Ignorer la Presse-Pravda (30/01/2012)

 

 

En complément, cet article de Robert Fisk dans The Independent :

« Revenir sur des histoires passées est une des tâches les plus difficiles dans le journalisme - et particulièrement dans le cas de l’Iran.

L’Iran, la sombre menace islamiste révolutionnaire... L’Iran chiite, protecteur et manipulateur de la Terreur mondiale, de la Syrie et du Liban, et du Hamas, et du Hezbollah... Ahmadinejad, le Calife fou... Et, bien sûr, l’Iran nucléaire, se préparant à détruire Israël dans un nuage de champignon atomique fait de haine antisémite, prêt à fermer le détroit d’Ormuz au moment où les forces de l’Occident (ou d’Israël) l’attaqueront...

Étant donné la nature du régime théocratique, la répression hautement condamnable contre ses adversaires après les élections de 2009 [...] toute tentative d’injecter du sens commun dans l’histoire doit être précédée d’une formule protectrice : non, bien sûr l’Iran n’est pas un endroit agréable. Mais...

Prenons la version israélienne qui - malgré les preuves à foison que les services de renseignement d’Israël sont à peu près aussi efficaces que ceux de la Syrie - continue à être claironnée par ses amis en Occident dont aucun n’est plus servile que les journalistes des médias occidentaux. Le président israélien nous avertit aujourd’hui que l’Iran est sur le point de produire une arme nucléaire. Le ciel nous en préserve. Pourtant, nous journalistes, évitons de mentionner que Shimon Peres, le Premier ministre israélien, a dit exactement la même chose en 1996. C’était il y a de cela 16 ans... Et évitons de rappeler que le Premier ministre israélien actuel, Benjamin Netanyahu, avait déclaré en 1992 que l’Iran aurait la bombe nucléaire d’ici 1999. C’était il y a 13 ans. Toujours la même vieille histoire.

En fait, nous ne savons pas si l’Iran est vraiment en train de mettre au point une arme nucléaire. Et après l’affaire irakienne, il est étonnant que ces vieux détails sur des armes des destruction massive surgissent à la même fréquence que toutes ces balivernes sur l’arsenal titanesque de Saddam Hussein.

Quand tout cela a-t-il commencé ? Le Shah. Ce type a voulu l’énergie nucléaire. Il a même dit qu’il voulait une bombe parce que « les Etats-Unis et l’Union soviétique avait des bombes nucléaires » et personne ne s’y est opposé. Les Européens n’avaient qu’une envie, c’était de se précipiter pour approvisionner le dictateur. C’est Siemens - pas la Russie - qui a construit la centrale nucléaire de Bushehr.

Et quand l’ayatollah Khomeiny, « Fléau de l’Occident », apôtre de la révolution chiite, etc., a pris le pouvoir en Iran en 1979, il a ordonné que la totalité du projet nucléaire soit arrêtée parce qu’elle était « l’œuvre du diable ». Ce n’est que lorsque Saddam a envahi l’Iran - avec nos encouragements occidentaux - et a commencé à utiliser des gaz toxiques contre les Iraniens (des composants chimiques en provenance d’Occident, bien sûr), que Khomeiny s’est laissé persuader de rouvrir ce programme.

Tout cela a été supprimé de l’Histoire, au profit de la version : ce sont les mollahs enturbannés de noir qui ont démarré le projet nucléaire, avec les Ahmadinejad fous. Et Israël pourrait avoir à détruire cette arme de terreur pour assurer sa propre survie, pour assurer la survie de l’Occident, de la démocratie, etc., etc.

Pour les Palestiniens de Cisjordanie, Israël est le violent, le colonisateur, la puissance occupante. Mais du moment que l’on mentionne l’Iran, cette puissance coloniale se trouve transformée en un Etat minuscule, vulnérable et paisible sous une menace imminente d’extinction. Ahmadinejad - là encore, je cite Netanyahou - est plus dangereux que Hitler. Mais les propres têtes nucléaires israéliennes - que trop réelles, et estimées maintenant à près de 300 - disparaissent du scénario. Les Gardiens de la Révolution d’Iran sont en train d’aider le régime syrien à détruire ses adversaires. Ils aimeraient bien, mais il n’y a aucune preuve de cela...

Le problème est que l’Iran a gagné presque toutes ses guerres récentes sans coup férir. George W. et Tony ont détruit les ennemis de l’Iran en Irak. Ils ont tué des milliers de soldats de l’armée sunnite irakienne que l’Iran lui-même avait toujours dénommés « les Talibans noirs ». Et les Arabes du Golfe, nos amis dits « modérés », tremblent de peur dans leurs mosquées en or alors que nous, en Occident, confortons leur crainte en la possibilité d’une révolution iranienne chiite.

Pas étonnant que Cameron aille vendre des armes à ces gens ridicules dont les armées, la plupart du temps, ne sauraient guère faire fonctionner des soupes populaires, sans parler des milliards de dollars d’engins sophistiqués que nous leur refilons à l’ombre de leur crainte de Téhéran.

Allez-y avec les sanctions. Faites entrer les clowns. »

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En ce qui concerne le bellicisme anti-iranien, il semble qu'il suscite désormais une forte oposition à Washington même :

« (...) Les “bruits de botte” divers, et de plus en plus souvent menaçants et surréalistes à la fois, qui caractérisent la crise du côté du bloc BAO [Bloc Américaniste Occidentaliste], suscitent désormais une opposition sérieuse dans l’establishment washingtonien. La chose est partie de l’article de Leslie Gelb (voir le 19 janvier 2012). Elle s’est remarquablement amplifiée ces dix derniers jours jusqu’à atteindre l'allure d’une tendance fondamentale qui pèse lourd, désormais, à côté du réflexe-Système de la guerre à tout prix et en dépit de tout. (...) »

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23:47 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : médias, etats-unis, guerre, armes de destruction massive, irak, iran, guerres mondiales, désinformation, fabrication d'événements, paul craig roberts, james corbett, robert fisk |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |