La désinformation systématique contre l'Ukraine (17/05/2014)

Les champions du poutinisme servile : Berlusconi, Le Pen, Tsipras (merci @Mandrin !) et Farage

 

« Concernant Odessa, il existe beaucoup de sites français reprenant la propagande russe (avec en tête de proue, "Réalpolitik", fondé par Chauprade, le valet assumé de Poutine...). Et il aussi existe des dizaines et des dizaines de vidéos, des centaines et des centaines de photos (accompagnées de témoignages) qui démontrent les mensonges de ces "informations" en provenance des médias russes. Est-ce étonnant ? Non. La logique est la même que pour la Crimée : manipuler, mentir, contrôler l'information. Pour la Crimée, nous savons maintenant que la Russie a organisé une "désinformation systématique" (et ce n'est pas l'Amérique ni l'UE qui le dit, mais bien l'ONU après enquête approfondie).

Concernant le drame d'Odessa : comme toujours, beaucoup de commentaires et de vidéos partiels, pour ne pas dire plus. A l'issue d'un match de foot en ville, les deux clubs de supporters ont décidé de défiler ensemble pour l'unité de l'Ukraine. Comme cela s'était passé quelques jours auparavant, ce défilé unitaire a été attaqué par des dizaines de personnes masquées et armées. La police a été incapable de s'interposer et des vidéos montrent clairement deux tireurs embusqués derrière un cordon de police (complicité ou "maladresse" de la police). A l'issue de ce premier assaut, 4 personnes ont été abattues à l'arme automatique du côté des bleu et jaune. Une course poursuite s'est alors engagée. Un député d'Odessa a ensuite bêtement suggéré aux assaillants d'aller tenir la maison des syndicats au centre ville, plutôt que de se disperser. Les tentes - vides - des "pro-russes" ont été démontées et brûlées. Des échanges de cocktails Molotov ont eu lieu. D'après les images, l'incendie s'est déclaré au second étage, dans une pièce aux fenêtres intactes et occupée par des assaillants désormais réfugiés à l'intérieur.

L'enchaînement des événements est le suivant : l'incendie gagne en intensité, cependant que des tireurs embusqués sur les toits abattent à nouveau 5 manifestants bleu et jaune, ce qui porte à neuf le nombre de tués, sans compter les nombreux blessés (principalement des fractures) lors de l'assaut sur le cortège. Sur la face avant de l'immeuble, la barricade a été construite de telle façon (à l'origine par les "pro-russes") qu'elle empêche toute sortie puisqu'elle est elle-même en feu. Quelques personnes sautent dans le vide par peur ou pour échapper à l'asphyxie. Elles sont évacuées (morts ou blessés) par les "assaillants" ou la police. Sur la face arrière de l'immeuble, en revanche, la foule a construit un échafaudage de fortune et lancé des cordes, permettant d'évacuer plus d'une centaine de personnes. Les pompiers arrivent très en retard...

Il faut savoir que près de 350 personnes s'étaient rassemblées dans cet immeuble. Parmi eux bien sûr les organisateurs et des agitateurs professionnels qui ont pu "tranquillement" s'enfuir sans se préoccuper des jeunes et moins jeunes civils qu'ils avaient entraînés dans leur expédition. Près de 120 personnes s'en sont sorties et les bleu et jaune ont bien entendu participé à ce sauvetage. Il reste 38 morts "inutiles", comme à chaque fois dans ce genre de drame. Inutiles, mais pas pour tout le monde : la propagande russe a voulu y voir un "pogrom", niant - malgré les images - le fait que les bleu et jaune aient participé activement au sauvetage et passant sous silence les deux éléments déclencheurs : l'attaque violente du cortège unitaire et la mort de 9 personnes abattues à l'arme automatique. On entre dans l'irrationnel complet et il est clair qu'en multipliant les provocations et les morts, la Russie a obtenu ce qu'elle cherchait, un accident lui permettant de relancer sa machine de propagande...

Pour être complet, dans les heures de visionnage relatives à cet incendie, j'ai vu UN SEUL bleu et jaune avoir un comportement totalement déplacé envers un blessé de l'immeuble, UN SEUL. Et pour en arriver là, il a fallu avant les 105 morts du Maïdan, les 300 disparus (source : Amnesty France) dont on retrouve peu à peu les cadavres, l'annexion de la Crimée, les attaques à l'Est, les kidnappings, les tortures et parfois les exécutions de militants du Maïdan ou des élus locaux (comme à Slaviansk). Sans parler de l'enlèvement des observateurs de l'OSCE et des membres de la Croix-Rouge. S’agissant de Marioupol, une soixantaine d’hommes armés ont attaqué un poste de police et ont été repoussés par l’armée ukrainienne. Il ne s’agissait pas d’une "manifestation" contre Kiev.

Tu parlais hier de la communication maladroite du gouvernement ukrainien. On le serait à moins. C'est un gouvernement de transition, qui a dû travailler dans l'urgence dès le premier jour, avec au programme une annexion, une menace militaire imminente sur sa frontière avec la Russie et l'arrivée massive d'agents "étrangers" sur son territoire. Tous les observateurs s'accordent à dire que l'Ukraine a fait preuve d'un courage immense et d'une retenue incroyable dans cette crise, tout cela pour éviter les "accidents" comme à Odessa. Aucun pays occidental n'aurait accepté cela aussi longtemps, peu y auraient survécu. Je ne pense donc pas qu'il soit maladroit de contester la tenue de ces référendums, "organisés" dans ces conditions. Encore une fois, Paris, Londres, Berlin n'aurait jamais toléré que cela se passe chez eux.

Il faut bien se rendre compte dans quelle mesure ces référendums dans les régions de Donetsk et Luhansk sont une émanation de la Russie : les sondages donnaient récemment 70% d'opinions en faveur de l'Ukraine unie, même dans ces régions. Il y a quelques semaines encore, les gens étaient incrédules lorsqu'on leur parlait de convois d'activistes se déplaçant dans ces régions pour les déstabiliser. Depuis, les mêmes hommes "verts" qu'en Crimée sont apparus, des gradés de l'armée russe ont été identifiés, ainsi que des vétérans de Tchétchénie, des mercenaires (certains ayant déjà opéré en Géorgie) et même une poignée de Tchetniks serbes.

Elément encore plus probant, récemment des leaders syndicaux des mineurs du Donbass ont été menacés et certains passés à tabac. Il faut savoir que ces mineurs étaient plutôt en faveur de Ianoukovitch pendant la Révolution Orange mais qu'ils n'ont pas vu leurs conditions de vie s'améliorer sous son mandat depuis 2010 et que dans tous les cas ils sont légitimistes. Ils sont donc contre la partition de l'Ukraine, la tenue de ces référendums.

La pression pour cette ébauche de sécession (après l'indépendance de la République de Donetsk, l'étape suivante sera bien entendu la demande de rattachement à la Russie) est donc clairement extérieure, puisque même les russophones en faveur de l'unité sont menacés. Il suffit pour s'en convaincre un peu plus d'écouter les discours haineux de ces leaders séparatistes qui n'ont pas de mots assez durs contre Kiev et tous ceux qui arborent les couleurs bleu et jaune et n'hésitent pas à user de la torture et des insultes racistes, homophobes et sexistes, y compris devant un parterre médusé de journalistes occidentaux.

Ces gens-là (sachant bien entendu qu'ils arrivent à séduire une part qui reste minoritaire de l'électorat local) ont reçu pour éducation la haine de l'Ukraine, de son histoire, de son indépendance et ne sont clairement pas du cru. Comment arrivent-ils à embrigader une partie de la population ? Toujours la propagande. Est-ce une surprise si à chaque attaque de localité dans ces deux régions, les antennes TV et radio ont été visées en priorité ? Non, bien sûr, avec à chaque fois la reprise des émissions de Rossia 24, chaîne d’info russe permanente, aux ordres de Poutine. Qu’y trouve-t-on ? Le matraquage sur les "nazis de Kiev" (dont pas un seul n’a pourtant été aperçu sur place !), sur les lois européennes permissives en faveur de l’avortement, des gays, etc., les mensonges sur l’armée européenne "prête à fondre sur la Russie" (sic !)…

Non, décidément, en Ukraine tout ne se "joue" pas à égalité. Moscou, sans l’admettre, construit une image totalement dévoyée et mensongère de l’Ukraine, ment en permanence, insulte et rabaisse les Ukrainiens et rejoue la partition 100 fois entendue du "peuple de Stalingrad" opposé aux salopards de collabos ukrainiens.

Or, les faits sont là : pendant la dernière guerre, l’Ukraine n’a eu ni gouvernement de collaboration (vs la France et d’autres) ni armée nationale engagée aux côtés des nazis (vs l’Italie, la Hongrie, la Roumanie…). Elle a déploré 8 millions de morts et la destruction quasi intégrale de son appareil économique. Comme le faisait récemment remarquer T. Snyder, historien (à Yale, formé à Oxford) et écrivain, "pendant la guerre la Biélorussie et l’Ukraine ont vu leurs territoires intégralement occupés et dévastés par les nazis, contrairement à la Russie qui n’a eu que 5% de son territoire occupé. Il est juste de dire que la Biélorussie et l’Ukraine ont supporté un poids économique et humain incomparablement supérieur à la celui de la Russie". Je rajouterai que l’Ukraine a donné 4,5 millions de combattants à l’Armée rouge (1,5 millions de morts) et que l’Ukraine occupe le 4ème rang des Justes parmi les Nations au Mémorial de Yad Vashem.

Les cas de collaboration économique ou militaire (par exemple une Division SS de 11.800 combattants ukrainiens, la Divison Galizien "Freiwillingen" i.-e. encadrée par des officiers SS mais avec des volontaires dits "libres" donc n’ayant pas subi de formation nazie (puisque les Slaves, même engagés aux côtés de nazis , étaient quand même considérés comme des Untermenschen) restent au regard de ce bilan minoritaires et ne doivent pas faire oublier non plus que les Ukrainiens ont été massivement déportés dans les camps allemands ou ont servi d’esclaves économiques dans les usines allemandes – pour les hommes – et de domestiques dans les familles germaniques – pour les femmes. Pour avoir résisté aux nazis, près de 250 villages ukrainiens ont été pillés et incendiés comme Oradour sur Glane (imagine le traumatisme) et il est donc injuste et insupportable que Moscou puisse encore de nos jours balancer cette propagande insultante sur les ondes, tout cela pour justifier son invasion et sa tentative de destruction de l’Ukraine.

Pour avoir travaillé sur les génocides, j’y vois là clairement les prémices d’une préparation insidieuse d’une population à passer aux actes contre une autre population, sur la base d’une propagande visant à désinhiber son instinct de destruction en déshumanisant "l’autre", celui qu’on souhaite désigner comme l’ennemi. La phase suivante, c’est l’ethnocide.

Nous parlions de Bandéra hier et des "bandérivtsis", ses partisans, qui servent encore aujourd’hui d’épouvantail. Bandéra a profité de l’entrée des Allemands en URSS en juin 1941 pour déclarer l’indépendance de l’Ukraine. Il était clair à ses yeux que l’Allemagne et la Russie allaient se livrer un combat pour la possession de l’Ukraine et que seule l’indépendance pourrait garantir sa survie à cette dernière. Les Allemands étaient bien entendu contre, ils l’ont déporté (ses deux frères sont d’ailleurs morts à Auschwitz) et, au fur et à mesure du développement du conflit, ont pourchassé les membres de l’UPA au même titre que les partisans, les commissaires politiques et les Juifs. Les archives montrent clairement que chaque camp - nazis et soviétiques – accusait Bandéra de servir l’autre. Il combattait clairement l’un et l’autre, notamment parce que le NKVD avait en 2 ans d’occupation de la zone polonaise sous son administration – la Galicie actuelle – tué ou déporté près de deux millions de personnes !

Ce combat contre le NKVD, c’est précisément ce que n’arrive d’ailleurs pas à digérer une partie des Russes encore aujourd’hui, parce que depuis la fin des hostilités on leur a dit et répété qu’ils étaient le peuple vainqueur des nazis (cf. le discours de Staline sur ce sujet, le 9 mai 1945), occultant de ce fait la participation des autres nationalités soviétiques au combat (le fait, par exemple, que ce soit le 1er Front ukrainien qui ait libéré Auschwitz) et laissant la place à la propagande haineuse de Staline qui souhaitait après-guerre justifier les persécutions et les déportations contre les Caucasiens, les Baltes, les Ukrainiens… Et tout en oubliant de parler des deux divisions SS russes, des 100.000 Vlassovtsis et des volontaires cosaques (dont les descendants sont venus combattre les "nazis" en Crimée !). Ne parlons pas de l’antisémitisme viscéral de Staline…

D’ailleurs, puisque les accusations d’antisémitisme semblent s’essouffler (grâce au Congrès juif mondial et aux origines juives de certains membres du gouvernement de Kiev) un nouveau slogan est apparu récemment dans les manifestations des "pro-russes" : la lutte contre le "judéo-fascisme" de Kiev ! Eh oui, cela ne s’invente pas ! En attendant, Poutine a ouvert la boîte de Pandore et ne sait manifestement plus comment la refermer. La dissidente dont je te parlais hier – V. Novodvorskaya – a fait le compte et dénombré pas moins de 53 organisations extrémistes ou fascistes en Russie – 53 contre 4 en Ukraine. Ces organisations sont toutes sorties du bois à l’occasion des récents événements et le moins qu’on puisse dire, c’est que Poutine ne fait rien pour les dissuader d’agir en Ukraine, bien au contraire. D’où l’apparition de ce climat délétère et haineux à l’est.

L’Ukraine semble être devenue aux yeux de Poutine un laboratoire grandeur nature de sa future expansion. Les termes de "Nova Rossia" à propos de l’est et du sud de l’Ukraine ne sont pas du tout innocents. Impossible à croire ? Qui aurait parié sur une annexion de la Crimée en début d’année ? Un sondage de mai 2013 y donnait seulement 23% d’opinions favorables à un rattachement à la Russie, ce qui corrobore certaines évaluations – y compris d’instituts russes – faisant état d’une participation de 30% au référendum de mars dernier, avec 50% de réponses en faveur du rattachement immédiat… Imagine, 15% de Criméens se sont réellement prononcés en faveur de Moscou (je sais, ça te choque !).

Voilà où nous en sommes. Il y a une guerre de propagande, certes, mais Moscou mène clairement le match du mensonge et de la bêtise, et il y a une opposition USA/Russie, mais l’Ukraine a commencé à vouloir s’éloigner de la Russie il y a de cela 3 siècles. La dernière bataille – perdue – pour son indépendance a été menée en 1709, à Poltava, avec l’appui de l’armée suédoise de Charles XII. Depuis, l’Ukraine n’a connu que destructions, servage, déportations… l’interdiction de sa langue en 1876, la destruction de son patrimoine culturel, de ses élites intellectuelles, de ses Eglises, la Révolution meurtrière de 1917, des famines, un génocide, le goulag, les hôpitaux psychiatriques… c’est beaucoup trop et c’est la raison pour laquelle dire que l’Ukraine est actuellement "un simple" enjeu entre les USA et la Russie, que la Russie a des prétentions "légitimes" sur l’Ukraine et que, de ce fait, l’Ukraine ne doit choisir ni l’un ni l’autre et rester dans une sorte de consensus mou, correspond à une vision tronquée.

L’Ukraine veut choisir son destin depuis des siècles, possède une histoire très ancienne et une conscience nationale éprouvée par des décennies de catastrophes, qui justifient aujourd’hui sa volonté de s’affranchir de Moscou. Il n’est pas normal qu’une poignée (au regard de 48 millions de personnes) de personnes armées, dirigées depuis l’extérieur et répandant une propagande destructrice, s’apprête à décider du destin de régions entières et à éventuellement entraîner la destruction d’une nation entière pour servir les ambitions coloniales d’un Poutine, ultime avatar de Staline. On est clairement en ce moment, à l’est de l’Ukraine, dans un scénario identique à la formation de l’URSS où, systématiquement, des troubles avaient été organisés par une minorité pour justifier l’intervention de l’Armée rouge et l’intégration de force de telle ou telle nation dans l’Union.

C’est de cela dont il faudra parler lors de vos réunions et j’admets que, vu le contexte, vu les positions actuelles de la Russie sur lesquelles Poutine pourra difficilement revenir, la partie semble EXTREMEMENT MAL ENGAGEE.

Il ne faut pas oublier que, en toile de fond, l’entourage de Poutine a lancé une intense campagne de séduction en direction de toutes les droites et gauches radicales d’Europe (qui étaient les seuls partis représentés en Crimée), que les partisans de la Manif Pour Tous lorgnent de plus en plus vers Poutine en sa qualité de dernier représentant (à leurs yeux) d’une Europe vraiment chrétienne et respectueuse de la famille. On touche du doigt un certain messianisme et tout le monde devrait s’en souvenir lors des prochaines européennes… »

Mykola Cuzin (président du comité Ukraine 33 et du Comité pour la défense de la démocratie en Ukraine)

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12:58 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : mykola cuzin, ukraine, désinformation, mensonges, russie, vladimir poutine, incendie, odessa, aymeric chauprade, crimée, référendum, donetsk, lougansk, pro-russes, terroristes, kidnappings, tortures, exécutions, mercenaires, deuxième guerre mondiale, stepan bandera, staline, nkvd, indépendance, ethnocide |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |