Merci à l'ARSIN (22/04/2012)

 

Je reproduis ici le commentaire que j'ai rédigé sur le site de l'ARSIN (Association Républicaine pour le Socialisme et l'Indépendance Nationale), à l'occasion d'un billet publié par celle-ci hier, sous forme d'un tour d'horizon de ses partenaires, dont mon blog :

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Avant tout, le clivage droite-gauche me paraît obsolète, sauf dans le cadre imposé de la comédie électorale.

S'il faut absolument se situer dans une telle distinction, revenons à une classification historique et non propagandique.

A nouveau, comme avant l'affaire Dreyfus, ceux qui se veulent « de gauche » aujourd'hui, du PS jusqu'au NPA et à LO, n'ont en réalité rien à voir avec les Rouges, avec le mouvement ouvrier historique, auquel pourtant ils ne cessent de se référer mensongèrement en parlant à tort et à travers de « travailleurs », sans jamais distinguer, notamment, travail productif et rente sociale.

Jean-Claude Michéa, en plus de décrypter cette évolution, a plus ou moins fait justice de la classification trop conformiste des droites par René Rémond.

A partir de, disons, 1791, sont schématiquement en présence les Blancs, les Bleus et les Rouges (rien à voir avec les couleurs de notre drapeau national).

Contrairement à un réflexe mental courant, dûment conditionné, les ancêtres de la droite et de la gauche actuelles et, avec elles, de l' « extrême droite » et de l' « extrême gauche », se trouvent essentiellement parmi les Bleus (petit rappel, l'Assemblée législative de 1791 et les Conventions postérieures ont été élues avec une très faible participation populaire, d'abord au suffrage censitaire puis au suffrage universel masculin, et les Blancs et les Rouges n'ont pas été représentés en leur sein, dans la mesure où la Révolution française a été d'essence bourgeoise et libérale).

La pseudo-droite des Blancs et la pseudo-gauche des Rouges, avec lesquelles on nous bassine pour effrayer les foules avec des épouvantails « fascistes » et « soviétiques » (alors que non seulement elles ne sont pas à l'origine des dictatures du XXe siècle, mais qu'elles ont par ailleurs quasiment disparu du champ politique, voire idéologique), n'ont en fait rien à voir avec la droite et la gauche, ni avec l' « extrême droite » et l' « extrême gauche » des Bleus.

Comme l'explique Michéa, aujourd'hui, la gauche

« est redevenue ce qu'elle était avant l'affaire Dreyfus. Jusqu'à cette époque, la gauche - nom sous lequel on regroupait alors les différents courants libéraux et républicains - avait toujours combattu sur deux fronts. D'un côté, contre le "péril clérical et monarchiste" - incarné par les "blancs" de la droite conservatrice et réactionnaire - de l'autre, contre le "danger collectiviste" - symbolisé par les "rouges" du camp socialiste fermement attachés, quant à eux, à l'indépendance politique du prolétariat (c'est pourquoi on ne trouvera jamais un seul texte de Marx où il se réclamerait de la gauche ou, a fortiori, de son union).

Ce n'est qu'en 1899 - face à l'imminence d'un coup d'Etat de la droite d'Ancien Régime et de ses nouveaux alliés "nationalistes" - que la gauche moderne va véritablement prendre naissance, sur la base d'un compromis - au départ purement défensif - entre les "bleus" de la gauche originelle et les "rouges" du mouvement ouvrier (et cela malgré l'opposition farouche des anarcho-syndicalistes).

C'est donc ce compromis historique ambigu entre libéraux, républicains et socialistes - compromis scellé contre la seule "réaction" et qui allait donner à la gauche du XXe siècle sa mystique particulière - qui s'est trouvé progressivement remis en cause, au début des années 1980, à mesure que s'imposait partout l'idée que toute tentative de rompre avec le capitalisme (c'est-à-dire avec un système qui soumet la vie des gens ordinaires au bon vouloir des minorités privilégiées qui contrôlent le capital et l'information) ne pouvait conduire qu'au totalitarisme et au goulag.

C'est avant tout dans ce nouveau contexte que la gauche officielle en est venue à renouer - sous un habillage antiraciste et citoyen - avec ses vieux démons modernistes du XIXe siècle, lorsque sous le nom de "parti du mouvement" elle avait déjà pour mot d'ordre "ni réaction ni révolution".

Et comme la droite d'Ancien Régime a elle-même cédé la place à celle des adeptes du libéralisme économique de Tocqueville et de Bastiat (qui, on l'oublie trop souvent, siégeaient tous les deux à gauche), on peut donc dire que l'opposition de la droite et de la gauche, telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, ne constitue plus, pour l'essentiel, qu'une réactualisation de certains clivages qui, à la fin du XIXe siècle, divisaient déjà le vieux "parti du mouvement" (on dirait maintenant le parti de la croissance et de la mondialisation). Cette disparition progressive des anciens partis blanc et rouge au profit d'un antagonisme électoral intérieur au seul parti bleu explique bien des choses. »

Concernant les Blancs, j'ai ressuscité il y a peu un ancien article du défunt magazine Le Choc du mois, pas apprécié voire détesté de « l'extrême droite » de type FN-libéral et « droitards libéraux », car anticapitaliste et organiciste, pour rappeler à quel point un certain « socialisme » issu de l'Ancien Régime pouvait être proche du mouvement ouvrier.

Mais aujourd'hui, où voit-on encore des Blancs, ou plutôt leurs produits d'évolution ?

A supposer qu'on veuille bien s'interroger sur la question sans lui appliquer les filtres désinformants de la doxa politiquement correcte, ni circonscrire l'étude aux actuels groupuscules royalistes « de droite », nostalgiques esthétisants d'un Ancien Régime idéalisé, en général cathos-tradi et formolisés dans l'étude de Maurras et autres grands anciens de leur chapelle, je pense qu'on les trouve, pour l'essentiel, dans une nébuleuse de type « révolution conservatrice » qui va, en gros, d'Alain de Benoist au Bloc Identitaire, en passant par Michel Drac (Scriptoblog) et les lecteurs intelligents (c'est-à-dire pas la majorité des commentateurs) du blog F.Desouche et de son antenne économique Fortune, notamment. C'est « de là » que je viens, pour l'anecdote.

Cette nébuleuse, politiquement, numériquement, ne représente rien ou presque, mais elle existe et alimente, au plan des idées, depuis des décennies, la survivance de valeurs et de tendances qui, contrairement à ce que l'on peut croire si on se fie à la doxa, ne sont ni « de droite », ni « de gauche ».

Ces valeurs et tendances ne sont plus, depuis belle lurette, monarchistes, et n'ont jamais été particulièrement favorables à un système politique dictatorial, ni moins encore à un inégalitarisme fondé sur une lutte de classes. Elles sont fondamentalement antibourgeoises, anticapitalistes, aristocratiques au sens grec ancien, organicistes comme je l'ai dit, ethnodifférencialistes et « populistes » au sens où une grande importance est accordée à l'âme et à la volonté des peuples et donc, à leur souveraineté. Personne au sein de cette mouvance ne rejette, bien au contraire, le concept de République (à condition qu'il ne soit pas dévoyé par des oligarchies) et de Bien Commun.

Passons aux Bleus, maintenant.

C'est à leur sujet que l'analyse de Michéa prend toute sa valeur, quant au totalitarisme idéologique et politique de notre époque.

Car tout le champ politique, quasiment, est couvert par les Bleus, du FN (avec quelques nuances, compte tenu de la récente réorientation plus ou moins souverainiste, plus ou moins socialiste, du programme de ce parti qui est, de par ses adhérents et ses sympathisants, une véritable auberge espagnole) à LO, en passant par l'UMP, le MODEM, le PS, le Front de Gauche, le PC et le NPA.

Aucun des nombreux partis de cet éventail, des libertariens aux trotskistes, n'est réellement socialiste (ou solidariste, je préfère ce terme moins ambigu), n'est véritablement révolutionnaire, n'est authentiquement « populiste », c'est-à-dire favorable à l'autodétermination des peuples.

Ils ont, en revanche, en commun d'être progressistes, modernistes, internationalistes et, en un mot, même si cela peut surprendre, libéraux.

Eh oui, libéraux. Car le libéralisme n'est pas qu'économique et « de droite », comme l'a bien vu le marxiste Michel Clouscard, auteur de l'expression « libéraux libertaires » pour désigner ceux chez qui, finalement, l'adhésion aux valeurs matérialistes et consuméristes s'accompagne d'une promotion permanente de tous les laxismes sociétaux.

Restent les Rouges.

Comme les Blancs, ils ne sont plus très nombreux. Nous avons parfois, eux et moi, des divergences fortes, notamment en ce qui concerne le matérialisme et le collectivisme (marxiste ou pas - je rappelle que le mouvement ouvrier est antérieur aux thèses de Marx), mais je me trouve, à vrai dire, bien plus d'affinités avec eux qu'avec les libéraux de tout poil, « de droite » comme « de gauche ».

Et il ne me paraît pas étonnant de finir par voisiner ici avec certains d'entre eux (j'en profite pour remercier Pablito Waal d'être venu me chercher pour contribuer à la louable tentative de l'ARSIN), car je partage sincèrement avec ce qu'il reste aujourd'hui des héritiers du mouvement ouvrier, quelque chose de bien plus important, dans le cadre du totalitarisme marchand qui nous écrase, que toutes les théories et propositions de systèmes alternatifs : le souci de la justice sociale et de la révolution indispensable à sa restauration.

Souci qu'avait au plus haut point l'un de mes auteurs préférés, Jack London.

A mon sens, si on veut être pragmatique, il faut néanmoins réaliser que dans la situation actuelle, aucune force politique potentielle, fondée sur la convergence de tous les partisans de la « common decency » préconisée par Michéa après George Orwell comme socle de dissidence, n'est susceptible de contrebalancer le pouvoir systémique, et surtout pas dans le cadre électoral truqué où les médias aux mains du capital fabriquent le consentement.

C'est pourquoi mon blog est axé tant sur la notion de révolution, qui a plusieurs significations (révolution en cours du fait de la crise du capitalisme et du basculement de l'économie-monde vers l'Asie, de la crise du sens théorisée par Michel Drac  ; révolution des mentalités vers l'anti-matérialisme et donc l'anti-occidentalisme ; révolution politique et économique), que sur le suivi de la crise économique qui, seule, peut causer l'effondrement du « Système » et nous donner l'opportunité de nous libérer pour restaurer une république souveraine et juste, au service du peuple français, dans le cadre d'une Europe géopolitiquement nécessaire mais qui ne soit pas un carcan technocratique supranational.

Merci à l'ARSIN de favoriser l'expression de convergences qui, pour être partielles sur certains points, n'en sont pas moins essentielles sur d'autres, sans doute les plus importants.

Comme l'écrivait Jack London, « Yours for the Revolution » (A vous pour la Révolution) !

15:33 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : arsin, jean-claude michéa, révolution française, clivage, classification, gauche, droite, blancs, bleus, rouges, libéraux, extrême, socialisme, solidarisme, justice sociale, ancien régime, marx, marxisme, bourgeois, libéralisme, libertaires, mouvement ouvrier, travail productif, rente sociale, michel drac, alain de benoist, europe, bloc identitaire, souveraineté, république, royalistes, bien commun, révolution, révolutionnaire, michel clouscard, jack london, george orwell, common decency, dissidence, sens, basculement, effondrement, mentalités, matérialisme, occidentalisme, système, convengences |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |