Igor Panarine : la spiritualité, fondement du renouveau eurasiatique (07/03/2012)

 

Ci-dessous, la traduction d'un article d'Igor Panarine, l'homme qui a prédit la fin des Etats-Unis (même s'il s'est trompé de date pour cela).

Article, paru dans Russia Today le 02 mars 2012 et qui, dès le lendemain, a fait l'objet d'une très intéressante analyse par Philippe Grasset.


« Bien des événements de l'année 2011 ont explicitement démontré que le monde est entré dans une phase de profonds changement et transformation en ce qui concerne les domaines politique, idéologique, financier et économique. Au moment où la situation économique et les normes sociales aux États-Unis et en Europe continuent de se détériorer, le Nouvel Ordre Mondial est devenu à jamais flagrant en créant un chaos contrôlé. C'est devenu particulièrement évident depuis l'affaire libyenne, quand des membres de l'OTAN ont fait naître un précédent très dangereux à l'intervention dans des nations souveraines et aux semailles du chaos. Aujourd'hui, nous assistons au même scénario en Syrie. Où devons-nous attendre le prochain - en Chine, Inde ou Russie ?

La Russie n'est clairement pas intéressée à déclencher l'instabilité mondiale. Elle prône la transformation au moyen d'un progrès étape par étape, fondé sur une attitude positive. La situation internationale requiert une réponse adéquate de la Russie, particulièrement en termes de création d'un mécanisme de défense contre l'agression des médias étrangers.

Donc, la tâche principale du nouveau chef de la Russie sera de préserver la stabilité de l'Etat et de la société dans un contexte de transformation mondiale complète.

Le président russe devrait d'abord reconnaître que l'idéologie et l'information sont les vulnérabilités de longue date de l'Etat russe, qui ont causé son effondrement à deux reprises au 20e siècle. Par conséquent, il serait utile au développement de l'Etat russe que le gouvernement établisse une idéologie d'Etat (spiritualité, grandeur, dignité) et mette sur pied un mécanisme spécial pour contrer l'agression étrangère des médias, à travers un ensemble de mesures administratives, de relations publiques et médiatiques. Cela permettrait à la Russie de devenir un centre de gravité pan-eurasiatique, en deux sens : économique et spirituel.

En créant une Union eurasiatique, la Russie devrait faire ce qui suit :

- veiller à ce que la scène médiatique de la Russie soit dominée par des valeurs spirituelles et morales ;

- contrer la diffusion de la couverture négative de la Russie dans l'environnement médiatique global, en contestant la distorsion délibérée de l'histoire et des traditions culturelles russes ;

- remplacer la culture de la violence à la télévision russe, par une culture de la spiritualité, du savoir et de la créativité ;

- faire connaître son jugement éthique et spirituel sur le processus de privatisation des années 1990, en mettant en évidence son injustice.

De plus, il est absolument évident que la Russie a un besoin urgent de réformer certaines de ses institutions gouvernementales, afin de garantir leur performance optimale en interagissant avec la société civile. Les réformes devraient être rapides et péremptoires mais, dans le même temps, elles devraient être réfléchies et ciblées.

L'essence de ces réformes devrait devenir le sujet d'un large débat public, impliquant toutes les branches du pouvoir, tous les partis politiques et toutes les institutions de la société civile. Pour cela, des analyses d'experts professionnels seraient indispensables.

Les mécanismes juridiques pour la prise de décisions fondées sur le débat public sont bien connues et consistent en la fonction législative du parlement, ou en un référendum national prévu par la Constitution russe pour les questions jugées d'une importance vitale par le public et le gouvernement. Dans le même temps, le nouveau président de la Russie devra veiller à ce que le débat public reste strictement dans les limites légales. Les Russes ont besoin d'être protégés du genre de pression qu'ils peuvent être amenés à supporter via des manifestations de rue ou de la couverture médiatique. L'objectif stratégique est d'assurer un consensus social, tout en protégeant l'élite politique (et la population) de toute influence négative.

La Russie devrait utiliser le consensus social pour compenser le préjudice subi au cours de la désindustrialisation dans les années 1990. La nation a certes réussi, au cours de la dernière décennie, à devenir la sixième économie mondiale, mais cela a surtout été dû à ses vastes exportations de matières premières, comprenant pétrole et gaz, métaux, bois, etc. Aujourd'hui, la Russie a besoin de lancer une nouvelle industrialisation technologique, afin de réaliser une percée innovatrice et de devenir une des premières économies du monde, pour embrasser un nouveau modèle de développement post-transformationnel connu sous le nom de sixième cycle technologique, qui se concentrerait sur le développement intellectuel, créatif et moral.

La Russie devrait d'abord attirer les ressources financières de son industrialisation technologique, en élargissant son marché intérieur, ce qui le rendrait plus attractif pour l'investissement direct. Une autre source de financement devrait être obtenue en vendant des ressources naturelles en échange de roubles russes.

Un autre objectif-clé est un progrès rapide, pour rendre populaires et respectées en Russie les carrières en sciences et en ingénierie.

Tels devraient être les objectifs prioritaires pour les stratèges politiques du Kremlin. Un efficace soutien des médias contribuerait à l'accomplissement de ces tâches.

Une nouvelle industrialisation technologique serait une grande chance pour la Russie, une opportunité pour les hommes d'affaires d'esprit patriote qui n'ont pas pris part à la privatisation truquée des années 1990, et aussi pour les innovateurs de Russie. Une industrialisation technologique est la seule façon de garantir à la Russie un rang décent dans le futur monde de l'innovation.

Un autre objectif stratégique pour le nouveau président de la Russie est de stimuler la formation d'une Union eurasiatique qui s'étendrait de l'Ecosse à la Nouvelle-Zélande. Le premier bloc de construction supranationale de l'Union a été lancé le 1er février 2012 sous la forme de la Commission économique eurasiatique.

Afin de sauver l'Europe de sa crise actuelle, il semble raisonnable de proposer une commission mixte qui comprendrait à la fois des représentants de la CEE et de l'Union européenne. Le nouvel organisme devrait être axé sur la création d'un espace économique commun s'étendant de l'Atlantique au Pacifique et de l'Ecosse à la Nouvelle-Zélande, en vue de forger un marché pan-continental commun. Dans l'avenir, des institutions de marché supranationales pan-continentales, comme une Commission continentale et une Banque continentale, pourraient être mises en place afin d'assurer une réglementation universelle pour l'Union européenne et l'Union eurasiatique, et de définir l'ordre du jour du développement futur.

En mettant en œuvre les mesures énumérées ci-dessus, en collaboration avec toutes les parties saines du monde entier, le nouveau chef de la Russie serait en mesure de canaliser la transformation mondiale actuelle, loin du chaos contrôlé et vers un développement positif, constructif. »

(Traduction par mes soins. – Reproduction autorisée sous réserve de citer verslarevolution.hautetfort.com en source.)

22:24 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : igor panarine, spiritualité, renouveau, eurasiatique, fin, etats-unis, philippe grasset, transformation mondiale, otan, lybie, ingérence, russie, information, médias, etat, débat public, privatisation, années 1990, réformes, institutions, désindustrialisation, réindustrialisation technologique, sixième cycle, kondratieff, union, commission économique, pan-continentale |  Facebook | |  Imprimer | Pin it! |