14/03/2012
La monnaie américaine en bout de course
« (...) L’utilisation du dollar dans le commerce mondial baisse brutalement. La part du dollar dans les échanges mondiaux, indicateur plus fiable et plus dynamique que celui de la part du billet vert dans les réserves des banques centrales, se réduit à toute vitesse au profit des monnaies des BRICS (Chine, Brésil, Inde, Russie, Afrique du Sud). (...) A l’heure actuelle, environ 50% des exportations mondiales sont libellées en dollars, 30% en euros et le reste principalement en yens.
La demande internationale pour le dollar est en train de se réduire au profit de l’euro en Europe et du yuan en Asie, accélérant la dépréciation du billet vert face aux monnaies commerciales fortes. Cette projection n’est que la conséquence logique d’évolutions majeures en 2011 : la Chine a multiplié les accords bilatéraux permettant, comme avec le Japon, la Russie et le Brésil, de commercer dans les monnaies nationales de ces pays, sans plus passer par le dollar. L’accord avec le Japon en particulier, signé fin 2011, signifie que la deuxième et la troisième puissance commerciale du monde se passent du dollar dans leurs échanges bilatéraux. HSBC estime que la moitié du commerce chinois pourrait se faire en yuans d’ici à deux ou trois ans, alors que 70% était effectué en dollars en 2009. Ces flux supplémentaires de yuans créent une forte demande mondiale pour la monnaie chinoise; tous ceux qui veulent faire affaire avec la Chine devront, à terme, travailler en yuans. Dans le domaine du crédit aussi, le yuan fait d’importantes avancées. Début mars, la Chine a signé des accords avec les autres BRICS pour leur rendre disponibles des prêts internationaux en yuans. Ces pays prêteront aussi à l’international dans leur monnaie propre. Autant de flux qui contourneront le billet vert. Les BRICS représentent le cinquième du commerce mondial.
Autre élément qui accélère le déclin de la demande pour le dollar : la politique étrangère américaine. Les sanctions économiques et le bannissement de certains pays (Irak, Libye, Iran) du circuit dollar, ainsi que le refus des banques américaines en septembre 2011 de prêter des dollars aux banques européennes en difficulté, ont incité ces acteurs à trouver d’autres solutions, à réduire leur dépendance envers le Greenback. "Dans des contextes certes différents, on peut affirmer en ce début 2012 que les banquiers de l’Euroland, les dirigeants communistes chinois, les maîtres du Kremlin et les bureaucrates indiens ont tout au moins une analyse en commun : il est dangereux désormais de dépendre du dollar pour ses transactions commerciales et financières", écrit le Laboratoire Européen d’Anticipation Politique. Ainsi, les banques de la zone euro ont-elles dû compter davantage sur l’euro. L’Iran, qui a lancé sa bourse de pétrole hors dollar en 2011, accepte de facturer ses barils en or, et de régler en roupies indiennes ses importations d’Inde. Quant à la Chine, principale cliente du brut du Golfe, elle achète désormais l’or noir des Emirats arabes unis en yuans, et veut généraliser cette pratique à tous les pays producteurs. Pour ces derniers, il n’y a plus de logique à être payés en dollars, devise qui se déprécie face au yuan et à l’euro, quand ils dépensent principalement leurs excédents sur des achats en Europe et en Chine. La baisse à long terme du dollar sera à la fois cause et effet de ces évolutions. Depuis janvier 2006, le billet vert a perdu 21% par rapport au panier vraiment représentatif du commerce mondial : l’euro, le yen, le yuan et le real. Le Dollar Index traditionnel, qui mesure la valeur face à un panier archaïque car peu représentatif (couronne suédoise, franc suisse, livre sterling, dollar canadien, euro et yen), n’indique qu’une baisse de 12,5%, trompeuse, sur la même période. En observant les flux commerciaux, on sait sur quelle devise miser. »
10:21 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Géopolitique | Lien permanent | Tags : myret zaki, etats-unis, déclin, dollar, monnaie, échanges, brics, yuan, chine, commerce, euro, europe | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
"C'est la chute finale" (sur un air connu )
Écrit par : alain21 | 14/03/2012
Oui Alain.
Et quand on sait à quel point l'existence même des Etats-Unis dépend du crédit gratuit que leur procure leur monnaie depuis des lustres...
Voir la fameuse phrase du secrétaire au Trésor John Connally : « The dollar is our currency and your problem » (« Le dollar est notre devise et votre problème ») :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Dollar_am%C3%A9ricain#1971-1973_:_p.C3.A9riode_de_transition
La fin prochaine de l'hégémonie du dollar signera aussi celle des Etats-Unis.
Écrit par : Boreas | 14/03/2012
C'est tout de même cocasse: les Américains se croyant malins en saupoudrant leurs dollars n'ont fait qu'accélérer la chute du dollar.... Eh oui, les années 1970, c'est fini!
Écrit par : Imperator. | 14/03/2012
Le constat est là.
On peut néanmoins s'interroger sur les conséquences d'une telle redistribution, non seulement pour les USA, mais pour le reste du monde.
Nous entrons dans une aire de grande instabilité.
Si l'Amérique se trouve amputée d'une partie importante de son arsenal hégémonique, elle va éprouver des difficultés à financer sa consommation intérieure jusque là sans limite.
Au-delà, c'est la croissance même du BRIC qui est atteinte.
Du moins le Brésil, la chine et l'inde qui profitent plus largement de la demande du marché US, alors que la Russie bénéficie encore essentiellement de sa propre rente énergétique.
La zone Euro est elle en mesure de prendre le relais de cette croissance ?
Rien n'est moins sur.
Les effets économiques, et politiques, d'un rétrécissement de l'influence américaine (et anglaise) sur cette dernière seront sans doute importants et restent à déterminer, notamment sur l'évolution de notre niveau de vie et sur le volume de nos besoins à satisfaire.
Besoins sur lesquels comptent bien évidemment le BRIC, d'où son interventionnisme croissant et ostensible pour soutenir notre consommation. Croire que l'émergence d'une classe moyenne et donc d'une plus grande demande intérieur dans le BRIC suffira à garantir leur bonne santé est encore bien prématuré à ce stade. et c'est bien la raison pour laquelle les investissements des émergents en Europe s'affichent désormais, sans complexe, et de manière accrue, se substituant déjà dans certains domaines à l'actionnariat des fonds de pension anglo-saxons.
On comprend mieux dès lors les nombreuses attaques médiatiques, boursières et financières venues d'outre Atlantique et d'outre Manche à l'encontre de la monnaie unique européenne.
L’Amérique défend le statut de sa monnaie de réserve qui est en fait son principal outil de puissance, le gigantisme de ses moyens étant essentiellement adossé au dieu Dollar.
Les USA n'ont aucun intérêt à voir l'Euro remplacer le dollar, même partiellement. Dépassé par un outil d'influence qu'ils ont eux mêmes contribué à édifier mais qui semble désormais échapper à leur contrôle, ils cherchent à le mettre hors jeu pour se poser un interlocuteur privilégié du BRIC et de ses liquidités.
Rien n'est toutefois joué.
S'il est relativement aisé de voir les mécanismes à l’œuvre, il est bien difficile de spéculer sur les effets conjugués des différents "input" introduit par les uns et les autres.
Les changements qui s'annoncent sont majeurs, les moyens qui seront employés par les différents protagonistes seront sans aucun doute à l'image de ces enjeux.
L'UE ayant depuis longtemps perdu l'initiative (si tant est qu'elle l'ait eue un jour), nous allons être spectateurs d'événements extraordinaires sur le plan international, et sans doutes acteurs chez nous, des bouleversement induits par ces derniers.
Ce n'est pas rien.
Écrit par : léonidas | 15/03/2012
L'UE n'a jamais eu l'initiative: elle n'a pas été créée pour cela.
Et comment avoir la moindre initiative avec des larves comme Barroso à sa tête?
Écrit par : Three piglets | 17/03/2012
Bah les USA peuvent toujours tenter la guerre mondiale, ça leur avait bien réussi la dernière fois.
M'efnin cette fois ça va être difficile de descendre des avions russes avec leur F-22 et F-35 de merde.
Écrit par : Kromag | 17/03/2012
Barroso comme la quasi-totalité des commissaires européens est un agent des Etats-Unis. Voir les démonstrations implacables de François Asselineau. Donc oui, on peut s'attendre à de drôles de surprises ...
Écrit par : Lug | 17/03/2012
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