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11/06/2012

La communauté ou le cauchemar du Système

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« L’atomisation sociétale, l’anomie sociale, la guerre de tous contre tous et l’extrême individualisation égoïsto-nombriliste des existences contemporaines ne sont pas des "dommages collatéraux" de la  société capitalisto-marchande, les  symptômes de maux superficiels qui pourraient être guéris par des "ajustements" du système, ce sont tout au contraire le substrat, la matière première et le carburant du monde libéral.

L’oligarchie financiaro-mercantile ne peut en effet régner que sur un conglomérat d’individus séparés, isolés, concurrents les uns des autres en tous domaines (emploi, sexualité, sentimentalité, consommation, représentations symboliques…) et n’ayant pas d’autre horizon que la poursuite de leurs intérêts particuliers et la satisfaction de leurs désirs matériels. C’est pour cela que la bourgeoisie financière, avec l’appui actif et empressé des idiots utiles de la gauche "libérale/ libertaire",  n’a jamais eu de cesse que de faire disparaître toutes les entités collectives et les corps intermédiaires qui séparaient encore l’individu du Marché (corporations, syndicats, églises, familles, nations…).

Car le cauchemar du système de l’individu-roi, déraciné et interchangeable, défini uniquement par sa capacité de consommation, porte un nom, celui de "communauté".

La communauté est un groupement humain rassemblant des individus qui veulent être acteurs et non spectateurs de leur existence, qui ont compris qu’il n’y a ni espoir ni avenir dans la "délégation" du politique à des "élites" expertocratiques qui ne servent jamais que leurs propres intérêts de classe.

A l’opposé du "héros solitaire", notamment vanté par la littérature commerciale et les représentations cinématographiques hollywoodiennes,  qui s’oppose au monde au nom de son exceptionnelle singularité, le membre d’une communauté sait que ce n’est que par l’action collective, l’union des qualités et des talents, la collaboration des caractères et des volontés que l’on peut trouver des issues à l’impasse contemporaine et bâtir des alternatives concrètes et durables au suicide général qu’est la mondialisation libérale.


La communauté n’est ni un ghetto ni un refuge, c’est un camp de base, fortifié sur ses fondations mais ouvert sur le monde, un point de ralliement et d’organisation aujourd’hui indispensable à toute perspective de résistance et de reconquête. La communauté c’est l’interdépendance au service d’un projet commun.

Si la communauté se nourrit de la proximité ethnico-culturelle, fruit de la lignée et de l’enracinement historique,  elle ne se limite nullement à elle  puisque ce qui en fait à la fois la force, la spécificité et le dynamisme est le fait d’incarner des valeurs élevées et exigeantes mais dans lesquelles, potentiellement, tout homme libre, fier et aimant peut se reconnaître.

Ainsi si la communauté offre une nécessaire image d’homogénéité, c’est une homogénéité "plurielle" c’est-à-dire qui associe la diversité des individus, des parcours, des origines et des caractères à un socle moral et politique commun et des objectifs partagés. C’est donc avant tout une homogénéité d’esprit, de vues, d’aspirations et d’espoirs.

Le Larzac plus l’Ordre

Le système se moque des contestations qui ne sont que sonores ou visuelles, des agitations vociférantes, des slogans et des palabres. Il les recycle même avec une déconcertante facilité, les transformant bien souvent en nouvelles micro-niches commerciales nourrissant généreusement le supermarché global. Tant que ses prétendus adversaires continuent à suivre ses programmes télé, à fréquenter ses centres commerciaux et ses agences de voyages, à intégrer ses codes esthétiques et son imaginaire et à apporter leur écot à l’organisation bancaire (épargne, emprunts, assurances-vie…), ils peuvent bien pondre tous les manifestes, tous les fanzines, tous les pamphlets qu’ils souhaitent, ils peuvent même organiser trois fois par an tous les saccages anti G20 ou G8 qu’ils désirent, le système s’en moque éperdument, et  même s’en pourlèche, pouvant ainsi agiter l’épouvantail factice d’une virulente et redoutable "opposition".

Aujourd’hui, la seule réelle crainte du système est clairement le retrait et le court-circuit, c’est-à-dire le fait pour des individus, regroupés et organisés au sein de communautés, de rompre non pas avec les superficialités du temps mais avec les fondements de l’époque : la consommation, l’industrie du divertissement et l’omniprésence financière. Il suffit pour s’en convaincre de constater le mépris hargneux de la "gauche" capitalo-compatible envers les tenants de la "décroissance" ou l’acharnement judiciaro-policier dont ont été victimes les SEL (Systèmes d’échanges locaux), les "casseurs de pub" ou les épiciers communautaires de Tarnac.

Que ces expériences socialo-collectivistes se débarrassent de leurs scories libertariennes, xénophiles et ethno-masochistes et s’enrichissent des préoccupations patriotiques, méritocratiques et différentialistes et la plus grand terreur de l’oligarchie prendra alors forme, réveillant les fantômes de la Commune et le souvenir de Louis Rossel.

Pour atteindre cet objectif, qui est tout sauf utopique, il n’y a pas d’autre voie que la communauté, seul "lieu" où le retrait et le court-circuit (consistant à se passer au maximum des infrastructures et des mécanismes imposés par le système)  sont viables et porteurs de sens politique. Car il ne s’agit pas d’encourager à la multiplication des retraites au désert et des vocations d’anachorètes mais d’inciter à la mise en place de structures collectives où un autre mode de vie, basé sur la décence commune, le sens de la mesure, l’altruisme, la simplicité volontaire, est possible sans être synonyme d’exclusion et de précarisation progressive.

Prêts sans intérêts entre camarades, habitat collectif, recyclage et récupération, services gratuits, troc, rejet de la lobotomie télévisuelle et de l’emprisonnement facebookien, réappropriation agraire, coopératives, loisirs collectifs, chantiers communs… les moyens, à la fois humbles et gigantesques,  sont nombreux pour poser dès aujourd’hui les premières pierres de ces communautés qui seront autant de monastères et de phalanstères conservant et entretenant la flamme de la civilisation au cœur de la longue nuit de la barbarie libérale. »

Zentropa

Commentaires

Opinion:

1. Tant que les habitants de cette planète seront disposés à être esclaves de leur payeur pour s'acheter un écran plasma plus grand, il n'y aura ni prise de conscience ni souhait de révolte ni organisation en vue d'une rebellion. Cette motivation consommatrice individuelle n'est pas le fruit d'un complot mais un penchant humain pratiquement universel habilement exploité par des organisations dominantes.

2. Une révolution est-elle possible?
Historiquement, les révolutions réussissent quand coincident:
a) un sentiment de profonde injustice chez la masse exploitée,
b) le sentiment pour la masse exploitée de n'avoir plus rien à perdre (généralement dû à une douleur durable née de la faim ou de l'oppression physique ou psychologique),
c) une idéologie alternative enivrante,
d) un groupe formé, motivé, avec une tête charismatique, résolu à renverser le pouvoir en place en s'appuyant sur les éléments précédents, coute que coute.

3. Où en est-on aujourd'hui sur ces différents points?
a) dans les pays développés, malgré d'une part une frustration due à un lent et inéluctable déclassement, et d'autre part un malaise dans la civilisation, les innombrables paradis artificiels effacent sans peine le sentiment d'injustice. Le reste du monde est en phase ascendante et croit au futur, l'injustice réelle est noyée dans ce sentiment que tout le monde progresse.
b) il est difficile d'imaginer la capacité de sacrifice qu'avait la jeunesse francaise il y a 100 ans, aucune cause ne la justifierait aujourd'hui, la mort est devenue intolérable. Le confort feutré des canapés joufflus sous la lumière du plasma a de beaux jours devant lui.
c) malgré les milliers de mouvements contestataires en vogue, aucun ne semble en mesure de s'imposer comme idéologie alternative enivrante. Le rêve reste fantasme.
d) hormis l'adolescent écorché de 50 ans Soral qui se rêve en héros de barricade fauché au vol par une balle du traitre système, la masse de gentils blogueurs indignés démocratiques ne feront pas plus que ce qu'ils ont déjà démontré, c'est à dire rien.
Conclusion: il n'y aura pas de révolution.

4. Peut-il alors y avoir une autre résistance, plus progressive et moins spectaculaire?
Une résistance non pas surgie d'un grand mouvement populaire mais mise en place par la force des choses, quand le chômage de masse durable obligera au troc et au jardinage, libèrera du temps pour reformer le tissu social, imposera de nouveau aux générations de vivre sous le même toit... Elle supposerait néanmoins une capacité à s'organiser en communauté.

Le Japon est en avance sur ces sujets. Une partie de ses forces vives a passé tous les obstacles de selection pour obtenir un travail garanti et aliénant, seul moyen pour fonder sa propre famille (les salary men). D'autres, rejetés par le système, enchaînent les petits boulots précaires, font vivre des associations ou se gavent de jeux vidéos ou manga. Et vivent comme d'éternels adolescents, dépendants de la solidarité familiale et sans perspective de s'installer dans vie.

Communautés ou fracture sociale à la japonaise: Que se passera-t-il en Europe?

Écrit par : Roberto | 13/06/2012

Roberto

Je trouve votre commentaire vraiment excellent.

Il me paraît juste sous-estimer l'ampleur de l'effondrement économique qui s'amorce, ainsi que la rapidité des évolutions sociales susceptibles d'en découler.

Cela dit, ce n'est que mon opinion et il est vraiment difficile de faire des prévisions au vu de l'infinie complexité de la situation générale.

Écrit par : Boreas | 13/06/2012

Les révolutions n'éclatent pas "quand on n'a plus rien à perdre", que l'on crève de faim ou que l'on est opprimé au dernier degré. AUCUNE révolution n'a jamais eu lieu dans de telles conditions. Des révoltes, peut-être, des révolutions jamais. Les révolutions ont toujours lieu dans les pays en croissance (la France de 1789, la Russie de 1905 ou 1917, l'Iran des années 70...), à la société bousculée. Mais même là, la part du hasard, de l'événement extérieur inattendu reste énorme : pas de révolution en France sans la crise de l'Etat surendetté, la crise provisoire due au traité de commerce avec l'Angleterre de 1786, sans la mauvaise récolte de 1788... En Russie, pas de révolution sans la guerre russo-japonaise en 1905, sans la guerre mondiale en 1917...

D'ailleurs, une révolution est imprévisible, par nature. Un Français de 1787 vous aurait ri au nez si vous lui aviez annoncé que son pays serait une république cinq ans plus tard.

Et puis c'est étonnant comme le mythe de la révolution salvatrice à la vie dure... Qu'a donné la Grande Révolution française de 1789? Un changement de pouvoir en faveur de la bourgeoisie. La révolution "prolétarienne" de 1917? L'enfer sur terre, ou à peu près... On sait comment ont fini les autres, toujours dans le sang et l'oppression.

Alors?

Alors, rien sans doute... Le capitalisme survivra... Il en a vu d'autres. De toutes façons, il est en train de nous passer, nous Européens blancs (et mêmes Américains blancs) par profits et pertes. Il n'a pas tout à fait tort. Nous n'avons même pas envie de survivre, et aucun peuple ne survit à un taux de fécondité de 1,4 - le nôtre depuis déjà trente ans.

Écrit par : Aramis | 13/06/2012

Le terme de décroissance est très connoté de façon péjorative. C'est pour cette raison qu'il est difficile de discuter sereinement* de ce sujet.

*et sur d'autres, bien entendu.

Et pou répondre à Roberto, il n'y aura certes pas de révolution, au sens les barricades, etc. Non la révolution se passe en ce moment même, en douceur, de façon presque imperceptible. Le plus intéressant est quand allons-nous rompre avec le Système. Très difficile de le savoir, comme l'a rappelé Boreas.

Écrit par : Imperator. | 13/06/2012

Concernant l'évolution à venir de la situation, il est indéniable que toute prévision devient hasardeuse.
Je ne sais plus quel texte de quel auteur parlait d'effet de seuil et d'évolution non linéaire. Tout observateur un peu lucide reconnaîtra que nous sommes sur un seuil. Quant à savoir ce que ça va donner...
J'ai bien aimé cette phrase aussi : "Selon Ken Rogoff, ancien chef économiste du FMI, "les systèmes tiennent beaucoup plus longtemps qu'on ne le pense, mais finissent par s'effondrer bien plus vite qu'on ne l'imagine". "
lien vers le post en question :
http://www.objectifeco.com/economie/anticipations-tendances/article/charles-sannat-combien-de-temps-avant-la-fin
Alors que faire? (merci Lénine pour la question)
A mes yeux la réponse tient en trois lettre GGG (merci les survivalistes pour la réponse)

Écrit par : Popeye | 14/06/2012

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