Les médias voient des néo-nazis partout... (11/10/2014)

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... sauf là où ils sont (ici, l'emblème de l'Unité Nationale Russe d'Alexandre Barkachov, sur le fameux ruban de l'Ordre de Saint Georges galvaudé par les terroristes néo-bolchéviques en Ukraine)

 

Courrier envoyé récemment par Mykola Cuzin à Céline Lussato, journaliste au Nouvel Observateur et auteur d'un article parlant de la « complicité » entre le gouvernement ukrainien et les « néo-nazis » du bataillon Azov.

Madame,

Le titre volontiers « ronflant » de l’article mérite que l’on s’y attarde pour plus d’une raison : à la fin de l’article, après vous avoir lue, on en conclut que ce bataillon est composé de gens ayant des opinions et des orientations très différentes mais désirant tous défendre l’intégrité de l’Ukraine. En-dehors des thèses exposées par M. Biletsky, vous n’avez manifestement rien noté de particulier accréditant la thèse selon laquelle ce bataillon est « néo-nazi ».

Les mouvements d’extrême-droite (principalement Svoboda et Pravyi Sektor) ont a peine obtenu 3% des suffrages lors des dernières présidentielles. L’extrême-droite est et restera un épiphénomène en Ukraine. On en peut pas en dire autant de la France où Marine Le Pen a le vent en poupe en ce moment et en Russie où le Parti Libéral Démocrate (le mal nommé) pèse régulièrement plus de 20% dans les urnes.

Vous n’ignorez pas, je suppose, qu’en Russie le sinistre Jirinovski a pignon sur rue et que l’un des conseillers de Poutine n’est autre qu’A. Douguine, l’un de ceux qui, en 2008, avaient demandé à la Douma d’interdire les activités des organisations (associations, clubs…) juives en Russie.

La très regrettée dissidente moscovite V. Novodvorskaïa s’étonnait à juste titre en février dernier de l’insistance avec laquelle Poutine clamait haut en fort, dans le monde entier, que l’Ukraine était dirigée par une junte d’inspiration nazie (étant entendu que plusieurs membres du nouveau gouvernement étaient et sont encore d’origine juive) alors que dans le même temps, la Russie comptait près de 53 organisations d’extrême-droite ou néo-nazies… Fait qui n’a jamais donné lieu à un quelconque article, à ma connaissance, dans les journaux français.

Pour en revenir au bataillon Azov, je note que vous écrivez : « On l’accuse de compter dans ses rangs… », ce qui constitue une assertion et non pas une preuve.

Encore une fois, au-delà du choix très discutable de l’emblème du bataillon (un Wolfsangel inversé et plus étiré, il y a une ressemblance c’est indéniable, mais s’il y avait eu volonté de s’identifier à la SS, il aurait été plus rapide et simple de reprendre l’emblème à l’identique…), on ne peut pas dire que « les néo-nazis sont au service de Kiev » sur la base des déclarations d’un officier de ce bataillon, pas plus qu’on ne pourrait prétendre que l’extrême-droite française était au service de la résistance française tout simplement parce que parmi les résistants de la première heure se trouvaient des gens issus de mouvements comme la Cagoule ou l’Action française…

Dans les deux cas, la conjonction des intérêts se fait a minima, sur la défense du territoire national. Un peu plus loin, vous expliquez d’ailleurs très bien que Yaroch ne se sent absolument pas tenu à quoi que ce soit vis-à-vis de Kiev. Vous avez fait l’effort de vous rendre sur le terrain et de rencontrer les gens, ce qui est déjà très bien par rapport à beaucoup de « reporters ». Mais je trouve que vous faites des raccourcis et le titre de votre article amène à une conclusion directe que ne permet pourtant pas le texte qui suit...

Le Donbass est une région où le génocide perpétré par Staline en 1932-33 a fait le plus grand nombre de victimes (8 millions de morts en tout).

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Source : Atlas des peuples d'Europe Centrale, Ed. de La Découverte (merci à @Alp Seringen)

 

Le fait de vouloir faire en sorte que cette région reste ukrainienne ne ressort absolument pas au racisme ou au nationalisme. Il s’agit tout simplement du droit des peuples à résister aux invasions.

Vous seriez surprise de savoir que le russe est la langue la plus couramment utilisée dans les bataillons à l’est. On parle donc ici de citoyenneté, pas de nationalité ou de race… Par ailleurs, nombreux sont les Russes résidant en Ukraine qui se battent du côté de Kiev, pour défendre leur pays d’accueil, notamment au sein du bataillon Donbass.

En choisissant ce sujet, vous avancez en terrain miné (je le pratique moi-même depuis de longues années) tout simplement parce que depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, les pensionnaires du Kremlin ont toujours usé et abusé des accusations d’antisémitisme et de sympathies nazies pour décrédibiliser leurs détracteurs. Cela a commencé avec les peuples du Caucase, déportés en masse à partir de 44, pour « faits de collaboration »... Les Polonais en ont fait ensuite les frais lorsqu’ils ont commencé à réclamer la vérité sur Katyn.

Dans l’avant-dernier numéro de Courrier international, un auteur russe de SF – Dimitri Gloukhovski – décrit très précisément le mécanisme de propagande implacable et industrialisée mis en place par Poutine pour emporter l’adhésion de la majorité des Russes en faveur d’une annexion puis d’une guerre en Ukraine devenues tout à coup légitimes parce que les Ukrainiens « seraient tous des nazis... »

Pendant ce temps, Marine Le Pen et toutes les droites « extrêmes » d’Europe et du monde défilent à Moscou pour faire allégeance au Tsar Poutine. La semaine dernière, c’est un cortège d’une quinzaine de députés (UMP, UDI...) accompagnés du porte-parole du FN, qui s’est rendu à Moscou...

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23:11 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : ukraine, russie, mykola cuzin, médias, néo-nazis, bataillon azov, andriy biletsky, dmytro yaroch, svoboda, pravyi sektor, unité nationale russe, alexandre barkachov, vladimir jirinovski, parti libéral démocrate, valéria novodvorskaïa, dimitri gloukhovski, marine le pen, fn |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |