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Révolution républicaine

 

« (...) La situation politique en France comporte (...) quelque chose de radicalement nouveau, incompréhensible à la seule science politique et dont la compréhension requiert l’adoption d’un point de vue philosophique. La seule révolte contre la dictature nihiliste ne suffirait pas à produire un mouvement de la nature de celui que nous observons. Un principe spirituel nouveau est à l’œuvre ici. C’est en cela qu’il y a réellement révolution.

C’est une mutation soudaine qui s’est produite, et ce qu’on en voit n’est qu’un début. Nous ne sommes plus en présence d’un affrontement droite/gauche traditionnel en France, avec d’un côté les "conservateurs", ou la "réaction", et de l’autre un "front progressiste". Nous sommes au contraire en face d’un retournement dialectique d’ampleur historique, conduisant au renouvellement complet des règles du jeu et, en particulier, à une renaissance très originale de l’idée républicaine.

Cette légitimité qui s’oppose aujourd’hui à cette légalité (ou apparence de légalité) qui n’a jamais fait défaut aux pires tyrannies, c’est encore et toujours, en France, la légitimité républicaine et c’est celle de l’Histoire. Mais qu'est-ce que la République ? Nous allons essayer de le dire.

La plupart des Français, chacun à leur manière, sont des républicains et des démocrates. Ils n’en ont pas tous conscience, parce que l’idée de la liberté et celle de la République ont souvent fait l’objet d’interprétations idéologiques, d’accaparements sectaires ou partisans. Cependant, tous inscrivent leur vie dans l’Histoire de la France, de son Etat, de sa République et de sa démocratie.

Si une crise politique majeure est en train de s’ouvrir dans le pays, c’est que l’opposition à une loi barbare exprime aujourd’hui, avec les mots particuliers propres à certains, non pas un conservatisme d’inertie, ou une réaction sans imagination, mais la pure essence de la doctrine républicaine française, profondément transformée par un effort infini et victorieux pour s’extirper de cette barbarie. Ce profond renouveau républicain, face au despotisme oligarchique et nihiliste, inspire la formation d’un projet d’avenir crédible et motivant, auquel l’oligarchie libertaire n’a rien à opposer. (...)

En un mot, une idée rénovée de la République est en train d’émerger en France. Elle est susceptible d’unir à terme toutes ses traditions (politiques, philosophiques, mystiques) et de la refonder, à la fois structurée, noble, libre, démocratique, conforme à son caractère historique et génialement accueillante aux flux de la nouveauté historique.


Le combat pour le mariage, l’emploi et l’entreprise dans les territoires, la lutte contre une idéologie tyrannique (d’égoïsme radical libertaire et amoral - ou plutôt, dont l’immoralité militante est devenue une morale paradoxale), tels sont les trois piliers de ce mouvement qui lutte aussi pour les droits humains fondamentaux. L’idée de la liberté absolue, une fois détachée de prémisses individualistes et rattachée au sens de la famille, de la vie et de l’action dans le monde, comporte clairement l’ouverture d’une dimension mystique, le respect de cette dimension, de la personne qui est en le siège, et une tension continuelle vers une justice à la fois utopique et patiemment raisonnable. Tel est l’esprit qui surgit, celui de la nouvelle République française.

L’opposition définitive du peuple des familles à une loi barbare tient d’abord à ceci, qu’installant l’arbitraire dans la cellule élémentaire de la société, c’est à dire le couple et sa descendance, elle justifie pour demain la soumission de tous à l’arbitraire indéfini des idéologues et de leurs fantasmes. Comme ces derniers sont des intolérants qui excluent tous leurs contradicteurs du cercle qui a droit de déterminer le consensus démocratique sans reconnaître en cela aucune règle objective, il est évident que ce qu’on appelle, presque par dérision, la démocratie, consiste pour le peuple à obéir sans discuter aux volontés arbitraires des idéologues et des oligarques.

Mais, l’opposition du peuple tient ensuite et surtout au fait que cette législation ferme radicalement l’horizon de la liberté absolue et abolit ainsi la République. La liberté se trouvant réduite à une interprétation matérialiste, individualiste, excluant Dieu, la Nature et même la Raison transcendantale, fait forcément corps avec le principe de toute idéologie, formulé dans Les Démons par Dostoïevski : "Je commence par la liberté absolue et je termine par la dictature totale".


La prise de conscience des familles n’est que le début d’une prise de conscience nationale demain unanime. Celle-ci va se produire lorsque conflueront l’indignation des couches populaires économiquement opprimées par l’ordre libertaire, et la ferme détermination des familles culturellement opprimées, par ce même ordre libertaire. Se rajouteront en outre à ces deux forces la résistance des patrons et des entrepreneurs écrasés par l’ordre fiscal et administratif, qui constitue un véritable système de privilèges au bénéfice de l’oligarchie libertaire.

Quand les trois grands fleuves sociaux auront mêlé leurs eaux, quand l’ennemi commun aura été identifié, l’oligarchie ne pourra plus régner en divisant et il se produira un renouvellement profond à la fois de la démocratie et de la doctrine républicaine aujourd’hui corrompue. La France refera son unité, elle retrouvera un dynamisme et son Histoire, dans une nouvelle résistance mettant à bas un despotisme. (...) »

Henri Hude

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« Écouter le peuple »...

« Est-il interdit de parler d'immigration en France ? »

C'est Dominique Jamet qui le demande. Extraits :

« Il n’est pas douteux que le carnage d’Oslo et les justifications qu’avance son auteur, mégalomane narcissique mais parfaitement conscient de ses actes et cohérent dans son délire, apportent une bouffée d’oxygène bienvenue au discours quelque peu fané des professionnels de l’antiracisme et des docteurs de l’angélisme.

L’occasion était trop tentante de ressortir du placard les amalgames les plus éculés et de confondre dans une même condamnation tous ceux qui, sur la base d’analyses, d’inquiétudes, d’intentions et de propositions bien différentes, ont tenu à un moment ou un autre des propos politiquement incorrects sur l’immigration et plus précisément sur la menace que l’Islam ferait peser sur notre culture et notre civilisation. C’est une chaîne longue et lâche dont les  premiers maillons s’appellent François Mitterrand ("le seuil de tolérance"), Valéry Giscard d’Estaing ("l’invasion"), Jacques Chirac ("le bruit et l’odeur"), Nicolas Sarkozy ("la racaille"), Alain Finkielkraut ("la France se métisse"). (...)

Tous populistes, tous extrêmistes, tous racistes ! C’est l’habituelle et insupportable reductio ad hitlerum, l’anathème qui dispense d’explication, l’arme absolue, dans le dialogue, de ceux qui refusent le dialogue, la forme contemporaine du "fasciste !" qui, des années cinquante aux années quatre-vingt, fut l’efficace joker par lequel les communistes mettaient victorieusement fin à tout débat.

Il existe actuellement une doxa politiquement correcte de l’immigration dont il est aussi dangereux de s’écarter que d’un chemin sécurisé à travers un champ de mines. (...)

Aucun immigré en particulier, et l’immigration en  général, si l’on en croit la doxa, ne posent aucun problème d’aucune sorte, ni d’ordre public, ni d’ordre social, ni d’ordre culturel, ni d’assimilation. Les seuls problèmes viennent de ceux que nous leur créons, à travers la discrimination, la chasse au faciès, la ghettoïsation, la répression des sans-papiers.

Il n’y a aucune différence d’aucune sorte, dans aucun domaine, entre un Français de souche, français depuis vingt générations et un Français naturalisé depuis cinq minutes, un Français binational, un Français francisé, même s’il ne le souhaite pas, parce qu’il est né et a grandi sur notre sol, et un Français heureux bénéficiaire d’un mariage blanc.

L’immigration est un enrichissement : elle ouvre notre culture sur les autres cultures, remplit les caisses de la Sécurité sociale, diversifie notre cuisine et crée notamment dans le secteur agricole (l’herbe) et dans le secteur industriel (héroïne, crack et cocaïne) des dizaines de milliers d’emplois.

Mais cessons d’enfiler les perles. La vérité est que la France est confrontée depuis la fin de la seconde guerre mondiale à une situation sans équivalent dans son histoire depuis qu’elle existe, c’est-à-dire depuis le dixième siècle et la fin des grandes invasions. Ce pays – le nôtre – à la démographie stagnante, comme tous ses voisins à la population vieillissante, est passé en soixante ans seulement de quarante à soixante-cinq millions d’habitants. Cette augmentation extraordinaire, signe et source de vitalité, s’explique pour l’essentiel (sans que quiconque puisse fournir un chiffre exact, puisque la loi nous interdit de savoir qui nous sommes) par un apport de sang nouveau. Autant qu’on puisse le mesurer, il semble qu’aujourd’hui un habitant de la France sur trois soit étranger, fils ou petit-fils d’étrangers. (...)

l’immigration qui a modifié et modifie chaque jour le visage de la France n’est pas une immigration de proximité, géographique et ethnique, donc aisément assimilable, mais une immigration largement africaine et asiatique, principalement musulmane, démographiquement jeune et féconde, socialement pauvre, culturellement différente. Quel rapport avec le racisme ou l’antiracisme a le fait de s’interroger, très légitimement, sur les conséquences que l’immigration peut avoir en termes de niveau de vie, d’évolution des mœurs et de la culture, de sécurité et sur les nouvelles bases de l’identité nationale ? Nous sommes à un tournant, et  un tournant difficile, d’une histoire dix fois séculaire. (...)

Face à cette réalité, la classe politique installée – les deux grands partis de gouvernement - reste majoritairement sur la ligne qui a sépare la France d’en haut de la France d’en bas, et qui a coupé les élites bien portantes des masses bien souffrantes. Elle sait mieux que le peuple ce qui est bon pour le peuple, et n’aime pas que celui-ci se mêle de ses affaires. A l’inverse, ceux qui, à gauche comme à droite, exploitent les colères et les frustrations du peuple et lui murmurent à l’oreille ce qu’il a envie d’entendre peuvent être dits populistes, entendez démagogues. Mais est-il si choquant d’écouter le peuple, et de tenir compte de ce qu’il vit et de ce qu’il veut ? Le populisme est aussi un visage de la démocratie. »

Source

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30/07/2011 | Lien permanent

Electroencéphalogramme plat

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La plupart des gens ne pensent pas.

Quand je dis : "la plupart", j'estime la proportion de ces anencéphales virtuels à environ 95% de la population.

Et quand je dis : "ne pensent pas", je dois généralement préciser : "par eux-mêmes", justement parce que l'auditeur... ne pense pas. En effet, comment prétendre penser, s'il s'agit juste de régurgitation d'un conditionnement par autrui ?

Bref, ils ne pensent pas.

Néanmoins, ils croient penser, bien sûr.

D'ailleurs, quand je dis qu'ils ne pensent pas, cela ne choque personne. Aucune manifestation de susceptibilité, parce que l'auditeur croit qu'il n'est pas concerné. Mais aussi parce qu'il s'en fout, de penser.

Pour lui, ce n'est pas une valeur.

Ce qui se passe, c'est que les gens ne sont pas là pour penser, mais juste pour engouffrer.

Engouffrer deux douzaines de concepts basiques que leurs parents, le système scolaire, les médias, l'entreprise qui les emploie, leur conjoint, leur déversent dans ce qui leur sert de système d'orientation au sein de la société, et puis c'est marre.

Après, dans n'importe quelle situation, suffit de remuer tout ça, comme dans un shaker - "agitez bien !" -, et la réponse juste, l'attitude juste, c'est à dire adaptée au grand foutage de gueule général, sort comme d'un distributeur automatique, rétribuée en intégration collective, en gratifications sociales variées, en grégarisme renforcé.

Le prêt-à-penser, c'est ça. Et vous pouvez l'appliquer à quasiment toutes les situations, ça marche.

Engouffrer, ce n'est donc pas tout, puisqu'il y a aussi régurgiter, pour obtenir autre chose à engouffrer.

Mais tout de même, engouffrer, c'est le principal, pour l'Homo festivus.

Parce que le but de la vie de ces 95 % de non-pensants, consiste essentiellement à jouir et donc, à capter, acquérir, prendre, dérober, voler, garder, conserver, thésauriser, consommer, posséder, manger, ingérer, absorber, se goinfrer, profiter, savourer, se délecter, se goberger ; bref, à s'en foutre plein la poire, à s'en faire péter la sous-ventrière, à être un imbécile heureux de son indigestion.

Oui, parce qu'à la fin :

"Il n’y a que le ver pour faire aussi bonne chère qu’un empereur. Nous engraissons toutes les autres créatures pour nous engraisser, et nous nous engraissons nous-mêmes pour les asticots... Roi bien gras et mendiant maigre, cela ne fait qu’un menu varié – deux plats, mais pour une seule table. Tout finit par là."

(William Shakespeare, Hamlet - Acte IV, scène III)

Or doncques, vous qui pensez ou tentez au moins de le faire, sachez qu'il est inutile de discuter littérature, philosophie, poésie, arts en général, ou d'un quelconque sujet intelligent, avec l'immense majorité des braves gens qui vous entourent.

Ils n'y entravent que dalle, ils n'en pipent pas une broque, ils sont bouchés à l'émeri, ils ont la cervelle barrée.

Mais surtout, gardez bien ça en tête, ils s'en tamponnent le coquillard, ils s'en balancent, ils s'en battent l'oeil avec une queue de sardine, ils s'en soucient comme d'une guigne.

Et pourquoi ?

Simplement parce que penser, d'abord ils n'ont aucune, mais alors absolument aucune idée de ce que ça peut bien vouloir dire, et ensuite et principalement, à leurs yeux, ça ne rapporte rien, que des ennuis.

Eux, leur truc, c'est tout ce que j'ai déjà dit (en engouffrer un max, etc.).

Ça peut aller de se taper un bon gueuleton à s'acheter fort cher une voiture moche et inutile, de débiner un collègue pour prendre sa place à pleurer de joie au mariage d'un rejeton, de regarder le dernier épisode de "Plus belle la vie" à se payer le dernier smartphone (je mets le lien Wikipédia, parce que les gens intelligents savent rarement ce que c'est, alors que les cons, toujours)...

Il y a une infinité de choses que ces gens-là aiment et veulent.

Le tout premier indice de ce qu'on est peut-être en train de commencer à penser, c'est de s'apercevoir qu'on n'aime ni ne veut quasiment rien de ce que eux, ils aiment et veulent.

Là commencent les emmerdements, parce que sortir du prêt-à-penser, du mode festivus festivus, du processus binaire bien-mal noir-blanc juste-injuste, de la tétralogie conjoint-bagnole-maison-enfants qui débouche sur l'idéal : "Une vie réussie"... c'est le plus grand sacrilège qui soit, le plus grand blasphème contre la religion jouisseuse des anencéphales et des gastéropodes à visage humain.

Le sens, plutôt que le profit ; le fond, plutôt que la forme ; la vérité, plutôt que le plaisir ; la connaissance, plutôt que le savoir ; voilà des aspirations que les déficitaires du bulbe, les bas du front, les étroits du bonnet et les nécessiteux du neurone ne vous pardonneront pas.

Non pas parce qu'ils seront jaloux de votre intelligence pour elle-même (bien qu'ils sentent parfois confusément que ça leur manque), mais parce qu'ils croiront que vous détenez quelque chose qui pourrait leur profiter ; pour briller en société, ou lever davantage de poules, ou monter des combines lucratives, par exemple.

Donc, ils vous créeront des emmerdes, pour voir s'ils ne pourraient pas vous prendre quelque chose ou, au moins, se prouver que, finalement, vous n'êtes que de la daube.

Par conséquent, si vous voulez vivre tranquille, passez plutôt pour un inoffensif original, pour un savant cosinus, pour un gentil fada.

Et puis, comme disait Courteline, "Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet."

Il aurait pu ajouter que, de toute façon, on n'a pas vraiment le choix.

C'est ça, ou rejoindre le troupeau, ce qui est impossible.

Apprendre à penser, c'est un voyage sans retour.

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L'idéologie du « Siècle » : le « libéralisme mondialisé »

le%20siecle.jpg« Tous les grands médias, qu’il s’agisse de la presse écrite, des radios ou des télévisions sont détenus ou contrôlés par des membres du Siècle (Dassault, Rothschild, Bolloré, Arnault, Lagardère, etc.) ou dirigés par des membres du Siècle. Les rares articles qui ont pu paraître sur le principal (et unique en fait) club d’influence français, Le Siècle, sont convenus et dépourvus de tout intérêt. Un seul exemple : l’année dernière, j’ai reçu à plusieurs reprises une journaliste économique renommée qui travaillait pour le magazine Capital de M6. Elle m’a dit vouloir consacrer un dossier de 25 minutes au club Le Siècle. Je lui a ouvert mes dossiers, lui ai donné tous les contacts, fourni des documents ultra confidentiels (annuaires, circulaire internes, fiches de recrutement, etc.). Je lui ai gentiment expliqué également que son reportage ne sortirait jamais et serait annulé parce que le PDG de M6, Nicolas de Tavernost était membre du Siècle. Elle m’a téléphoné, quasiment en pleurs, un mois après pour me dire que son travail avait été refusé. De même, Au Cœur du pouvoir a été envoyé à environ 130 journalistes de la grande presse, la presse que l’on peut dire "aux ordres". Il n’y a eu aucun article dessus. (...)

Il y a une idéologie, c’est celle du libéralisme mondialisé. Comme l’a expliqué Laurent Joffrin, directeur du Nouvel Observateur, qui a démissionné avec fracas du Siècle il y a environ un mois, Le Siècle est véritablement la section française de l’hyper-classe ou de la super-classe mondialisée. Il correspond à cette expression de Samuel Huntington : "la super-classe née de la mondialisation". De même Jacques Julliard, ancien membre de la Commission trilatérale, écrit assez courageusement" : "Le Siècle, le club de cette superclasse dirigeante (…) Dans ce milieu fermé où les socialistes ont leur place à côté des gros bataillons de la droite française, fermente l’idéologie de la classe dominante : modernisme économique, bien-pensance sociale et culturelles, conformisme économique, respect absolu de la puissance de l’argent." Hormis qu’il y a largement autant d’oligarques de gauche que de droite au Siècle, cette description est parfaitement exacte : il y a bien une idéologie… mais qui ne se revendique pas en tant que telle. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tous les membres du Siècle ne sont pas égaux et que le pouvoir est passé d’un groupe à un autre à mesure que le capital se restructurait en France, en Europe et dans le monde. On est donc passé, en 60 ans, du primat des politiques (IVe République) à celui des industriels (Pompidou), puis aux technocrates (Giscard d’Estaing et les débuts de François Mitterrand), puis aux banques (Bérégovoy) et enfin à la finance mondialisée (Chirac, Sarkozy). Aujourd’hui, ce sont les financiers qui contrôlent le Siècle et dictent leurs règles aux politiques. Comme le dit Julliard, "il existe, derrière les apparences successives des combinaisons ministérielles, un gouvernement de facto, un gouvernement invisible des élites financières et institutionnelles qui, à défaut de dicter sa loi, fournit la pensée et inspire l’action des élites dirigeantes françaises."

Je ne veux pas être trop long, mais Le Siècle est un endroit, un laboratoire, où se décident beaucoup de choses. On en a des éléments dans les mémoires d’anciens membres, au détour d’articles, etc. Les conversations étant secrètes, il est toujours difficile d’apporter la preuve de ce pur affairisme mais plusieurs membres me l’ont confirmé tout comme diverses fuites, le système de recrutement, etc. La plupart des membres ne sont pas recrutés pour leurs qualités propres mais pour les fonctions qu’ils occupent. C’est le libéralisme antisocial pur et dur qui ne rêve que d’une chose : que les classes populaires françaises travaillent pour 2 euros par jour comme les Chinois aujourd’hui et que l’oligarchie, qui les exploite, engrange ses bénéfices colossaux dans des paradis fiscaux.

La rupture aujourd’hui ne se fait pas entre gauche et droite. Nicole Notat était secrétaire général de la CFDT quand elle est entrée au Siècle. Ce qui lui permettait de dîner chaque mois avec les grands patrons du CAC 40 et le gouvernement. Il en est de même aujourd’hui avec certains responsables de la CGT. (...)

On voit très bien pour le Parti communiste et pour la CGT ce qui s’est produit. Les dirigeants qui ont été cooptés au Siècle ont fait changer du tout au tout l’idéologie du PCF et de la CGT. Malgré leurs rodomontades, ces deux organisations ont rallié l’Union européenne, le Traité de Maastricht, le fédéralisme, l’euro, le mondialisme, etc. Ils ont trahi tous les intérêts et les acquis sociaux des classes sociales qu’ils prétendaient défendre, en particulier la classe ouvrière et les employés. Ils sont les complices du "détricotage" des acquis obtenus par les luttes sociales des 150 dernières années. Ce qui fait que les syndicats ne pèsent pratiquement plus rien et sont essentiellement financés par des cotisations patronales ou par l’État. (...)

Quant aux élites françaises qui constituent les bataillons du Siècle, elles sont, mais c’est sans doute la cas ailleurs, d’une extrême médiocrité, en particulier dans la sphère politique. Ce qui les caractérise, c’est un manque total d’imagination, une pensée politiquement conformiste, une soumission à l’argent, une âpreté au pouvoir. Le Siècle, c’est d’abord, et avant tout, une soif de pouvoir pour des gens qui détiennent du pouvoir et en veulent encore plus. C’est une centrale d’énergie qui redistribue exclusivement l’énergie en direction de ses membres. Un vaste système de relations, de réseaux, de système de courte échelle, de marche pied, de mariages, de relations d’affaires, de jetons dans les conseils d’administration, etc. D’aucuns appelleraient cela "le système" ou  "l’établissement" ("establishment"). Mais sa particularité d’aujourd’hui est d’être extrêmement peu nombreuse et très concentrée entre les mains de quelques uns. Qu’importe leurs méthodes : par exemple, Jean-Marie Messier, qui a ruiné l’un des fleurons français, Vivendi Universal, n’a jamais été exclu et trône toujours dans les dîners. »

Pour lire l'intégralité de cette interview d'Emmanuel Ratier, cliquez ici.

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27/06/2011 | Lien permanent

Il faut tuer le bourgeois qui est en soi

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Notre premier ennemi c’est nous-même.

Nos pays, notre Europe, notre civilisation, sont en voie de décomposition : c’est une évidence aussi bien dans les faits que dans les mœurs.

Pour nous qui vivons aujourd’hui, la décadence est un phénomène nouveaux, mais l’histoire de l’Europe, ou mieux encore les histoires qui ont caractérisé la civilisation européenne, l’ont connue et surmontée à maintes reprises.

Ce n’est pas en jouant le réactionnaire bourgeois, le conservateur puritain, l’hystérique de l’heure apocalyptique, que nous trouverons une issue à cette impasse.

Celle-ci peut être désignée - et donc combattue - seulement par ceux qui jettent un regard froid et impitoyable sur la réalité en étant capables, à la fois, d’apprendre les leçons du passé et d’entrevoir les axes rénovateurs du futur.

C’est dans cet esprit que je veux attirer l’attention sur la folie hystérique, impolitique et maso qui a pris possession des milieux dits extrêmes qui essayent de contrer une dynamique dévastatrice en faisant appel à la langue de bois ou à des utopies à la saveur eschatologique.

Car il s’agit bien de cela quant on évoque la guerre des classes, la guerre des races ou l’imposition par le bas d’une autre mondialisation.

Et les choses ne vont pas mieux quand les extrêmes, même sans tomber dans ces pièges, se limitent à dénoncer et à contrer, mais sur un plan exclusivement verbal, les plaies de nos sociétés et ceux qui en seraient les responsables.

Les plaies sont manifestes : dénatalité, chômage, déculturation, immigration massive, prolétarisation des esprits, émiettement du tissu social, dévastation de l’écosystème, désespoir.

Rien ne sert de s’opposer à l’un ou à l’autre de ces maux si l’on n’est pas capable d’offrir une réponse globale qui ne soit pas un simple délire idéologique.

Il est impossible d’aboutir à quelque chose de sensé si on persiste dans le jeu pernicieux de la recherche du coupable. L’histoire est aussi conspiration et conjuration mais quand on la réduit à cela on sort de la réalité pour se réfugier, impuissants, dans un asile.

Les horizons actuels de la droite extrême sont assez significatifs en ce sens et montrent de façon évidente l’absurdité psycho/idéo/logique dans laquelle elle se perd.

Soit elle accepte sans esprit critique le théorème immigration = islam = guerre raciale = guerre de religion = occident contre orient = il faut défendre Israël et l’impérialisme américain, soit à cause d’un préjugé opposé, elle inverse le théorème et fait l’apologie de l’intégrisme musulman qui se considère, à tort, comme l’ennemi de l’ennemi principal et comme le rossignol qui fera sauter le système.

En réalité l’intégrisme musulman est lui aussi très utile aux puissances et aux lobbies qui du triangle Washington-Londres-Tel Aviv gèrent l’actuelle phase historique et qui insistent depuis une douzaine d’années dans une stratégie visant à abattre les régimes nationalistes laïques du monde arabe (Algérie, Iraq, Syrie, Egypte), à isoler l’Europe de l’Asie et de l’Afrique et à créer la guerre en Europe, comme cela s’est déjà vérifié dans les Balkans. Dans ce but, les agents anglo/israélo/américains encouragent tout intégrisme religieux. Et quand je dis tous j’entends précisément tous.

Il faut fuir ce traquenard et considérer tous les éléments de l’actuelle phase critique dans leur ensemble ; il faut trouver la juste réponse globale à la crise actuelle en sachant distinguer les causes des effets.

Plus haut, nous avons décrit les symptômes de la crise. A présent, il faut comprendre qu’à leur origine ces phénomènes ont été provoqués il s’agit d’effets qui, persistant, sont devenus à leur tour des causes eux-mêmes, mais qui ont été déterminés par d’autres facteurs originaires et plus importants. Rien ne servirait de les contrer sans s’attaquer d’abord à leurs racines.

Politiquement il est impensable de sortir de l’impasse sans s’opposer au moteur du désastre qui est le système financier, criminel, militaire, politique et culturel mis en place par les Mafias qui ont profité de la Deuxième Guerre Mondiale bâtissant l’empire du crime dont les ressources principales sont aujourd’hui le trafic de stupéfiants (et surtout leur capitalisation comme narco-dollars), le trafic des esclaves et celui des matières premières.

Toutes les plaies de notre société sont l’effet direct des choix imposés par les Mafias criminelles dont se composent l’oligarchie du capitalisme financier et le blocus impérialiste Washington-Londres-Tel Aviv.

Rien de politique n’aura de résultats s’il ne part pas du refus complet de cette triade. Mais cela n’a aucun sens de la réfuter si on ne formule pas de contre-proposition.

Cette alternative doit se fonder sur un projet concret, nouveau, transversal et révolutionnaire, tel que l’acquisition de puissance de l’axe Paris-Berlin-Moscou, le tracé d’un destin géopolitique eurasiatique et l’acceptation du défi culturel tout azimut.

C’est bien autour d’un projet de telle envergure qu’il faut se mobiliser en laissant derrière soi toutes les phobies et les faux mythes d’adolescent qui depuis quelques temps caractérisent la majeure partie des soi-disant antagonistes.

Toutefois le passage de l’arrière-garde à l’avant-garde, du virtuel au réel, du psychotique au possible, n’est pas aussi simple que cela. Car il suppose, pour commencer, une révolution personnelle et, surtout, l’acquisition d’un esprit de milice et d’efficacité.

Qui veut participer à une bataille vaste, vraie et réelle, ne peut pas le faire à mi-temps, en se plaignant rancunier dans un bistrot, en jouant au révolutionnaire dans un sous-sol. Il doit se mettre en cause, il doit muter, il doit produire, il doit créer des structures, il doit pouvoir se confronter au capitalisme en édifiant des économies locales solidaires, productives et socialisées.

Car lorsqu’on sort de l’empyrée facile des théories abstraites, lorsqu’on agit, c’est dans l’acte, c’est dans la vie, c’est dans l’exemple, c’est dans la capacité d’interagir, qu’on devient protagonistes.

Pour cela il faut, alors, tuer en soi-même son ennemi principal : le bourgeois décadent.

Car c’est précisément celui-là notre vrai ennemi.

Aux Thébains qui défilaient dans Sparte un vieux lança : « il n’y a plus de Spartiates, s’il y en avait encore vous ne seriez jamais arrivés jusque-là ».

Et cela vaut parfaitement pour nous tous. La crise européenne est sûrement l’effet de la gestion mafieuse capitaliste et impérialiste mais elle n’aurait jamais pris une telle ampleur si un esprit décadent et bourgeois, si des valeurs molles et lâches ne l’avaient pas permis.

Si l’on veut participer à la partie qui a pour enjeu notre propre destin, il faut donc vaincre, dompter et plier notre « esprit de gravité » pour employer les mots de Nietzsche, notre côté bourgeois pour être moins prosaïque.

Il faut alors se mettre en cause et se vérifier au quotidien, dans un sacrifice militant et au même temps dans une alternative de vie économique et sociale et dans le renouveau de la pensée, de l’art et de la communication. Car toute entreprise humaine qui a de la valeur est tripartie et strictement unie dans sa tripartition : guerrier, économique et métapolitique doivent donc aller ensemble, fondées sur le même esprit et viser à un renouveau profond.

Ce renouveau à son tour doit viser à l’existentiel, à la réalisation de libres communautés populaires fondés sur le mariage lieu/travail et sur des réponses à la fois théoriques et concrètes au brassage mondialiste.

Elles doivent offrir un soutien objectif et une référence continuelle à ceux qui se lancent dans le projet politique de puissance eurasiatique mais ne doivent en aucun cas se tromper de rôle ni brader leurs actions. Il est donc fondamental de comprendre que l’œuvre est plus importante que son image, autant qu’agir vaut beaucoup plus que de hausser la voix. Il est donc nécessaire de rétablir une hiérarchie entre essentiel et apparent, entre continuel et immédiat sans rester piégé par les impulsions émotives, par la dictature de l’urgence ni par les lois de la société du spectacle.

L’époque impose un choix substantiel et silencieux. Ainsi, en reprenant l’expression du grand poète allemand, nous pouvons bien conclure en disant que ce n’est pas autour de ceux qui font du bruit mais de ceux qui créent que, silencieusement, tourne le monde.

Gabriele Adinolfi

(Merci à @Cotuatos de m'avoir mis sur la piste de ce texte remarquable, datant de janvier 2004.)

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Georges Sorel et l'architecture sociale (Cercle Proudhon, 27 mai 1912)

Commune de Paris (1871) - Vue de la Place Vendôme

 

Je reproduis ici la quasi-totalité d'un discours de Georges Valois, dont je dois la découverte à @alain21 (un grand merci à lui), et dont le Cahier du Cercle Proudhon où il figure précise que « c'est [notamment] par [ce] discours (...) qu'il a été marqué, en cette soirée du 27 mai [1912], ce que les catholiques, les syndicalistes et les nationalistes venus de la République et de l'Anarchie doivent à [Georges Sorel] l'historien de La révolution dreyfusienne, au grand philosophe des Illusions du Progrès et de l'Introduction à l'économie moderne » :

« Messieurs,

Nous avons eu l'honneur de vous dire, il y a quelques mois, les raisons qui nous ont amenés à fonder notre Cercle et à le placer sous le patronage de Pierre-Joseph Proudhon. Henri Lagrange vous les rappellera tout à l'heure, en y ajoutant les idées et les sentiments que nous avons incorporés à notre entreprise au cours d'une année de travail. Je ne vous en indiquerai ici que le sens général, qui est une pensée d'organisation, mise au service d'une volonté irréductible de servir, en même temps que nos foyers, la patrie française. Et la direction de cette pensée, c'est très exactement : Détruire les principes qui ont fondé l'économie moderne, qui ont imposé aux nations le régime capitaliste et ont subordonné toutes les valeurs humaines à la valeur de l'or ; - fonder une économie nouvelle qui sera une économie nationale et qui jugera de toutes les institutions qui s'élèvent dans l'économie selon les garanties qu'elles assurent au sang français.

Je ne vous dirai rien de plus de nos travaux ; ma tâche d'aujourd'hui, qui m'a été fixée par mes amis, est de vous prier d'accomplir avec nous un acte de justice élémentaire, en reconnaissant et en saluant ceux dont l'œuvre a rendu possible la nôtre, ceux dont la pensée a présidé à la formation de la nôtre et a préparé la rencontre des deux traditions françaises qui se sont opposées au cours du XIXe siècle et qui se trouvent représentées, unies, aujourd'hui, parmi nous. En commençant nos travaux, nous avons salué la mémoire du grand Proudhon. Aujourd'hui, nous vous invitons à rendre hommage au maître dont le nom est si souvent prononcé parmi nous : vous entendez tous que je nomme le grand philosophe Georges Sorel.

Messieurs, Sorel s'est défendu de faire des disciples. Il se peut qu'il ait raison. Il n'a pas construit un système de l'univers ; il n'a même pas construit de système social ; on ne pourrait même point dire qu'il impose à ceux qui le suivent des méthodes ni des doctrines. Ses admirateurs sont dispersés. Les uns sont catholiques ; les autres sont hors de l'Église ; d'autres, ils sont nombreux, ont rejoint Maurras et l'Action Française. Mais son influence, pour n'être pas dogmatique, n'en est pas moins extrêmement profonde et très étendue. (...) Quelles lueurs projetait l'œuvre de Sorel sur ce "monde obscur de l'économie" où d'absurdes calculateurs, dressés par M. Anatole Leroy-Beaulieu à connaître la prospérité des nations selon les règles de l'arithmétique, n'ont jamais pu nous montrer que de sombres tableaux chiffrés. Et quelle vie Sorel y fit apparaître ! Quels paysages ! Quels spectacles puissants ordonnés par les plus fortes passions ! C'est dans ce monde, où les économistes ne voient guère que de froides mécaniques sans relations avec l'âme religieuse ou politique des cités, que Sorel nous invitait à découvrir le plan des grands événements historiques, l'explication de certains conflits religieux, le champ de bataille des guerres dont vit la démocratie, le lieu où se joue le sort des civilisations. Ainsi conçue, l'étude de l'économie devient aussi animée, aussi passionnante que les études historiques et politiques, c'est-à-dire que l'étude des faits sociaux où interviennent les passions humaines. L'histoire économique, au lieu d'être dominée par les inventions, apparaît soumise aux mêmes lois qui dominent la vie politique et où palpite le cœur de l'homme - nous disons au Cercle, non sans nous souvenir des premiers enseignements reçus chez Sorel, soumise aux lois du sang. D'un mot, elle rentre dans la vie, d'où les économistes l'avaient exclue.

Ceci suffirait pour vous expliquer l'extraordinaire influence de Sorel, la séduction que son œuvre exerce sur tant d'intelligences. C'est une réussite admirable que d'avoir rendu la vie à une science qui l'avait perdue. Mais l'œuvre de Sorel contient cent fois plus de richesses que je ne vous en rappelle, et qui devaient lui assurer le prestige qu'elle a acquis.

René de Marans vous en dira plusieurs, qui sont capitales. Je veux terminer en vous rappelant un des aspects de l'œuvre sorélienne auquel nous attachons le plus grand prix, parce qu'il détermine une de nos attitudes, parce qu'il nous sert à établir une de nos positions les plus importantes. Je crois qu'une des grandes pensées de Sorel, en matière d'organisation sociale, est que les constructions sociales doivent naître et croître d'elles-mêmes et que rien n'est plus dangereux et plus fou que d'en déterminer la structure à l'avance, ou que de les faire naître artificiellement, selon les fantaisies de l'esprit. Rien n'est plus traditionnel que cette pensée ; rien ne s'accorde mieux avec la constitution de l'ancienne France. Et c'est ainsi que ceux d'entre nous qui appartiennent à l'Action francaise conçoivent I'organisation française sous la monarchie. Rappelez-vous là-dessus un des principes qu'énonçait Maurras : "Les libertés ne s'octroient pas ; elles se prennent". Un même principe m'a guidé lorsque que j'ai fait mon enquête sur la monarchie et la classe ouvrière. Sorel a donné une vertu extraordinaire à ce principe et, par la critique qu'il a faite des utopistes, des constructeurs imaginaires, il a vraiment démoli tous ces architectes sociaux, à quelque groupe qu'ils appartinssent, qui nous ont, depuis cinquante ans et plus, préparé tant de plans de reconstruction sociale cependant que l'on ruinait les fondations de l'antique, de la belle et solide maison où la faveur divine leur ménageait encore un pensoir. Nous sommes allés à l'enterrement de tout ce monde-là, à la suite de Sorel. Et c'était gai, car ce n'était pas seulement les architectes sociaux que nous conduisions au silence, c'était aussi leurs complices, les philanthropes et les hommes du Devoir, je veux parler de ces solennels farceurs qui ont entrepris d'opposer aux volontés ouvrières leurs bons sentiments, qui veulent moraliser les classes bourgeoises et les classes ouvrières, en prêchant à celles-ci la douceur et la patience, à celles-là la bonté et la générosité ; qui répondent aux demandes d'augmentation de salaires par de scandaleuses interprétations de paroles bibliques, et qui font des conférences, des discours, des ligues dont quelques aigrefins emportent régulièrement la caisse. - C'était enfin les réformateurs de cabinet et de salon qui ont fait de l'action sociale un moyen de parvenir soit à une chaire, soit au mariage riche, et dont toute l'action s'est exprimée dans une littérature de prix académiques et dans des réunions mondaines où l'on invitait parfois des représentants de "l'élite ouvrière", entendez de sages ouvriers, de bons petits employés, doux et courtois envers les personnes des classes supérieures, et qui étaient pris le plus souvent parmi ce bas monde de pieds-plats qui veulent sortir de l'atelier ou du bureau par la bassesse, l'hypocrisie, ou le mouchardage. Rêveurs sociaux, Utopistes, Intellectuels de la Sociale, Amis du peuple, Organisateurs de mécaniques sociales, Hiérarques de la Sorbonne, exploiteurs des poussées de sang et des rêves humains, voilà les monstres que Sorel a détruits. C'est une œuvre puissante. Songez que tout ce peuple de larves encombrait les avenues de nos cités. Songez que la nation française accordait à ces débris d'humanité, il n'y a pas vingt ans, un prestige considérable. Aujourd'hui, c'est fini. Tout le papier imprimé où ont été fixées les divagations des architectes sociaux est abandonné aux archivistes. Cela ne servira plus qu'à faire des thèses. Cela ne donnera plus de titres à la direction des affaires humaines.

Avec Sorel, les intellectuels eux-mêmes se démettent des prétentions de leurs aînés. Ils ne conçoivent pas de plus belle tâche que de ruiner définitivement le prestige que leurs prédécesseurs avaient indûment acquis auprès des hommes de métier. Entre ce mouvement loyal de l'intelligence qu'a déterminé Sorel et le mouvement du sang qui inspire le syndicalisme, le parti intellectuel agonise. La vie publique possède les principes de son assainissement. Les groupes de la cité peuvent s'organiser selon leurs lois intérieures. Messieurs, remercions Sorel de la part éminente qu'il a prise dans cette œuvre où le salut national est si profondément servi. Rendons hommage à Georges Sorel, père spirituel des républiques françaises. »

Source

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Texte réellement stupéfiant, d'une profonde actualité.

Hélas, deux ans plus tard, la ploutocratie et ses larbins lançaient la France dans une guerre mondiale dont, un siècle après, elle ne s'est pas encore remise.

Toujours est-il que la voie reste tracée.

Le travail reste à faire, camarades.

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Slavoj Žižek à « Occupy Wall Street »

 

Allocution, traduite par mes soins car (grrr) je viens seulement de m'apercevoir que des traductions existaient déjà ailleurs, de l'intéressant philosophe « marxien » slovène (celui qui avait balancé à BHL atterré : « Vous semblez considérer que seul le libéralisme peut sauver la gauche ») à Zuccotti Park, rebaptisé Liberty Place, New York, le 9 octobre 2011.


« Ils disent que nous sommes tous des perdants, mais les véritables perdants sont là-bas, à Wall Street. Ils ont été renflouées par des milliards de notre argent.

Nous sommes appelés socialistes, mais ici, le socialisme c'est toujours pour les riches. Ils disent que nous ne respectons pas la propriété privée, mais dans le krach financier de 2008 il a été détruit davantage de propriété privée durement gagnée que si nous tous, ici, nous étions employés à la détruire nuit et jour pendant des semaines.

Ils vous disent que nous sommes des rêveurs. Les vrais rêveurs sont ceux qui pensent que les choses peuvent continuer indéfiniment telles qu'elles sont. Nous ne sommes pas des rêveurs. Nous sommes l'éveil d'un rêve qui est en train de virer au cauchemar.

Nous ne sommes pas en train de détruire quoi que ce soit. Nous sommes seulement les témoins de la façon dont le système s'autodétruit.

Nous connaissons tous la scène classique des dessins animés. Le chat atteint un précipice, mais il continue à marcher, en ignorant le fait qu'il n'y a rien sous ses pieds. C'est seulement quand il regarde vers le bas et le remarque, qu'il tombe. C'est ce que nous faisons ici. Nous disons aux gars là-bas à Wall Street : "Hé, regardez en bas !"

À la mi-avril 2011, le gouvernement chinois a interdit à la télévision, dans les films et les romans, toute histoire contenant une réalité alternative ou un voyage dans le temps. C'est un bon signe pour la Chine. Ces gens continuent de rêver à des alternatives, donc [le régime est obligé de] leur interdire ces rêves.

Ici, nous n'avons pas besoin d'une interdiction, parce que le système régnant a opprimé jusqu'à notre aptitude à rêver. Regardez les films que nous voyons tout le temps. Il est facile d'imaginer la fin du monde. Un astéroïde détruisant toute vie et ainsi de suite. Mais vous ne pouvez pas imaginer la fin du capitalisme.

Alors, que faisons-nous ici ?

Laissez-moi vous raconter une merveilleuse vieille blague de l'époque communiste. Un gars fut envoyé d'Allemagne de l'Est pour travailler en Sibérie. Il savait que son courrier serait lu par les censeurs, alors il dit à ses amis : "Nous allons établir un code. Si une lettre que vous recevez de moi est écrite à l'encre bleue, ce que je dis est vrai. Si elle est écrite à l'encre rouge, c'est faux". Un mois après, ses amis reçoivent la première lettre. Tout est en bleu. Elle dit, cette lettre : "Tout est merveilleux ici. Les magasins sont remplis de bonne nourriture. Les cinémas montrent des bons films de l'Ouest. Les appartements sont grands et luxueux. La seule chose que vous ne pouvez pas acheter, c'est de l'encre rouge".

Voilà comment nous vivons. Nous avons toutes les libertés que nous voulons. Mais ce qui nous manque, c'est l'encre rouge : le langage pour exprimer notre non-liberté. La façon dont on nous apprend à parler de la liberté - guerre à la terreur et ainsi de suite - falsifie la liberté. Et c'est ce que vous faites ici. Vous nous donnez à tous de l'encre rouge.

Il y a un danger. Ne tombez pas amoureux de vous-mêmes. Nous passons un bon moment ici. Mais souvenez-vous, les carnavals ne coûtent pas cher. Ce qui importe, c'est le lendemain, quand nous aurons à revenir à une vie normale. Y aura-t-il des changements, alors ? Je ne veux pas que vous vous rappeliez ces jours-ci, vous savez, comme : "Oh, nous étions jeunes et c'était magnifique".

Rappelez-vous que notre message de base est : "Nous sommes autorisés à réfléchir à des alternatives". Si le tabou est brisé, nous [savons que nous] ne vivons pas dans le meilleur des mondes possibles. Mais il y a un long chemin à parcourir. Il y a des questions vraiment difficiles qui nous font face. Nous savons ce que nous ne voulons pas. Mais que voulons-nous ? Quelle organisation sociale peut remplacer le capitalisme ? Quel type de nouveaux dirigeants voulons-nous ?

Rappelez-vous. Le problème n'est pas la corruption ou la cupidité. Le problème est le système. Il vous oblige à être corrompus. Ne vous méfiez pas seulement des ennemis, mais aussi des faux amis qui travaillent déjà à diluer ce processus. De la même manière que vous obtenez du café sans caféine, de la bière sans alcool et de la crème glacée sans matière grasse, ils vont essayer de faire de cela une inoffensive protestation morale. Une protestation décaféinée.

Mais la raison pour laquelle nous sommes ici, c'est que nous en avons eu assez d'un monde où recycler les canettes de Coca, donner deux dollars par charité ou acheter un cappuccino chez Starbucks dont 1% va aux enfants affamés du tiers-monde suffit à nous faire nous sentir bien.

Après l'externalisation du travail et de la torture, après l'externalisation, maintenant, de notre vie amoureuse par les agences matrimoniales, nous pouvons voir que depuis longtemps, nous permettons que notre engagement politique soit également externalisé. Nous voulons qu'il revienne.

Nous ne sommes pas communistes, si le communisme désigne un système qui s'est effondré en 1990. Rappelez-vous qu'aujourd'hui ces communistes sont les plus efficaces, les plus impitoyables des capitalistes. En Chine aujourd'hui, nous avons un capitalisme qui est même encore plus dynamique que votre capitalisme américain, mais qui n'a pas besoin de la démocratie. Ce qui signifie que lorsque vous critiquez le capitalisme, ne cédez pas au chantage qui veut que vous seriez contre la démocratie. Le mariage entre démocratie et capitalisme est terminé.

Le changement est possible. Qu'est-ce que nous percevons aujourd'hui comme possible ? Il suffit de suivre les médias.

D'un côté, en matière de technologie et de sexualité, tout semble être possible. Vous pouvez aller sur la lune, vous pouvez devenir immortel par la biogénétique, vous pouvez avoir des rapports sexuels avec des animaux ou n'importe quoi.

Mais regardez le domaine de la société et de l'économie. Là, presque tout est considéré comme impossible. Vous voulez augmenter un petit peu les impôts pour les riches ? Ils vous disent que c'est impossible, nous perdrions la compétitivité. Vous voulez plus d'argent pour les soins de santé ? Ils vous disent : "Impossible, cela signifie un Etat totalitaire".

Il y a quelque chose qui ne va pas dans un monde où on vous promet l'immortalité, mais où vous ne pouvez pas dépenser un peu plus pour la santé.

Peut-être devons-nous fixer nos priorités ici. Nous ne voulons pas d'un plus haut niveau de vie. Nous voulons un meilleur niveau de vie. Le seul sens dans lequel nous sommes communistes, c'est que nous nous soucions de ce qui nous est commun. Commun dans la nature. Commun dans ce qui est privatisé par la propriété intellectuelle. Commun dans la biogénétique. Pour cela, et uniquement pour cela, nous devrions nous battre.

Le communisme a totalement échoué, mais les problèmes posés par ce qui nous est commun persistent.

Ils vous disent que nous ne sommes pas des Américains, ici. Mais les fondamentalistes conservateurs qui prétendent qu'ils sont vraiment américains doivent se rappeler quelque chose : qu'est-ce que le christianisme ? C'est le Saint-Esprit. Qu'est-ce que le Saint-Esprit? C'est une communauté égalitaire des croyants qui sont liés par l'amour mutuel, lequel ne dépend que de leur propre liberté et de leur responsabilité. En ce sens, le Saint-Esprit est ici, maintenant. Et là-bas à Wall Street, il y a des païens qui adorent des idoles blasphématoires.

Ainsi, tout ce dont nous avons besoin est la patience.

La seule chose que je crains, c'est que nous rentrions simplement un jour à la maison et qu'alors nous nous réunissions une fois par an, buvant de la bière, et nous souvenions nostalgiquement : "Quel bon moment nous avons passé ici". Promettez-vous que ce ne sera pas le cas . Nous savons que souvent les gens désirent quelque chose, mais ne le veulent pas vraiment. N'ayez pas peur de vouloir vraiment ce que vous désirez.

Merci beaucoup. »

Source


Et à titre purement documentaire, les vidéos correspondantes en VO (difficilement supportables, l'auditoire proche relayant après chaque phrase les paroles de Žižek démuni de micro, pour que tout le monde puisse l'entendre) :

 

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« Brève histoire des révoltes populaires »

 

« Les révoltes populaires ont une longue et riche histoire. Longtemps négligées par les historiens, elles sont aujourd'hui mieux connues. Des derniers feux du monde féodal à l'État-providence, de la montée en puissance de la machine administrative à la révolution industrielle, retour sur une histoire mouvementée.

La révolte populaire a pris à travers les âges tant de visages différents, couvert tant de fronts, qu'il est impossible d'en dresser un inventaire exhaustif. En parcourir les éphémérides, c'est reprendre la chronique agitée de l'histoire de France. Mille pages ne suffiraient pas à en accueillir la longue plainte. Pendant longtemps, les historiens, à l'exception notable de Michelet, ont préféré ne pas l'entendre. François Furet parlait même au début des années 60 du "silence populaire du temps long". En réalité, ce silence traduisait seulement l'état de la recherche historique. Elle a depuis comblé son retard. Rien que pour la période couvrant les années 1661-1789, l'historien Jean Nicolas a fait état, dans sa monumentale Rébellion française (Rébellion française, Mouvements populaires et conscience sociale, 1661-1789, Gallimard, Folio Histoire, novembre 2008, 1076 pages), de 8.500 "émotions" populaires, pour reprendre le terme d'Ancien Régime, démentant le "tout était calme en tous lieux..." de Louis XIV dans ses Mémoires pour l'instruction du Dauphin.

A quoi cela tient-il ? Dans La France conteste, de 1600 à nos jours, Charles Tilly soutient que ce qui a initié cette vague de révoltes, c'est la formation de l'État capétien, puis le développement du capitalisme. C'est qu'il a fallu financer ce monstre en train de grossir démesurément - l'administration royale. D'où le recours à cette forme légale de pillage qu'est l'impôt. En 1600, un Français moyen, créature alors hypothétique, travaillait 50 heurs par an pour l'État. 150 vers 1640. 300 au début du XXe siècle. 700 en 1980. De sujet du roi à assujetti à l'impôt, quatre cents ans d'histoire de France.

Mais les Français ne se révoltent plus contre l'impôt. C'était pourtant la première cause de mécontentement sous l'Ancien Régime. Les émeutes de subsistance ne venant qu'au deuxième rang, et encore à partir seulement du XVIIIe siècle. Au troisième, la défense des droits d'usage, comme la seconde coupe de foin ou les servitudes liées au droit de chasse ou à l'exploitation des communaux. Enfin, les rivalités intervillageoises ou de compagnonnage. Peu de révoltes contre le "château" (La place manque ici pour évoquer les troubles politico-religieux, où l'élément populaire intervient, ne serait-ce que comme force d'appoint. Guerre des Armagnacs et des Bourguignons, Ligue, Fronde, etc.).

De ce massif, émergent les "fureurs paysannes", interminable chronique guerrière qui mobilisera parfois de véritables armées de réserve. De la grande révolte de 1358, restée dans l'histoire sous le nom de "Jacquerie", jusqu'à la révolte du Papier timbré (hausse des taxes sur le papier timbré, indispensable à la signature des actes authentiques) en 1675. Quatre siècles au long desquels Pitauds, Gauthiers, Croquants et Nu-pieds vont faire la chasse aux agents du fisc.

Il serait faux de croire que ces insurrections s'exerçaient contre la personne du roi. On en appelait au contraire à son arbitrage. Ce sont les malheureux fonctionnaires de la couronne, émissaires d'une voracité sans nom, qui polarisaient la colère publique. Le mythe du gabeleur et des "chevaucheurs du sel" - le percepteur - illustre ce transfert. C'était une sorte d'ogre qu'on accusait de vouloir lever un "impôt sur la vie", taxant naissances, mariages et décès. Court tout au long de ces "émotions" d'Ancien Régime l'idée d'un âge d'or révolu, souvent associé aux grandes chroniques royales et au temps de Saint Louis. L'innocence du roi trompé en constitue l'un des thèmes récurrents. Il arrivait d'ailleurs qu'on entende au coeur de l'émeute des "Vive le Roy sans gabelle !". Quelques naïfs formulant le voeu d'aller porter la taille directement au Louvre.

L'impôt, une forme légale de pillage...

Après un XVe siècle plutôt calme (Peste noire et Guerre de cent ans sont passées par là), on assiste, à partir du milieu du XVIe, au réveil brutal des paysans de l'Ouest et du Sud-Ouest. C'est la "longue marche" des Croquants. De 1593 à 1595, les paysans du Limousin et du Périgord se soulèvent. Ils inaugurent un nouveau cycle de violence sur fond de grève fiscale. Quercy en 1624, Rouergue en 1627, Guyenne en 1635, Périgord de nouveau en 1637, Normandie en 1639. En quelques années, Richelieu a triplé l'impôt. Cette période d'agitation va culminer avec la Fronde. Louis XIV la soldera brutalement. La Fronde marque un point de non-retour. Elle va détacher les élites nobiliaires des "petits" - les "mécaniques" -, restreindre un peu plus les libertés municipales et placer au premier plan l'administration royale, avec son intendant et bientôt ses fermiers généraux. Plus rien n'entravera la marche de l'État. Le temps des émeutes antifiscales est révolu (même si le poujadisme viendra les réactiver pour un temps).

Voici venu celui des émeutes frumentaires (du froment, le blé tendre). L'émeute redevient un phénomène urbain. Sur la période 1661-1789, 40 % des troubles se sont du reste déroulés en ville (pour 15 % seulement de la population), la plupart liés à la peur de la faim et à la cherté du pain. Ils font souvent suite à des événements météo extrêmes. C'est le cas assurément pour les décennies 1690 et 1700, les plus froides jamais enregistrées en France, avec de redoutables famines, qui causeront 1,3 million de morts en 1693.

Le printemps 1775 est le théâtre de la Guerre des farines, émeute frumentaire par excellence et prélude d'une révolution dont les contours commencent à s'esquisser. Cette "guerre" est consécutive à deux mauvaises récoltes, lors des étés 1773-1774, et aux mesures prises par Turgot de libéralisation du commerce des grains. Les troubles se poursuivront tout au long des années 1780, avec une poussée record entre janvier et avril 1789 (310 cas recensés). La monarchie, qui a traversé de nombreuses crises, n'y survivra pas.

Aux uns la Marseillaise, aux autres l'Internationale

La prise de la Bastille marque le point de départ d'une nouvelle course à l'insurrection qui va gagner la France entière. C'est le début de la Grande Peur, qui s'achèvera par l'occupation des châteaux la Nuit du 4 août (même dans les campagnes du Grand Ouest et les futures terres de la chouannerie). Mais on finira par se lasser de la surenchère révolutionnaire et du vide représentatif qu'elle a engendré en démantelant les corps intermédiaires, bâillonnant du même coup l'ordre social. Cette rupture institutionnelle, scellée en août 1789, va ouvrir une spirale de violence où s'engouffrera la Terreur. La Révolution avait pourtant fantasmé la fin des conflits - c'est tout le sens de la Fête de la Fédération le 14 juillet 1790 -, mais révolution bourgeoise, elle travaille à l'avènement de la classe sociale qui en est l'acteur principal.

L'Ancien Régime avait connu des conflits du travail, mais de faible amplitude. Le XIXe siècle leur donnera une tout autre résonance. La révolte sort de ses habits communaux étroits, devient question sociale et enjeu national. Le peuple va défier une monarchie plus bourgeoise que jamais. Celle de Louis-Philippe en constitue le plus parfait exemple, et les Canuts lyonnais, deux fois révoltés et deux fois châtiés, en 1831 et 1834, les victimes exemplaires. C'est le temps des révolutions avortées (du moins pour le peuple). 1830, 1848, 1870-71.

Malgré cela, les grèves se multiplient. Le chômage et la montée des prix exaspèrent le petit peuple qui, en 1885, s'en prend à "Ferry-famine", puis en 1888 à "Floquet-famine", du nom du président du Conseil qui a cassé les arrêtés de Saint-Denis et Saint-Ouen taxant le prix du pain. On se croirait revenu au temps des crises frumentaires. Mais ce sont les dernières émeutes de subsistance. Le thème de "la vie chère" va désormais supplanter celui de la disette. C'est dans ce contexte que naît le boulangisme (et sur fond de scandale de Panama), où d'anciens Communards vont côtoyer des royalistes et des nationalistes. Cette France d'avant 14 va encore connaître quelques grèves spectaculaires, comme celle qui saisit l'ensemble des régions minières après la catastrophe de Courrières en 1906 (plus de 1.000 morts). La conquête du repos hebdomadaire en sortira. C'est aux mineurs qu'on la doit.

Le mode d'action collectif privilégié au XIXe était la barricade et sa mythologie, le XXe invente la grève sur le tas, avec occupation d'usine. La révolte change d'époque. Une fois obtenu le droit de s'assembler, plus n'est besoin de convoquer des banquets républicains comme en 1848. Désormais, on sort dans la rue. En masse. Ce type de mobilisation connaît son apogée avec le grand mouvement des viticulteurs du Midi en 1907. On défile. Le 14 juillet pour la nation, le 1er mai pour les ouvriers. Aux uns la Marseillaise, aux autres l'Internationale. Des antagonismes politiques viennent parfois se greffer à la colère de la rue, surtout dans les années trente, qui conjugent révoltes populistes de droite et de gauche, avec pour point d'orgue l'année 36 et la plus grande vague de grèves de notre histoire. De loin la plus efficace. Les fameux "acquis sociaux" viennent pour la plupart de là.

Chemin faisant, la révolte s'institutionnalise, des syndicats l'encadrent. Les conflits font désormais l'objet d'une cogestion entre partenaires sociaux, sous la houlette d'un État-providence qui s'apparente de plus en plus à une police d'assurance contre les mauvais jours. Est-on pour autant entré dans une "société sans antagonisme majeur", comme le suggère un spécialiste, Pierre Rosanvallon ? Oui, si l'on s'en tient à l'intensité des conflits sociaux. Non, si l'on considère l'émergence d'un nouveau registre de la contestation. Débrayage, refus des heures supplémentaires, recours fréquent aux prud'hommes, séquestrations. Le déclin des conflits du travail n'est vraisemblablement pas pour demain. La longue déflation salariale, masquée par le surendettement des ménages, amplifiée par la crise financière et résumée par les enjeux autour de la question du pouvoir d'achat, devrait déboucher à terme sur un légitime réveil des classes populaires (et moyennes). Malheur à celui qui ne saura pas les entendre. »

François Bousquet, in Le Choc du Mois n° 32, août 2009, pp. 12-15.

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