14/02/2014
Saint Valentin
Les petits ifs du cimetière
Frémissent au vent hiémal,
Dans la glaciale lumière.
Avec des bruits sourds qui font mal,
Les croix de bois des tombes neuves
Vibrent sur un ton anormal.
Silencieux comme les fleuves,
Mais gros de pleurs comme eux de flots,
Les fils, les mères et les veuves,
Par les détours du triste enclos,
S’écoulent, — lente théorie,
Au rythme heurté des sanglots.
Le sol sous les pieds glisse et crie,
Là-haut de grands nuages tors
S’échevèlent avec furie.
Pénétrant comme le remords,
Tombe un froid lourd qui vous écœure,
Et qui doit filtrer chez les morts,
Chez les pauvres morts, à toute heure
Seuls, et sans cesse grelottants,
— Qu’on les oublie ou qu’on les pleure ! —
Ah ! vienne vite le Printemps,
Et son clair soleil qui caresse,
Et ses doux oiseaux caquetants !
Refleurisse l’enchanteresse
Gloire des jardins et des champs
Que l’âpre hiver tient en détresse !
Et que, — des levers aux couchants,
L’or dilaté d’un ciel sans bornes
Berce de parfums et de chants,
Chers endormis, vos sommeils mornes !
Paul Verlaine, Sub Urbe (Poèmes Saturniens, 1866)
17:43 Écrit par Boreas dans Philosophie, Poésie | Lien permanent | Tags : paul verlaine, sub urbe, poèmes saturniens | Facebook | | Imprimer | |