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27/06/2014

Aucune confiance dans les mots de Poutine

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Poutine au KGB

 

Que les partenaires soient russophones ou pas, le Kremlin et les Occidentaux n’utilisent pas les mêmes concepts pour dialoguer, une situation qui amplifie les quiproquos politiques et diplomatiques, beaucoup plus que linguistiques. Les commentateurs russes et ukrainiens effectuent quelques mises en garde et décryptages à l’usage de leurs homologues en mal de logique.

L’origine du casse-tête devant lequel nous nous trouvons, explique l’historien Iouri Felchtinskyi auteur de nombreux essais sur l’histoire russe et soviétique, viendrait entre autres de notre confiance exagérée dans les mots. « Nous croyons que les mots qui sortent de la bouche d’un chef d’Etat ont une valeur », et constituent, de sa part, un engagement. L’histoire récente en offre pourtant plusieurs exemples contraires. Ainsi V. Poutine a déclaré en 2005 que la Russie ne se livrerait pas à une révision des frontières et n’envahirait pas la Crimée. « Et nous avons pensé qu’il croyait ce qu’il disait. De même lorsque V. Poutine dit à Obama que la Russie souhaite faire partie du monde civilisé, B. Obama l’écoute et le suit ». Mais les mots pour les chefs de l’Etat russe ou américain n’ont pas le même but. « Le mot, explique l’historien, est pour Poutine une arme, une ruse de guerre. Il s’agit d’un procédé typique d’un homme du KGB : le mot est l’outil qui permet le recrutement des agents, un instrument qui sert à tromper l’ennemi. Pour nous, les mots sont porteurs d’informations, tandis que Poutine les manie comme des instruments de désinformation. »


LE MOT-CLE : CONTRÔLE

De même, Maïdan fut compris par les Occidentaux comme une aspiration à une démocratie européenne, à la liberté, partagée par un grand nombre de citoyens, alors que ce fut, selon l’historien, une source de frayeur terrible pour Poutine et bien davantage encore pour les gens de son cercle. Le mot-clé dans cet univers est celui de « contrôle » dans tous les domaines, politique, économique, administratif. Il s’agit là aussi d’un vocabulaire de guébiste : il faut tout garder « sous contrôle » et ce qui y échappe doit être éliminé. « Le travail de contrôle est systématiquement effectué en Ukraine par le Kremlin. Poutine était même prêt à payer un pot de vin de 15 milliards de dollars au gouvernement ukrainien pour qu’il se détourne de l’Union européenne. Et d’un coup, tout s’est effondré : les jeunes dans les rues font Maïdan, Ianoukovitch s’enfuit. Le Kremlin tente alors de reprendre l’initiative en saisissant la Crimée. »

 

LE POUVOIR DES PERSONNAGES, FAUTE D’INSTITUTIONS STABLES

Comment expliquer cette disparité dans les approches et les compréhensions ? « Faute d’institutions stables, la Russie accorde davantage de crédit au pouvoir des personnages, répond l’historien. Poutine a signé un morceau de papier, et tout le monde s’est mis au garde à vous. Il en signe un autre et le 1er est déjà oublié. » Le chef de l’Etat russe, n’évalue pas non plus de la même manière les crimes que l’Ouest lui reproche d’avoir commis, ou les menaces qu’il ferait peser [sur] l’ensemble du système international.

En termes de compréhension soviétique, le Mémorandum de Budapest ne signifie pas grand-chose. « Mais le lieutenant colonel du KGB ‘qui veut buter jusqu’aux chiottes’ - dès que les circonstances le lui permettront, bien entendu, le fera et ne comprendra que la force ».

L’historien ajoute que cette échelle de valeur particulière n’épargne pas de nombreux députés ukrainiens qui ont d’abord voté toutes les lois suggérées par le régime de Ianoukovitch, puis se sont prononcés à la quasi unanimité à la mi-février en faveur de la libération de Tymochenko et la destitution du même Ianoukovitch. (...)

Source

Les mensonges poutiniens prennent toute leur dimension, uniquement quand on les confronte à la réalité.

Par exemple, le 19 septembre 2013 au Club Valdaï, Poutine a déclaré, en parlant des Ukrainiens :

« Regarding Ukraine. Ukraine, without a doubt, is an independent state. That is how history has unfolded. But let’s not forget that today’s Russian statehood has roots in the Dnieper ; as we say, we have a common Dnieper baptistery. Kievan Rus started out as the foundation of the enormous future Russian state. We have common traditions, a common mentality, a common history and a common culture. We have very similar languages. In that respect, I want to repeat again, we are one people.

Of course, the Ukrainian people, the Ukrainian culture and the Ukrainian language have wonderful features that make up the identity of the Ukrainian nation. And we not only respect it, but moreover, I, for one, really love it, I like all of it. It is part of our greater Russian, or Russian-Ukrainian, world. But history has unfolded in such a way thattoday, this territory is an independent state, and we respect that. »

(« Concernant l'Ukraine. L'Ukraine, sans aucun doute, est un Etat indépendant. C'est ainsi que l'Histoire s'est déroulée. Mais n'oublions pas que l'Etat russe d'aujourd'hui a des racines dans le bassin du Dniepr ; comme nous disons, nous avons un baptistère en commun sur le Dniepr. La Rus' de Kiev a commencé en tant que fondation du futur énorme Etat russe. Nous avons des traditions communes, une mentalité commune, une histoire commune et une culture commune. Nous avons des langues très similaires. A cet égard, je me répète, nous formons un même peuple.

Bien sûr, le peuple ukrainien, la culture ukrainienne et la langue ukrainienne ont de merveilleuses caractéristiques qui représentent l'identité de la nation ukrainienne. Et non seulement nous les respectons, mais de plus, pour ma part, je les aime vraiment, j'en aime tout. Ils font partie de notre monde grand-russe ou russe-ukrainien. Mais l'Histoire s'est déroulée de telle façon qu'aujourd'hui, ce territoire est un Etat indépendant et nous respectons cela. »)

Si vous voulez proposer un synonyme au mot hypocrisie, dites Poutine...

Commentaires

Il ne faut pas oublier non plus la réhabilitation en catimini de Staline ou Dzerzhinsky :

http://articles.latimes.com/2005/nov/10/world/fg-statue10

http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/russia/6140394/Josef-Stalin-returns-to-Moscow-metro.html

Écrit par : Symmaque | 27/06/2014

Merci pour les liens, Symmaque.

Certains vont encore dire que nous en sommes restés à une grille de lecture digne de la Guerre Froide... :-)

Et pourtant, que de signes de la profonde ambiguïté politique du régime de Poutine...

Écrit par : Boreas | 27/06/2014

Les commentaires sont fermés.