La finance folle, ça continue, surtout aux Etats-Unis (12/01/2014)

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J'ai souvent évoqué, sur ce blog, la bulle des produits dérivés financiers. Par exemple, dans ce billet de juillet 2011 et dernièrement, en reprenant une vidéo de l'excellent Philippe Béchade.

Tout en ne se fondant que sur les chiffres officiels, la presse mainstream nous signale que cette bulle n'a nullement dégonflé, même s'il faut relativiser les montants notionnels presque toujours repris sans la moindre précision quant à leur sens et donc, quant à l'ampleur réelle des risques qu'ils représentent.

Néanmoins, ces risques sont énormes : « C’est surtout un marché devenu monstrueux : au premier semestre 2013, il représentait 693.000 milliards de dollars, soit dix fois le PIB mondial, contre "seulement" trois fois le PIB mondial il y a quinze ans au moment du renflouement de LTCM (septembre 1998) qui avait déjà failli mettre à terre la finance internationale via les dérivés. (...) Le problème, c’est que seul 10% du marché des dérivés sert au besoin légitime d’assurance des entreprises, le reste étant de la spéculation de la part de certains établissements financiers (banques et hedge funds essentiellement) sous couvert de la garantie implicite des Etats pour les banques trop grosses pour faire faillite (les fameuses "too big to fail", ou encore 2B2F). Non seulement ces établissements s’échangent des dérivés en-dehors de tout "fait assurable" mais ils ne sont même pas soumis aux mêmes règles que les assureurs, notamment en matière de constitution de réserves techniques d’assurance » (dixit Christophe Nijdam, auteur pour le compte du Cabinet AlphaValue d'une étude intitulée « Produits dérivés : quelles banques sont des Fukushima en puissance ? », parue le 17 décembre dernier).

Autant dire que comme ces produits s'échangent massivement sur les marchés financiers du monde entier, « la plupart (...) de gré à gré, c'est-à-dire d'un établissement à l'autre, sans règle de sécurité et dans l'opacité totale » (association Finance Watch, citée par Le Monde), si bien que personne ne sait réellement qui détient quoi et en quelles quantités, le danger est que la faillite d'une seule banque « 2B2F » entraînerait, par effet domino, la chute d'un certain nombre d'autres, voire plus probablement de toutes les autres.

Et nos bons médias de crier haro sur l'Europe, avec des illustrations justifiées et terrifiantes, comme celle-ci :

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Ce qu'on ne nous dit pas, en revanche, c'est, d'abord, que comme le prédisait Béchade pour 2014 en parlant des chiffres officiels, la bulle ne représente d'ores et déjà pas 693.000 milliards de dollars mais en réalité, selon les estimations des spécialistes citées par Time Magazine en mars 2013, environ 1.000.000 milliards (oui, un million de milliards).

Mais encore, ce qu'on nous tait, c'est qu'aux Etats-Unis, l'exposition officielle des banques aux produits dérivés s'élève, selon le rapport de l'Office of the Comptroller of the Currency (OCC) pour le troisième trimestre 2013, à 240.000 milliards de dollars (presque 309.000 milliards si on ajoute les détenteurs non banquiers : compagnies d'assurances, grandes entreprises non financières...).

Bravo. Pour un pays qui ne représente qu'un peu plus de 22 % du PIB mondial selon la CIA elle-même (moins, selon la Banque Mondiale) et alors que ce poids est en baisse constante, détenir officiellement près de la moitié des produits dérivés connus dans le monde, ce doit être un signe de sacrément bonne santé, non ? Non ?! Ah bon.

Je vous laisse imaginer quelle peut être l'exposition réelle de la finance américaine et anglo-saxonne en général (c'est un tout, quand on connaît un peu les liens entre Wall Street et la City), via les produits dérivés non officiellement recensés. Les pratiques financières et comptables des anglo-saxons sont traditionnellement opaques et « créatives », comme ils disent...

L'effondrement, lui, ne manquera certainement pas de créativité non plus. Demandez à Dimitri Orlov.

21:25 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : etats-unis, finance folle, spéculation, produits dérivés, opacité, risques |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |