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24/11/2013

François Hollande, libéral de longue date

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(...) François Hollande a collaboré à un ouvrage, La Gauche bouge, édité en 1985, aujourd’hui « épuisé ». Ce livre témoigne de l’adhésion au libéralisme d’un homme politique encore très jeune. Âgé de trente et un ans, François Hollande est alors conseiller référendaire à la Cour des comptes et maître de conférences à Sciences Po. Le livre est publié sous le pseudonyme de Jean-François Trans, mais les noms du futur président de la République et des quatre auteurs figurent en page 6. Il s’agit de : Jean-Michel Gaillard, trente-neuf ans, conseiller référendaire à la Cour des comptes et maître de conférences à l’ENA ; Jean-Pierre Jouyet, camarade de promotion à l’ENA de François Hollande, trente et un ans, inspecteur des finances et président du club Démocratie 2000 ; Jean-Yves Le Drian, trente-huit ans, agrégé d’histoire, député-maire de Lorient, actuel ministre de la Défense ; Jean-Pierre Mignard, trente-quatre ans, avocat au barreau de Paris, ancien membre de la direction politique du PSU, adhérent d’une organisation catholique internationale de défense des droits de l’homme.

Dès l’introduction, le lecteur est prévenu : « Finis les rêves, enterrées les illusions, évanouies les chimères. Le réel envahit tout. Les comptes doivent forcément être équilibrés, les prélèvements obligatoires abaissés, les effectifs de la police renforcés, la Défense nationale préservée, les entreprises modernisées, l’initiative libérée » (page 9). Pas de langue de bois pour ce club des cinq qui veut gagner des postes importants au sein du Parti socialiste, puis, à terme, au niveau national, en fondant un mouvement, « Trans-courants », chargé de balayer les rentes des féodalités installées dans les différentes tendances du Parti socialiste, au bénéfice d’un consensus autour d’une gauche dite « moderne » et libérale. Les membres de ce petit club prirent l’habitude de se retrouver dans une arrière-salle de la maison d’édition P.O.L. dont Jean-Jacques Augier possédait alors 60 % des parts. « Il ne s’agit plus à la fin du XXe siècle d’assurer la représentation politique de la classe ouvrière alors que les catégories sociales perdent en cohésion et que le salariat s’est profondément recomposé, ou de renforcer encore l’État-providence alors que celui-ci parvient de plus en plus difficilement à se financer et que les risques traditionnels sont correctement couverts » (page 11).


Fini la lutte des classes, vive l’individualisme. Individualisme réussi s’il est en phase avec la mondialisation économico-financière et les nouvelles technologies, notamment dans le domaine de l’informatique. Individualisme négatif pour tous les exclus de cette révolution libérale. Une société duale qui fait donc l’impasse sur le conflit entre le capital et le travail.

La langue néolibérale accuse déjà les travailleurs de défendre les « avantages acquis » ou le « conservatisme qui n’est plus un réflexe de riches, mais une nécessité des pauvres » (page 25). Face « au capitalisme salvateur et au marché libérateur, jamais les Français n’ont été aussi frileux devant les mutations, craintifs face à l’avenir, pessimistes sur leur destin, hostiles au changement et à la mobilité » (page 26). Le travail est devenu un « coût » qu’il faut abaisser (page 78).

L’enrichissement des Bernard Arnault et autres Bernard Tapie est d’avance légitimé puisque les Français défendraient désormais la valeur du profit. « Réhabilitation de l’argent quand il vient à manquer ? […] En période de crise, on est plus indulgent et tolérant que jamais à l’égard de ceux qui réussissent, car on y voit le premier signe d’une amélioration qui pourrait être générale » (page 29). Bernard Arnault confirme a posteriori dans un entretien au Monde, le 11 avril 2013 : « Quand Pierre Bérégovoy était ministre de l’Économie de François Mitterrand, l’entrepreneur était considéré comme un héros national. »

Les auteurs de La Gauche bouge assument le tournant néolibéral masqué sous le thème de la « rigueur » : « En réhabilitant, non sans opportunité, l’entreprise et la réussite, la gauche, avec l’ardeur du néophyte, retrouve des accents que la droite n’osait plus prononcer, depuis des lustres, de peur d’être ridicule. Mais prenons garde d’en faire trop : pour faire oublier nos frasques égalitaristes, ne gommons pas notre vocation sociale » (page 50). Et le cynisme continue : « Ce n’est pas par calcul ou par malignité que la gauche a accepté de laisser fermer les entreprises ou d’entamer le pouvoir d’achat des Français. C’est par lucidité. Refuser ces évolutions et c’en aurait été fait de la perspective d’une gestion régulière du pays par la gauche » (page 53). Finis les idéaux politiques, bienvenue à l’expertise et à la gestion avec les postes et les positions de pouvoir liés à une alternance entre la droite et la gauche en harmonie avec le néolibéralisme anglo-saxon, ses « démocrates » et ses « républicains » aux États-Unis, ses « travaillistes » et ses « conservateurs » au Royaume-Uni. « Depuis 1981, une redistribution des cartes s’opère sous nos yeux. Elle traduit l’aspiration croissante des Français à refuser les alternances brutales, et à voir se dégager entre deux grands projets de société, l’un conservateur, l’autre réformiste, les compromis nécessaires sur la gestion de l’économie comme du système de protection sociale, sur la construction européenne comme sur les grands axes de la politique internationale […]. Face à un Parti communiste qui se durcit et se marginalise dans une opposition radicale à la social-démocratie, le Parti socialiste retrouve les marges de manœuvre nécessaires pour s’affirmer comme le pôle essentiel de rassemblement des réformistes et des modernistes » (pages 121-122). L’alternance doit désormais apparaître naturelle, normale et durable. « Il n’y a donc plus pour les socialistes de perspective concevable d’union avec le Parti communiste français » (page 148). C’est tout naturellement que le club des cinq se revendique « libéral de gauche » (page 152). (...)

Source (chapitre 3)

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