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15/02/2012

« L'Histoire s'est emballée »

 

« (...) vous suivez, comme vous le pouvez, l’actualité bringuebalante, cherchant à en tirer du sens, des conséquences. Sauf que  depuis quelque temps, vous avez du mal à y trouver du sens, des repères. Vous nourrissez un vague malaise, sentant que l’Histoire s’accélère à un rythme effréné et chaotique. En une seule année, vous avez été exposé aux "feuilletons" des révolutions arabes, de la catastrophe de Fukushima, de la mort de Ben Laden, de l’affaire DSK, de la guerre en Libye et des violences en Syrie, tout cela sur fond de crise grecque et d’annonces définitives sur la fin de l’euro. Et comme si cela ne suffisait pas, votre énergie se trouve à présent mobilisée par les pronostics des présidentielles française et américaine, par la perspective d’une guerre contre l’Iran, voire d’une troisième guerre mondiale.

(...) Désormais, c’est chaque jour ou presque que l’actualité vous assomme avec un nouveau lot de bouleversements majeurs ; à peine avez-vous commencé à digérer un événement et à en soupeser les implications que s’en manifestent d’autres encore plus spectaculaires. L’intensité que l’on pouvait jadis vivre sur dix ans, on la vit aujourd’hui sur trois mois. Et les analyses qui noircissent les papiers de journaux ont pour horizon-temps le week-end suivant, ou quelques mois. On ne lit presque plus rien sur ce que sera le monde d’ici dix, vingt ou trente ans, échéances pourtant courtes au regard de l’Histoire. S’informer devient une épreuve perturbante, chronophage et énergivore à l’extrême. Vous n’en pouvez plus, et vous êtes nombreux à avoir cessé de lire les journaux tous les jours. Vous voulez vous abriter de cette tempête médiatique, de cette hydre informationnelle devenue dévorante et toxique, ajoutant à votre stress oxydatif sans pour autant vous éclairer sur l’avenir.

Votre réaction est des plus saines. Ce n’est pas une vue de l’esprit. Depuis la crise financière de 2008, qui dure jusqu’à ce jour, l’Histoire s’est bel et bien emballée. L’Occident ayant dû sauver sa situation au prix de sa quasi-faillite, la transition vers un nouvel équilibre des forces international s’accélère, prenant la forme de tensions financières et géopolitiques extrêmes. Face aux Etats-Unis, des puissances importantes veulent imposer leur agenda, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale : la Chine, la Russie, l’Iran s’allient pour contester la suprématie américaine, alors que la Grande-Bretagne elle aussi n’a jamais été si affaiblie. Dans ce monde en mutation rapide, qui semble se déliter de toutes parts, il est essentiel de prendre de la hauteur, de suivre le tracé des grandes tendances. Inutile de se noyer dans les détails de chaque sommet européen de sauvetage de la Grèce, de s’échiner sur les microparticularités d’une Convention de double imposition conclue par la Suisse, ou sur celles d’une affaire DSK ou Hildebrand qui, le lendemain, seront de toute façon balayées par la nouvelle version du jour. Il faut s’extraire du tsunami médiatique. Se contenter d’en effleurer la crête pour y prélever l’échantillon qui suffira à nourrir des réflexions à long terme, les seules qui importent. Ce sont ces milliards de détails qui nous abrutissent et nous empêchent de voir se dessiner le monde de demain, et de voir que ce monde est déjà à notre porte. »

Myret Zaki

Commentaires

Criant de vérités mais c'est prendre du recul qui n'est pas toujours facile à faire.
Sa reste cependant la seul manière de pouvoir comprendre quelque chose.

Écrit par : jbcmoi | 15/02/2012

Un commentaire de remerciement pour votre formidable blogue que je lis régulièrement.
A ce sujet, on peut lire le livre d'Hartmut Rosa, Une critique sociale du temps, qui décrypte admirablement les transformations de notre temps.

Écrit par : Bugeaud | 15/02/2012

Bugeaud

Merci pour votre témoignage de sympathie, il me va droit au coeur.

On est relativement seul sur un site et il est difficile de savoir, même au travers de statistiques en progrès, si ce qu'on poste intéresse vraiment les lecteurs.

Le livre d'Hartmut Rosa, depuis le temps, il faudrait que je le lise, merci de me le rappeler :

http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Acceleration-9782707154828.html

Écrit par : Boreas | 15/02/2012

Merci pour cet article et tout le travail que vous faites , Boréas ;

Je me demande si cet effet de tourbillon n'est pas un peu délibéré : une information chassant l'autre dans un maelstrom incessant qui nous empêche de voir l'ensemble ; un peu comme dans un tableau de Seurat où on se focaliserait sur un seul point sans en apprécier le sens général.

Et puis il y la Toile qui permet à beaucoup de s'exprimer et qui rajoute du bruit au bruit .

Comme moi , en ce moment , ;-)
Comme quoi , ce n'est pas gagné :-)

Écrit par : alain21 | 16/02/2012

Alain

Le virtuel de la Toile n'est-il pas un reflet du "réel" (?) de l'existence : s'exprimer, ajouter des paroles à un concert de discours... à quoi cela sert-il ? À qui est-ce utile ? La sagesse, nous vient-elle de la rhétorique, ou d'abord de l'expérience vécue ? Réponse deux, à mon avis.

Si "ce n'est pas gagné", comme vous dites, c'est, me semble-t-il, parce que sauf exception, les mots, en fin de compte, ne servent pas à convaincre, mais à se reconnaître mutuellement dans la compréhension d'une expérience et d'une réflexion communes.

Alors, quand on les emploie à destination de non-comprenants qui, de plus, ont des convictions radicalement opposées et largement d'origine passionnelle, cela ne peut servir qu'à démontrer à d'autres, qui liront les débats, la supériorité d'une pensée sur une autre... et, espérons-le, à approfondir leur propre réflexion.

Le blog en question, où vous êtes allé ferrailler, est-il lu par des gens susceptibles de comprendre l'inanité du clivage droite-gauche ; l'impératif de la défense de l'identité et du rejet de l'immigrationnisme dans la lutte des travailleurs français pour l'emploi et la justice sociale ; la nécessité de mettre en cause non seulement le libéralisme économique mais aussi son autre branche (le libéralisme libertaire dénoncé par Clouscard), moins discernable vu la propagande démontée par Michéa, dont la gauche et les gauchistes sont les tenants ?

Si oui, alors ça vaut la peine. Même si "Gavroche", aveuglée par ses bonnes intentions et son manque de réalisme, n'a rien compris... au film. :-)

La compréhension ne vient que quand on n'est plus protégé de la réalité par un voile d'idéalisme mal digéré, servant à entretenir le confort intellectuel.

Il faut avoir des tripes pour regarder les choses en face.

Écrit par : Boreas | 16/02/2012

Vous avez raison Boréas et mon commentaire de ce matin est à prendre au second degré (au moins, ;-) )

D'ailleurs , si je suis allé porter la "bonne parole" sur un blog pas forcément acquis à nos idées , c'est , dans l'espoir de semer une petite graine qui germera dans l'esprit de quelques lecteurs.
J'ai la faiblesse de croire que mon travail aussi insignifiant soit il aura un petit résultat , à l'image du colibri qui fait ce qu'il peut.

Écrit par : alain21 | 16/02/2012

J'ai continué mon dialogue sur le blog cafemusique mais je n'y a pas seulement ferraillé . J'ai aussi dialogué avec des interlocuteurs honnêtes comme Julesansjim . Si le coeur vous dit de suivre ces échanges , voici le lien
http://cafemusique.wordpress.com/2011/11/23/les-neiges-du-kilimandjaro/#comment-3031

On a pu se retrouver sur pas mal de sujets ( critique du capitalisme financier , organisation oligarchique de nos pseudo-démocraties) mais comme beaucoup d'interlocuteurs antilibéraux (ou populiste au sens de Christopher Lasch ) de gauche , il ne nous rejoint pas sur la question de l'identité et de l'immigration .

Comme Boréas , je crois que nous avons beaucoup plus à faire avec ces gens-là qu'avec les droitards libéraux de Beaubourg .
http://verslarevolution.hautetfort.com/archive/2012/02/17/le-parthenon-et-beaubourg.html.

Christopher Lasch (1932-1994) : historien et sociologue américain, intellectuel de gauche et critique social important de la deuxième moitié du XX siècle . Publé en France grâce à Michéa qui a écrits les préfaces de éditions françaises de ses livres . Lasch définit le populisme comme un combat radical pour la liberté et l’égalité mené au nom des valeurs populaires, Ces valeurs populaires qui peuvent prendre les traits de la "common decency" chère à George Orwell.

Écrit par : alain21 | 17/02/2012

Le texte de cette femme est assurément sage et plein de bon sens.

"Il faut s’extraire du tsunami médiatique. Se contenter d’en effleurer la crête pour y prélever l’échantillon qui suffira à nourrir des réflexions à long terme, les seules qui importent."

Las.

Homo modernicus est cerné de messageries en tous genre, submergé d'input qu'il doit non seulement ingérer, digérer mais auquel il doit le plus souvent répondre.

La multiplication des outils de communication mis à sa disposition pour lui faciliter le travail, pour lui redonner un temps justement prévu pour être réinvestit sur l'essentiel sont autant de maillons d'une chaîne qui consacre son esclavage.

C'est finalement un peu comme la dette, on prétend combattre le mal par le mal... et le chemin de l'enfer reste toujours pavé des meilleurs intentions.

Homo modernicus est donc bombardé à l'envie de stimuli électroniques qui lui arrivent soit directement des altitudes les plus élevées de son monde, soit en cascade, par le biais de cents intermédiaires n'apportant plus aucune plus valu, eux même à la dérive, et qui exigent de sa part une réaction rapide, sinon immédiate. Au diktat des logiciels, il convient d'ajouter celui de l'instant.

Il faut faire vite.

Peu importe d'ailleurs et dès lors le fond de cette réponse, son caractère véritable ou fallacieux, pourvu que la case soit remplie, que l'indicateur soit renseigné, que le Moloch soit rassasié...dans les délais exigés.

Alors, très franchement, je partage et c'est peu dire, le constat désabusé de la rédactrice, comme je partage son souhait de voir chacun prendre du recul. C'est même devenu une préoccupation d'ordre stratégique.
Comment sortir de là pour retrouver le chemin de la vérité et de l'efficacité ?

J'attends toujours de trouver comment...car, les amis, chers camarades, le mal est profond et s'enracine en chacun de nous.

Promis, si je trouve une autre solution que celle qui consisterait à tout bazarder par la fenêtre, je vous la fait partager ici même, car ce blog le vaut bien.

de Boréas à Boréal...^^ il n'y a qu'un pas.

Écrit par : léonidas | 17/02/2012

"J'ai continué mon dialogue sur le blog cafemusique mais je n'y ai pas seulement ferraillé . J'ai aussi dialogué avec des interlocuteurs honnêtes comme Julesansjim . Si le coeur vous dit de suivre ces échanges , voici le lien
http://cafemusique.wordpress.com/2011/11/23/les-neiges-du-kilimandjaro/#comment-3031"

Je croyais Julesanjim un peu plus fair-play ....Toutes mes interventions ont disparu de sa page, y compris le message initial sur le film de Guédiguian ( message qui n'était absolument pas polémique) . J'ai été un peu trop naïf en pensant pouvoir discuter calmement avec lui . Dommage parce que l'on pouvait se retrouver sur pas mal de sujets à l'exception de la question de l'identité .

Écrit par : alain21 | 17/02/2012

Cette question de l'identité est beaucoup trop passionnelle pour les libéraux libertaires ("la gauche"), comme l'est la question de la solidarité sociale pour les libéraux économiques ("la droite").

Ne trouvez-vous pas qu'il y a un parallèle frappant entre les invectives délirantes qu'on peut récolter, de part et d'autre, par des gens littéralement en pleine extase religieuse, quand on touche à ces sujets ?

La tenaille est un système d'hypnose diablement efficace, qui n'a pas besoin de coercition pour fonctionner. C'est elle, Big Brother :

http://verslarevolution.hautetfort.com/archive/2010/08/22/la-tenaille.html

Écrit par : Boreas | 17/02/2012

Tout à fait , Boréas .

Je vais encore trouver des circonstances atténuantes à mon interlocuteur Julesansjim qui avait accepté dans un premier temps de discuter contrairement à d'autres ( Gavroche par exemple). Son blog est un blog collectif et peut être a t il eu des pressions de ses co-auteurs ? Qui sait ?

ou bien je me suis trompé sur son compte : je le prenais pour un populiste alors que ce n'était qu'un anti libéral économique et libéral-libertaire pour le reste .

Où sont donc les vrais populistes de gauche ?

Écrit par : alain21 | 17/02/2012

Ils arrivent. Patience.

Les prises de conscience les plus lentes sont souvent les plus sures.

Mais il faut que ces gens souffrent un peu d'abord, souvent pour la première fois de leur vie.

Écrit par : Boreas | 17/02/2012

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