Le sécessionnisme monte aux Etats-Unis (23/10/2013)

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J'ai découvert la version américaine de l'article qui suit, daté du 9 octobre 2013, via l'excellent site dedefensa.org. Trouvant ce texte intéressant en raison des faits qu'il relate (plutôt que de la sensibilité idéologique et politique de son auteur, que je ne partage pas davantage que celle qu'il critique), je l'ai traduit.

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Lundi [7 octobre - ndt], le New York Times a rapporté que onze comtés du Colorado tentent de se libérer de l'autorité de leur État. Bien sûr, des hommes comme le gouverneur du Texas, Rick Perry, sont allés plus loin et ont menacé de sécession le gouvernement fédéral. Il n'est pas beaucoup remarqué que des parties du pays agissent comme si elles s'étaient déjà séparées de l'Union. Elles ne reconnaissent pas les lois et les décisions de la Cour suprême, ou les garanties constitutionnelles de la liberté d'expression. Par exemple, dix-sept États ont violé le Premier Amendement en empêchant ou en entravant le travail des « navigateurs » - organismes et entreprises financés par le gouvernement fédéral pour éduquer le public aux moyens de suivre les règles de l'Affordable Care Act. Certains groupes tentent régulièrement d'empêcher les centres de santé de conseiller les femmes sur le droit à la contraception. Cette année, huit législatures étatiques ont promulgué des restrictions à la liberté du droit de vote susceptibles de violer le Quatorzième Amendement, et des mesures similaires sont en suspens dans d'autres États.

Les gens qui sont derrière ces efforts imitent ce que faisaient les États confédérés avant même de faire officiellement sécession en 1861. Ceux-ci avaient déjà organisé un gouvernement parallèle, dans lequel les lois du gouvernement national étaient méprisées de façon flagrante. Ils déniaient aux abolitionnistes le droit d'exprimer leurs arguments, tuant ou expulsant plus de trois cents d'entre eux dans les années précédant la guerre civile. Ils confisquaient ou détruisaient les tracts abolitionnistes envoyés aux États du Sud par la poste fédérale. Au Congrès des États-Unis, ils avaient institué des « gag rules » [règles interdisant la présentation et/ou l'étude de certains sujets - ndt] qui écartaient automatiquement (excluaient de la discussion) les pétitions anti-esclavagistes, en violation flagrante du droit de pétition édicté par le Premier Amendement.

Les États du Sud étaient capables de vivre ouvertement dans un tel mépris de la législation nationale, pour deux raisons. Tout d'abord, ces États étaient sur-représentés au Congrès, parce qu'ils avaient obtenu trois voix supplémentaires par siège à la Chambre des représentants pour chaque lot de cinq esclaves possédés dans l'État - leur donnant 98 sièges au lieu de 73 en 1833, et des marges similaires jusqu'à la guerre. Deuxièmement, le Parti démocrate-républicain national avait tant besoin de la partie sud de sa coalition, qu'il était de connivence avec les violations de la Constitution commises par les États du Sud. En 1835, par exemple, le président Andrew Jackson ne fit pas respecter le caractère sacré de la poste américaine, permettant à des États de refuser de délivrer des envois anti-esclavagistes, jusqu'à ce qu'un destinataire eût révélé son identité, demandé la livraison et vu son nom publié pour diffamation.

Tout comme le Vieux Sud contraignit le parti national à abriter son extrémisme, les dirigeants actuels du Tea Party obligent les Républicains à se conformer à leur ligne. La plupart des Républicains ne pensent pas que les lois sont invalides parce que le président est un musulman né à l'étranger, qui a un programme socialiste. Mais ils ne renient pas, ni même ne critiquent, leurs partenaires qui pensent cela. Le rare Républicain qui ose critiquer un Rush Limbaugh est rapidement conduit à se repentir et à s'excuser. John Boehner tient la nation en otage [allusion au récent shutdown - ndt] parce que le Tea Party le tient en otage. Le problème avec les Républicains modernes n'est pas le fanatisme de quelques-uns, mais la lâcheté de la plupart, qui laissent les premiers vivre dans une sécession virtuelle par rapport aux lois qu'ils désapprouvent.

Les dirigeants républicains au Congrès sont trop froussards pour dire que les restrictions à la liberté du droit de vote adoptées par les législatures d'États contrôlées par les Républicains ont des motivations raciales. Ils acceptent le mensonge flagrant selon lequel elles ne sont destinées qu'à remédier à une inexistante « fraude ». Ils ne vont pas transgresser le code selon lequel leurs partenaires prétendent s'opposer à Obama parce qu'il est un « musulman né à l'étranger », alors qu'en réalité ils veulent dire « un Noir ». Ils ne vont pas admettre que les nombreuses lois procédurales adoptées pour empêcher l'avortement violent la loi telle que définie par la Cour Suprême. Ils soutiennent que toutes les nouvelles règles sont édictées « pour la santé des femmes ». De facto, des actes de sécession se voient donner une couverture pseudo-légale.

Ainsi, nous avons des gens qui disent qu'ils ne veulent pas que le gouvernement se mêle de contrôler la santé des femmes dans le cadre de l'Obamacare - juste après qu'ils aient ordonné aux médecins de donner aux femmes des sondes vaginales que les médecins ne considèrent pas comme médicalement nécessaires. Ou qu'ils ne veulent pas que le gouvernement dise aux Américains ce qu'ils doivent faire au sujet de leur santé - juste avant qu'ils n'interdisent aux « navigateurs » de seulement discuter avec eux des choix concernant leur santé. Les mêmes gens qui s'opposent à la vérification des antécédents pour les achats d'armes à feu, veulent maintenant des vérifications d'antécédents pour tous ceux que le gouvernement autorise à expliquer la loi au public. C'est une « gag rule » à classer avec les interdictions d'avant-guerre quant à la discussion de l'esclavage.

Nous avons donc un critère qui ressemble au sécessionnisme virtuel d'avant la guerre de Sécession : la tenue en otage de tout un parti par ses membres les plus extrêmes. Nous avons également l'autre critère de cette avant-guerre : la représentation disproportionnée de la faction extrême. État après État lors de l'élection de 2012, il y a eu un grand vote pour le président Obama, mais une majorité de sièges à la Chambre sont allés aux Républicains. En Pennsylvanie, par exemple, Obama a remporté 52 pour cent des suffrages exprimés, mais les Républicains ont obtenu deux fois plus de sièges (13 à 5), grâce à un redécoupage soigneusement planifié des circonscriptions par les législatures républicaines. Cet avantage sera gravé dans le marbre, si toutes les lois de restriction à la liberté du droit de vote désormais promues empêchent l'expression d'électeurs qui pourraient contrarier la disproportion.

L'esprit qui préside à ce néo-sécessionnisme est une résistance à la règle de la majorité. Nous voyons cela au Sénat, où la majorité démocrate a été mise en échec à chaque vote par le recours automatique à l'obstruction parlementaire. Nous le voyons dans la tentative d'abroger le Dix-septième Amendement, qui permet à une majorité d'électeurs de choisir les sénateurs d'un État. Les abrogationnistes veulent que ce choix revienne aux législatures d'État, où ils règnent grâce au redécoupage électoral anti-majorité.

Le Vieux Sud ne passa de la sécession virtuelle à la sécession effective, que lorsque l'addition d'États non-esclavagistes de l'Ouest menaça son emprise disproportionnée sur le Congrès et la Cour (qui avait été sudiste dans le maquillage, lorsqu'elle se prononça dans l'affaire Dred Scott). Il est difficile de conjecturer ce qui se passera si les modernes sécessionnistes virtuels ne parviennent pas à leurs fins. Leur rhétorique anti-gouvernement atteint une nouvelle intensité. Certains préféreraient clairement la ruine [allusion au récent shutdown - ndt] plutôt que d'être gouvernés par un « musulman né à l'étranger ». Que feront, dans ce cas, les Républicains qui ne sont pas des fanatiques, mais juste des lâches ?

Source

Sur le pedigree et la crédibilité de Garry Wills, auteur de ce texte, lire ici Philippe Grasset.

Traduction libre réalisée par mes soins. Reproduction autorisée et encouragée, sous réserve de citer mon blog en source.

23:37 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : etats-unis, sécessionnisme, sécession, tea party, républicains, obamacare, avortement, barack obama, guerre de sécession, garry wills |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |