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Valse ukrainienne

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08/03/2014 | Lien permanent

Les patriotes ukrainiens, exemple guerrier

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« Assis derrière le clavier, de nombreux camarades occidentaux ont jacassé sur les camarades Ukrainiens, les qualifiant d'agents des Américains, des banquiers, des technocrates.

Les commissaires politiques de chez nous ont invoqué la géopolitique, soudainement devenue la clé unique et absolue de tout, un peu comme la théorie de la plus-value pour les marxistes les plus inexpérimentés.

On a entendu des personnages, ceux qui s'écartaient sans s'exposer quand on nous tirait dessus, émettre des malédictions du genre : "l'extrême droite est un phénomène des agences de renseignement occidentales." (...)

Là bas, des camarades sont allés mourir. Trente, si je ne me trompe pas, dans les rangs du Praviy Sektor, (le Secteur Droit, rassemblement de plusieurs mouvements nationalistes ukrainiens comme Tryzub ou l'UNA-UNSO, ndt) et plus de quinze dans ceux du plus "modéré" Svoboda.

Mais c'est ainsi : des gens qui dans leur vie n'ont jamais été dans une bagarre ni payé une amende, crachent des jugements sentencieux sur celui qui se bat et meurt. (...)

En dehors de ces experts de la vie et de la mort (des autres) qui décident des peuples en regardant une carte sur Google Maps, il y a ceux qui se demandent en toute bonne foi : mais ne sommes-nous pas avec Poutine ?

Oui, en russophiles, non en tant que Russes, ni en tant qu'agents russes.

Nous sommes avec Poutine en tant qu'alliés potentiels et non comme des esclaves. Bien sûr, c'est un concept difficile pour certains des surhommes de chez nous qui imaginent l'avenir politique au service d'un Ivanhoé qui viendra pour lutter contre l'usurpateur. Leur plus grande ambition : être l'écuyer d'un maître car ils ne savent même pas ce que cela signifie d'être un seigneur. (...)

Traçons un résumé de ce que les camarades ukrainiens ont gagné pour l'instant.

Non seulement la libération, accordée, de toutes les personnes arrêtées lors des émeutes, mais aussi le licenciement de cinquante juges du "syndicat de la magistrature" local accusés de corruption, la grâce et la libération d'un père et de son fils condamnés (prison à perpétuité et quinze ans) pour avoir abattu le magistrat symbole de la corruption post-communiste et l'octroi à un membre du parti Svoboda du poste de procureur général de toute l'Ukraine. Pendant ce temps, la rue, dominée par le Praviy Sektor, a poussé Yulia Timochenko à la retraite anticipée en lui faisant retirer sa candidature et a clairement fait savoir que l'Ukraine n'est pas disposée à devenir une colonie américaine.

C'est toujours le Praviy Sektor qui a réussit à faire rejeter la candidature au poste de Premier ministre du champion des Américains, Vitaliy Klitchko. (...)

Malgré la poisse des révolutionnaires par procuration de chez nous, eux qui ne savent qu'insulter ceux qui se battent, peut-être parce que c'est la seule façon qu'ils ont de sublimer leur vies de supporters en fauteuil, les scénarios apocalyptiques qu'ils souhaitent ne se sont pas encore réalisés, mais persistent sous la forme d'un risque.

Ce qui se passe est avant tout dû à la division et à la marginalisation.

D'autre part, Svoboda regarde avec confiance en direction de l'Ouest, mais pas le Praviy Sektor.

Définir ce que signifie un regard confiant vers l'Ouest, dans une zone de frontière, est une autre chose. Comme il en est pour la proposition d'élargissement de l'OTAN, qui, il ya quelques années seulement, a été formulée par le même Poutine qui voulait que la Russie y participe.

Les catégories de la realpolitik sont souvent différentes de celles des "supporters" politiques.

Et, pour rester toujours dans la realpolitik, le résultat de la tragédie ukrainienne est susceptible d'aboutir à un partage convenu dans une sorte d'un nouveau petit Yalta.

Le fait est que les inconnues restent nombreuses et que les camarades ukrainiens ont un rôle à jouer non-négligeable, soit en faisant pencher la balance, soit en tant qu'agneaux sacrificiels.

Évidemment, si Svoboda et le Praviy Sektor entrent en concurrence et en conflit l'un avec l'autre, si les fonctionnaires de Svoboda s'avèrent aussi débiles que, par exemple, ceux de AN (Alleanza Nazionale, ndt), les hommes de Soros remporteront le match et le Praviy Sektor sera la dinde destinée à être sacrifiée sur l'autel de l'occidentalisation.

Si, toutefois, en apprenant la leçon de Togliatti (secrétaire communiste italien à la fin de la guerre, ndt), les camarades ukrainiens forment des cellules durables de magistrats, si les liens de sang entre les équipes restent supérieurs aux sirènes de l'arrivisme, les choses en iront autrement. Si nous étions en Italie, je ne serais pas confiant, mais nous parlons d'un peuple encore debout, avec des gens arrivés de partout pour se battre (en prenant congé régulièrement des chantiers !), des gens plus sérieux que ceux que nous avons l'habitude de rencontrer.

Ils peuvent le faire. Ils ne le feront que si ils sont eux mêmes garants de nouvelles relations économiques, énergétiques et diplomatiques avec la Russie. Relations qui sont une nécessité objective.

Ceux qui répondent que les deux côtés se haïssent et que cela constitue un barrage indépassable, n'ont pas le sens de la réalité. Les relations internationales ne se bâtissent pas uniquement sur​ la sympathie entre les partenaires ou pour une cause commune, mais sont, le plus souvent, basées sur des intérêts communs, qui ne sont communs que lorsque les deux parties contractantes sont égales, pas quand l'une d'entre elles est assujettie. Elles se créent aussi, et surtout, parmi ceux qui se haïssent.

Il n'est pas du tout inconcevable que, dans les prochains mois, il incombe précisément aux nationalistes ukrainiens de gérer les relations avec la Russie. Si , bien sûr, une guerre civile n'éclate pas avant.

La situation peut basculer ; elle ne finira pas nécessairement dans l'abîme.

Et même si elle y tombe, cela aura toujours valu la peine.

Parce que rien ne vaut autant qu'un peuple qui lutte et affirme sa dignité par l'effusion de son sang. Un peuple qui sait ce que nous avons oublié : qu'il n'y a pas de dieu qui prend les armes à la place de ceux qui prient au lieu de combattre.

Quoi qu'il arrive, même si c'est ce qu'espèrent une grande partie des envieux et porteurs de poisse, les camarades ukrainiens ont donné un exemple existentiel, un exemple guerrier.

Ils ont écrit une page d'histoire épique en faisant leurs les paroles de Nietzsche : "écris avec ton sang et tu découvriras que le sang est esprit."

Au lieu de cela, nous écrivons sur Facebook ou sur des forums.

Et nous nous permettons de juger ceux qui se battent et meurent. Nous ne valons pas mieux que Boldrini, vraiment pas mieux.

Comme des esclaves envieux, nous souhaitons des chaînes à ceux qui ont eu la force de les briser. »

Gabriele Adinolfi (merci à @Three piglets pour le tuyau)

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La propagande russe n'existe pas

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Un responsable du parti nationaliste ukrainien Svoboda (en pointe dans la « révolution du Maïdan ») nous fait parvenir ce courrier en français de Monsieur Oleh Pankevych – vice-président de Svoboda – adressé aux responsables du Front national, suite à leurs prises de position, parfois déconcertantes (comme celle de Marion Maréchal Le Pen, interpellant Laurent Fabius et appelant à combattre les « milices néo-nazies » et « l’extrême-droite »).
Cette lettre semble s’adresser plus particulièrement à Aymeric Chauprade, nommé « conseiller pour les questions internationales » du Front National, alors que Bruno Gollnisch a démissionné récemment, sur ordre de Marine Le Pen, de ses fonctions au sein de l’Alliance européenne des mouvements nationaux.

Nous reproduisons donc ce courrier in extenso. Il faudra bien sûr pardonner les quelques erreurs grammaticales de ce texte, très intelligible.

Kiev, le 7 mars 2014
Au Front National
Mesdames et Monsieurs,

Nous sommes profondément préoccupés par la position de votre parti concernant la situation en Ukraine qui est présentée sur le site officiel du Front national. Selon nous, les informations que vous utilisez sont tout à fait altérées, et c’est pour cette raison que les conclusions ne reflètent point la situation générale en Ukraine, et en particulièr dans la péninsule de la Crimée. Malheureusement, les arguments présentés par les forces politiques sont similaires à ceux que nous entendons de la part des dirigeants de la Fédération de Russie, et nous devons souligner qu’ils sont complètement faux.

Ainsi, permettez-nous de présenter nos propres commentaires sur la situation établie. Ces derniers jours, les actions de la Fédération de Russie ont pris des proportions qui menacent l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale.

Le 27 février 2014, Verhovna Rada d’Ukraine (le Parlement ukrainien) avec 331 voix contre 450 a nommé le nouveau gouvernement. Ce gouvernement est composé non seulement des répresentants de différents partis politiques, comme s’était auparavant, mais aussi des militants d’Euromaidan, car une telle victoire est le résultat d’une extraordinaire consolidation des forces saines de la société ukrainienne.

En ce qui concerne la censure des programmes de l’opposition à la télévision. En effet, pendant le régime du Président Ianoukovytch les médias ont été systèmatiquement sous la pression. Dans cet esprit, la majorité nouvellement formée au parlement a introduit au sein du Conseil National de la radio et de la télévision de nouveaux membres dans le but de remplacer les anciens représentants qui se sont compromis à cause de la ratification des décisions biaisées.

Par contre, nous devons aussi avouer que lors des derniers mois du régime dictorial du Président Ianoukovytch plusieurs journalistes et membres des médias ont été battus et gravement blessés. Et quant à Vecheslav Veremiy, le journaliste du journal Vesti, il a été assassiné.

De même, l’accusation que vous présentez concernant la destruction [NDCI : détachement] de l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou est tout à fait fausse. La propagande de Poutin fait traditionnellement recours à la thèmatique religieuse sous une forme argumentative afin de procéder à la division de l’Ukraine, et justifie ainsi ses actions.

Pour justifier l’agression, vous utilisez comme argument « le risque de l’abolition de l’autonomie de la Crimée ». À cet égard, nous devons souligner qu’il est question de la politique intérieure d’un Etat souverain de l’Ukraine. Dans les conditions actuelles, l’intervention militaire de la Fédération de Russie par le biais de l’occupation de la péninsule de la Crimée n’a aucune base juridique ou morale. Cette intervention militaire transgresse tout un rang des accords entre l’Ukraine et la Russie, et déroge les engagements qui doivent être assumés par la Fédération de Russie suite au Mémorandum de Budapest en 1994. Les quatre pays, l’Ukraine, les Etats-Unis d’Amérique, la Russie et la Grande-Bretagne ont signé l’accord unanime afin de garantir la souveraineté et l’intégrité territoriale de notre pays.

Nous tenons à vous dire que la Constitution de l’Ukraine donne la permission d’introduire des troupes étrangères à condition si Verkhovna Rada d’Ukraine [NDCI : le parlement] le permet. Aujourd’hui, cette autorité est tout à fait légitime et elle n’a point approuvé une telle décision. Les conditions préalables pour l’émergence de la guerre civile sont complètement absentes en Ukraine, même si la Fédération de Russie l’exige ayant pour but d’occuper notre pays.

Nous soutenons votre appel en ce qui concerne l’établissement d’un dialogue entre le peuple ukrainien, le gouvernement légitime ukrainien, l’UE et la Russie afin de résoudre la situation. Cependant, ce dialogue doit être effectué sous la forme du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale en ôtant toute forme d’ultimatums et de violation flagrante du droit international.

En Europe contemporaine, nous devons faire de notre mieux afin d’éviter la répétition du passé sanglant du XXe siècle. La politique nationale et internationale de Poutine prend la voie d’Hitler et de Staline. Certainement, la communauté mondiale se souvient jusqu’à lors des cours d’histoire – nous n’avons point besoin d’une troisième guerre mondiale.

De tout ce qui a été dit précédemment, nous tenons à vous demander de réfuter les fausses informations et les commentaires à venir concernant l’agression militaire de la Russie en Ukraine, y compris sur la péninsule de la Crimée. Nous vous invitons à porter un regard objectif sur la situation actuelle.

Autrement, nous allons considérer vos actions comme la contribution à l’occupation militaire de l’Ukraine par la Fédération de Russie. Une telle approche se présente comme un danger pour l’avenir non seulement de l’Ukraine mais pour toute l’Europe.

Bien à vous,

Oleh Pankevych
Vice-président du parti politique ukrainien « Svoboda »
Responsable des relations internationales
Le député de Verhovna Rada d’Ukraine
(Le parlement ukrainien)

Source

Un lecteur me fait également part de son opinion dissonnante sur la question, ce qui est plus que rare par les temps qui courent. Je vous invite à aller lire ce billet sur son blog.

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Vive la Crimée libre (ironie)

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Crimée, 16 mars 2014. Statue de Lénine et drapeau soviétique.

 

Pendant ce temps, Poutine, possesseur d'une fortune personnelle de 40 à 216 MILLIARDS de dollars (en comparaison, celle des présidents des Etats-Unis ne dépasse pas, en général, quelques dizaines de MILLIONS, soit des milliers de fois moins), est l'ami de multiples oligarques et permet à DSK d'entrer au conseil de surveillance des deux plus grands organismes financiers publics russes.

Tout est normal.

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Russes et Ukrainiens, deux peuples frères

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Je reproduis ici un très intéressant article, paru le 14 mars 2014, de l’excellent écrivain russe Mikhaïl Chichkine, peu suspect d’atlantisme ou autres inféodations à l’idéologie libérale-mondialiste (reproduction intégrale, pour éviter d’avoir à se connecter au site du journal suisse Le Temps, qui exige une inscription préalable pour l’accès à ses contenus).

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Internet a fait entrer la guerre dans chaque foyer. Chacun est ainsi témoin ou acteur en direct de combats de rue à Kiev, de meetings en Crimée, d’arrestations à Moscou. Maintenant, alors que j’écris ces mots, sur la place du Manège près du Kremlin, une jeune fille rousse d’environ 18 ans déroule une pancarte « Non à la guerre ! ». Un policier s’approche d’elle avec un mégaphone : « Dispersez-vous ! Votre action n’a pas été approuvée. » Elle lui répond en criant : « C’est votre guerre qui n’est pas approuvée ! »

Les criminels au pouvoir sont parvenus à commettre une bassesse impardonnable : monter les Russes et les Ukrainiens les uns contre les autres, faire de la langue non plus un moyen de communication mais une arme de haine.

Nous sommes réellement des peuples frères. Ma mère est Ukrainienne, mon père est Russe. Et de telles familles mixtes se comptent par millions, aussi bien en Ukraine qu’en Russie. Comment donc les séparer l’une de l’autre ? En tranchant dans le vif ?

Et comment partager Gogol ? Est-il un auteur classique russe ou ukrainien ? Il est aux deux, il est notre fierté commune.

Et comment partager notre honte commune et notre chagrin commun ; notre énorme histoire ? L’anéantissement de la paysannerie en Russie et la grande famine du Holodomor en Ukraine ? Parmi les victimes et les bourreaux se trouvaient aussi bien des Russes que des Ukrainiens. Nous avions des ennemis communs : nous-mêmes. La mainmise de notre terrible passé commun paralyse nos deux peuples et les empêche d’aller de l’avant.

Maïdan nous a étonnés par l’audace et le courage de ces gens sortis sur la place « pour notre et votre liberté ». C’est avant tout la solidarité qui sautait aux yeux. On ressentait admiration et envie : voyez comme les Ukrainiens peuvent se soulever et tenir bon, il n’est plus possible de les mettre à genoux.

Les présentateurs de la télévision de Poutine ont tout fait pour présenter dans leurs émissions de propagande le défenseur de Maïdan comme un personnage tout juste sorti d’une anecdote : rusé, cupide, obtus, prêt à vendre son âme au diable ou à l’Occident, pourvu qu’il ait du lard. Un pays ayant une telle télévision d’Etat devrait mourir de honte.

La Russie a adopté depuis longtemps une attitude condescendante à l’égard des Ukrainiens et de la langue ukrainienne. On aimait le « petit frère » pour sa joie de vivre, son humour, son autodérision. Mais il restait tout de même le cadet dans la famille, ce qui signifiait qu’il devait obéir à l’aîné, apprendre de lui, essayer de lui ressembler. Et voilà qu’en ces derniers mois, qui ont changé le cours de l’histoire, les Russes ont découvert des Ukrainiens tout à fait différents. Le « petit frère » s’est avéré plus adulte que l’aîné. Les Ukrainiens ont su dire à leur gouver­nement de voleurs « Dehors la bande ! », mais pas nous. Bien sûr que ça fait envie.

On peut prendre aussi un symbole aussi simple que l’hymne national. Ils ont un hymne qui réunit toutes les générations, alors que nous n’en avons même pas. Aux Jeux olympiques, c’est l’« hymne » stalinien réunissant des générations de dictateurs et de voleurs qui s’est répandu dans le monde entier.

La révolution démocratique en Ukraine a commencé par un combat contre les symboles : les places du pays ont vu tomber les statues de Lénine. Alors que chez nous, en Russie et dans les régions russophones d’Ukraine, les Lénine sont restés sur les places et dans les esprits. Chaque peuple est otage de ses symboles. En Russie, la ville de Saint-Pétersbourg se trouve toujours dans la région de Leningrad et le train ultramoderne Sapsan vous mène à la ville de Dzerjinsk, qui porte toujours le nom du principal bourreau du pays. Ce sont les signes qui les entourent qui déterminent la vie des gens.

Les Ukrainiens se sont mis à détruire les symboles de notre humiliant passé commun, mais les Russes d’Ukraine en ont hélas pris la défense.

La Maïdan de l’Indépendance ukrainienne – de l’indépendance vis-à-vis de la Russie – s’est transformée en un « EuroMaidan ». Ce n’est pas la haine de la Russie qui a poussé les gens dans la rue, mais la haine de leurs propres autorités qui ont opprimé sans vergogne le pays et ses habitants quelle que soit leur langue. Les Kiéviens sont sortis dans la rue pour se débarrasser d’un pouvoir criminel. Cet élan ne visait nullement une révolution. Il ne s’agissait pas d’un mouvement tourné vers la violence mais vers un ordre civilisé, vers l’« Europe ».

Pour les Ukrainiens, l’Europe n’est pas la réelle Union européenne avec sa multitude de problèmes, elle est le mythe d’une vie qui ne se baserait pas sur les règles des criminels mais sur les lois du droit. L’Europe est synonyme d’espoir en une autre vie dans une Ukraine civilisée.

Ce ne sont pas les protestations pacifiques qui ont asséné le knock-out au régime de Viktor Ianoukovitch. Les bandits ne comprennent que le langage de la force. Le mouvement nationaliste a enfilé, tel un gant de boxeur, la protestation démocratique et pacifique. La toute première loi du nouveau pouvoir a hélas consisté à abolir la langue russe comme langue nationale, divisant ainsi encore plus profondément l’Ouest ukrainien et l’Est russophone du pays. Les uns ayant pour héros « la centaine céleste » de martyrs, les autres les forces spéciales « Berkout ».

On peut aussi comprendre les habitants de l’est de l’Ukraine et de Crimée. Les gens ont eu peur de l’« ukrainisation ». Imaginez-vous seulement une situation semblable en Suisse : les germanophones majoritaires au parlement de Berne adoptant une loi interdisant la langue française en Romandie.

La confusion des gens simples en cette période difficile a immédiatement profité au principal « vainqueur » des Jeux olympiques. « La patrie doit défendre ses enfants ! » Quelle que soit la dictature en vigueur – l’orthodoxie, le communisme, à nouveau l’ortho­doxie –, le régime s’est toujours ­appuyé sur le patriotisme pour manipuler le peuple. Ce tour d’adresse n’a jamais failli, et il ­continue de fonctionner. Ces dernières semaines, la propagande ­télévisée a employé les grands moyens pour préparer les Russes à « défendre la patrie » en Crimée et en Ukraine de l’Est contre les occupants fascistes ukrainiens.

La guerre – peu importe qu’elle soit chaude ou froide – est un moyen d’existence pour tous les régimes. Les ennemis sont du pain béni pour toute dictature. Les ­victoires prolongent l’existence des empires, les défaites accélèrent leur chute : le triomphe de Staline n’a fait que consolider l’Etat-goulag, la catastrophe afghane a précipité la mort de l’URSS.

Faut-il souhaiter la victoire ou la défaite à sa patrie ? Cette question qui pourrait sembler étrange à un homme aimant son pays ne l’est finalement pas tant si cette patrie ne laisse vivre en paix ni les siens, ni les autres. Dans la conscience populaire, la question de savoir où se trouvent la fin de la patrie et le début du régime n’a toujours pas été élucidée, tant tout s’est emmêlé. Le patriotisme est la vache sacrée russe qui rumine comme un chewing-gum les droits de l’homme et le respect de l’individu.

Mon ami d’enfance est mort en Afghanistan : on leur disait à eux aussi qu’ils défendaient là-bas leur patrie. Nous rendions visite à ses parents. A chaque fois, sa mère se mettait à pleurer : « Quelle patrie ? Quelle patrie ? » Nous nous taisions.

Je me souviens, quand la guerre a commencé en Tchétchénie, d’un reportage où un soldat russe, encore tout jeune garçon, a dit : « Je défends ici ma patrie. » Maintenant, ils veulent que les jeunes garçons russes et ukrainiens « défendent la patrie » l’un contre l’autre.

Un quart de siècle a passé depuis la fin de la guerre en Afghanistan. Cette guerre-là a eu pour conséquence la chute de l’empire soviétique. Aujourd’hui, nous assistons à la répétition du même scénario suicidaire. Il existe manifestement une loi commandant la mort naturelle d’un régime : la dictature vit du mensonge qui consiste à s’inventer des ennemis et elle meurt dès lors qu’elle commence à croire à ses propres mensonges.

Ces gens simples qui, en Ukraine, agitent des drapeaux tricolores et crient « Russie ! » les larmes aux yeux me font de la peine. Comme tant de fois dans l’histoire, ils seront utilisés et trahis. Leur route vers la Russie les mènera vers un Etat policier.

Cette aventure a pour résultat l’instauration d’une nouvelle « guerre froide », l’étouffement de toute protestation civile ou sociale en Russie, l’incitation à la psychose chauviniste. Ce qui attend la Russie, c’est l’isolement international, l’appauvrissement de ses habitants, les répressions. En 2008, le régime avait déjà brouillé son pays avec la Géorgie, détruisant ainsi les relations de bon voisinage entre­tenues par les deux peuples depuis des siècles. Ces relations entre nos pays sont détériorées pour longtemps. Et maintenant, la même chose se produit avec l’Ukraine.

Ceux qui en pâtiront le plus seront précisément les habitants de Crimée. L’enthousiasme qui suivra la « libération » historique face aux « fascistes » ukrainiens disparaîtra vite et l’on retombera dans la réalité. Après la « libération » de l’Abkhazie, les stations balnéaires de la mer Noire jadis florissantes ont été totalement laissées à l’abandon. Le même scénario attend désormais la « libération » de la Crimée. L’immense station deviendra un « trou gris » où personne n’ira plus, ni d’Ukraine, ni de Russie. Les habitants de la presqu’île, qui vivent essentiellement du tourisme estival, seront ruinés. En hissant le drapeau tricolore, les gens ont déjà perdu ce qu’ils avaient. S’ajoute encore le problème des ­Tatars de Crimée, qui se souviennent fort bien de la déportation de Sibérie et ne veulent plus rien entendre de la Russie. Dans l’est de l’Ukraine, où les Russes sont mélangés aux Ukrainiens, on n’est pas loin d’une guerre ethnique, la situation là-bas étant aussi embrouillée qu’en Bosnie dans les années 1990. Comment distinguer un « nationaliste » d’une « victime du nationalisme » ?

L’interminable conflit qui couve à la frontière permet au rêve du régime de se réaliser sous nos yeux. La guerre non déclarée avec l’Ukraine est un bon prétexte pour écraser définitivement en Russie la société civile indépendante et instaurer un ordre policier implacable. Le militarisme, la chasse aux ennemis intérieurs, la lutte contre les « traîtres », la propagande patriotique de masse constituent déjà notre réalité.

Les crapules et les imbéciles ont trop longtemps spéculé sur l’amour de la patrie. Et voilà que nous sommes à nouveau tous pris en otage, aussi bien les Russes que les Ukrainiens. Nous souffrirons à nouveau ensemble, comme deux peuples frères. Et c’est ensemble que nous devrons nous battre pour l’avenir.

La jeune fille de la place du Manège a été arrêtée. Les policiers lui ont arraché la pancarte, l’ont enroulée et l’on emportée.

Après l’intrusion des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie, le poète russe Alexandre Galitch a écrit : « Citoyens ! La patrie est en danger ! Nos chars sont en terre étrangère ! » La jeune fille rousse est une patriote. Mais ceux qui l’ont arrêtée, ceux qui au parlement ont voté à l’unanimité pour la guerre, ceux qui donnent et exécutent des ordres criminels à renfort de matraques et de chars, ceux-là sont les traîtres.

Source

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Comprendre la situation ukrainienne

Extrait du journal de TVLibertés du 19 février 2014

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False flag russe à Lougansk ?

(Mise à jour du 5 juin 2014)

Désolé, cette fois je n'ai pas le temps de traduire cet article du même blog cité avant-hier, faisant l'analyse détaillée des raisons pour lesquelles il serait faux qu'un avion ukrainien ait largué des roquettes sur Lougansk le 2 juin et, a fortiori, fait des victimes civiles.

Manifestement, il y a bien eu au moins un avion ukrainien dans le ciel ce jour-là, mais selon ce même blog, pour fournir un soutien au peloton de gardes-frontières de la Garde Nationale attaqué et encerclé dans son casernement par les terroristes (je ne peux pas les appeler autrement) et ce, dans la banlieue de la ville et non au centre de celle-ci.

Néanmoins, au vu de cet autre article, tiré d'un blog australien qui, lui aussi, a étudié à fond les données disponibles, il faut reconnaître, si on veut être honnête intellectuellement, qu'il est possible que l'avion ait bel et bien tiré des roquettes sur le bâtiment de l'administration régionale de Lougansk. C'est pourquoi, je rajoute un point d'interrogation au titre de mon billet.

Si cette attaque aérienne est vraie, c'est moche et je pense que tous les partisans de la cause ukrainienne seront de mon avis.

Néanmoins, n'oublions pas qu'il s'agit d'une guerre et que, si des civils ont été cette fois-ci tués et blessés du côté russe et pro-russe, les séparatistes, ethniquement minoritaires et dans l'illégalité la plus complète, ont, eux, depuis bien plus longtemps, usé de méthodes barbares et souvent meurtrières contre leurs opposants, également des civils, comme je l'ai rappelé avant-hier (voir ci-dessous) et antérieurement.

Il ne faut donc pas s'attendre à ce que les soldats ukrainiens se comportent systématiquement comme des anges, d'autant plus que les conditions de combat imposées par les terroristes comportent le positionnement au milieu des civils, dans des zones résidentielles, et l'utilisation de boucliers humains.

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Les dupes de l'insupportable Olivier Berruyer, arriviste tête à claques / premier de la classe qui cachetonne sur BFMTV tout en relayant la désinformation russe sur son blog d'idiot utile souverainiste, ont encore été victimes ce jour d'un déchaînement aussi compassionnel que visuellement complaisant.

Ce copié-collé de la propagande russe vise, comme d'habitude, à leur faire haïr les patriotes ukrainiens toujours qualifiés de « néo-nazis » et, en l'occurrence, les atrocités commises hier à Lougansk, soi-disant par l'aviation ukrainienne.

Le tout, en passant complètement sous silence les exactions et les meurtres de civils imputables aux séparatistes pro-russes et aux mercenaires russes et nord-caucasiens téléguidés par le Kremlin dans l'est du pays.

Jamais, le sémillant Berruyer ne leur fera voir ce qui suit, qui montre que le false flag n'est pas l'apanage des services occidentaux (loin de là).

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(2 juin 2014) Aujourd'hui, les terroristes ont attaqué le bâtiment de l'administration régionale dans la ville de Lougansk, avec un lance-roquettes ou un missile antichar.

Les objectifs de cette attaque étaient de faire accuser des soldats ukrainiens et de créer un autre faux motif pour discréditer les forces ukrainiennes et pro-gouvernementales.

Les terroristes ont exécuté un tir depuis le parc situé tout près. À 0' 15" de la vidéo [ci-dessous], vous verrez un flash dans le parc [au niveau de la partie supérieure d'un grand conifère, voir la photo ci-dessus] et moins d'une seconde plus tard, de grandes explosions sur le côté gauche du bâtiment.

Les activistes pro-russes et les trolls sur Internet disent qu'il s'agissait de l'attaque d'un avion de chasse ukrainien qui aurait largué une bombe sur le bâtiment de l'administration régionale. Mais il y a quelques faits qui contredisent leurs affirmations :

- Il serait impossible que ce flash soit apparu moins d'une seconde avant l'explosion dans le parc situé tout près.

- Si l'avion était apparu au-dessus de la ville, les gens regarderaient vers le ciel, le cherchant des yeux. Au lieu de cela, ils agissent normalement jusqu'à l'explosion.

Source

Traduction par mes soins. Reproduction autorisée sous réserve de citer verslarevolution.hautetfort.com en source.

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Immense popularité de la lutte « antifasciste » à Donetsk

Un concert organisé par les représentants de la très démocratique « République populaire de Donetsk » sous le slogan « Sauvons le Donbass des fascistes » a eu lieu (a priori) le 6 juin à Donetsk. A en juger par la foule amassée pour l'occasion (la statue de Lénine étouffait manifestement de tant de promiscuité), les dirigeants de la RPD vont chercher des « fascistes » pendant quelque temps encore, avant d'arracher la région à leurs griffes. Ne parlons pas de la qualité musicale de la manifestation. Après tout, c'est peut-être elle qui a attiré tant de monde...

Source

Blague à part, écoutez un peu ce que disait cette dame russe, toujours à Donetsk, il y a un peu plus d'une semaine. C'est à partir de 8' 30", jusqu'à 9' 20" :

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08/06/2014 | Lien permanent

« Traître à la nation »

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Femme tchétchène exécutée, Grozny, 1995

 

Arkadiy Babchenko fait partie d'une espèce en voie de disparition – un journaliste russe essayant de comprendre la situation en Ukraine orientale sans rendre un service partisan à la position officielle du gouvernement russe. Il n'a pas peur de poser des questions honnêtes et d'être tabassé pour cela. S'en tenir à des principes éthiques a fait de lui un paria du journalisme russe. Son travail est publié sur son blog et est soutenu financièrement par des dons de ses lecteurs. Beaucoup ont pris son blog pour référence ; beaucoup d'autres l'ont désigné comme « traître à la nation » à cause de lui. Arkadiy nous a tenus informés de la deuxième guerre de Tchétchénie, de la guerre de Géorgie, de la révolution au Kirghizistan et des manifestations en Turquie. Il était aussi sur le Maïdan en 2013 et 2014.

(Entretien avec Anastasiya Ryngis, publié le 8 juin 2014)

Quelle est la différence entre la situation à Sloviansk et les conflits sur lesquels vous avez travaillé auparavant ?

Toutes les guerres sont les mêmes. Personne ne remarque comment et quand exactement elles commencent. Personne ne prend cela au sérieux et tout le monde dit que les « fusillades » cesseront très bientôt et que la guerre n'aura pas vraiment lieu. Et ensuite, le conflit échappe à tout contrôle et nous avons une guerre grandeur nature sur les bras. La seule chose qui sort du lot à Sloviansk est le réel effort de l'armée ukrainienne pour éviter de faire des victimes civiles. J'ai vu cela de mes propres yeux et cela sort vraiment de l'ordinaire.

Est-ce même réaliste, dans les conditions actuelles ?

Les victimes civiles sont inévitables lors d'une guerre. Il y en a déjà eu plusieurs à Sloviansk et il y en aura beaucoup plus. Dans n'importe quelle guerre, les deux côtés s'endurcissent au combat, des pulsions de cruauté émergent, des barrières psychologiques tombent. Cette guerre n'est pas différente et une variété locale de lieutenant Calley (un officier qui ordonna le massacre d'un village entier de civils pendant la guerre du Viêt-Nam) est une possibilité. Les enlèvements et des exécutions sont possibles également. Ces choses arrivent dans la foulée de la guerre. Mais jusqu'ici, l'armée ukrainienne montre une claire compréhension de ces risques et fait de son mieux pour réduire la possibilité de leur réalisation.

Quel est le moral des troupes ukrainiennes ?

Le moral est bon, il n'y aucun signe de défaitisme ou de tentatives de désertion. J'ai fait le tour des postes de contrôle de Sloviansk et il semble que les membres de la Garde Nationale ont assez d'équipements tactiques, gilets pare-balles et vêtements spéciaux. Apparemment, l'aide que la population collecte pour eux en Ukraine leur parvient parfaitement.

Que disent vos collègues en Russie de vos efforts à Sloviansk, avec les chaînes de télévision publique russes falsifiant les informations relatives à la guerre, etc. ?

Les chaînes publiques russes ne sont pas une source d'informations, mais une source de propagande. La propagande et le journalisme sont deux domaines différents d'activités humaines. C'est pourquoi nous ne sommes pas des « collègues ». Je me fiche complètement de ce que les propagandistes russes officiels pensent de moi. Laissez-les m'appeler un traître à la nation, je m'accommode très bien de cela.

N'avez-vous pas peur ? Dernièrement a eu lieu une nouvelle vague d'arrestations dans l'affaire de la Place Bolotnaya. Ils ont arrêté l'activiste parce qu'il a « entravé le travail de la police en plaçant des cabines de toilette sur son parcours de patrouille ».

Ce n'est pas vraiment de la crainte que je ressens. Je comprends parfaitement que je peux maintenant être arrêté à tout moment. Par exemple, ils peuvent m'interpeller sur-le-champ à l'aéroport et rien ne pourra les empêcher de m'embarquer. Mais je choisis de ne pas penser en ces termes. Je sais qu'il y existe un risque d'arrestation. Mais il n'y a rien à faire à ce sujet pour le moment. Telle est notre vie ici.

Je n'appelle personne « terroriste » et j'évite les grandes déclarations. Je voudrais écrire sur le conflit à Sloviansk des deux points de vue opposés. Mais ce n'est pas possible pour des raisons techniques, depuis que des avis de recherche avec mon portrait ornent les bâtiments administratifs et les postes de contrôle de la République Populaire de Donetsk, ainsi qu'à Sloviansk et Donetsk. Ainsi, je ne peux écrire que sur les activités d'un seul camp. Les zones contrôlées par la République Populaire de Donetsk ont été hors-limites pour moi, mais je voudrais les visiter.

D'habitude, combien de fois est-il possible de décrire les points de vues des deux partis en conflit ?

D'habitude ? Eh bien, d'habitude il est tout bonnement impossible de collecter des informations des deux côtés. Vous restez en place du côté où vous avez terminé en premier.

De quels événements de ces deux dernières semaines dans l'est ukrainien gardez-vous la plus forte impression ?

Quand je suis arrivé, les escarmouches se produisaient seulement après la tombée de la nuit. Aujourd'hui, elles se poursuivent également durant le jour. Comme je passais la nuit sur le Mont Karachun, un duel d'artillerie est survenu. Les miliciens de la République Populaire de Donetsk ont tiré sur Karachun, l'armée a répliqué. L'armée essayait d'éviter les zones résidentielles, tirant surtout sur la périphérie de la ville, où se situent les bâtiments industriels.

Comment réussissez-vous à éviter le stress post-traumatique ?

Il est difficile à éviter. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus facile pour moi, puisque j'ai été dans beaucoup de guerres. La première fois a été très difficile. La première fois, je suis allé à la guerre en tant que conscrit dans l'armée et j'avais alors juste 18 ans. Après être rentré chez moi, je suis allé finir mes études à l'université. Ces deux ans ont été vides et incolores pour moi. Je me sentais comme si je ne comprenais plus le monde autour de moi.

Quand la guerre en Tchétchénie a recommencé, j'y suis allé en tant que soldat sous contrat. J'ai été chanceux de retourner à la vie après mon retour de cette guerre. J'ai une famille, une fille. Je vis dans la capitale. Et j'ai commencé à écrire. Si ce n'avait pas été pour ma famille et l'écriture, je serais selon toute probabilité devenu un alcoolique. En Russie, seul un très petit pourcentage d'anciens combattants a réussi à se construire une vie après la Tchétchénie. Pourquoi ? Parce que la première guerre de Tchétchénie a été perdue. La défaite à la guerre mène à la défaite en temps de paix. Il est beaucoup plus facile à un soldat de construire une vie s'il revient en vainqueur.

Quels problèmes apparaîtront dans la société ukrainienne après la guerre à l'Est ? Vous avez vu les soldats ici, qu'en pensez-vous ?

La seule chose je peux dire avec certitude, est que les soldats qui sont en guerre maintenant souffriront de l'état de stress post-traumatique. Les gens qui reviennent de la guerre ramènent la guerre dans la vie paisible, avec son attitude agressive, son acceptation du meurtre et des tueries. La valeur de la vie humaine est nulle en temps de guerre. Votre propre vie ne vaut rien, sans parler de celle d'autrui. Pour prévenir ce syndrome du Viêt-Nam, il est nécessaire de commencer maintenant, d'organiser la réadaptation psychologique des soldats.

Y a-t-il une telle réadaptation en Russie ? Avez-vous suivi quelque chose comme cela après la deuxième guerre de Tchétchénie ?

En Russie il n'existe aucun programme de réadaptation. Il n'y en a jamais eu, en fait. Peut-être ce fait témoigne-t-il du niveau fondamental d'agression dans la société russe.

A votre avis, en quoi devrait consister un programme de réadaptation efficace ?

Il devrait comporter un certain nombre d'occasions pour les soldats de les aider à se fondre dans la vie normale - le conseil psychologique, des prestations sociales et des programmes d'étude. La société doit comprendre que la réalité de la guerre et la réalité de la paix ne se rejoignent en aucune façon, elles sont en fait deux mondes parallèles. Le soldat a besoin d'aide pour quitter la réalité de la guerre et retourner à un état d'esprit paisible.

Des soldats plus âgés, qui avaient des familles et des emplois stables avant la guerre, sont ici dans une situation plus favorable que les jeunes, dans le mesure où des liens sociaux les ancrent dans la réalité du temps de paix. C'est pourquoi il devrait y avoir un effort systématique pour aider les soldats. J'aime le programme de réadaptation qui existe en Israël pour Tsahal. Cela devrait être l'endroit où aller pour acquérir de l'expérience.

Combien de temps pensez-vous que durera ce conflit ? Des mois, des années peut-être ?

Je doute que ce soient des années. Très probablement, ce sera plusieurs mois à partir du début des hostilités. Il ne sera pas possible, toutefois, d'éviter de prendre d'assaut Sloviansk. Si j'étais le gouvernement ukrainien, je commencerais à construire des hébergements provisoires pour les réfugiés et évacuerais de là autant de civils que possible. Je ne pense pas que nous verrons la réédition de Grozny, mais il y aura d'intenses et sanglantes batailles pendant plusieurs semaines ou mois. Ensuite, une opération de police sera nécessaire, qui peut prendre deux ou trois ans.

Pouvez-vous expliquer pourquoi, malgré tout cela, le soutien populaire à Poutine continue de grandir ? Les Russes ne comprennent-ils pas que ces événements en Ukraine surviennent à l'instigation du Kremlin ?

Voyez-vous, dix ans d'incessant lavage de cerveau, eh bien, vous priveront de votre intelligence. Les Russes sont occupés à se chercher des ennemis - d'abord, ceux-ci étaient tchétchènes, puis géorgiens, puis des migrants tadjiks. Maintenant, c'est le tour des Ukrainiens. Tout ce que la direction, via la télévision, a à faire, c'est de pointer du doigt l'ennemi suivant. La propagande télévisuelle s'est révélée extrêmement efficace en termes de lavage de cerveau. Un petit pourcentage de la population, peut-être 15 à 20 %, est toujours capable de penser, les autres ont oublié à quoi cela ressemble de pouvoir le faire.

Dans ce cas, que va-t-il arriver à la Russie ?

J'espère que la situation en Russie se trouvera d'elle-même un remède. Mais en mon for intérieur, je crains que cela n'en vienne à la guerre civile, à un épisode supplémentaire de Pougachevshina (rébellions populaires). La tension est palpable partout où vous regardez et tout le monde est un ennemi. Où cela va-t-il éclater et quelle sera la goutte d'eau qui fera déborder le vase ? Je ne sais pas.

Source en anglais

Source originale

Traduit de l'anglais par mes soins. Reproduction autorisée sous réserve de citer verslarevolution.hautetfort.com en source.

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L'expérience ukrainienne

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Il y a un film allemand qui s'appelle « L'Expérience » et qui n'est pas très récent : il a dû sortir en 2000. Une vingtaine de personnes décident de participer à une expérience et de passer deux semaines en prison. Deux groupes sont créés : les détenus et les gardiens. Il faut passer deux semaines en s'imaginant dans une prison allemande et toucher son salaire à la fin. L'expérience tourne à une véritable tragédie, avec des tortures et des morts.

La République de Donetsk est aussi une expérience sociale. Je suis sûr que ce qui se passe actuellement dans l'est de l'Ukraine deviendra un sujet de recherche en sciences sociales d’ici peu de temps. Les jeunes scientifiques ukrainiens ne peuvent se plaindre du manque de sujets de recherche. La République Populaire de Donetsk est ce champ de sociologues, de politologues, de militaires, de spécialistes en communication. Un laboratoire du Kremlin.

Les expériences menées par les Russes dans la région de Donetsk ne sont pas moins inhumaines que celles du fameux docteur Mengele. Devant le monde entier, les habitants de la région intègrent des rôles écrits bien avant cette guerre civile (l'opération antiterroriste ?).

L’expérience « République Populaire de Donetsk » est une mise en route de la guerre en Ukraine, commencée par les spécialistes en communication moscovites. Elle n'a pas commencé en 2014. Les tentatives pour provoquer un conflit en Ukraine ont commencé il y a dix ans : la Russie s'est mise à investir dans un scénario de guerre dans un Etat voisin. Cette décennie a été marquée par une guerre de l'information contre l'Ukraine, à laquelle notre pays ne répondait presque pas.

Pendant des années, le Kremlin a dépensé des millions de dollars pour approfondir la séparation dans la société ukrainienne. A partir de 2004 et jusqu’en 2014, la machine des médias publics russes a attaqué l'Ukraine. La population russophone était inondée par la propagande russe semant la haine et la violence.

L'argent russe a payé les maisons d'édition publiant des ouvrages sur la guerre civile à venir, la guerre civile entre l'est et l'ouest ukrainiens. La modélisation suivait un schéma simple : les Ukrainiens de l'ouest se démarqueraient par des crimes de guerre, tandis que les Ukrainiens de l'est seraient des héros se battant pour la liberté.

Un simple exemple. En 2007, Gleb Bobrov, un écrivain haïssant tout ce qui est ukrainien, a publié une œuvre littéraire « L'époque des mort-nés » décrivant la guerre des habitants du Donbass contre le reste de l'Ukraine et les armées de l’OTAN.

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En fait, il serait plus judicieux de le définir comme un provocateur. Un critique russe a décrit ce livre comme « de la science-fiction pour l'instant », le mot-clé étant « pour l'instant ».

Georgiy Savitskyi, un autre amateur de ce type de sujet, s'est également lancé dans l'aventure de l'écriture : le même sujet, les mêmes héros. Son livre est sorti en 2009, à l'époque de Iouchtchenko, un président peu aimé du Kremlin. Les commanditaires ont pensé qu'un seul livre ne suffirait pas. Un extrait du synopsis :

« L'année 2010. Après avoir provoqué des heurts, les nazis "oranges" déclenchent une guerre civile en Ukraine. Avec l'aide des "pacificateurs" de l'OTAN, de l'aviation américaine, les "punisseurs" de l'ouest ukrainien avec le trident sur l'uniforme éliminent les populations russophones ».

(Incroyable, non ? Eh bien, en une minute à peine, j'en ai encore trouvé un autre du même genre. Et, comme par hasard, l'auteur, Fyodor Berezin, est un activiste pro-russe à Donetsk, ancien officier dans l'armée soviétique ! - Boreas)

Ainsi, nous pouvons dire que ce scénario a été écrit il y a au moins cinq ans en Russie. Mais en 2010, ils n’en ont pas eu besoin.

Il y a eu aussi des films, des reportages, des articles dans les magazines, les journaux, sur Internet. Les dirigeants régionaux annonçaient l'arrivée du « Secteur Droit ». Tout cela a aidé à nourrir le terreau de l'hystérie et de la folie qui ont saisi les habitants de Donetsk et de Lougansk. Hier, ils étaient des citoyens respectueux de la loi, et aujourd'hui ils volent et détruisent des bâtiments administratifs. Hier, ils étaient de bons voisins, et aujourd’hui ils sont prêts à se tuer pour un mot. Un homme tenant le drapeau ukrainien risque sa vie. Une femme risque de se faire attaquer pour le passeport ukrainien tenu dans sa main par des hommes aveuglés par la haine :

 

 

Cela paraît absurde. Seulement après quelques mois de cette expérience, les gens normaux ont perdu leurs visages humains et se sont transformés en animaux comme les personnages du film allemand.

Donetsk est vide. Plus de voitures. Personne dans les rues. Les barricades. Les commerces sont fermés. Les usines sont arrêtées. Donetsk vit dans la peur en tremblant, craignant des explosions et des tirs. Les citadins restent chez eux ou essaient de quitter ce laboratoire d’expériences avec ses lapins victimes des stratèges en communication.

Ne voyant pas les nationalistes et les membres du Secteur Droit arriver, la haine et la violence se sont dirigées vers les voisins, les habitants russophones de la même région. Ne voyant pas de drapeaux rouges et noirs (ndt. le drapeau des nationalistes ukrainiens), les habitants du Donbass ont commencé à arracher les drapeaux ukrainiens. Ne voyant pas les « « fascistes » arriver, ils ont commencé à tuer des gens pacifiques. Dmytro Tchernyavskyi, la première victime, était un étudiant de Donetsk ayant participé à une manifestation pro-ukrainienne. Volodymyr Rybak, député municipal de Horlivka, a été la deuxième victime. Tous deux étaient originaires de la région, tous deux étaient russophones. Le jeu de massacre a coûté trop cher au Kremlin, il a fallu que quelqu'un meure, qu'un fasciste meure pour le plaisir de la foule affolée.

Le film « L'Expérience » a une fin moralisatrice. L’expérience des cruels « Sauron » russes durera jusqu'à ce qu'ils en aient assez ou jusqu'à ce que nous, nous ne voulions plus y participer.

Denis Kazanskiy, 3 juin 2014 (traduit par par Oksana Kantaruk Pierre)

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