24/06/2011
Jacques Sapir et la « démondialisation »
Merci à la société XERFI pour cette vidéo remarquable. Vous trouverez ici les anticipations de cet organisme peu conformiste. Je vous engage à en prendre connaissance, elles sont très intéressantes.
Pour ma part, je suis d'accord avec l'essentiel ce que dit Jacques Sapir, sauf en ce qui concerne sa prévision d'un défaut grec, voire d'une explosion de la zone euro.
Sur le fond, je partage plutôt, grosso modo, l’avis du LEAP.
La propagande de l’anglosphère sur l’état financier de l’Europe (pour mémoire, uniquement en chiffres officiels, dette totale US : 370 % du PIB, dette totale de la zone euro : 220 % du PIB) me fait penser que ce sont Franck Biancheri & co. qui ont raison.
Propagande anglosphérique, destinée non à détruire l'euro, mais à le laisser sous pression (il faut que le dollar reste faible pour favoriser les exportations US ; par ailleurs, plus les taux de refinancement des « PIGS » de la zone euro sont élevés et paraissent à risque, moins le Trésor US peine à attirer les investisseurs étrangers - s'il en reste, ce qui est désormais douteux ; mais au départ, c'était cela le plan, c'est une évidence).
Propagande destinée, en même temps, avec la naïveté et la méconnaissance globale qu’ont les Ricains de l’Europe et de ses possibilités de retournement, à saper les velléités nationales au sein du Vieux Continent (« populisme = violence = paaaas bieeeen ») et à encourager les dirigeants européens dans leur fuite en avant fédéraliste, dont les premiers croient que, comme d’habitude par le passé, elle leur profitera éternellement.
Or, le paradigme a déjà changé et, derrière les crétins Barroso et Van Rompuy et leur bureaucratie ridicule, pointe une réelle solidarité européenne, contrainte et forcée, « realpolitik », vers un objectif de survie, tant et si bien qu’il est prévu que même les sacro-saintes banques devront mettre la main à la poche (alors qu’il s’agissait d’abord de les sauver…). Et ce n’est sans doute qu’un début.
Les « populistes » pourraient bien aborder le navire UE dès 2012 et ravager l’entrepont à coups de sabres.
Sans parler des interactions, interdépendances, tutelles, idéologies et dilemmes complexes dans lesquels sont pris les pays et les dirigeants européens. Bref.
Certains s’imaginent apparemment que la fin de l’euro signerait la fin de l’UE. Ce n’est pas le cas.
Egalement, que la fin de l’euro marquerait le début des résurgences nationales et populaires. Ce n’est pas le cas non plus.
A mon avis, il ne faut pas se focaliser sur la question de l’euro, ni sur celle de l’UE.
La priorité des priorités, c’est la fin du protectorat américain sur l’Europe.
Or, puissance (économique) contre puissance, je ne donne pas cher de la peau de l’anglosphère, dans l’année qui vient ou dans les deux qui viennent.
C’est une chose de railler l’Europe médiatiquement et ainsi, d’affoler les foules ; c’en est une autre, de glisser soi-même, en réalité, le long de la pente, sans se faire mal à l’arrivée.
Sans parler de le cacher longtemps, à l’heure de Wikileaks et du Tea Party.
Pour ce qui est de la zone euro, personne n’a intérêt à en sortir EN CE MOMENT (même si Sapir a mille fois raison sur les inconvénients de la monnaie unique).
Donc, je pense que personne ne le fera, d’autant plus qu’un pays membre ne peut pas en être expulsé, ce qui empêche les Allemands de conditionner leur participation à la collectivisation des dettes, à un « nettoyage censitaire » du club…
Les Allemands étant les plus exposés aux dettes des « PIGS », sont sans doute ceux qui ont le plus intérêt à rester dans l’euro.
Si les PIGS tombent, l’Allemagne tombe. Et tout les autres aussi (dominos).
C’est aussi simple que ça.
Soit la zone euro tient bon (et, à mon avis, c’est ce qui va se passer, même au prix de la monétisation des dettes par la BCE sans garde-fou, c’est-à-dire sans statut de prêteur en dernier ressort et sans capital suffisant – de toute façon, comme le dit Olivier Delamarche, aujourd’hui, tout passe, on peut faire n’importe quoi, les marchés sont dans la stratosphère, dans la biture intégrale ; donc, pourquoi se gêner ?) ; soit elle craque et nous sommes morts.
Parce que les USA ne nous rateront pas, une fois à terre. Ils pilleront tout, comme ils l’ont fait après l’effondrement de l’URSS. Ne nous leurrons pas sur la possibilité d’instaurer miraculeusement, dans cette hypothèse, au plan national et dans l’urgence, tout ce qui manque aujourd’hui : élites politiques désintéressées, souveraineté monétaire et financière, protectionnisme, réindustrialisation… Luna Park !
C’est, de ce point de vue, une lutte à mort (ou plutôt pour la survie, ce qui revient au même), pas une partie de Monopoly où nous aurions une seconde chance.
Il faut donc absolument que les USA, centre de l’Occident et centre du monde, s’effondrent les premiers, quel qu’en soit le prix.
Après, bien sûr, ce sera l’effondrement général, en dominos, de toutes les périphéries.
On ne résiste pas économiquement, dans l’interdépendance du libre-échange mondialisé, à la chute du quart du PIB mondial (même s’il est très surfait).
Mais au moins, personne ne sera plus là pour nous garder sous tutelle et nous empêcher de reprendre notre liberté.
Par conséquent, mieux vaut survivre, dans la folie financière, jusqu’à l’effondrement des Ricains, qui, encore une fois, provoquera évidemment le nôtre, mais sans nous tuer et en nous donnant l’opportunité de nous libérer.
Une fois le protectorat levé du fait de cet effondrement économique des USA, et même déjà maintenant (on voit l’Allemagne se tourner vers la Russie, la France soutenir l’Allemagne contre son propre intérêt économique, et l’inverse, finalement, alors qu’apparemment cette solidarité est contre-nature… l’euromondialisme devient, certes encore timidement, de l’europrotectionnisme, en commençant par l’eurosolidarisme à base évidemment bancaire, mais en prévoyant de mettre à contribution la finance privée) ; une fois, donc, le protectorat américain levé, tout est envisageable quant à l’influence croissante des mouvements « populistes » en Europe, à un éclatement de l'UE ou à l’avènement d’une UE moins bureaucratique, plus protectionniste, plus respectueuse des peuples et des identités.
Quelle que soit l’issue (survie économique européenne, ou effondrement après implosion de l’anglosphère), je pense que cette révolution-là est en marche.
Sans être, pour autant, européiste et donc, sans croire au besoin d’une structure supranationale en Europe, il me semble que pour faire face, dans un proche avenir (avant la chute réelle des ressources énergétiques et donc alimentaires), à la Chine principalement, une Europe politiquement émiettée n’est pas la meilleure formule.
Actuellement, France contre Monde = défaite de la France.
Donc, si l’échelon national ne convient pas actuellement, l’échelon continental, au moins dans le domaine économique et malgré toutes ses énormes imperfections, au moins dans le seul but survivaliste en tant que puissance, jusqu’à ce que l’anglosphère s’effondre, pourquoi pas ?
Je ne suis pas nationaliste, je me fous de la forme et de la stratégie, tant que nos peuples et nos identités survivent et conservent une chance de retrouver leurs souverainetés.
De toute façon, à mon avis, le retour à des entités politiques et économiques autonomes de plus petite taille, nécessite d’abord que la décroissance des échanges (imposée par celle des ressources) gagne la terre entière.
Cette crise est mondiale, elle ne peut être résolue que par une chute mondiale des fondements du système actuel.
Pas par une révoltounette de quartier ou un changement de monnaie.
22:11 Écrit par Boreas dans Crise, Economie, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Tags : jacques sapir, mondialisation, démondialisation, commerce, protectionnisme, relations internationales, libre-échange, nations, fmi, banque mondiale, finance, libéralisme, chine, inde, europe, industrie, concurrence, délocalisations, investissements, etats, pays émergents | Facebook | | Imprimer | |