelles favorisent la cohabitation. Les différences de classes entre couches populaires immigrées et catégories supérieures disparaissent, tandis que les différences culturelles sont valorisées. La diversité culturelle des grandes métropoles participe ainsi à un efficace brouillage de classe qui permet aux couches supérieures urbaines de maintenir leur domination.

On comprend dans ce contexte l’attachement de plus en plus marqué des classes dominantes des pays développés à une diversité qui rend acceptables les inégalités en faisant disparaître toute concurrence. La lutte des classes pour l’égalité sociale laisse ainsi la place à un combat pour la diversité et à une légitimisation de l’inégalité. Ne doutons pas d’ailleurs que les minorités visibles puissent obtenir rapidement une meilleure représentation, notamment politique, c’est le prix, relativement modique, de la continuité du système. On comprend donc que, dans les métropoles, l’immigration soit majoritairement perçue comme un processus positif. Elle empêche toute résurgence du conflit de classes, assure la pérennité d’un système de plus en plus inégalitaire socialement pour un coût relativement modeste en comparaison des bénéfices tirés de la mondialisation économique.

Débarrassé d’une “question sociale”, aujourd’hui délocalisée dans les espaces périurbains et ruraux où se concentrent désormais la majorité des ouvriers et des employés, le champ politique des métropoles s’avère particulièrement apaisé. Les débats politiques se focalisent sur les sujets de société où les socialistes et les Verts excellent. Des majorités vertes et roses se sont ainsi constituées dans la plupart des grandes métropoles et confirment le choix d’une “gestion sociétale” de la ville inégalitaire.

Dans ce système, les rapports entre dominants et dominés ne se déployant désormais plus que sur un registre sociétal, les nouvelles couches populaires ne peuvent plus jouer que sur la victimisation et la mauvaise conscience des couches supérieures pour influencer le jeu politique. Les politiques publiques en direction des couches populaires (politique de la ville) ou plus largement les mesures de discrimination positive ne sont pas le fruit d’une négociation sociale mais d’abord celui d’un compromis sociétal sur une base ethnoculturelle.

On peut d’ailleurs se demander si aujourd’hui les métropoles ne sont pas le laboratoire d’un “communautarisme à la française”. Car si le renforcement des flux migratoires et les concentrations ethnoculturelles favorisent un communautarisme de fait, il convient de s’interroger sur une “gestion de plus en plus communautaire” des politiques municipales. Si cette dérive s’explique par la sociologie particulière des métropoles, elle est aussi favorisée par une nouvelle bourgeoisie dont les idéaux l’éloignent de l’égalitarisme républicain.

La mobilité est l’une des caractéristiques des habitants des métropoles. Dans la logique de la mondialisation libérale, les individus doivent être mobiles, nomades. La positivité des concepts de “villes en mouvement”, de “mondialisation des échanges”, de “mobilité” permet de légitimer la recomposition sociale, c’est-à-dire l’embourgeoisement des villes et la relégation des couches populaires. La “mobilité” et le “nomadisme” ne décrivent plus seulement des déplacements dans l’espace, mais représentent des valeurs positives indépassables. Il apparaît ainsi que, pour les élites, le “world way of life” passe par une mobilité permanente des personnes.

Dans ce contexte, l’immigration devient peu à peu la norme. Peu importe que le fait migratoire ne concerne en réalité qu’à peine 3 % de la population mondiale, la mobilité des personnes apparaît désormais comme un horizon indépassable. L’immigration sera ainsi perçue comme un progrès, jamais comme un arrachement.
Dans les métropoles, cette idéologie, qui confère au “bougisme”, est d’autant plus forte que la mobilité caractérise l’ensemble de l’éventail social, des couches supérieures aux couches populaires immigrées. La sociologie des métropoles est aussi une sociologie de la mobilité. Cette dernière constitue une part de l’identité des habitants des grandes villes et sous-tend un rapport particulier au territoire et à la Nation. Cette “déterritorialisation”, qui se confond parfois avec une “dénationalisation”, explique que les métropoles mondialisées soient les territoires qui plébiscitent le plus la gouvernance européenne en attendant la gouvernance mondiale. »

Christophe Guilluy, Fractures françaises, François Bourin Editeur, octobre 2010

Commentaires

Je vous pique le texte
avec votre permission

Écrit par : EPOC | 03/07/2012

Très bon texte qui appelle quelques remarques. Le livre de Guilluy n'est pas révolutionnaire. Les tendances décrites sont à l'oeuvre depuis les années 1980, mais l'effort de systématisation de la pensée sur ce sujet malgré la chape de plomb idéologique actuelle est louable, même si Guilluy - dans le fond - n'adhère sans doute pas à l'idée nationale, mais plutôt à un système économique et social qui n'abandonnerait pas l'ensemble des classes modestes, blanches y comprises donc.

Ce qui est nouveau est la maturité du système décrit par Guilluy. C'est aujourd'hui que le Système tourne à plein régime, qu'il devient une évidence. Et il risque de rester en place encore pendant quelques décennies.

La mondialisation des biens, des services et des hommes, combinée à un calcul électoral de court terme et à une idéologie anti-nationale a livré l'ensemble du monde européen à cette situation colossale, gigantesque, à cette réalité hallucinante où désormais les transformations démographiques, sociales et territoriales se voient à l'oeil nu, au rythme des décennies, voire des années.

Après ces remarques de fond, voici quelques commentaires :

"rares sont les politiques qui s’émeuvent aujourd’hui de la conquête par une petite bourgeoisie du parc privé “social de fait” des grandes villes"

A préciser qu'à Paris, même la petite bourgeoisie n'est plus en mesure de rester sur place.

"Ce silence est d’autant plus étourdissant que c’est ce parc privé, et non le parc social, qui, jusqu’à aujourd’hui, a toujours répondu majoritairement aux besoins des couches populaires, et l’ampleur de cette perte ne sera que très partiellement compensée par la construction sociale."

Le dualisme du parc locatif privé vs social est responsable des loyers exorbitants dans le parc locatif privé et de la cherté de l'immobilier.

"On arrive ainsi à une situation ubuesque où ces catégories moyennes et supérieures, celles qui participent le plus à l’éviction des catégories populaires et à l’appropriation de leurs logements, sont aussi celles qui plébiscitent le plus la mixité dans la ville et qui soulignent la nécessité de construire des logements sociaux."

Rien d'ubuesque puisque les logements dits "sociaux" sont de facto des logements "raciaux".

"On accepte à la rigueur le maintien d’un parc social marginal (surtout s’il est destiné aux petites classes moyennes), mais pas le maintien dans le parc privé des catégories populaires."

Les 20% de la loi SRU, c'est tout sauf marginal.

"En réalité, et au-delà des discours grandiloquents, ce sont des logiques foncières et patrimoniales qui déterminent les dynamiques à l’œuvre."

Malheureusement, dans l'extrait cité, ces dynamiques à l'oeuvre ne sont pas assez expliquées, surtout cette question fondamentale : d'où viennent ces populations aisées (je ne parle pas ici des immigrés) qui s'installent dans les grandes villes ? Comment se sont-elles enrichies ? Quels sont ces gagnants de la mondialisation ? Parler de bobos, de bourgeoisie, c'est bien trop vague.

"L’intérêt des catégories supérieures pour l’achat d’appartements en ville, au détriment des zones périurbaines ou rurales, n’a jamais été aussi élevé."

C'est le premier point clé à retenir du texte : la déterritorialisation-urbanisation des catégories supérieures et la mise en réseau des grands centres urbains entre eux. Une rupture complète avec le système des notables-propriétaires terriens du XIXème siècle.

"Ce double mouvement de gentrification et d’immigration participe à un processus de substitution de population complexe, où les couches populaires traditionnelles, ouvriers et employés, sont remplacées par des couches moyennes et supérieures et par des couches populaires immigrées."

On peut se demander si dans le cas parisien la gentrification et le pouvert "vert" ne vont exclure de la ville, hormis pour le logement de type SRU, les allogènes non européens.

"L’importance du parc de logements sociaux et de logements privés dégradés a rendu possible l’accueil et le maintien de ces nouvelles couches populaires dans des métropoles où le prix des loyers et des logements avait explosé."

Ah, marrant : de "marginal" quelques paragraphes plus haut, le parc de logements sociaux devient ici "important". Si un tel parc de logements bon marché existe, il reste à expliquer pourquoi les catégories populaires non immigrées n'y sont pas restées : white flight, difficultés à réhabiliter les immeubles dégradés, inadéquation entre l'offre et la demande sur le marché du travail, discrimination positive à l'entrée dans le parc social... ?

"Si l’immigration présente un intérêt certain pour le patronat (dumping social, pression à la baisse des salaires, affaissement de la protection sociale), en revanche, on ne souligne pas assez un autre aspect de cette nouvelle exploitation, qui permet d’offrir un train de vie “bourgeois” aux nouvelles couches supérieures sans en payer véritablement le prix. La nounou et la femme de ménage immigrées, et parfois sans papiers, ne ponctionnent que marginalement le budget des cadres. De la même manière, c’est bien grâce à l’exploitation en cuisine des immigrés que le bobo peut continuer à fréquenter assidûment les restaurants pour une note assez modique."

Le passage le plus drôle du texte. J'en viens à me demander quel serait le montant réel de l'addition sans la présence d'immigrés en cuisine ! En un sens, l'expression de petite bourgeoisie de Guilluy n'est pas infondée, au moins dans son esprit pingre.

"des couches populaires immigrées sans poids politique"

Un réservoir quasi exclusif de voix pour la gauche quand même... et dont le poids est croissant et a permis la victoire de François Hollande en mai 2012.

"Le problème est que la majorité des prescripteurs d’opinions et des responsables politiques, qui le plus souvent vivent dans ces grandes villes, confondent cette “sociologie métropolitaine” avec la sociologie française dans son ensemble. Ceci explique la facilité avec laquelle la représentation d’une société divisée entre des couches supérieures (le plus souvent “blanches”) et des couches populaires précarisées issues des minorités s’est imposée de gauche à droite."

Confusion conceptuelle de la sociologie métropolitaine avec la sociologie française ou volonté idéologique des élites de faire de la sociologie métropolitaine la norme de la France d'après ? Ce dernier point pourrait expliquer en partie la facilité de changement des représentations. Un changement des représentations d'autant plus facile que nos élites sont de moins en moins françaises, ce qui est le cas surtout à gauche (beaucoup de socialistes originaires d'Espagne, d'Italie, etc.).

"Une partie de la jeunesse “petite bourgeoise”, le plus souvent blanche, “côtoie” ainsi une jeunesse populaire issue des “minorités visibles”. Ce “contact”, ou plutôt cette coexistence, entre les extrêmes de l’éventail social et culturel est souvent source de tensions et parfois de violences."

C'est de cette tension que pourrait renaître un poids électoral pour le FN (ou de tout autre parti pertinent) dans les grandes villes, là où précisément ce parti est en perte de vitesse sous l'effet de l'embourgeoisement, de l'idéologisation multicuturelle et de la substitution de population par des non européens.
A l'inverse, par l'effet du métissage on pourrait craindre à terme une allogénisation rapide de la bourgeoisie des grandes villes.

"La cohabitation entre une jeunesse issue de l’immigration et une jeunesse issue de la gentrification, distinction dont on parle peu, est pourtant devenue un enjeu considérable dans des villes de plus en plus inégalitaires."

Deuxième phrase clé de l'article.

"Le modèle métropolitain est plébiscité par les élites et plus largement par les catégories qui bénéficient le plus de la mondialisation. Modèle économique, il dessine aussi les contours d’un nouveau modèle d’organisation sociale."

Un modèle économique de court terme car la crise de l'Etat providence fragilise le maintien de la paix sociale et l'importation d'individus à faible QI n'arrange en rien l'innovation et le développement. D'où un risque de déclin continu de l'économie française.

"Dans ce système, les inégalités sociales laissent la place aux inégalités ethnoculturelles au plus grand bénéfice des classes dominantes."

Troisième phrase clé du texte.

"Si les violences urbaines et les émeutes sont récurrentes, elles ne traduisent nullement une contestation radicale du système et restent donc inoffensives."

En revanche, ces émeutes urbaines sont un élément supplémentaire de pression afin que l'Etat accepte progressivement l'émergence de cultures et religions allogènes sur le sol français.
L'allogénat, quand il atteindra un poids critique, tendra à s'autonomiser politiquement.

"On comprend dans ce contexte l’attachement de plus en plus marqué des classes dominantes des pays développés à une diversité qui rend acceptables les inégalités en faisant disparaître toute concurrence."

La disparition de toute concurrence : un paradoxe pour une société décrite comme libérale sur le plan économique. Cette éradication de la concurrence passe aussi par le champ politique et idéologique où le simple fait d'émettre des opinions anti-immigration ou anti-système a pour conséquence immédiate et sans appel une mise au ban de la société.

"Ne doutons pas d’ailleurs que les minorités visibles puissent obtenir rapidement une meilleure représentation, notamment politique, c’est le prix, relativement modique, de la continuité du système."

En France la tendance est à l'élargissement du corps électoral au profit des résidents étrangers en leur accordant le droit de vote aux élections locales (en réalité le droit de vote des étrangers aux élections locales est un faux problème numérique étant donné le caractère déjà trop généreux des naturalisations et du droit du sol. En revanche, il s'agit d'un vrai problème sur le plan idéologique et symbolique).
A l'inverse, si les élus d'origine immigrée deviennent trop nombreux, les partis politiques, encore tenus par une élite plus ou moins blanche, n'hésitent pas à changer les règles du jeu électoral pour limiter la montée en puissance d'un pouvoir politique allogène, comme on l'a vu récemment à Oslo.
L'étranger, l'immigré, l'allogène ne sont que des variables d'ajustement du Système de domination de classe.

"il convient de s’interroger sur une “gestion de plus en plus communautaire” des politiques municipales. Si cette dérive s’explique par la sociologie particulière des métropoles, elle est aussi favorisée par une nouvelle bourgeoisie dont les idéaux l’éloignent de l’égalitarisme républicain."

En ce sens, le FN serait davantage républicain que les partis ayant été au pouvoir depuis 40 ans.

"Cette dernière constitue une part de l’identité des habitants des grandes villes et sous-tend un rapport particulier au territoire et à la Nation. Cette “déterritorialisation”, qui se confond parfois avec une “dénationalisation”, explique que les métropoles mondialisées soient les territoires qui plébiscitent le plus la gouvernance européenne en attendant la gouvernance mondiale."

Je suis extrêmement frappée par les discours que me tiennent les Européens vivant dans les grandes villes : mépris pour le monde rural, sauf quand il s'agit de passer un week end pour faire authentique chez les "bouseux" ou les "beaufs" (qu'ils me pardonnent), éloge de la diversité comme facteur de progrès dans un monde résolument ouvert (le nationalisme étant une idéologie honnie devant appartenir au passé le plus révolu), recherche du grand frisson multiculturel qui s'accompagne d'une muséification de la France profonde, ravalée au rang de curiosité attachante mais dont la fréquentation, devenue superficielle, ressemble au choix instable qui serait déterminé à la lecture d'un catalogue grâce auquel l'homo festivus européen fait ses emplettes dans l'hypermarché mondial des cultures. L'homo festivus est attaché à la culture comme s'il s'agissait d'un bien de consommation, déconnecté des réalités charnelles et civilisationnelles. L'homo festivus s'essaie différents masques, avec une fascination étonnante pour l'africain. Mais derrière ces masques, on trouve le néant.

Écrit par : Anne Onyme | 04/07/2012

Bien sûr EPOC, ne vous gênez pas. Je l'ai moi-même piqué ailleurs.

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Anne, très en verve cette nuit. Compliments.

Écrit par : Boreas | 04/07/2012

" Et il risque de rester en place encore pendant quelques décennies."

Un mode de nomadisme demande des capacités de transports bon marché.

Vont elles le rester ?

Écrit par : DP | 04/07/2012

@Boreas Je l'ai aussi lu sur Polemia ;-)
http://www.polemia.com/article.php?id=4961
Texte intéressant même s'il est critiquable à certains endroits.
Le choix de la photo ( nounou noire pour bébé blanc ) est excellent


@Anne Onyme
Au départ , Guilluy est un sociologue qui est proche de la fondation Res Publica ( présidée par Chevenement) . Il fait partie de son conseil scientifique
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fondation_Res_Publica

Écrit par : alain21 | 04/07/2012

Christophe Guilluy sort un nouveau livre sur " la France périphérique ".

Il est passé ce matin (16/09/2014) aux matins de France-Culture :

http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-des-statistiques-aux-realites-territoriales-une-nouvelle-carte-sociale-se-redess

Écrit par : alain21 | 16/09/2014

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