14/11/2013
Le pic de l'énergie, aiguillon incontournable de l'Europe des nations
Cet entretien avec Michael Dittmar, expert suisse, chercheur en physique nucléaire à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich et au CERN de Genève, a trois ans :
Le journal anglais The Guardian a confirmé cet été que depuis lors, rien n'a changé et qu'au contraire, le pic de l'uranium est annoncé pour 2015.
On est même en droit de se demander si, comme l'affirme l'excellent Patrick Reymond, grand pourfendeur de la propagande distillée par l'Agence Internationale de l'Energie et qui signale le problème depuis un bon moment, ce fameux pic n'est pas, en réalité, déjà dépassé.
En tout cas, faute, par ailleurs, d'alternative sérieuse et crédible au pétrole, dont l'apex de production coïncide avec celui du combustible nucléaire, les tensions internationales vont inévitablement croître, pour l'accès à ces deux sources vitales d'énergie de plus en plus rares et chères (en fin d'entretien, Dittmar souligne que l'Europe est particulièrement dans la panade à cet égard, faute de sources d'approvisionnement primaires et secondaires).
Ce mur de l'énergie est un élément relativement peu évoqué publiquement et donc peu débattu, surtout dans les gros médias ; les pessimistes étant généralement présentés comme des illuminés.
Nos dirigeants font comme si, même sans changer radicalement de politique, aucune difficulté insurmontable ne risquait de se présenter très rapidement à nous dans ce domaine.
Or, au-delà même de la crise économique et sociale qui nous frappe sans encore, et de loin, avoir produit ses pires effets, le pic de l'énergie est bel et bien une donnée majeure de notre futur proche, dans la mesure où le renouvelable ne suffira pas à assurer une transition suffisante vers l'inévitable décroissance appelée par la raréfaction des ressources (le peak everything ou pic de tout).
Nul besoin d'être un expert, pour trouver notre unique solution géopolitique à ce problème.
Elle s'appelle la Russie, que cette solution comporte ou non, en sus, un volet iranien (les pétro-monarchies du Golfe étant la chasse gardée d'autres intérêts, même faiblissants).
L'axe Paris-Berlin-Moscou est donc un cap incontournable de notre avenir. L'Europe des nations, et non la ridicule UE, nain politique et financier, étant quant à elle un impératif catégorique pour pouvoir peser dans le concert international où il faudra, plus que jamais, se battre pour survivre.
Nos actuelles élites ne l'ont pas perçu, qui misent sur une transition énergétique impossible - dans ce domaine comme dans d'autres, elles sont d'un autisme incommensurable - et, pour cette raison parmi tant d'autres, sont vouées aux poubelles de l'Histoire.
A nous, dissidents français et allemands voués à un travail herculéen mais nécessaire et possible de révolution et de relèvement, de faire en sorte de ne pas devenir par dépendance d'impuissants satellites de la Russie, mais ses alliés à part égale.
Cette indispensable création d'une Europe-puissance, c'est, après le renversement d'un Régime paralytique et à l'agonie, le défi qui nous attend pour surmonter les menaces immenses du XXIe siècle.
21:43 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Géopolitique, Nature, Propagande, Stratégie | Lien permanent | Tags : pic de l'énergie, pic de l'uranium, pic pétrolier, michael dittmar, patrick reymond, aie, production, nucléaire, rareté, cherté, tensions internationales, approvisionnement, matières premières, ressources, peak everything, décroissance, transition, énergies renouvelables, dirigeants, élites, autisme, russie, iran, ue, axe paris-berlin-moscou, europe des nations, survie, alliance, dissidents, dépendance, europe-puissance, révolution, relèvement, défi | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
passionnant ce gars.
http://www.youtube.com/watch?v=xxbjx6K4xNw (Jancovici sur le changement climatique et le peakeverything)
Écrit par : hoplite | 14/11/2013
Oui, mais autant je le suis sur de nombreux sujets, autant je ne partage pas son alarmisme réchauffiste.
De même, c'est un partisan convaincu du nucléaire, qui nie largement l'ampleur des risques, alors que pour ma part je ne crois à la nécessité de cette énergie que par absence de choix, et dans le souci de trouver une alternative plus respectueuse de la nature :
http://www.jp-petit.org/sauver_la_Terre/complement_enquete_2011/nucleaire_francais_enquete.htm
Cela dit, Hoplite, j'aimerais bien avoir ton avis (et celui d'autres commentateurs) sur la thèse qui fait l'objet de mon billet.
Je pense vraiment que la crise de l'énergie est une des clés géopolitiques de notre avenir.
Écrit par : Boreas | 14/11/2013
Concernant le nucléaire je pense toujours qu'il s'agit d'un risque technologique non maitrisé.
La catastrophe planétaire -actuelle et en devenir- de Fukushima (largement minorée par le monstre médiatique) est exemplaire de ce que peut donner ce genre de risque technologique non maitrisé (qui plus est entre les mains d'opérateurs privés plus soucieux de rentabilité à court terme que de sécurité publique et d’intérêt général), a fortiori dans un pays qui offrait théoriquement les meilleures garanties de sécurité (au regard des standards occidentaux)...On frémit en imaginant le même genre d'accident MAJEUR dans la vallée du Rhône ou ailleurs.
Je crois que Jancovici ne l'ignore pas mais qu'en bon pragmatique il ne pense pas disposer de meilleures solutions de remplacement à court terme aux énergies fossiles ou permettant la montée en puissance d'énergies durables dont Reymond nous démontrent assez pourtant que leur essor est bien réel et pourrait permettre moyennant quelques aménagements anthropologiques (en finir avec l'homo-kérozènus) de vivre correctement et durablement sur cette planète.
Bien d'accord avec toi et Chauprade pour voir notre avenir énergétique dans une coopération plus étroite avec notre voisin russe et le rimland caucasien plutôt qu'avec ces quelques pétromonarchies de satrapes orientaux corrompus dont le destin me parait déjà scellé. A rebours de la vision atlantiste soutenue par tous les cuistres qui occupent les palais républicains. Je ne parlerai pas du gaz de schiste car tout me semble avoir été dit (bulle+saccage environnemental+spéculation à court terme).
Quand on regarde la courbe démographique de l'espèce humaine depuis ne serait-ce qu'un siècle on se plait à penser que l'urgence est de limiter absolument cette croissance démographique suicidaire et tous les besoins contingents qui détruisent un peu plus chaque jour notre monde. Ce devrait être la base de toute réflexion, bien sûr impossible pour tout logiciel progressiste... l'urgence est aussi de repenser toute ce fatras mythologique progressiste qui tient lieu de colonne vertébrale à nos élites.
Malheureusement les hommes modernes -en tous cas ceux au pouvoir dont l'obsession reste l'appat du gain- ne me paraissent pas assez sages pour être un minimum responsable: c'est donc plutôt le chaos, les guerres énergétiques, les guerres pour toutes les ressources qui sont devant nous et qui se chargeront de remettre les hommes à leur petite place, peut-être trop tard.
Écrit par : hoplite | 14/11/2013
Votre billet reflète tout simplement le zeit geist actuel. Vous êtes coeur de cible.
En addendum je rajouterai ce lien (à ceux qui ne le connaitraient pas) pour bien situer l'ampleur du désastre politique français sur la question : http://petrole.blog.lemonde.fr/2013/04/30/le-pic-petrolier-non-scientifique-selon-une-note-confidentielle-du-quai-dorsay/
Écrit par : Eisbär | 15/11/2013
Hoplite
La façon qu'à Jancovici de minimiser les conséquences de Tchernobyl me donne à penser qu'il est moins objectif qu'il ne veut le laisser croire. Mais pour ce qui est des solutions de remplacement à court terme du pétrole, je suis évidemment d'accord.
Sinon, merci de ton avis toujours très lucide.
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Eisbär
Merci pour le lien, je le cherchais hier soir pour l'intégrer à mon billet et ne l'avais pas retrouvé.
Je l'ajoute au corps du texte, pour ceux qui ne liraient pas les commentaires.
Écrit par : Boreas | 15/11/2013
Très intéressant et vraiment fondamental, merci.
Écrit par : Dimezzano | 15/11/2013
Il est évident que sans pétrole (et le gaz) bon marché, tout s'écroule. C'est un sujet majeur et je remercie Eisbar pour le lien. Nos soi disant élites...
Nous avons tout intérêt (et pas seulement sur un plan économique et énergétique) à nous allier avec la Russie, et de nous éloigner (sera-t-il nécessaire de rompre?) des EU. Mais pour cela, nous avons besoin de refonder la communauté européenne (une confédération, pourquoi pas). Rien ne se fera sans l'Allemagne, et comme elle reste sous la coupe des Anglo-saxons....
"je ne crois à la nécessité de cette énergie que par absence de choix"
Moi aussi Boreas. Pour le moment, il n'y a pas d'alternative crédible.
"A nous, dissidents français et allemands"
Tiens, seriez-vous connu jusqu'en Allemagne? Avez-vous penser à traduire, pas tout le blogue, mais au moins une partie de vos articles en langues étrangères (anglais, allemand, italien....)?
Écrit par : Imperator. | 20/11/2013
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