Les patriotes ukrainiens, exemple guerrier (03/03/2014)

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« Assis derrière le clavier, de nombreux camarades occidentaux ont jacassé sur les camarades Ukrainiens, les qualifiant d'agents des Américains, des banquiers, des technocrates.

Les commissaires politiques de chez nous ont invoqué la géopolitique, soudainement devenue la clé unique et absolue de tout, un peu comme la théorie de la plus-value pour les marxistes les plus inexpérimentés.

On a entendu des personnages, ceux qui s'écartaient sans s'exposer quand on nous tirait dessus, émettre des malédictions du genre : "l'extrême droite est un phénomène des agences de renseignement occidentales." (...)

Là bas, des camarades sont allés mourir. Trente, si je ne me trompe pas, dans les rangs du Praviy Sektor, (le Secteur Droit, rassemblement de plusieurs mouvements nationalistes ukrainiens comme Tryzub ou l'UNA-UNSO, ndt) et plus de quinze dans ceux du plus "modéré" Svoboda.

Mais c'est ainsi : des gens qui dans leur vie n'ont jamais été dans une bagarre ni payé une amende, crachent des jugements sentencieux sur celui qui se bat et meurt. (...)

En dehors de ces experts de la vie et de la mort (des autres) qui décident des peuples en regardant une carte sur Google Maps, il y a ceux qui se demandent en toute bonne foi : mais ne sommes-nous pas avec Poutine ?

Oui, en russophiles, non en tant que Russes, ni en tant qu'agents russes.

Nous sommes avec Poutine en tant qu'alliés potentiels et non comme des esclaves. Bien sûr, c'est un concept difficile pour certains des surhommes de chez nous qui imaginent l'avenir politique au service d'un Ivanhoé qui viendra pour lutter contre l'usurpateur. Leur plus grande ambition : être l'écuyer d'un maître car ils ne savent même pas ce que cela signifie d'être un seigneur. (...)

Traçons un résumé de ce que les camarades ukrainiens ont gagné pour l'instant.

Non seulement la libération, accordée, de toutes les personnes arrêtées lors des émeutes, mais aussi le licenciement de cinquante juges du "syndicat de la magistrature" local accusés de corruption, la grâce et la libération d'un père et de son fils condamnés (prison à perpétuité et quinze ans) pour avoir abattu le magistrat symbole de la corruption post-communiste et l'octroi à un membre du parti Svoboda du poste de procureur général de toute l'Ukraine. Pendant ce temps, la rue, dominée par le Praviy Sektor, a poussé Yulia Timochenko à la retraite anticipée en lui faisant retirer sa candidature et a clairement fait savoir que l'Ukraine n'est pas disposée à devenir une colonie américaine.

C'est toujours le Praviy Sektor qui a réussit à faire rejeter la candidature au poste de Premier ministre du champion des Américains, Vitaliy Klitchko. (...)

Malgré la poisse des révolutionnaires par procuration de chez nous, eux qui ne savent qu'insulter ceux qui se battent, peut-être parce que c'est la seule façon qu'ils ont de sublimer leur vies de supporters en fauteuil, les scénarios apocalyptiques qu'ils souhaitent ne se sont pas encore réalisés, mais persistent sous la forme d'un risque.

Ce qui se passe est avant tout dû à la division et à la marginalisation.

D'autre part, Svoboda regarde avec confiance en direction de l'Ouest, mais pas le Praviy Sektor.

Définir ce que signifie un regard confiant vers l'Ouest, dans une zone de frontière, est une autre chose. Comme il en est pour la proposition d'élargissement de l'OTAN, qui, il ya quelques années seulement, a été formulée par le même Poutine qui voulait que la Russie y participe.

Les catégories de la realpolitik sont souvent différentes de celles des "supporters" politiques.

Et, pour rester toujours dans la realpolitik, le résultat de la tragédie ukrainienne est susceptible d'aboutir à un partage convenu dans une sorte d'un nouveau petit Yalta.

Le fait est que les inconnues restent nombreuses et que les camarades ukrainiens ont un rôle à jouer non-négligeable, soit en faisant pencher la balance, soit en tant qu'agneaux sacrificiels.

Évidemment, si Svoboda et le Praviy Sektor entrent en concurrence et en conflit l'un avec l'autre, si les fonctionnaires de Svoboda s'avèrent aussi débiles que, par exemple, ceux de AN (Alleanza Nazionale, ndt), les hommes de Soros remporteront le match et le Praviy Sektor sera la dinde destinée à être sacrifiée sur l'autel de l'occidentalisation.

Si, toutefois, en apprenant la leçon de Togliatti (secrétaire communiste italien à la fin de la guerre, ndt), les camarades ukrainiens forment des cellules durables de magistrats, si les liens de sang entre les équipes restent supérieurs aux sirènes de l'arrivisme, les choses en iront autrement. Si nous étions en Italie, je ne serais pas confiant, mais nous parlons d'un peuple encore debout, avec des gens arrivés de partout pour se battre (en prenant congé régulièrement des chantiers !), des gens plus sérieux que ceux que nous avons l'habitude de rencontrer.

Ils peuvent le faire. Ils ne le feront que si ils sont eux mêmes garants de nouvelles relations économiques, énergétiques et diplomatiques avec la Russie. Relations qui sont une nécessité objective.

Ceux qui répondent que les deux côtés se haïssent et que cela constitue un barrage indépassable, n'ont pas le sens de la réalité. Les relations internationales ne se bâtissent pas uniquement sur​ la sympathie entre les partenaires ou pour une cause commune, mais sont, le plus souvent, basées sur des intérêts communs, qui ne sont communs que lorsque les deux parties contractantes sont égales, pas quand l'une d'entre elles est assujettie. Elles se créent aussi, et surtout, parmi ceux qui se haïssent.

Il n'est pas du tout inconcevable que, dans les prochains mois, il incombe précisément aux nationalistes ukrainiens de gérer les relations avec la Russie. Si , bien sûr, une guerre civile n'éclate pas avant.

La situation peut basculer ; elle ne finira pas nécessairement dans l'abîme.

Et même si elle y tombe, cela aura toujours valu la peine.

Parce que rien ne vaut autant qu'un peuple qui lutte et affirme sa dignité par l'effusion de son sang. Un peuple qui sait ce que nous avons oublié : qu'il n'y a pas de dieu qui prend les armes à la place de ceux qui prient au lieu de combattre.

Quoi qu'il arrive, même si c'est ce qu'espèrent une grande partie des envieux et porteurs de poisse, les camarades ukrainiens ont donné un exemple existentiel, un exemple guerrier.

Ils ont écrit une page d'histoire épique en faisant leurs les paroles de Nietzsche : "écris avec ton sang et tu découvriras que le sang est esprit."

Au lieu de cela, nous écrivons sur Facebook ou sur des forums.

Et nous nous permettons de juger ceux qui se battent et meurent. Nous ne valons pas mieux que Boldrini, vraiment pas mieux.

Comme des esclaves envieux, nous souhaitons des chaînes à ceux qui ont eu la force de les briser. »

Gabriele Adinolfi (merci à @Three piglets pour le tuyau)

21:06 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : gabriele adinolfi, ukraine, patriotes, svoboda, praviy sekor, secteur droit, guerriers, risque, vie, mort, russie, vladimir poutine |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |