Un malheureux accident (31/08/2014)
En Russie, l'usage des médias est réservé à un certain type de bipèdes
Une fois n'est pas coutume, je vais défendre un libéral. Ceux qui connaissent ce blog savent que je suis anti-libéral (ce qui ne veut pas dire communiste ou contre l'entreprise privée) et en seront donc peut-être étonnés.
C'est qu'il y a quand même un minimum de règles à respecter, si on prétend vivre dans une société un tant soit peu civilisée. L'une de ces règles étant la protection des citoyens contre la violence et, a fortiori, contre la violence de l'Etat, puisque c'est celui-ci qui est censé assurer cette protection, en échange du paiement des impôts, etc.
C'est qu'il existe également un minimum de règles sociales entre êtres humains un tant soit peu civilisés, sauf à être une brute néanderthalienne (N.B. : les Néanderthaliens n'étant plus là, ils ne peuvent pas me contredire si je me trompe ; or, il faut bien une image pour décrire ce que je veux dire et il se trouve que j'ai trop de respect pour les porcs pour les comparer au type de soi-disant humains auxquels je pense). Ce minimum consiste, entre autres, à ne pas exercer de violence contre un autre être humain, sinon pour se défendre ou pour réprimer un comportement contraire à l'éthique élémentaire.
Bref, le libéral dont il sera question ici s'appelle Lev Shlosberg et est membre du parti libéral russe Iabloko, lequel, vu ses faibles scores nationaux et son absence de représentation au Parlement, ne constitue pas vraiment une menace pour le pouvoir.
Vu son nom, Shlosberg est probablement juif ou, au moins, d'ascendance paternelle juive, ce qui ne manquera pas, outre son affiliation politique, de déclencher les sarcasmes des phacochères intellectuels de la « mouvance », comme j'en connais quelques-uns, dont, par exemple, ceux qui ne cessent de parler de moi sur un blog ami dont je suis pourtant parti pour les laisser entre eux. Il est vrai que la suspicion pavlovienne remplace, chez ces initiés aux grands mystères débilo-complotistes, la perspicacité qui leur fait défaut.
Le 27 mars 2014, lors d'une session de l'assemblée des représentants de l'oblast de Pskov (là où le pouvoir russe vient d'enterrer en douce des soldats tués en Ukraine, censés ne jamais y avoir mis les pieds), Shlosberg, qui est l'éditeur d'un journal local et un élu de cette assemblée, s'en était courageusement pris au gouverneur Andreï Tourchak, lui reprochant la corruption régnant au sein des pouvoirs publics, ayant ruiné l'oblast, et évoquant l'évolution dictatoriale de la politique russe :
(04.09.2014 - La version sous-titrée en anglais a été virée par YouTube. J'ai mis la version en VO, mais franchement, cela fait deux vidéos dans la journée, difficile de ne pas y voir une grosse main russe...)
Or, cet homme vient d'être agressé et sérieusement blessé par des inconnus près de chez lui, le 29 août 2014 dans la soirée, après avoir parlé, dans son journal, des mystérieux enterrements de soldats. Il a dû être hospitalisé, avec un traumatisme crânien, le nez cassé, des contusions et des blessures oculaires.
Son parti émet l'hypothèse que cette agression est soit en lien avec l'article paru dans la Pskovskaya Goubernia, journal édité par Shlosberg, relatif à ces enterrements de soldats (ce qui est la thèse de la victime), soit consécutive au fait qu'il s'était fait beaucoup d'ennemis en révélant que les élus municipaux qui lui avaient donné leur signature en faveur de sa candidature au poste de gouverneur de l'oblast lors des prochaines élections (auxquelles il lui a, en définitive, été interdit par les autorités de se présenter), avaient été menacés et intimidés.
Nul doute qu'en réalité, tout cela n'est qu'une mise en scène de la CIA ou, tout simplement, un malheureux accident. La corruption érigée en système, les pratiques mafieuses et les mensonges d'Etat, dans la Russie du vertueux Poutine, ça n'existe pas, non ?
03:10 Écrit par Boreas | Lien permanent | Tags : civilisation, violence, russie, pskov, lev shlosberg, iabloko, andreï tourchak, corruption, agression | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
En effet, l'héroïsme de cet homme mérite un grand coup de chapeau.
L'agression dont il a été victime ne nous étonne pas.
J'espère qu'il va s'en sortir.
Mais pour combien de temps ?
C'est vraiment terrible de se rendre compte que nous avons été le jouet de terribles illusions sur Poutine. Enfin, moi du moins.
Nous nous en sommes sortis, mais tant d'autres en sont restés à leur admiration du supposé "homme fort" dont l'Europe aurait besoin.
J'espère que des yeux vont s'ouvrir.
Écrit par : Carine | 31/08/2014
Voilà ce qu'a, notamment, publié le journal de Shlosberg :
http://euromaidanpress.com/2014/09/03/russian-soldiers-fighting-in-ukraine-describe-scale-of-russian-losses-theyve-downed-the-whole-company/
Je comprends qu'on ait essayé de le faire taire !
Écrit par : Boreas | 03/09/2014
Et voilà un long entretien avec Lev Shlosberg, paru dans la Novaya Gazeta (le journal russe qui employait Anna Politkovskaïa) et traduit en anglais :
http://euromaidanpress.com/2014/09/05/pskov-councilman-tells-about-russian-soldiers-killed-in-ukraine-they-werent-just-deceived-they-were-humiliated/
Écrit par : Boreas | 05/09/2014