Italie : l'establishment international contre Beppe Grillo (08/04/2013)

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Malheur à celui par qui le scandale arrive, le proverbe ne se dément pas. L'un des valets médiatiques les plus zélés du « Système » nous apprend ce matin que Goldman Sachs, dans sa grande sagesse, trouve problématique la propension du peuple italien à refuser que ses élites corrompues continuent de faire des affaires en rond :

« "Plus que Chypre, c'est le facteur Grillo qui devient le vrai problème de l'Union européenne", a estimé récemment l'économiste de Goldman Sachs, Jim O'Neill ».

Bien sûr, si le Mouvement Cinq Etoiles de Beppe Grillo refuse toute alliance avec les partis dits traditionnels (comme si la pourriture était une tradition pour faire fonctionner le pays), c'est, selon Les Echos, une erreur politique et économique lourde d'une paralysie dont il faut lui imputer toute la responsabilité.

Responsabilité, c'est bien le mot. Celui qui ne vient aux lèvres des larbins de la partitocratie que lorsque le capital de ses maîtres est en jeu. Investir dans un pays, dans un peuple, c'est nettement moins rémunérateur que de lui sucer la moëlle en externalisant la production et en diminuant les salaires, en faisant supporter par les contribuables les dettes nées de l'achat de la paix sociale et de l'immigration-invasion, tout en privatisant les profits exonérés d'impôts dans des paradis fiscaux... A part ça, la responsabilité, c'est pour les autres.

Et notre Pravda économique de nous vanter la sagesse, aussi, de Matteo Renzi, nouvelle figure de proue alternative du parti de centre-gauche intitulé sans rire, à sa création en 2007, Parti Démocrate, dont le secrétaire général Pier Luigi Bersani vient de gagner piteusement les élections législatives avec, pour toute la coalition de centre-gauche pompeusement baptisée Italie Bien Commun, moins de 30 % des voix à la Chambre et moins de 32 % au Sénat, ce qui ne lui permet pas de former un gouvernement.

A en croire Les Echos, Renzi, tronche de premier de la classe qui serait devenu présentateur du vingt heures, bref tout pour plaire aux entubeurs de masses laborieuses, et qui vient de s'insurger vertueusement contre la prétention du M5S à appeler un chat un chat, incarnerait l'alternative politique souhaitable pour l'Italie, passant bien sûr par un gouvernement d'union nationale sous forme de compromis avec la coalition de centre-droite (c'est fou comme l'union nationale est une belle expression pour cocufier les nations, vous ne trouvez pas ?).

Renzi, dont le canard échotier oublie naturellement de nous rappeler qu'il est mouillé dans un scandale de favoritisme à l'emploi remontant à l'époque de sa présidence de région en Toscane, pour lequel il a été condamné en première instance, même si, faute de preuves suffisantes, sa condamnation a été ridiculement faible. Encore un modèle de probité politique digne de notre confiance, croyez-en la presse bien-pensante.

Quant à la contestation anti-systémique exprimée par un quart des électeurs il y a un mois et demi, elle est balayée d'un revers de plume :

« L'impression se fait jour, toutefois, que le capital de sympathie dont bénéficiait le M5S, au lendemain du vote du 25 février, commence à s'effriter. Hormis les soutiens atypiques du patron de Luxottica, Leonardo Del Vecchio, et du président d'UniCredit, Giuseppe Vita, le fondateur du M5S est loin d'avoir fait une percée dans les milieux économiques italiens. »

Oyez, bonnes gens, « L'impression se fait jour » ! C'est-y pas une formulation digne des Echos, ça ? Toute la précision de l'in-for-ma-tion délivrée par un journal-de-référence ! Et notez bien, quoi que vous en pensiez vous-mêmes, hein, bande de gueux d'électeurs lambda, que si le M5S n'a pas « fait une percée dans les milieux économiques », c'est qu'il est foutu ! On vous le dit entre les lignes, mais c'est bien comme ça que ça fonctionne et qu'il faut le comprendre, tenez-vous le pour dit. C'est qui les puissants, non mais des fois ? Faudrait voir à vous le rappeler, quand même ! Le journaliste est aux ordres et pas vous, mais vous perdrez parce que vous n'êtes que de la valetaille, vous le populo, c'est pigé ?

Bref, « ils » ont bien l'intention de continuer à fonctionner comme avant, de rattraper le coup du vote-qui-dérange. La partitocratie est une machine a éliminer la démocratie, souvenez-vous de la quinzaine de la haine et du vote parlementaire du Traité de Lisbonne annulant le résultat du référendum de 2005. S'il faut, pour arriver au résultat voulu, discréditer Beppe Grillo en Italie, pas de problème, on y travaille :

« Beppe Grillo n'a pas vraiment levé le voile sur ses propositions économiques et sociales concrètes. Malgré sa promesse d'un plan de relance "immédiat" pour les PME, tout laisse penser que le flou entretenu sur son programme (revenu de citoyenneté, référendum sur l'euro, taxe sur les riches…) - en partie seulement inspiré du "Prix de l'inégalité", de l'économiste américain Joseph Stiglitz - vise surtout à ratisser large en cas de retour aux urnes. »

Sauf que c'est parfaitement faux. Le programme du M5S est tout à fait cohérent et structuré, vous pouvez le lire ici, sur son site. Et surtout, c'est un mouvement intègre, qui a renoncé au remboursement de ses frais de campagne (42.782.512,50 € !) : qui dit mieux ? Le Parti Démocrate ou Le Peuple de la Liberté en Italie ? L'UMPS ou le FN en France ? Personne.

Mais quand même, pour finir, on ne saurait être plus aimable qu'aux Echos. Trop bons, de nous apprendre qu'un économiste italien « de passage à Harvard » (donc, un type important et considéré dans les lieux de pouvoir anglo-saxons, une consécration) juge « que l'"effet Grillo" [peut] encore servir de choc "salutaire" en favorisant, par exemple, l'émergence d'une candidature Renzi au centre-gauche ». Notez le « encore » qui signifie, à l'évidence, « malgré tout », bien plus que « aussi »... Toute une dialectique au service de la création d'un effet.

Car enfin, il faut bien lui trouver une utilité, à ce M5S bien embêtant, hein. Il y a 25 % d'électeurs, de clients, à récupérer, on ne peut pas laisser ça entre les mains d'un comique inutile, d'un populiste démagogue strictement contestataire et pas constructif qui jette l'Italie dans les affres de la crise ! Alors, se dit le journaliste des Echos, faut être tempéré, nuancé ; faut être compréhensif, sympa, cool :

« Revoter ou reculer : c'est aujourd'hui le dilemme italien. La version optimiste est que le M5S peut servir de catalyseur. »

Eclair de génie, ô combien original, jamais vu : l'optimisme, la catalyse ! Il a trouvé, le plumitif diplomate serviteur de la raison ! Voilà à quoi peut servir Grillo-qui-ne-sert-à-rien : à faire advenir une prise de conscience chez l'électeur ! Celui-ci, comprenant que Grillo-ne-sert-à-rien, devra revoter, voter cette fois pour ceux-qui-servent-à-quelque-chose !... Pour ceux qui ont mis l'Italie dans la panade, enfin pour un nouveau visage issu de leurs rangs, pas encore trop vérolé de scandales, mais ça, le scribouillard de service ne vous le dira surtout pas. Bah oui, en France, ce sont les mêmes qui le paient...

Et comment conclut-il, notre moderne Froissart ? Par une douceur conciliante de plus. Ah, ces enfants, quels farceurs ! En font-ils, des bêtises, ces bambins ! Mais enfin, il faut bien que jeunesse se passe et c'est toujours mieux de voter pour de stupides-populistes-qui-ne-servent-à-rien, que de tout casser :

« "Mieux vaut Grillo que la révolution dans la rue", confie un banquier milanais. »

C'est gentil à vous, Monsieur le banquier. Mais continuez comme ça, bande de cons, et vous l'aurez, votre révolution dans la rue.

15:42 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : italie, beppe grillo, goldman sachs, mouvement cinq etoiles, m5s, matteo renzi, parti démocrate, élections, union nationale, système, partitocratie, les echos |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |