Fuite en avant financière : le tournant (10/09/2012)

Ça y est, c'est parti. Les bruits qui couraient étaient fondés.

L'homme-clef de l'hyperclasse financière anglo-saxonne en Europe continentale, Mario Draghi, ancien vice-président pour l'Europe de Goldman Sachs et actuel président de la Banque Centrale Européenne, a annoncé que la BCE allait lâcher les chevaux.


 

(Quelles andouilles ces journalistes, surtout sur BFM...)

 

Je n'ai jamais fait mystère de ma conviction, d'ailleurs peu originale, que la haute finance allait poursuivre sa fuite en avant dans l'endettement et la création monétaire, pour éviter l'effondrement ou au moins, le retarder le plus possible. Les faits le confirment de plus en plus.

A l'instar de la Fed sur laquelle elle s'aligne autant que possible, malgré ses différences statutaire et opérationnelle fondamentales, la BCE va désormais (pouvoir) acheter sur le marché secondaire (c'est-à-dire, à des conditions moins avantageuses que la Fed qui, elle, peut opérer directement), DE MANIERE ILLIMITEE, des titres de dette publique émis par les pays de la zone euro. Dette des pays en difficulté, bien sûr.

Vous me direz peut-être, que l'intervention de la BCE, officiellement destinée à rassurer les marchés et à décourager la spéculation en garantissant les emprunts publics pour en faire baisser les taux, sera conditionnée à un recours préalable des pays concernés au FESF, puis au MES. Elle devrait donc rester limitée.

Vous me direz peut-être, que cette intervention ne reviendra pas à faire fonctionner, de manière déguisée, la planche à billets, puisque les achats de titres devront être stérilisés (compensés par des liquidités prélevées... par la vente d'autres dettes, ou sur le FESF ou le MES, et donc sur les contribuables). Elle ne devrait donc pas provoquer, par inflation, une dévaluation de l'euro.

Vous me direz peut-être, que la solidarité européenne, c'est bien, c'est beau, c'est nécessaire et c'est la logique de ton blog, mon gars, puisque tu nous bassines avec ton européanisme confédéral, avec ta troisième voie économique anti-libérale et solidariste, ta monnaie commune comme contre-projet à la monnaie unique, etc. ; alors, qu'est-ce que tu viens critiquer la BCE qui incarne tout ça à travers cette mesure ?

Eh bien, à mon avis, si vous me disiez tout ça, vous auriez raison, mais juste un peu. Juste en surface, et pas longtemps.

D'abord, OK, dans un premier temps on peut imaginer que les interventions de la BCE restent limitées. Mais qui peut encore croire un instant qu'avec l'aggravation de la crise, des secours plus importants, de plus en plus importants, ne deviendront pas nécessaires à terme ?

Ensuite, OK, il n'y aura pas de planche à billets. Mais là encore, pendant combien de temps cela restera-t-il possible ? Combien de temps les mécanismes de secours (FESF puis MES) suffiront-ils ?  Rappelons qu'ils sont limités en puissance, à respectivement 440 et 60 milliards d'euros. Même si on leur ajoute le budget spécifique du FMI, soit 250 milliards, on arrive à 750 milliards au total, somme ridicule qui n'équivaut même pas au montant des dettes de la Société Générale. Et après, on fait quoi ?

Enfin, OK, je suis européaniste, mais contre la forme actuelle de l'Europe politique et économique.

Et je maintiens qu'à terme, le but de l'hyperclasse financière cornaquée par Goldman Sachs et ses épigones est que les membres de l'Eurosystème acceptent un changement de statut de la BCE, pour permettre la monétisation des dettes (ce qui, sous un gouvernement protectionniste et souverainiste européen, serait une aussi bonne chose que c'en serait, a contrario, une mauvaise sous la domination du gang d'usuriers qui tente de contrôler le destin actuel de notre monnaie, via des technocrates et des politiciens stupides et apeurés).

Tout est bon, à leurs yeux, pour faire survivre leur système, qui justifie, pensent-ils, toutes les prédations, toutes les exactions. On le voit bien, à travers les cas de l'Islande et de la Grèce.

Or, comme je l'écrivais il y a un peu plus d'un an, cette monétisation des dettes, la vraie planche à billets, déjà à l'oeuvre dans l'anglosphère depuis belle lurette, me paraît constituer, pour l'hyperclasse, la seule véritable solution de fuite en avant à relativement court terme. Et que ce soit de la destruction monétaire, peu leur importe. Pourquoi les Goldman Sachs Boys à la Draghi, jugés experts par les médiocres larbins de la partitocratie, se gêneraient-ils pour exporter leur modèle ?

Je me contente de renvoyer à la fin de mon billet de l'époque et au suivant, tant je n'ai rien à y ajouter.

Ah si, juste un truc, piqué à Jovanovic.

Accrochez-vous au pinceau. Demain, on enlève le plafond.

23:59 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : fuite en avant, dette publique, achats illimités, bce, mario draghi, hyperclasse, endettement, zone euro, fed |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |